Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 31-05-2013 06:55
11332 | 0

Les Congolais ont un grand devoir de réussir à travers la concertation nationale de construire ensemble le leadership national du pays – Prof. PhilippeBiyoya

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Les concertations nationales : des vues neuves pour un nouveau Congo du monde global

Par le prof. Philippe Biyoya Makutu Kahandja, directeur de l’Institut  Panafricain des Relations internationales et Stratégiques

Un agenda pour les concertations nationales ou pour le Dialogue est nécessaire si nous voulons construire ensemble et pour la première fois notre cohésion nationale. Il nous faut certainement un agenda spécial qui ait la force et le mérite de nous accorder parce que certains d’entre nous estiment avec raison légitime que celui constitué par des consultations du Secrétaire Général de la majorité présidentielle et président de l’Assemblée nationale pourrait ne pas suffire à refléter l’attente générale d’un nouveau départ et des engagements nouveaux pour un nouvel avenir national.

Un tel agenda consensuel ne devrait pas être le condensé de nos ambitions ou de nos peurs partisanes légitimes qui ont souvent bloqué par le passé, l’élan national de changement radical. Il ne devrait pas non plus être un catalogue de bonnes intentions d’une gouvernance moralisée plus ou moins et truffée de fausses confessions de maux qui nous rattrapent et nous replongent dans l’incurie. Il faut faire plus et nous concerter autour de ce paradoxe qui étonne toute l’humanité, celui d’un grand pays d’Afrique noire au centre du Continent et parmi les plus peuplés et les plus pourvus en ressources naturelles, malheureusement devenu le ventre mou de toute l’Afrique. Un pays qui attise les convoitises de toutes les nations du monde et surtout de grandes nations industrielles et de celles voisines confrontées à la misère et à la pauvreté mais dont on entoure les fréquentations de précautions pour éviter de déboucher sur une guerre interminable.

Un agenda spécial pour ces concertations parce que c’est sur fond d’une crise régionale se déroulant en territoire congolais sous forme des guerres insurrectionnelles à répétition, guerres récurrentes régionalisées à travers lesquelles s’affrontent non seulement  les destins des pays voisins et celui du Congo mais aussi, ceux de tous les pays partenaires régionaux et internationaux de la RD Congo. C’est pour cette raison que la Communauté internationale s’associe aux Congolais pour un accompagnement des concertations congolaises avec pour objectif le règlement définitif de la crise régionale récurrente qui bloque et tend à décourager les incessants efforts d’un redressement congolais par ses voies et moyens propres et malheureusement sans stratégie nationale de prise en charge et de gestion des contraintes externes hostiles. Cet accompagnement de la Communauté internationale à travers l’Accord-cadre d’Addis-Abeba assorti de la résolution 2098 du Conseil de Sécurité ne serait pas perceptible de tous et surtout de ceux que les rapports de force dans la région en ces moments écrasent ou étouffent intellectuellement et qui ne réclameraient qu’une guerre du monde contre nos méchants voisins. Beaucoup doutent de la sincérité de l’engagement de la Communauté internationale.

Il m’a donc semblé indiqué qu’en ce moment où la nation congolaise s’apprête à aller au dialogue ou aux concertations nationales pour construire ensemble notre cohésion nationale de paix, de sécurité et de coopération régionale avec l’accompagnement de l’Organisation des Nations Unies que nous exigions des uns et des autres de nous mettre en garde contre nos folles habitudes de réunionites qui ruinent à chaque rendez-vous pris avec l’histoire les chances de succès de nos entreprises politiques.

