L’après M23 plein d’incertitudes : RDC-Soudan : schéma identique ?
Deux mois après la défaite militaire du M23 face aux FARDC et à la Monusco, l’Est de la République Démocratique du Congo continue de vivre une paix précaire. Hormis le massacre d’une vingtaine de personnes à Beni à la fin de semaine dernière, les tueries n’ont pas quitté le quotidien des compatriotes du Nord-Kivu. Quant aux populations d’autres zones rouges du pays, notamment en Province Orientale, au Sud-Kivu, au Maniema et au Nord-Katanga, elles restent sous la botte des milices armées.
Selon nombre d’observateurs, le schéma de la balkanisation du grand Congo, à l’instar de celui appliqué en son temps au Soudan, serait toujours à l’ordre du jour. Notre pays est estimé comme trop grand pour être administré par ses filles et ses fils. La thérapeutique que retiennent les ennemis de son unité est celle de son éclatement en plusieurs républiquettes.
Le temps des micro-Etats faibles et exploitables
Dans plusieurs officines politiques et diplomatiques occidentales, l’heure est à la partition de grands blocs étatiques en Afrique pour les remplacer par des micro-Etats faibles, exploitables et corvéables à merci. Le cas du Soudan devrait interpeller sérieusement les gouvernants du Congo. Dans ce pays, les multinationales désireuses de faire main basse sur le pétrole ont tout fait pour retirer définitivement au régime du président Omar Béchir tout droit de regard sur cette ressource naturelle. Présentement, ceux-là mêmes qui avaient réussi à faire éclater le Soudan en deux ne semblent plus contents de leur œuvre. Ils se seraient apparemment engagés dans le schéma de partition du Sud-Soudan, pour le rendre davantage faible et l’empêcher d’avoir un quelconque pouvoir de décision sur ses ressources pétrolières.
Ainsi donc, la RDC gênerait sérieusement, par sa taille géographique et le sentiment très fort de son peuple de rester un et maître de ses richesses, toutes les forces occultes tentées de jouir impunément de ses ressources naturelles. Par conséquent, toutes les batteries seraient mises en marche pour obtenir, à plus ou moins longue échéance, son implosion en petites entités politico-administratives à la merci de la maffia politico-financière internationale. Voilà ce qui explique l’essaimage des groupes armés par tous ceux que l’unité du Congo dérange. Un Congo uni, fort et prospère, serait le pire ennemi des prédateurs de ses minerais.
Le défi d’une constellation de groupes armés
Le défi de l’éradication de plus d’une quarantaine de groupes armés et de près d’une demi dizaine de forces négatives étrangères opérant au Nord, à l’Est et au Sud-Est du pays, est énorme. Il est d’autant difficile à relever qu’il exige, en plus des opérations de nettoyage des écuries par les armes, celles de démantèlement des réseaux maffieux qui parrainent les seigneurs de guerre.
En effet, plusieurs enquêtes des Nations Unies menées dans les zones de conflit en RDC ont démontré que le véritable enjeu des guerres à répétition est à chercher dans l’exploitation minière. Les groupes armés entretiennent une insécurité permanente autour des zones minières de manière à permettre à leurs sponsors de tirer des bénéfices plantureux du trafic illicite du diamant, de l’or, du coltan, de la cassitérite, du manganèse, etc.
D’où, combattre les milices armées sans s’attaquer aux véritables sources du mal que sont les antennes des multinationales, les décideurs politiques, les officiers supérieurs militaires basés aussi bien au Nord-Kivu, en Province Orientale, au Sud-Kivu, au Katanga, à Kinshasa, à Kampala, à Kigali ou à Bujumbura, s’apparente à un travail sans lendemain. La Monusco et les FARDC, qui ont la lourde responsabilité de donner la chasse à la multitude forces négatives nationales et étrangères qui sèment le bordel au Nord, à l’Est et au Sud-Est du pays, devraient commencer par revisiter l’abondante documentation réunie par les experts des Nations au sujet de ces forces du mal, avec les identités de tous les seigneurs de guerre, leurs bailleurs de fonds et leurs fournisseurs en armes.
On retiendra pour l’histoire que les miliciens de Bakata-Katanga ont fini par sortir du bois et se rendre à la Monusco après avoir vécu deux années de disette, de 2011 à 2013, dans les forêts, puisque abandonnés par leurs pères nourriciers. Mutatis mutandis, si les groupes armés basés au Nord et à l’Est étaient coupés des mamelles financières qui les nourrissent et chassés des zones minières, ils disdparaîtraient dans un délai court, comme le M23. La leçon du Soudan et du Sud-Soudan vaut tout son pesant d’or.
Kimp – Le Phare, 20 décembre 2013