Jean-Jacques Wondo Omanyundu
GÉOPOLITIQUE | 24-06-2016 16:30
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Les confidences de DESC : Kabila tancé par Zuma à Pretoria ? – Mort d’homme à Lubumbashi…

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Les confidences de DESC

Visite éclair de Kabila en Afrique du Sud

Le Président Kabila a effectué un voyage aller-retour le mercredi 22 juin à Pretoria pour rencontrer Jacob Zuma en privé. Seul Kalev Mutond, le DG de l’ANR, le service de renseignement civil, a fait le déplacement avec lui pour éviter les fuites. Aucun autre conseiller ne l’a accompagné en RSA, sauf quelques gardes du corps zimbabwéens triés sur le volet. Son avion a décollé de l’aéroport de Luano à 6 heures du matin et le retour à Lubumbashi était à 22 heures locales.

Selon des indiscrétions parvenues à DESC, les autorités sud-africaines sont mécontentes et déçues par l’attitude du président Kabila et de son entourage par rapport au durcissement de leur position vis-à-vos Moïse Katumbi : tentatives de neutralisation définitive de la scène politique avec des condamnations judiciaires « bidons ». Il semble que même madame Dlamini Zuma, Présidente de l’UA (ancienne épouse de Jacob Zuma) ne comprend pas les agissements de Kabila qui la journée appelle au dialogue et la nuit, il fabrique des des procès politiques contre ses rivaux pour les neutraliser. Pour elle, on ne peut pas appeler les autres (opposition) au dialogue par la main gauche tout en tenant une grosse barre de fer à la main droite. C’est injustifiable, selon la confidence d’Edem Kodjo à un diplomate africain. Edem Kodjo dépend de madame Zuma qui l’a désigné comme médiateur en RDC.  Madame Zuma continue d’entretenir des relations très amicales et cordiales avec son ex-mari (Jacob Zuma) dont l’activisme diplomatique a été positif en faveur la RDC ces dernières années.

Par ailleurs, on peut interpréter cette situation comme une mise en garde de l’Afrique du Sud – poste géostratégique et diplomatique avancé des USA en Afrique  depuis les année 1990 – envers Kabila. Mais cela pourrait aussi être un indice du soutien tacite du pays de Mandela envers Katumbi qui entretient d’excellentes relations avec le monde des affaires et financier de l’Afrique du Sud dont les investissements au Katanga ont connu une croissance rapide durant la période de gouvernance du Katanga par Moïse Katumbi.

Kabila-Zuma

On se rappelle qu’en octobre 2015, l’ex-Katanga a fait l’objet des dessous de la visite de Jacob Zuma à Kinshasa. Au-delà des accords sur le projet du barrage d’Inga et de la symbolique anniversaire des dix ans d’un accord global signé entre l’Afrique du Sud et la RDC, selon une source sécuritaire : « Zuma est surtout venu s’enquérir de la situation sécuritaire en RDC et plus particulièrement de l’ex-Katanga, notamment en rapport avec la désertion des éléments GR ». Une détérioration de la situation sécuritaire au Katanga risque de menacer aussi directement à la fois les intérêts économiques sud-africains et les ressortissants sud-africains dans la province. Deux autres points à l’ordre du jour de la visite président sud-africain, Jacob Zuma, à Kinshasa, étaient la question de la visite sécrète de quatre jours, du 9 au 12 octobre 2015, du président Kabila à Pyongyang, en Corée du Nord et la reprise de l’exportation de l’uranium congolais vers la Corée du nord via le Pakistan. Ces activités ont été interceptées par les services secrets américains. « La preuve que la réunion était hautement sécuritaire, le président Zuma était accompagné du Directeur général du SASS (South African Secret Service), Batandwa Siswana et  tout son staff était à Kinshasa pour échanger avec les services congolais de renseignement par rapport à la situation sécuritaire générale inquiétante au Katanga ». [1]

Depuis un certain temps, on constate une certaine méfiance de Kabila envers les services de sécurité congolais. Il est de plus en plus conseillé par les services russes du FSB.

Déjà en avril dernier, alors qu’il était annoncé pour assister à la prestation de serment du président congolais Denis Sassou Nguesso, le samedi 16 avril 2016, Joseph Kabila a dû interrompre brusquement son voyage vers Brazzaville bien que l’équipe d’avance de la Garde républicaine s’y était déjà lourdement déployée et lui a donné le feu vert. Le président Kabila avait annulé cette visite en toute dernière minute et a préféré rester à Lubumbashi, tout en dépêchant son commis Aubin Minaku, le président de l’Assemblée nationale, pour le représenter à Brazzaville. Aucun motif particulier n’a été donné pour expliquer cette annulation de dernière minute. Selon nos informateurs, Joseph Kabila était arrivé lui-même à l’aéroport de Luano à Lubumbashi et a brusquement décidé de regagner sa résidence lushoise de la Ruwe alors que les équipes déployées à Brazzaville avaient assuré que la sécurité était très bonne et garantie, après analyse et évaluation des menaces potentielles[2].

Les deux scénarios illustrent l’état de panique qui habite le président congolais en cette période de fin de son mandat. Si, d’une part, ses services lui ont donné des garanties maximales sur sa sécurité et que Kabila ait refusé de les suivre et, d’autre part, le président Kabila ait décidé de se rendre à Pretoria sans son dispositif sécuritaire congolais habituel, cela laisse supposer qu’il se méfie des services de de sécurité congolais. Des sources nous signalent des défections parmi les éléments de sa garde rapprochée et un projet de nettoyage des éléments non katangais de la GR et des postes clés du dispositif sécuritaire de Kabila.

