Les dessous des cartes de la visite d’Olive Lembe Kabila à Boma

Par Germain Nzinga

Le mardi 25 novembre 2014, Olive Lembe Kabila, la première dame de la RdCongo, s’est rendue à Boma, soit disant au motif d’honorer les militaires et policiers qui se sont mariés à l’État civil. Une visite somme toute insolite sous divers points. C’est en quelque sorte ce genre de voyage où l’on prétend aller voir la grand-mère au village pendant qu’en réalité on va soigner ses arrière-bases pour des projets politiques inédits.

Quels sont les messages sibyllins que cache ce déplacement ?

Ils sont au nombre de cinq.

Après les nombreuses déclarations des internautes sur le coma présumé dans lequel giserait la première dame du Congo, la visite de cette dernière à Boma s’inscrit en quelque sorte dans un schéma de communication politique, en d’autres termes comme une réponse du berger à la bergère. La présence d’Olive Lembe parlant devant les caméras veut dire ceci : « Je suis en bonne santé, je me sens bien et les autres sont des menteurs. » Il est pourtant trop tôt d’attribuer ce mensonge aux détracteurs de Kabila car elle, Olive, pourrait avoir été contrainte d’effectuer ce voyage pour jeter la poudre aux yeux de l’opinion publique qui commençait à voir un peu plus clair à coté de l’hospitalisation prolongée de Moise Katumbi soupçonné d’être victime d’empoisonnement par qui l’on sait. L’histoire n’est-elle pas le meilleur juge de nos actions? Son profil physique actuel en comparaison à celui bedonnant qu’elle affichait durant la campagne des élections présidentielles de 2011 donne matière à réflexion et laissons à l’histoire l’autorité de statuer…

2. Lors de son discours devant les 298 couples des militaires et policiers qui convolaient en noces devant madame la bourgmestre de Boma, Olive a prononcé des paroles dont le sens profond a échappé à l’attention des auditeurs. Elle a commencé par présenter aux militaires les félicitations venant de la part de leur « papa » (entendez le président Joseph Kabila) et ensuite elle a présenté des félicitations en son nom propre. Si elle était une simple déléguée du président, elle se contenterait de parler au seul nom de son mandataire de mari. Le faire à son propre nom réveille les soupçons du schéma argentin du couple Kirchner et de tous ces présidents qui ont pris la triste habitude de se faire remplacer par leurs épouses. Non seulement que Hillary Clinton avance dans ce sens, mais les récentes informations nous parvenant de Zimbabwe nous renseignent que même Grâce Mugabe est poussée dans ce sens par son mari. Au début une simple secrétaire particulière de Mugabe puis épouse de ce dernier, actuellement elle postule au poste de présidente de la ligue des femmes de Zanu-PF. Inscrite à l’université d’Harare il y a à peine six mois, elle a été parmi les 3.274 étudiants diplômés le 12 septembre 2014 dernier et elle est actuellement proclamée docteur en philosophie. Ici comme là, connaissant le culte que Joseph Kabila voue aux méthodes de gouvernance de Mugabe, ce n’est point la volonté de voir sa femme lui succéder qui importe mais la stratégie de continuer à travailler dans l’ombre pour consolider les intérêts de la dynastie Kabila et de continuer à diriger le pays suivant la logique d’une tradition oligarchique.

3. De ces militaires qui se sont mariés au civil, parlons-en. Ils étaient 298 couples dont 191 des Forces Armées de la RDC (FARDC) et 107 de la Police Nationale Congolaise (PNC) pour la plupart donnant la nette impression d’avoir la cinquantaine sonnée. Pour étrange que paraisse le fait que 298 couples se décident à l’unanimité de se marier le même jour à l’état civil, nous avons le devoir de nous interroger sur l’identité de celui qui a pris l’initiative de ces mariages. Les intéressés eux-mêmes ou leurs supérieurs hiérarchiques qui en tireraient des dividendes politiques évidents à l’approche de 2016 ? Et en plus quels sont ces dividendes ? En cette période trouble où durant la révolution burkinabé l’armée a lâché Blaise Compaoré, les décideurs politiques congolais veulent aller plus vite en anticipant et en caressant dans le sens de poils les hommes des casernes via des actions sociales comme l’organisation spectaculaire de ces 298 mariages civils et des sommes d’argent remises à chaque couple pour le besoin de la cause. Une espèce de corruption morale puisque ce n’est point leur salaire qui est majoré ou payé chaque mois mais des actions sporadiques donnant clairement le parfum de campagne pré-électorale et la collaboration aveugle de ceux qui reçoivent des cadeaux.

4. Supposons que ces 298 couples aient déjà passé des décennies de vie conjugale ensemble, le gouvernement congolais, l’employeur direct de ces agents de l’ordre est à plaindre. Pourquoi ? Pour la première raison que cohabiter avec une femme sans statut juridique devrait être considéré par l’État comme un manquement grave au respect strict des droits élémentaires. En République Populaire de Chine, tout couple qui cohabite sans statut civil est passible de peine grave parce que constituant une atteinte grave à l’ordre public. La seconde raison est qu’il n’est pas normal de voir ses employés s’exposer à des risques évidents de mourir n’importe quand sur ces champs de bataille et de les laisser vivre dans des unions libres sans statut civil. Cette négligence notoire fragilise l’épouse qui n’est pas juridiquement reconnue par l’État congolais et par conséquent exposée à être rejetée par sa belle-famille qui se sent en droit de lui arracher les biens de son foyer et de la part de l’État qui ne lui concède aucune pension parce que simplement non reconnue à l’État civil.

5. Madame Olive Lembe est venue à Matadi non pour lutter en vue d’un État de droit ni pour défendre ces femmes abandonnées par le même code de famille dont madame la bourgmestre égrenait les articles. Elle est venue faire son opération de marketing politique en cette province du Bas-Congo jugée allergique au régime Kabila et mise sous coupe réglée avec la récente nomination de deux très fidèles de Joseph Kabila, notamment le Général de brigade, Jonas Padiri comme commandant de la 12e région militaire et Philémon Patience Mushid Yav comme commissaire provincial de la PNC/Bas-Congo, tous deux présents à la cérémonie de mardi dernier. Ce qui compte pour Olive ou pour le système pour lequel elle travaille, c’est se maintenir par la force militaire au pouvoir soit pour son mari de président ou soit par une solution de substitution dont elle serait une des pièces du puzzle.

 On nous demande de donner à César ce qui est à César, eh bien nous savons désormais qu’il faille payer à César un tribut critique. Notamment en suivant de près les combines et les manœuvres politiques en cours à Kinshasa pour démonter l’un après l’autre les pièges tendus contre la culture de l’alternance et de la démocratie dans notre pays. Qu’on se le dise !

GERMAIN NZINGA MAKITU, Rome