Le coronavirus impose la remise en question de la gouvernance mondiale
Comme la plupart des catastrophes dévastatrices, le coronavirus a surpris le monde entier au moment et là où personne ne l’attendait. Comme si la COVID-19, s’était substituée à toutes les autres maladies ou épidémies ou encore comme si c’était devenu l’unique maladie létale (mortelle), désormais le coronavirus monopolise les débats scientifiques et sociopolitiques de l’heure. Grâce à la démocratisation de l’information par internet et les réseaux sociaux, pas donc besoin d’être hautement instruit pour suivre la progression épidémiologique à travers le monde. Dépendamment du niveau de jugement et de la capacité d’analyse personnelle, il suffit d’être connecté pour être servi, aussi bien par des informations crédibles que par des fakes news et autres caricatures humoristiques.
Pourtant, bien longtemps avant le coronavirus, il y a eu la peste qui avait décimé plus ou moins 50 millions d’êtres humains au XIVème siècle entre 1347 et 1352[1], de même que la grippe espagnole, plusieurs autres millions de victimes, entre 1918 et 1919. «La grippe de 1918, aussi nommée à tort « grippe espagnole », est due à une souche (H1N1) particulièrement virulente et contagieuse de grippe qui s’est répandue en pandémie de 1918 à 1919. Cette pandémie a fait de 20 à 40 millions de morts, 30 millions selon l’Institut Pasteur, voire 100 millions selon certaines réévaluations récentes. Elle serait la pandémie la plus mortelle de l’histoire dans un laps de temps aussi court, devant les 34 millions de morts (estimation) de la Peste noire. »[2]
Plus près de nous, des catastrophes naturelles et des comportements humains dangereux et irresponsables continuent de menacer toute forme de vie sur terre. Parmi ces catastrophes et comportements humains, il y a lieu de citer, les tremblements de terre, le réchauffement climatique, la course aux armements sophistiqués et les manipulations génétiques sur les humains, sur les animaux ou sur les aliments.
A ce sujet, des informations scientifiquement non encore validées suggèrent que le coronavirus serait l’œuvre des laboratoires américains, français ou chinois. Pendant que les scientifiques et les politiques, les uns et les autres en ce qui les concerne, conjuguent leurs efforts pour vaincre cet ennemi invisible, force est de constater la fragilité de l’espèce humaine face à la mort. Du coup, et dans la panique quasi généralisée, tout le monde tempère ses ambitions politiques, économiques, scientifiques et technologiques pour avant tout se réajuster face à la mort, qui vient de démontrer aux plus sceptiques qu’elle ne fait pas de distinction entre les plus développés et les moins développés, les plus riches et les plus pauvres, les gouvernants et les gouvernés.
La vanité de la puissance politique, économique ou technologique
Le maudit coronavirus survient au moment où les économies des grandes puissances, particulièrement des E.U.A. et de la Chine étaient au beau fixe et que qu’un peu partout en Europe, l’espoir renaissait pour reparler de la croissance économique et de la baisse du taux de chômage. Profitant de sa position hégémonique, le président américain, Donald Trump, ne laissait échapper aucune occasion d’imposer la loi du plus fort en humiliant même ses partenaires de l’OTAN et ses voisins de l’Amérique du Nord au sein de l’ALENA.[3]
Loin des foyers de tensions délibérément créés et/ou entretenus en Afrique(Sahel) et en Asie (Irak, Syrie) où les armes de destruction massive sont expérimentées et s’écoulent bien, ces économies florissantes réalisent des prouesses technologiques dans tous les domaines. L’on ne parle plus que de l’intelligence artificielle avec notamment des immeubles intelligents, des électroménagers intelligents à faire fonctionner juste avec la pensée, des voitures intelligentes roulant sans conducteur et des robots domestiques remplaçant des serveurs dans des restaurants, etc. Face à la mort, le monde développé a réussi à allonger l’espérance-vie, comptant aujourd’hui des milliers de centenaires au point d’assouplir les règles d’immigration pour combler les besoins en main-d’œuvre.
À cause du coronavirus, c’est la débandade totale. De la mondialisation de l’économie, c’est désormais la mondialisation de la terreur invisible qui n’a pour cible que l’espèce humaine. En ordre dispersé, les blocs militaro-économiques se sont momentanément disloqués sous l’effet de la panique pour affronter en priorité la mort, qui s’attaque indistinctement aux gouvernants et aux gouvernés, aux riches et aux pauvres.
