Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 06-08-2020 12:15
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L’armée royale marocaine : le baby-sitter militaire de la RDC, le modèle d’une armée africaine de projection internationale – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Les Forces armées royales marocaines (FAR) ont fait l’objet d’un focus dans le dernier numéro juillet/août 2020 de la revue Défense & Sécurité Internationale (DSI). C’est l’occasion pour DESC de faire une brève présentation de cette armée dont l’action en RDC témoigne de la solidité des relations entre les deux pays depuis 60 ans et nécessite une collaboration formalisée pérenne.

La sixième puissance militaire africaine

Six États africains peuvent être considérés aujourd’hui comme des puissances militaires continentales. Il s’agit de l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Angola, l’Égypte, le Maroc et le Nigeria. Ces pays consacrent des budgets importants à l’équipement et l’armement, et leurs effectifs sont relativement bien rémunérés et entretenus. À eux six, ils représentaient en 2014 plus des trois quarts des dépenses militaires engagées en Afrique[1].

Sources : Recoupement des données Global Fire Power et DESC-WONDO

L’armée marocaine, avec un effectif de 257.000 hommes, selon les données de SIPRI, est l’une de rares armées professionnelles africaines. Les troupes marocaines, structurées en deux commandements opératifs, nord et sud, qui s’appuient sur des forces de manœuvre et de soutien, sont bien entrainées, motivées et très bien équipées. Elles contribuent à la formation des armées africaines et se sont montrées très efficaces en OPEX, notamment en 1960 au sein de l’ONUC, en 1977 au Shaba (Katanga) au Zaïre lors de l’invasion des gendarmes katangais et actuellement sous la bannière des casques bleus de l’ONU.

L’armée marocaine, fait acte d’allégeance au Roi, assure la sécurité, se déploie au Sahara occidental et soutient la stratégie régionale du Maroc en Afrique subsaharienne. Pour un budget de l’ordre de 3,4 milliards de dollars, les forces armées royales visent à dépasser les armées algériennes en 2022[2].

Solide, l’armée marocaine s’appuie sur les piliers que sont le très grand professionnalisme de ses personnels, l’héritage et les traditions militaires qui contribuent à la fierté ainsi qu’à la cohésion des personnels de l’institution. Les exercices fréquents, en particulier avec les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, contribuent à cette excellence dans le domaine de la guerre conventionnelle, mais aussi dans celui aux contours flous des opérations de forces spéciales et de la guerre contre-insurrectionnelle. Le pays a également développé une expertise avérée dans la lutte contre le terrorisme dont il est actuellement plutôt épargné.

De son côté, l’armée de l’air marocain est ainsi considérée comme une des meilleures d’Afrique du Nord, et plus particulièrement du continent africain, avec quelques pilotes exceptionnels. La marine est également très bien entraînée, même si elle est limitée par la taille de sa flotte, sensiblement inférieure à l’armada navale algérienne. Mais le pays pourrait acquérir à terme au-moins deux sous-marins. Modernes, équipés de missiles antinavires, ils permettraient de réduire l’écart avec l’Algérie[3].

Une forte capacité de projection internationale

Les forces armées royales marocaines, qui font face à la fois à l’Algérie et au conflit du Sahara occidental contre le Front Polisario, sont également présentes dans le cadre des opérations extérieures (OPEX) dans le continent africain, avec 2146 militaires au 31 décembre 2018;

Tableau : La contribution des Etats africains dans les OPEX en personnel au 31 décembre 2018

Pays africains contributeurs en OPEXNombre d’effectifs en personnel
Ethiopie7597
Rwanda6528
Egypte3765
Ghana2792
Sénégal2479
Tanzanie (République Unie)2316
Maroc2146
Burkina Faso2085
Tchad1491
Togo1430
South Africa1230
Cameroun1116
Mauritanie1036
Zambie1024
Niger967
Guinée940
Malawi916
Burundi774
Ouganda559
Benin506
Gabon450
Nigeria427
Côte d’Ivoire301
Gambie213
Tunisie187
Djibouti174
Congo-Brazzaville158
Kenya157
Liberia116
Zimbabwe72
Mali63
Sierra Leone52
Namibie43
Madagascar22
Algérie3
Cap vert1
Rép. Dém. Congo1

Source : Données  fournies par l’ONU sur les OMP au 31 décembre 2018.

