Les Armées au Congo-Kinshasa – Recension du Général ambassadeur Ambroise Malu-Malu
Remarque Générale : En décidant de publier cette recension, la finalité de l’exercice n’est pas de susciter une polémique négative destructrice creuse mais bien de confronter les avis et points de vue des uns et des autres afin de permettre une meilleure compréhension de l’évolution de la situation sociopolitique et sécuritaire de la RD Congo. Cette initiative reste compatible à la devise du DESC : « Connaître pour Agir ». La tribune DESC reste évidemment ouverte à toute personne qui voudrait réagir ou apporter des précisions dans une dynamique constructive. Jean-Jacques Wondo.
Le Général Ambroise Malu-Malu était l’attaché militaire en Belgique. Il a également été le Commandant des troupes congolaises à Ndjamena au Tchad, dans le cadre des forces interafricaines de l’OUA) avec une Brigade des FAZ, où il était secondé par le feu Général Gabriel Amela Lokima Bahati, ancien de l’ERM et Gendarme, décédé en septembre 2013.
1. Introduction
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre ouvrage, consacrée aux Armées au Congo – Kinshasa. Ce document riche en enseignements mérite des félicitations les plus sincères.
L’avant-propos, de Major er, Jan Vansenevant, confirme d’ailleurs l’importance des faits relatés dans votre livre.
Pour le besoin de l’histoire, il a paru nécessaire de vous donner une opinion personnelle de l’armée nationale sans déformation, afin de permettre à nos progénitures de connaître les réalités dans leur contexte.
2. Voici quelques observations faites pendant ma lecture :
- Page 67. Le Général Ben Kethani (Décédé) est Marocain et non Tunisien
- Page 70. – Le Centre Supérieur Militaire en 1969, forme des Techniciens d’état-major (TEM) et non des Brevetés d’état-major (BEM). Le premier Commandant du Centre Supérieur Militaire fut le Colonel BEM (belge) Hardenne, mon ancien professeur de tactique générale à l’Ecole de guerre belge.
- Page 72. Lorsque Mobutu termine son service militaire à la Force Publique, il est sergent comptable. Il sera engagé comme journaliste dans « l’Avenir ». Lors de la table ronde en 1959 à Bruxelles, Mobutu rencontre le futur Premier Ministre, Monsieur Patrice Emery Lumumba. Lors de la formation du premier gouvernement, Mobutu sera nommé Secrétaire d’Etat, attaché au Cabinet du Premier Ministre. C’est lors de la mutinerie des troupes de la garnison de Kinshasa que le Premier Ministre nomme Mobutu, Colonel, et Chef d’Etat-major de l’ANC pour calmer les soldats au camp Kokolo. En ce moment là, le Général Lundula est Commandant en Chef de l’ANC.
En prenant le pouvoir en Novembre 1965, Mobutu et les membres du haut-commandement n’ont pas bénéficié de concours du Groupe de Mbinza. Monsieur Nendaka qui est membre du Groupe de Mbinza, a eu vent de cette rencontre qui se tenait à la résidence de Mobutu au camp cents maisons. II se rendra immédiatement au camp précité, mais Mobutu donnera des ordres au corps de garde pour le maintenir jusqu’à la fin de la réunion. Monsieur Nendaka apprendra comme tout le monde que le Président Kasa-Vubu a été déposé. Lorsque Mobutu prend le pouvoir, il est Général et non Colonel.
Le Groupe de Mbinza était composé des hommes politiques suivants :
– Général Mobutu, Commandant en Chef de l’ANC
– Nendaka ; Sureté Nationale
– Ndele : Gouverneur de la Banque Centrale du Congo
– Bomboko : Ministre des Affaires Etrangères
Monsieur Kandolo, fréquentait le Groupe de Mbinza, mais il n’était pas membre de ce groupe
- Page : 77- Le corps de Colonel Tshiatshi a été exhumé en ma présence ; me trouvant à Kisangani avec le Commandant en Chef de l’ANC, le Général Bobozo en mission d’inspection, nous avons été contacté par un sous officier de la place, qui avait assisté à l’enterrement du colonel Tshatshi assassiné par les Diabos, commandés par le colonel Tshipola, à la rive droite de la rivière Tshopo. Nous nous sommes rendus sur le lieu. Après l’exhumation, le corps du défunt était ramené à Kinshasa. (Nous avons reconnu son corps à cause de la bague du dernier mariage avec inscription de son nom)
- Page 79 – Le feu colonel Tshatshi, n’a pas été membre des Compagnons de la Révolution.