De l’émotion aux mesures plus réfléchies et plus radicales
Ce qui a semblé n’être qu’un cas limité à la Chine, a fini par tourner au ridicule aussi bien les grands dirigeants du monde que même les responsables de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’attitude orgueilleuse ou négligente des uns et des autres a permis à ce redoutable ennemi de l’humanité[4] de gagner du temps pour occuper le terrain et décimer les populations sur tout son passage. Ironie du sort, c’est grâce aux moyens de transport ultramodernes et à la mobilité toujours croissante des populations qu’en un temps record, le coronavirus a répandu sa terreur plus rapidement que toute guerre conventionnelle ou asymétrique.
Parallèlement à la nécessité de restreindre un peu plus la liberté de mouvement de leurs populations, les autorités chinoises ont entrepris de construire très rapidement de nouvelles structures médicales pour faciliter la prise en charge des personnes atteintes. « Pour faire face à l’épidémie qui a déjà causé la mort de plus de 250 personnes, des milliers d’ouvriers chinois sont mobilisés à temps plein pour construire deux bâtiments pouvant accueillir 2500 patients. »[5]
Grâce à de mesures contraignantes et restrictives, l’épicentre de la maladie s’est relocalisé en Europe où, d’habitude vis-à-vis de la Chine, on évoque la violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales en temps de paix.
Partout en Occident, des dirigeants n’hésitent plus à prendre et à radicaliser des mesures qui contrastent non seulement avec la gouvernance capitaliste de la société mais qui ne tiennent plus compte du sacré respect des droits de l’homme, en temps de paix. D’où l’état d’urgence sanitaire décrété ça et là en Italie, en France, en Espagne, en Belgique, assorti de sanctions pénales à l’égard des récalcitrants. Anticipant sur l’après coronavirus, la France envisagerait même de nationaliser certaines entreprises afin de redresser plus rapidement l’économie.
L’Amérique du nord n’est pas en reste, notamment le Canada et les E.U.A. Au Canada, les premiers ministres des provinces comme le Québec et l’Ontario n’ont pas hésité de voler le leadership de la riposte au premier ministre fédéral, Justin Trudeau, jugé trop attentiste en ce qui concerne la protection des frontières nationales. C’est tardivement que la décision de fermer les frontières à tous les étrangers, à l’exception des Américains, a été prise alors que plusieurs voyageurs en provenance des pays les plus touchés sont arrivés ou revenus sans avoir été soumis au dépistage et au confinement volontaire ou obligatoire. Très rapidement, le président Trump et le premier ministre Justin Trudeau ont par la suite décidé de commun accord de fermer pour un temps les frontières communes des deux pays.
Aux E.U.A, le président Donald Trump, qui avait commencé par ironiser et banaliser la maladie en affirmant qu’elle était moins dangereuse que la grippe ordinaire, apparaît de plus en plus humble et préoccupé à protéger la population américaine. Alors qu’il n’a presque jamais voulu tenir compte du point de vue des scientifiques en ce qui concerne les changements climatiques et l’impact nocif de l’industrialisation sur l’environnement, le voilà aujourd’hui plus attentif à la dangerosité du coronavirus sur la santé et l’économie américaines. Il est facile à deviner que dans les débats à venir pour la conquête du fauteuil présidentiel américain, la gestion de la crise née du coronavirus s’étendra à la politique sanitaire, sans couverture médicale universelle, vantée par le parti républicain. Plus étonnant est le plan de milles milliards de dollars qu’il a proposé pour à la fois soutenir l’économie ainsi que les familles, ce qui est contraire à l’option capitaliste des Etats-Unis d’Amérique. ainsi qu’à l’idéologie plus à droite du parti républicain.
Des images en provenance de la Chine, que les télévisions nous présentent, montrent maintenant des villes sans smog depuis que les industries tournent au ralenti à cause du confinement obligatoire de la population. « Le smog est une brume brunâtre épaisse, provenant d’un mélange de polluants atmosphériques, qui limite la visibilité dans l’atmosphère. Il est constitué surtout de particules fines et d’ozone. Le smog est associé à plusieurs effets néfastes pour la santé et pour l’environnement. »[6] Ce qui était inconcevable il y a encore quelques temps dans ce pays considéré comme le plus grand pollueur, déterminé à rattraper son retard industriel et économique.