Je voudrais que tous sachent et comprennent que la rencontre avec l’histoire ne va pas sans précautions, parce que l’histoire ne pardonne pas aux imprudents et aux insouciants selon que l’écrivain russe Tolstoï nous enseigne que ce ne sont pas les hommes qui font l’histoire mais que c’est plutôt l’histoire qui fait de certains hommes qu’ils deviennent de grands hommes. Allons-y cette fois à la rencontre de l’histoire du destin africain et mondial de la Rdc dans un nouveau contexte avec force d’esprit, d’intelligence et de sagesse, pour infléchir la folle marche d’une autre histoire de la mondialisation qui s’efforce à ravaler le Congo au bas niveau de petites nations. Il n’y aurait plus jamais de grand Congo et de grands leaders politiques congolais si ensemble nous ne parvenons pas à relever ce défi et à ainsi conjurer le mauvais sort qui hante depuis bientôt deux décennies la République du grand fleuve. Nous n’y arriverons qu’en travaillant d’abord et surtout sur nous-mêmes, sans négliger de découvrir les forces et les faiblesses des autres. Dans cette affaire, notre pire ennemie, c’est la routine ; ce sont les habitudes du pouvoir facile, les habitudes du pouvoir clientélisé. Nicolas Machiavel a enseigné que l’essentiel, c’était pas l’acquisition du pouvoir mais plutôt sa conservation dans sa relation avec sa finalité d’un service au profit des populations et du monde. Ceux qui par le passé ont bénéficié des faveurs de ces hasardeuses conjonctures devraient aujourd’hui s’en émanciper. C’est peut-être là, la chance que nous avons ce jour de réunir au dialogue ce qui nous reste de la génération de l’indépendance avec ceux qui se réclament de la Conférence Nationale et ceux qui sont nés des révoltes militarisées, luttes de libération et autres mouvements armés.

Seul un agenda de concertations qui permette l’intégration complète et parfaite de tous ces horizons et profils politiques nous aidera à finalement sortir la tête de l’eau.

Cet agenda, je le construis à partir d’une relecture de l’histoire qui aurait mal construit nos comportements et mentalités politiques (notre culture politique) et qui sert de miroir au regard étranger qui nous catégorise et nous dénie nos mérites. Cette histoire est celle avant tout de l’équation du généralisme belge, Janssens, de changement sans mutations ; d’évolution politique et institutionnelle sans révolution, d’immenses dotation des ressources naturelles sans prospérité, développement ni progrès. Nos pratiques politiques, notre culture politique et nos combats politiques ou nos batailles économiques et militaires n’ont jamais été pour démentir ce curieux jugement de notre capacité politique et intellectuelle à devenir les maîtres de notre destin.

Il ne nous est jamais venu à l’esprit de nous demander d’où lui était venue cette inspiration et nous n’avons jamais travaillé à le démentir. Bien au contraire, à longueur des journées et au fil de temps, nous avons guerroyé à nous détruire mutuellement et à déconstruire notre destinée nationale.

Démentir ce fatalisme, cette équation fatidique regrettable doit être des objectifs centraux, voire stratégiques de notre système de gouvernement national.

Pourrions-nous nous accorder à relever ensemble ce défi lancé à toutes les générations, à tous les enfants du Congo par un méchant colon pour l’obliger à se repentir ?

L’autre élément de l’agenda spécial, c’est la relecture d’une autre histoire du leadership de notre dernier dinosaure, le Maréchal Mobutu dont le nationalisme et le charisme pour avoir fait cohabité la dictature avec le sous-développement ont conduit certains d’entre nous à imaginer la délivrance à travers ce que l’on a appelé la « géopolitique ». La géopolitique congolaise au lieu d’inviter à la construction de la puissance nationale aura plutôt détruit l’idée de la grande nation congolaise du rêve du Maréchal Mobutu pour ouvrir la fameuse boîte de pandore du tribalisme, des rivalités régionales ou provinciales alors que les provinces qui nous revendiquons n’étaient pas et ne sont des entités viables administrativement, économiquement ni sur le plan de sécurité pour celles qui étaient à la limite de nos frontières internationales. La géopolitique a piégé notre destin national. Nous avions raison de refuser la dictature et de récuser le sous-développement. Mais comment pensions-nous construire une démocratie politique et économique en dehors du rêve et de l’engagement à construire une grande nation congolaise ? Pourrions-nous aujourd’hui que nous parions l’émergence économique revenir à ce vieux et beau rêve que célèbre notre hymne national ? Bâtir un pays plus beau qu’avant n’est pas qu’une question du plaisir des yeux ; ça veut dire avoir un Etat fort et une nation dynamique et prospère et un peuple engagé et mobilisé. C’est là une vérité et un impératif qui doit nous rassembler autour de cet héritage commun.

