Jaynet Kabila et Jill Biden

En visite en RDC, Jill Biden, l’épouse du vice-président américain Joe Biden, s’est entretenue a le vendredi 4 juillet à la Fondation Mzee LDK avec Madame Jaynet Kabila, sœur jumelle du président Joseph Kabila et coordonnatrice du Centre Régional des Recherches et de Documentation sur les Femmes, le Genre et la Construction de la paix dans la Région des Grands Lacs.

Officiellement, selon James Swan, Ambassadeur des USA en RDC qui accompagnait Mme Biden, cette rencontre a tourné autour du sujet de l’éducation de la femme congolaise. Dans ce cadre, Jill Biden a promis le soutien des Etats-Unis d’Amérique aux femmes de la République démocratique du Congo pour leur épanouissement multi sectoriel.

Une diplomatie de l’ombre pour faire passer autrement le message ?

Comme nous le savons, depuis que Barack Obama a mandaté son représentant spécial en Afrique des Grands-Lacs à transmettre à son homologue congolais, Joseph Kabila, un message clair l’invitant à ne pas briguer un nouveau mandat, plusieurs émissaires de haut rang américains et internationaux sont également passés à Kinshasa pour délivrer le même message.

Vraisemblablement, Kinshasa n’aurait pas émis de signaux clairs aux américains devant les rassurer quant à l’intention de Kabila de quitter la scène politique en 2016. C’est ce qui expliquerait cet incessant ballet diplomatique pour contraindre Kabila à se conformer au diktat américain. Mais ce dernier, en analysant son allocution du 30 juin 2014, ne compte pas se laisser dicter la marche à suivre en matière électorale ou de l’alternance au pouvoir. Ce qu’il a affirmé avec force en ces termes : « Il va sans dire que, chemin faisant, nous veillerons ensemble à la consolidation de notre jeune démocratie que nous avons tous l’obligation de mettre à l’abri des dérapages auxquels pourrait l’exposer toute précipitation. Je demande donc à notre peuple de ne pas céder au chantage et d’appuyer toutes les institutions de la République, notamment la Commission Électorale nationale indépendante qui a reçu la mission d’organiser les élections dans un climat apaisé. »

Ainsi, lorsque la diplomatie officielle bat de l’aile, c’est souvent la diplomatie parallèle de l’ombre qui prend le relai. C’est sans doute ce qui explique la récente visite de Jill Biden à Kinshasa.

Pourquoi Jaynet et pas les organisations travaillant à l’est sur le terrain du viol ?

DESC s’étonne que Jill Biden ait choisi Jaynet Kabila, une proche du pouvoir et d’un régime dont l’armée récèle des violeurs, pour soutenir les projets éducatifs majoritairement pris en charge et assurés avec succès par plusieurs organisations de la société civile congolaise ayant pignon sur rue.

DESC ayant recueilli les avis de certains analystes congolais, ceux-ci craignent que cette visite soit une manière pour les Etats-Unis, de se voiler la face en revoyant leurs souhaits à la baisse. Selon ces observateurs, les américains pourraient se contenter de voir le régime Kabila survivre sans Kabila. C’est la raison pour laquelle ils ont dépêché Jill biden pour préparer le terrain de 2016 en 2016.

Contacté par DESC, un expert militaire canadien d’origine congolaise, travaillant souvent avec ses homologues américains et habitué au décryptage du langage de la sémantique diplomatique des nord-américains, fait pour sa part une autre lecture de cette visite. Une analyse que partage entièrement DESC, même si dans les stratégies alternatives du régime de Kabila de conserver le pouvoir au-delà de 2016, Jaynet Kabila est, selon certaines sources présidentielles, citée comme une alternative à son frère jumeau parmi d’autres prétendants comme Minaku ou Kengo. Nous livrons ici l’analyse de l’expert canadien:

« Visite insolite mais je pense que des signaux de plus sont envoyés à Kabila dans le sens de lui faire comprendre de partir. L’explication donnée sur la raison de la visite de la deuxième dame des USA, c’est du mensonge: « Elle voulait échanger avec l’honorable Jaynet Kabila à propos de l’importance de l’éducation, la santé et la participation politique des femmes au Congo». Le message qui a été transmis est du genre si le frère ne comprend pas, on parle à l’influente sœur en lui faisant comprendre en passant que c’est toute la famille qui va payer si le frère s’entête. La lecture du non-verbal sur la photo me montre le caractère froid de la visite entre les deux dames. Si c’était une visite telle que décrite dans l’article ci contre : http://radiookapi.net/actualite/2014/07/04/kinshasa-jill-biden-sengage-soutenir-les-femmes-de-la-rdc/, la photo aurait été plus chaleureuse. Cela ne trompe pas, je sais de quoi je parle. »

A ce propos, DESC confirme que le choix de Jaynet Kabila n’est pas anodin. Selon plusieurs analystes sociopolitiques sérieux, Jaynet Kabila exerce une influence considérable auprès de son frère. Même le respectable professeur Theodore Trefon l’a souligné dans son ouvrage : Congo, la mascarade de l’aide au développement, p.50. Jugée posée et réfléchie avec un background intellectuel largement plus élevé que son frère soldat, les américains estiment que le message passera mieux lorsque Jaynet le transmettra à son frère que s’il s’agissait de Mende ou d’autres marchands d’illusion qui incitent le ‘rais’ à l’aveuglement politique.

La diplomatie parallèle permet de de dénouer des situations politiques ou de préparer des évolutions politiques, parfois majeures, dans une discrétion que ne permettent pas les canaux diplomatiques traditionnels. Le Département d’État américain dispose aux USA et dans le monde d’un vaste réseau des cercles d’influence, composé d’intellectuels, de journalistes, d’hommes d’affaires, anciens diplomates et hommes politiques, des personnalités issues du monde sportif, académique, culturel et des ONG , etc pour mener ces actions en appui de la diplomatie officielle et publique.

Un expert militaire occidental, spécialiste des questions congolaises, qui était en mission de travail en RDC entre fin juin et début juillet, parle lui d’un bras de fer américain et d’un acharnement du SRSG (Special Representative of the Secretary-General ), allusion à Martin Kobler, qui se croirait encore en Irak. Et d’ajouter : « pourquoi s’acharner sur la RDC ? Sassou prépare calmement son troisième mandat, en ayant viré des congolais et par conséquent, ce qu’on ne mentionne nulle part, des expatriés (issus des mariages mixtes) bien impliqués dans le commerce« .

Jusqu’où irait cet acharnement américain si Kabila maintient son souhait, dévoilé à son entourage, de se maintenir au pouvoir à l’échéance de son mandat en 2016? Quelle attitude va-t-il adopter face à l’invitation faite par le président africain au sommet Etats-Unis – Afrique d’août 2014? Ce sont là des questions que les analystes de DESC ne manqueront probablement pas de décrypter prochainement. Entre-temps, chacun campe dans ses positions dans cette épreuve de force qui ne dit pas son mot et dont DESC reviendra sans doute prochainement sur les stratégies de Kabila de contraindre les Etats-Unis à accepter le fait accompli!

Jean-Jacques Wondo / Exclusivité DESC