Il n’est dès lors pas étonnant qu’il évalue désormais les menaces sécuritaires avec d’autres services non congolais et non connus par son pré-carré sécuritaire dont il se méfie de plus en plus. Il sied de rappeler qu’avant son assassinat, son prédécesseur Laurent-Désiré Kabila ne cachait plus sa méfiance envers les éléments de la GSSP, sa garde rapprochée.

Mort d’homme dans l’affaire Katumbi – Emmanuel Stoupis

Au-delà de l’aspect judiciaire de l’affaire Katumbi – Stoupis, ce dossier a pris d’autres tournures inquiétantes.

Tout ce qu’on sait d’Emmanuel Alexandros Stoupis est qu’il fait des affaires dans les secteurs de l’immobilier et de la construction. Stoupis dans sa plainte avait déclaré que le bien immobilier appartenait à sa mère et Katumbi aurait falsifié les documents. Le grand frère de Katumbi, M. Raphaël Katebe Katoto, affirme de son côté avoir acquis ce bien auprès de la SONAS (Société Nationale des assurances). Dans un procès expéditif, Katumbi a été condamné par défaut à 36 mois d’emprisonnement et à une amende de 1 000 000 de dollars américains. Ses avocats ont décidé d’interjeter appel.

Des sources proches de l’ANR admettent qu’Emmanuel Stoupis est un monsieur répugnant et malhonnête, C’est l’un des amis très proches de Kalev et c’est depuis des années. C’est pourquoi Kalev l’a utilisé contre Muyambo et aujourd’hui contre Moïse Katumbi. Stoupis est également un des sérieux et importants correspondants de l’ANR dans le Haut-Katanga.

Par ailleurs, cette sordide affaire d’immeuble de Moïse Katumbi a pris une tournure macabre. L’ingénieur congolais, gérant de l’immeuble querellé occupé par Moïse Katumbi a été assassiné de façon crapuleuse par balles par des hommes armés non identifiés dans la nuit du dimanche 19 juin à lundi 20 juin, non loin de chez lui sur l’avenue Frangipaniers, au quartier Bel-Air, commune de Kapemba à Lubumbashi. Il se nomme ingénieur Jules Ngwenene Kyanguya. Sa dépouille mortelle a été entreposée à la morgue de l’hôpital général Jason Sendwe à Lubumbashi. C’est un kinois originaire de l’ex-province du Bandundu qui était allé s’installer à Lubumbashi pour cause d’études et de travail. Il était marié à une katangaise de l’ethnie Bemba comme Moïse Katumbi. Ses parents résident à Kinshasa dans la commune de Bandalungwa.

Son assassinat est-il lié à l’intention de dissimulation des preuves ou à l’élimination d’un témoin gênant ? A qui profite ce crime odieux ? Pourquoi le pouvoir s’agite-t-il ces derniers temps en instrumentalisant la justice ? Jusqu’où Kabila et Kalev iront-ils dans cette dérive anti-démocratique ? Telles sont les questions dont les réponses éclaireront sans doute les événements à venir, qui risquent de s’accélérer à une vitesse supersonique dans les prochains mois.

19 Ethiopiens morts dans un conteneur : Le Haut-Katanga, la plaque tournante de l’immigration clandestine vers la RSA

Selon Radio Okapi du 18 juin 2016, dix-neuf Ethiopiens sans papiers ont été retrouvés morts asphyxiés jeudi 16 juin dans un conteneur dans la brousse à 7 km de la localité de Mwenda vers la cité frontalière de Mokambo, province du Haut-Katanga. Dans le même conteneur, il y avait 75 survivants. D’après des sources locales, il s’agit de clandestins qui provenaient de la Zambie vers l’Afrique du Sud, en passant par le territoire congolais. Le gouvernement provincial du Haut-Katanga a dépêché une mission d’enquête à Mokambo depuis jeudi 16 juin. (…) Les mêmes sources précisent que le camion se rendait dans la ville zambienne de Ndola pour déposer ces clandestins, qui devraient par la suite prendre un autre conteneur en direction d’Afrique du Sud. Et ce camion, dont tout l’équipage serait zambien, a pris un raccourci, en traversant la frontière pour entrer en RDC.

(…) Contacté par Radio Okapi, le ministre provincial de l’intérieur a confirmé l’information et annonce l’ouverture d’une enquête sur ce sujet.

Selon les informations recueillies par DESC auprès des autorités frontalières, la ville de Lubumbashi est devenue ces derniers temps une plaque tournante de l’immigration clandestine des somaliens et des éthiopiens vers la République sud-africaine. Ces filières d’immigration clandestine partent du Kenya, transitent par la Tanzanie puis la RDC (Lubumbashi) vers la Zambie et la Zimbabwe pour atteindre enfin l’eldorado sud-africain. Tous les services de sécurité congolais sont au courant de ces trafics, mais pour le moment rien ne fait pour démanteler cette filière qui est très rentable – au moins 4000 € pour le prix du voyage par clandestin – du Kenya jusqu’en Afrique du Sud. La DGM et l’ANR ferment les yeux car elles reçoivent aussi une partie des frais liés à ce trafic clandestin. Cependant la crainte est que l’on retrouve des miliciens Shebab, alliés à l’Al-Qaïda parmi ces clandestins somaliens et éthiopiens qui pourraient aussi se perdre dans les savanes katangaises.

Infos compilées et analysées par Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC

Références

[1]  http://afridesk.org/fr/rdc-une-situation-politique-et-securitaire-pre-explosive-dans-lex-katanga-jj-wondo/#sthash.BvmxDlOn.dpuf.

[2] http://afridesk.org/fr/les-dessous-du-sejour-de-kabila-a-lubumbashi-du-13-au-18-avril-2016-desc-confidentiel/#sthash.YLU1XJ4H.dpuf.

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