Ces deux premiers éléments de l’agenda montrent qu’une concertation nationale visant en ce jour la cohésion nationale quelle que soient les raisons tactiques ou stratégiques du pouvoir qui la convoque ne fera date dans l’histoire que si elle produit au finish des vues neuves, des idées nouvelles qui fassent rêver vieux et jeunes et qui créent des attentes chez les voisins et les partenaires. Ces idées nouvelles ne doivent pas nécessairement provenir d’un camp mais de nous tous. Et celles-ci découleront certainement de notre lecture des temps nouveaux, temps régional et mondial. Lumumba, Kasa-vubu, Tshombe et Mobutu ont eu des ambitions et fait des erreurs autour de l’espoir que l’Afrique entière plaçait dans le rôle africain et mondial de la Rdc célébré par Frantz Fanon dans la gâchette du revolver-afrique. Mais aujourd’hui, ce rôle fait l’objet de réinterprétation par les pays voisins. Il ne nous arrive pas de nous interroger quant aux voies et moyens pour la Rdc de demeurer au cœur géographique et humain de l’Afrique et des africains. Notre belle impératrice ne souffrirait-elle pas du mal d’incommodités vestimentaires ? Est-ce que les robes et les vestes que lui avaient tissées ses admirateurs et amoureux lui conviennent-elles encore pour paraître encore toujours splendide ? Le monde dans lequel elle était la gâchette a depuis changé et ce changement obligeait à lui changer aussi de look. Pourrions-nous le comprendre pour lui inventer une nouvelle identité (géopolitique), la revêtir d’une nouvelle parure, lui trouver une nouvelle vocation et la destiner à un nouvel avenir ?

La RDC de réputation réservoir des matières premières, source des convoitises étrangères, nation sous-continent, ne doit-elle pas se réinventer dans le nouveau contexte du monde global ? Dans un monde de grandes connaissances et de grands savoirs à travers les nouvelles technologies de l’information et de communications et où des produits de substitution aux matières premières sont possibles y aurait-il avantage à être un réservoir du monde ? Et lorsque la mondialisation fait sauter les frontières, quel avantage y aurait-il à être un pivot stratégique ou à se prévaloir de la multi appartenance régionale, lorsque les délocations imposent la géoéconomie ? Pourrions-nous nous mettre d’accord pour renouveler notre politique étrangère régionale et internationale ensemble ? L’autre plus grand handicap et colosse ennemie, c’est la politique étrangère qui reste la corde qui nous enchaîne et qu’il nous faut impérativement couper. C’est un défi global qui nous oblige à agir ensemble.     

Il y a un grand devoir pour nous de réussir à travers la concertation nationale de construire ensemble le leadership national du pays.

Trois grandes idées neuves, celles que nous venons d’exposer, d’un agenda rassembleur et vitalisant des concertations nationales pour un exorcisme collectif.

Il nous faut agir sur les clichés qui collent à notre peau et qui appartiennent à une histoire écrite par les regards des autres. Il est temps pour le Congolais  de répondre au mot d’ordre de Patrice Emery Lumumba d’écrire une autre histoire du Congo. Celle que nos batailles politiques et militaires d’aujourd’hui peinent à écrire. Le changement radical ne doit plus être voulu par quelques uns mais par tous, parce que tout ce qui nous est arrivé, l’aura été parce que nous n’avons pas réussi à travailler ensemble et chercher à conquérir le monde ou ses marchés économiques et commerciaux.

Ce défi est à notre portée, nous devrions le relever ensemble.

Prof. Philippe Biyoya Makutu Kahandja

Directeur de l’Institut Panafricain des Relations Internationales et Stratégiques

Le Phare, 30 mai 2013

0

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DROIT & JUSTICE | 23 Sep 2025 04:22:56| 161 0
RDC : Jean-Jacques Wondo dépose plainte en Belgique pour menace de mort
Il y a dix jours, un journaliste congolais critique du régime Tshisekedi a été violemment agressé à Tirlemont. “Les menaces… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 04:22:56| 649 0
Un hommage poignant de JJ WONDO à sa fille MAZARINE WONDO en ce jour d’anniversaire, malgré l’injustice de son incarcération
"Joyeux Anniversaire à la très inspirée et exceptionnelle MAZARINE WONDO. Je t'envoie plein de Bisous,d'Amour et de Bénédictions. Nous sommes… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 04:22:56| 1530 0
RDC : Dossier Jean-Jacques Wondo, la défense contre-attaque et démonte toute l’accusation
Le dossier de la téléphonie sur lequel repose l’accusation apparaît comme un enorme montage pour accuser l’expert belge. Le procès… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 04:22:56| 780 0
HONORABLE PATRIOTE SERGE WELO OMANYUNDU DANS NOS COEURS
Ce 5 novembre 2024, cela fera un an que le Député Honoraire Serge Welo OMANYUNDU nous a quittés.Nous, sa famille… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK