Le plan de trésorerie du gouvernement congolais déroge à la Loi de Finances
Libre réflexion de l’économiste Faustin Luanga
Le Fonds monétaire international (FMI) avait exigé à la République démocratique du Congo (RDC) de maîtriser et de rationaliser les dépenses publiques afin de consolider la stabilité macroéconomique et d’accroître les recettes de l’Etat. Pour donner suite à cette demande du FMI, le gouvernement congolais a publié un plan de trésorerie, un instrument qui devrait lui permettre de rationaliser ses dépenses, après des dérapages en 2019.
Depuis quelques jours, un plan de trésorerie, attribué au Ministère des finances, qui sectionne le budget de l’Etat de la RDC de plus ou moins d’un-tiers (1/3) circule sur les réseaux sociaux. Cela appelle de ma part quelques réflexions qui suivent.
Si problème il y a, c’est plutôt une loi de finances rectificative qu’il faudrait adopter et promulguer. C’est tout le potentiel fiscal qu’il faudrait revisiter. Cela suppose une (re)définition de la vision et de la politique du financement de développement du pays. Pour ce qui est de la fiscalité, après avoir défini les secteurs clés à promouvoir ou à protéger, cela suppose de réfléchir sur les « taux d’impositions » ainsi que des « bases d’impositions ». L’on devrait réfléchir sur l’ensemble des instruments fiscaux à la disposition du pays et tirer des leçons sur leurs utilités. A titre d’exemple, l’on devrait faire des simulations sur la TVA pour retrouver la base imposable. Rapprocher cette donnée à la base de la TVA déductible et celle remboursable (missions de la DGI), ce qui permettrait de savoir l’encaisse réelle de l’Etat.
L’on devrait aussi regarder du côté des droits d’accises et dans la mesure du possible l’élargir sur d’autres produits comme les cosmétiques et divisez par exemple par 10% pour trouver la base. Rapprochez cela aux besoins des consommateurs (60 à 70% de la population) pour dégager la potentialité des recettes probables. Par ailleurs, il va falloir regarder du côté des droits des douanes (DGDA) et du côté du judiciaire, domanial, et administratif (la DGRAD).
Quelqu’un n’avait pas dit que la RDC est un pays des inconscients ? C’est ici qu’on réclamerait l’ICA (Impôt sur le chiffre d’affaires) alors qu’on a implanté dans la précipitation la TVA en la découplant du NIF (Numéro d’identification fiscale).
Par ailleurs, la fameuse « gestion sur base caisse » et son plan de trésorerie que vient de présenter le Ministre des Finances n’est pas en antagonisme avec l’optimisation des recettes, l’un de rôles du ministère des Finances.
La RDC doit réfléchir et quitter la petite vision de gestion sur base caisse, une caisse trop petite par rapport aux ambitions de développement du pays. Il importe de réfléchir et de trouver des mécanismes innovants des financements de développement du pays. L’argent existe en masse à travers le monde, que fait la RDC pour l’attirer ou aller le chercher ?
Faustin Luanga
Dr Faustin Luanga est depuis 1996 Haut Fonctionnaire, Chef de Département Asie et Pacifique, au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à Genève, en Suisse. PhD en Économie de l’Université de Nagoya au Japon, il est aussi professeur visiteur d’économie et de finance dans plusieurs universités dans le monde. Prof Luanga a été Conseiller économique et du développement du Président Joseph Kabila entre 2001 et 2003. Entre 2004 et 2006, il a aussi été Administrateur du Programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion (PNDDR) en RDC.
2 Comments on “Le plan de trésorerie du gouvernement congolais déroge à la Loi de Finances – Faustin Luanga”
N'djoku BOKUNGU
says:La TVA devrait être le dernier mécanisme d’imposition auquel la RDC devrait penser, un schegué contribuant de la même manière qu’un ministre pour consommer. Par contre, taxer ceux qui peuvent l’être, faut il encore définir le bon taux par niveau (impôt sur le bénéfice ou sur les revenus …).
Autre chantier inexploité, pourtant pourvoyeur d’énormes recettes. L’exportation vers les pays à coût de production bien plus élevé que le nôtre. A titre d’exemple, le Kenya est le plus grand exportateur africain de fleurs. Son climat n’est pas plus favorable que la RDC pour ce business.
GHOST
says:REFLECHIR ET TROUVER DES MECANISMES INNOVANTS DES FINANCEMENTS; LE CONCEPT OFFSET.
Avec une grande curiosité, nous sommes entrain de suivre la « lutte » du ministre des finances qui est entrain non seulement de rendre « transparente » la gestion des finances de l´Etat.. mais surtout de rationaliser le travail du gouvernement. Le conflit des « saut des moutons » où ce ministre a eu le courage de remettre á sa place le tout puissant directeur du cabinet du président de la République illustre cette lutte.
Quelque soit l´explication savante au sujet du budget ou du plan de trésorerie du gouvernement, les lecteurs devraient retrouver les débats entre les candidats á la présidence. Muzito semble être le seul candidat qui avait la lucidité d´affirmer seul contre tous qu´il était impossible d´avoir un budget de 100 milliards de dollars.. lol
L´auteur de l´article qui est un économiste indique une option que le gouvernement ne semble pas avoir eu á ce jour: s´endetter pour augmenter le budget.. ou trouver des mécanismes innovants des financements du budget.
OFFSET
Dans les archives de cette page, on trouve une réflexion (Le concept « offset », une option pour la Défense de la RDC?) où nous tentons d´introduire une approche innovatrice où l´acquisition des équipements militaires offre une possiblité pour obtenir des financements.
Nous avons cité Christian Sylvain (http://convention-s.fr/notes/les-offsets-et-les-compensations-internationales/ qui affirme que les « compensations pour les contrats pour défense et l´aéronautique sont de 100 %.
Nous avons cités les exemples de l´Afrique du Sud (avions de combat Saab Gripen et navires de guerre MEKO) la Hongrie (avions de combat Saab Gripen ) le Koweit (https://defence-blog.com/aviation/kuwait-receive-new-f-18-super-hornet-multi-role-fighter-aircraft.html/ ).
Si l´Afrique du Sud possède plus de 80 % des entreprises allemandes (industrie automobile, électronique ect..) c´est á cause des « offset » que ce pays a pu obtenir en signant des contrats d´importation des équipements militaires.
Quand le gouvernement tente de trouver d´autres sources de financement de son budget, l´option « offset » devrait figurer sur la liste des innovations á explorer de toute urgence.