C’est en Afrique que la situation demeure dramatique et inquiétante, à l’image du sous-développement multisectoriel du continent. Les échanges entre Africains sur les réseaux sociaux permettent de s’en inquiéter davantage. Au tout début de la maladie, nombreux sont ceux qui ont affirmé ou cru que le climat chaud de l’Afrique permettait de garantir l’immunité. D’autres ont avancé des théories affirmant que génétiquement, les Africains noirs étaient immunisés contre ce genre de virus. D’autres encore conseillent de voir en ce virus une explication spirituelle, l’humanité étant entrain de payer sa désobéissance à Dieu. Mais les uns et les autres ont superbement oublié que cette nouvelle épidémie est venue se joindre aux autres qui s’étaient déjà installées de façon permanente en Afrique et qui y poursuivent leur œuvre silencieuse de destruction massive depuis des décennies. Il s’agit du choléra, de la fièvre typhoïde, du VIH et du paludisme.
Contre la pandémie COVID-19, il y a lieu de constater un grand déficit de communication et de mesures de riposte de la part des dirigeants africains qui, le plus souvent ne tiennent pas comte des particularités sociales de leurs peuples et cherchent à faire du copier-coller, comme s’ils voulaient se débarrasser rapidement d’un devoir d’État. Malgré leur bonne volonté, bon nombre de gouvernements africains sont confrontés à la taille naine de leurs budgets nationaux, à l’insuffisance ou à la vétusté des structures médicales, à la précarité des équipements et intrants médicaux (masques, respirateurs, thermomètres, lits, etc.) ou préoccupés par la survie et la légitimité politiques de leurs dirigeants.
Habitués à profiter de leur position politique et sociale pour aller se faire soigner à l’extérieur et laisser mourir de pauvreté leurs peuples, c’est maintenant qu’ils découvrent subitement que la construction des hôpitaux et l’équipement de ceux laissés par les colons était le cadet de leurs soucis. Dans la plupart des cas, selon le degré de compréhension de la crise et de la capacité structurelle ou financière, les mesures prises, du reste insuffisantes, concernent plus les capitales nationales, considérées à tort comme les seules portes d’entrée.
Pour un pays comme le Congo-Kinshasa, ayant la superficie de 2.345.409 km2, neuf voisins et des frontières parmi les plus poreuses, c’est une erreur grave de concentrer l’essentiel du combat à la ville de Kinshasa et de ne compter que sur l’Institut National de Recherches biomédicales (INRB). Si jusque-là, en effet, grâce à l’INRB, il est encore possible de dépister, de confirmer, d’isoler et de prendre en charge des cas isolés dans quelques structures médicales désignées à cet effet, la situation risque d’être incontrôlable en cas de contamination massive dépassant la capacité d’accueil pour une prise en charge adéquate.
C’est pourquoi, nous estimons qu’un large débat devrait être organisé pour réfléchir et adapter régulièrement les mesures à prendre en tenant compte des réalités congolaises ci-après :
la concentration de la population dans les villes ;
la promiscuité (des familles très nombreuses entassées dans maisons trop étroites) qui complique la distanciation sociale ;
le caractère plus informel de l’économie congolaise, qui contraint plusieurs citoyens de sortir journellement pour la débrouillardise, avec tous les risques de croiser le malin virus ;
les conditions précaires de transport en commun déjà favorables à la propagation du virus ; l’insuffisante de la desserte en eau potable pour permettre à la population de se laver régulièrement les mains ;
l’amélioration de la qualité de la communication pour atteindre un plus grand nombre dans toutes les langues nationales ;
les modalités de mise en œuvre de toutes les mesures prises pour leur réussite sans faille ;
la suppression de toutes les barrières routières non essentielles et la suspension de toutes les taxes imposées sur les produits alimentaires afin d’éviter la pénurie et la surenchère des produits de base.