1960, première intervention militaire extérieure des FAR, au Congo-Kinshasa

La première intervention des forces marocaines à l’étranger remonte en 1960. Cette année-là, Mohammed V reçoit le premier ministre congolais Patrice Lumumba dont le pouvoir est mis en péril suite à l’incursion de séparatistes du Katanga. Solidaire, le souverain envoie un contingent des FAR  qui rejoint, en juillet 1960, les troupes de l’ONU dans le cadre de l’opération des Nations Unies au Congo (ONUC), qui doit protéger le pays des attaques des rebelles. En effet, sous le commandement du Général suédois Von Horn, et en suite du général marocain Ben Kethani, les casques bleus suédois (à Léopoldville), Tunisiens au (Kasaï), Irlandais au (Kivu), Marocains (au Bas Congo) interviennent sous la bannière juridique de l’ONU[4].

Les FAR au chevet des FAZ de Mobutu en 1977

Durant la Première guerre du Shaba ou Shaba I, débutée le 8 mars 1977, environ 2000 membres du FLNC (gendarmes katangais), partis de l’Angola, franchissent les frontières congolaises de province du Shaba (Katanga), au sud du Zaïre, avec le soutien gouvernemental de l’Angola, du MPLA et l’implication des troupes cubaines. Ils envahissent le sud de la province du Shaba (Katanga), suite à une faible résistance des FAZ. Ils en occupent facilement plusieurs localités. Avec le concours de la France, Mobutu parvient finalement à repousser les gendarmes katangais hors des frontières du Shaba en mai 1977 grâce à l’ « Opération Verveine » montée par le Maroc[5], qui envoie 1500 hommes aérotransportés à bord d’avions Trassall, gros porteurs français. En une semaine, les Marocains reconquièrent le terrain perdu par les FAZ. Face à cet adversaire trop fort, les rebelles préfèrent se replier sans combattre[6].

Les FAR dans la MONUSCO

Le Maroc est le 12ème pays mondial contributeur de troupes et de personnel de police aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Plus de 2145 soldats et policiers marocains sont actuellement déployés dans les missions de l’ONU en République centrafricaine, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud[7].

Conclusion : un modèle de la future coopération militaire interafricaine

On constate une volonté émergente forte des Etats africains de répondre eux-mêmes aux défis de sécurité et de paix auxquels ils sont confrontés sur leur continent. Cette volonté s’inscrit dans une tendance mondiale qu’on a pu observer depuis la fin de la Guerre froide : la régionalisation des missions de la paix[8]. Et le Maroc est le modèle d’un pays qui pourrait apporter une contribution  efficace et pragmatique à la réforme de l’armée congolaise.

Si le Maroc a formé des éléments de la Garde républicaine sous Joseph Kabila, nous plaidons pour une extension de la coopération militaire structurée dans le cadre de la formation des unités de la force terrestre congolaise et des unités des forces spécialisées dans la guerre contre-insurrectionnelle, fort de leur expertise et surtout de leur expérience africaine et sur le sol congolais.

Fiche technique des FAR élaborée par la revue DSI

Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Analyste et Expert des questions militaires et sécuritaires
Exclusivité DESC

Références

[1] Dépenses militaires, production et transferts d’armes – Compendium 2018, GRIP-SIPRI, Mars 2018.

[2] Philippe et Essiane Ango, Naïda, Les armées nationales africaines depuis les indépendances. Essai de périodisation et de comparaison, Iris, Avril 2018.

[3] Touchard, Laurent, Forces armées Africaines 2016 – 2017, Editions LT, Paris, Mai 2017, p.520.

[4] Jean-Jacques Wondo Omanyundu. 2013. Les Armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, Monde nouveau/Afrique nouvelle, Vevey, p.67.

[5] Wondo, J-J. 2013. Les Armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, Monde nouveau/Afrique nouvelle, Vevey, 491p.

[6] Langellier, J-P. 2017. Mobutu, Perrin, Paris, 431p.264

[7] https://telquel.ma/2015/03/27/les-troupes-marocaines-intervenaient-letranger_1440165.

[8] http://www.css.ethz.ch/content/dam/ethz/special-interest/gess/cis/center-for-securities-studies/pdfs/CSS-Analysen-84-FR.pdf , p.1.

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