- Page 83 – Le colonel Ikuku (serpent de rail) était commandant du centre d’instruction para (CIP) à Kinshasa et non à Kitona
- Page 84 – Les anciens de l’ERM : Paul Elela, et Georges Vuadi étaient encore officiers subalternes, et ils n’ont jamais été officiers généraux. Ils faisaient partie de la 100e promotion TA. Comme Popol. Je pense à nos amis : Ndjate, Samy et Ngomba Timothée qui nous ont quittés (qu’ils reposent en paix)
- Pages 417 – 430 – Vous consacrez tout un chapitre au Général Paul Mukobo. Popol, comme nous l’appelions, est un frère que j’apprécie et je respecte ses opinions politiques actuelles. Mais, je suis surpris de constater que le Général dans ses écrits a déformé complètement l’histoire exacte de l’Armée qu’il a servie avec loyauté, lui qui était nommé Général après la guerre de 80 jours à Kolwezi. Ses propos ne reflètent aucune réalité. Le Général a gravi toutes les étapes de l’Armée pour devenir Général de Corps d’Armée. L’homme a été apprécié même par Mobutu et par ses chefs hiérarchiques
Lorsque le Général Mukobo écrit dans votre livre, je cite : « Ces officiers sortis du NEANT ignoraient les principes élémentaires de l’art de la guerre » : c’est une injure grave et inacceptable. Le Général Mulamba Léonard (décédé) dont le petit frère est sorti aussi de l’ERM (le Major Buya Ngandu) est un officier de grande valeur. Les Massiala, Tshiatshi, Mahele, Yeka etc.… ont prouvé leur capacité de conduire les hommes sur les différents théâtres d’opérations, ce n’est pas le Général Mukobo qui me contredira. Je voudrais rappeler au Général que, le Général ELUKI Monga Aundu (ERM) a été nommé à deux reprises, Chef d’Etat-major Général de l’Armée. Qu’il nous dise exactement, qu’a-t-il fait de spécial ?
Le retour au pays des Officiers de l’ERM, (en 1964) a été bien salué et l’accueil a été chaleureux. Le Général Mobutu, Commandant en Chef, décidera même à cette époque de donner à chacun un véhicule neuf (VW) et il donnera son accord pour qu’ils s’organisent dans une association des anciens de l’École Royale Militaire. Ils étaient tous Lieutenants, sans avoir occupé un quelconque poste de commandement.
Je vous conseillerais, cher jeune frère d’armes Wondo, de contacter deux Officiers belges de grande valeur, qui sont encore en vie et qui ont travaillé à l’Etat-major Général de l’ANC à partir de 1964. Il s’agit des : Général Jacques NOEL et de Lieutenant-colonel BEM de WOELMONT. Ces officiers ont vu venir les premiers jeunes officiers congolais sortis de l’ERM. Le Lieutenant Loano, Henri (décédé, paix à son âme) est le premier Off (ERM) qui a été affecté à la Section G3 (Opérations, Instructions, Mobilisations) au Quartier Général de l’ANC. Pendant ce temps, le Lieutenant Mukobo faisait son école d’armes à Tournai/Belgique, que je venais de quitter. Avec le Lieutenant Loano, nous accompagnions souvent le Commandant en Chef dans ses déplacements. Tout marchait parfaitement bien. A l’École de Formation des Officiers de Kananga (ex Luluabourg) quelques anciens de l’ERM donnaient des cours ensemble avec des professeurs belges. Il s’agit des : Les Ingénieurs : Unyupeu, Médard (qui vient d’être nommé Général de Brigade en juillet 2013), le Lt-Colonel Ir Dominique Kalonga et le Major Kongolo qui fut un ancien de l’académie militaire anglaise de Sandhurst.
Au Centre d’Entraînement de Kitona (CEKI), les anciens de l’ERM étaient impliqués à la formation des Chefs de Peloton d’infanterie et de la Gendarmerie. Il en sera de même à l’Ecole des Troupes Blindées à Mbanza Ngungu avec le Lieutenant Kalume (élevé également en juillet 2013 au grade de général de corps d’armée).
Le Général Mukobo sait pertinemment bien qu’avant l’indépendance, la Belgique n’avait pas encore formé des universitaires dans le civil ou des officiers dans l’armée. Cela ne veut pas dire que dans la Force Publique, comme dans la Fonction Publique, il n’y avait pas des cadres congolais compétents. L’École Centrale de la Force Publique à Luluabourg a formé de bons sous officiers. (Mulamba – Massiala, Tshiatshi) pour ne citer que ces trois là.
A la veille de l’Indépendance la plupart de ces sous officiers formés à Luluabourg étaient nommés Adjudants (Le système colonial aidant).
L’histoire nous apprend que Napoléon qui avait une grande armée, n’a jamais été à l’Ecole Militaire. Ce grand homme est resté le symbole de la France.
Tout récemment, le Viêt-Nam, pleurait un Grand Homme, le Général Giap. Ce Général a humilié les occidentaux dans la guerre du Viêt-Nam. Il a mis en déroute toute une armée française dans la bataille de Dien Bien Phu. Ce Général n’a jamais été à l’Ecole d’Officiers.
Nous devons avoir du respect envers nos ainés qui ont participé avec bravoure dans les deux guerres mondiales et qui nous ont permis d’intégrer facilement les structures de l’Armée Nationale au retour de nos formations de base, comme Officier. Le Congo n’a pas fait exception dans ce domaine. Je citerai ici, le cas du Nigéria avec le Général IRONSI, qui était le commandant des troupes nigérianes de l’ONU en 1960 au Congo et qui lui-même était à la base sous-officier de l’Armée coloniale britannique.
Je vous remercie pour l’ouvrage dédicacé en mon nom et bon courage pour votre précieux travail d’information.
GENERAL A. MALU-MALU, Ambassadeur/LC