En cette période où plus que jamais l’État a besoin de beaucoup d’argent et où, visiblement chaque nation se replie sur elle-même, il serait souhaitable que les parlementaires prennent la mesure de la gravité de la crise pour revisiter des lois prédatrices accordant des avantages à vie inutilement exorbitants, voire illicites, aux anciens chefs de l’État et aux anciens animateurs des institutions[7]. Pour rappel, il s’agit de la Loi no 18/021du 26 juillet 2018 portant statut des anciens Présidents de la République élus et les Décrets signés par Bruno Tshibala accordant respectivement des avantages aux premiers ministres ainsi qu’aux anciens chefs des corps constitués.[8] Dans cette quête d’argent, de plus en plus difficile à obtenir chez des partenaires traditionnels, dont les économies se trouvent menacées par la récession, le moment est venu de revisiter également la taille du gouvernement afin de la réduire à trente cinq membres au plus. L’argent ainsi récupéré permettrait aux autorités sanitaires d’accroître les moyens de lutte contre le virus, par exemple multiplier les centres de dépistages et de traitement là où les besoins se feront progressivement sentir.
Conclusion
Le coronavirus est non seulement une réalité mais il est effectivement très dangereux dans la mesure où il va impacter les idéologies, les politiques internes et internationales notamment en matières économiques, environnementales et scientifiques. C’est à juste titre que l’OMS le qualifié d’ennemi de l’humanité tandis que de nombreux États ont décrété l’état d’urgence sanitaire leur permettant de prendre des décisions plus restrictives des libertés fondamentales, priorisant la santé des populations. Il s’observe ainsi, un peu partout, une remise en question des idéologies et des comportements qui ont longtemps divisé les nations et occasionné des conflits armés.
Comme après chaque crise majeure, la victoire lente mais certaine contre le coronavirus modifiera sans nul doute l’attitude de certains dirigeants mondiaux vis-à-vis des questions qui touchent la survie de l’humanité et leur regard les uns envers les autres. Il est fort probable que les plus avertis y pensent déjà pour anticiper sur la récession qui frappe déjà leurs économies. Les fabuleuses ressources naturelles de l’Afrique seront plus que jamais sollicitées pour aider à refaire la santé des économies occidentales. Par conséquent, il est à craindre que les Africains sortent de cette crise plus diminués qu’au paravent et à la merci des prédateurs encore plus impitoyables. Le coronavirus les invite, d’ores et déjà à la réflexion et à la remise en question de leur gouvernance. C’est donc l’occasion pour eux de songer à construire de nouveaux hôpitaux et à mieux les équiper pour ne plus recourir aux transferts humiliants des malades même pour des cas qui relèvent de la compétence et de l’expertise locales.
Jean-Bosco Kongolo Mulangaluend
Juriste & Criminologue
Références
[1] En raison des ravages qu’elle a causés, surtout au Moyen Âge, la peste a eu de nombreux impacts sur l’économie, la religion et les arts. Ainsi la peste noire peste noire de 1347-1352 a profondément marqué l’Europe en éliminant 25 % à 50 % de ses habitants ; dans le royaume de France royaume la population chute de 38 %, soit 7 millions de victimes sur les 17 millions de Français de l’époque. In https://fr.wikipedia.org/wiki/Peste.
[2] In https://www.histoiredumonde.net/Grippe-espagnole-de-1918.html.
[3] Accord de libre échange nord-américain. Mis en œuvre en 1994 entre les gouvernements des États-Unis, du Canada et du Mexique, cet accord commercial a réduit considérablement les barrières tarifaires, facilitant ainsi le commerce des biens, des services et des capitaux. Cet accord a créé l’une des plus importantes zones de libre échange. In http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1554.
[4] L’expression est de l’OMS.
[5] Leparisien.fr, In http://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-comment-la-chine-a-pu-construire-deux-hopitaux-en-dix-jours-01-02-2020-8250180.php.
[6] Wikipedia, In https://fr.wikipedia.org/wiki/Smog.
[7] Kongolo, JB. 2019, Des avantages à vie pour les chefs des « corps constitués » du Congo-Kinshasa : une prédation passée inaperçue, In https://afridesk.org/des-avantages-a-vie-pour-les-chefs-de-corps-constitues-du-congo-kinshasa-une-predation-passee-inapercue-jb-kongolo/.
[8] Radio okapi du 18 juillet 2018, L’Assemblée nationale étend les avantages des anciens chefs d’État aux corps constitués, In https://www.radiookapi.net/2018/07/18/actualite/politique/rdc-lassemblee-nationale-etend-les-avantages-des-anciens-chefs-detat.