Jean-Jacques Wondo Omanyundu
SOCIÉTÉ | 21-05-2015 21:10
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La profanation de la Pentecôte du 2 juin 1966 : La dimension spirituelle de la crise congolaise – G. Nzinga

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

La profanation de la Pentecôte du 2 juin 1966

La dimension spirituelle de la crise congolaise

Par Germain Nzinga Makitu

1. Qu’est-ce qui s’était passé le 2 juin 1966 à Léopoldville ?

Le  Stade des Martyrs de la Pentecôte situé dans la commune de Lingwala à Kinshasa reste le monument géant commémorant le souvenir des quatre martyrs qui cherchèrent un moment donné de notre histoire nationale à barrer la route à une dictature sanguinaire naissante qui durant trois décennies mettra à genoux le destin de tout un peuple.

Sous le fallacieux prétexte d’un prétendu complot contre la vie du chef de l’Etat[1], montée de toutes pièces par les officiers de l’armée sous la houlette du colonel Alphonse-Devos Bangala, cette conjuration imaginaire ne fut qu’un piège tendu en vue de mettre aux arrêts le dimanche 29 mai 1966 les acteurs politiques ci-après : Evariste Kimba, Jérôme Anany, Emmanuel Bamba et Alexandre Mahamba.

Mobutu_Rabat

Le lundi 30 mai 1966, Mobutu crée par ordonnance-loi un tribunal militaire d’exception, présidé par le général Pierre Ingila, secondé lui-même par les colonels Ferdinand Malila et Honoré Nkulufa. Ce tribunal sera chargé de juger les quatre conjurés dans un procès dit « Procès de la Pentecôte » qui commencera le mardi 31 mai et se tiendra en plein air, devant une foule de 20.000 personnes très hostile, qui manifestait bruyamment. Les quatre politiciens sont ligotés aux pieds et menottés aux mains. Leur interrogatoire durera deux petites heures. Des haut-parleurs retransmettront leurs déclarations, ponctuées par des huées de la foule. Ce procès inique sera très expéditif et les paroles de l’officier du tribunal militaire en démontrent le caractère arbitraire : « Messieurs, nous sommes ici devant le conseil de guerre, ce n’est pas pour faire des discussions. Nous sommes ici pour punir quelqu’un. Donc le tribunal militaire ne demande pas beaucoup de temps. ». Après cet avertissement, la cour va se retirer pour cinq minutes de délibération et reviendra pour prononcer la sentence : peine de mort pour tous les quatre inculpés.

De nombreux appels de chefs d’Etat du monde tels que celui du monarque belge le roi Baudouin, du général Charles de Gaule ; du président américain Lindon Johnson ou du premier ministre britannique ne changeront en rien la décision du jeune président congolais. Sa Sainteté le pape Paul VI à son tour adressera un message pathétique pour conjurer solennellement le lieutenant-général Mobutu de ne pas franchir le Rubicon mais en vain.

Le 2 juin 1966 est le jour de la Pentecôte qui est un jour sacré et férié. C’est en fonction de cette double valence du sacré et du férié que le nouveau pouvoir choisira de commettre le forfait pour tenter, à travers la pendaison de présumés conjurés, de désacraliser le jour de la Pentecôte, ce jour-là où l’Esprit du Ressuscité est descendu sur les nations. En pendant au gibet les leaders de cette opinion empreinte de liberté et de justice devant une grande foule estimée à 50.000 personnes, Mobutu a voulu sciemment casser la dynamique de liberté qui, six ans avant, s’était emparée des congolais réclamant l’indépendance souveraine et immédiate. Dans un silence glacial, la tête cagoulée, Evariste Kimba, l’ex-Chef du gouvernement, fut le premier à monter sous la potence et ce, sous le regard horrifié des autres condamnés installés à l’arrière d’un camion militaire et de la foule transie de peur. Très rapidement Bamba puis Anany passèrent également sous la potence. Autour du dernier conjuré, le ciel s’obscurcit comme pour annoncer un violent orage. Au final, c’est sous un vent tourbillonnant auquel rien ne résista sur son passage que Mahamba rendit l’âme.

Ce qui n’est pas dit dans les archives officielles congolaises et qui a été clairement reproduit par le journaliste de l’Agence France Presse (AFP), témoin direct de la tragédie, c’est qu’un vent de panique et de stupeur s’empara de la foule qui rompit brutalement les barrages établis à cinquante mètres du lieu de supplice par les para commandos, se rua vers la potence pour tenter de s’opposer à la dernière exécution. C’est dans ce mouvement de panique et de sauve-qui-peut général que des hommes, des femmes et des enfants tombaient, étaient piétinés, restaient étendus, hurlant de souffrance et de terreur. Au bout de cinq minutes, la place d’au moins cinquante mille personnes se vida en un clin d’œil.

2. Que visait Mobutu à travers ces pendaisons ?

En suivant de près le rituel qui avait accompagné ces pendaisons du début à la fin, à savoir : une fanfare militaire qui agrémentait de la musique entre deux pendaisons, les quatre cercueils présents dont l’un était ouvert d’avance, la lecture solennelle de la sentence et les préparatifs qui duraient cinq minutes avant que le plancher de la potence se dérobe sous les pieds du supplié, il est évident que Mobutu voulait frapper les esprits d’une manière définitive pour les soumettre à son pouvoir machiavélique cherchant plus à être craint qu’à être aimé.

Comme il le déclarera lui-même le soir de la pendaison  à la télévision nationale: « Il fallait frapper très fort par un exemple spectaculaire et créer les conditions de discipline au régime. Lorsqu’un chef décide, il décide, un point, c’est tout. J’ai décidé, au nom du Haut Commandement, que nous sommes au pouvoir pour cinq ans un point c’est tout. Il n’appartient plus à un groupe de politiciens d’aller se mettre du côté des financiers pour provoquer encore des désordres et des troubles dans ce pays. Ils l’ont fait, il fallait un exemple. »[2]

Mobutu décide de régner par la terreur. Il n’aura plus désormais d’autre langage pour parler à son peuple que celui du châtiment exemplaire, d’intimidations et des assassinats quotidiens, réussissant à faire vivre le peuple congolais tout entier sous un climat d’esclavage et d’horreur qui le plongera dans le silence et la servitude jusqu’à nos jours.

Il importe de prendre cette pendaison publique des martyrs de la Pentecôte comme un événement fondateur de recolonisation qui signa le décès de la démocratie naissante au Congo-Kinshasa et l’étranglement de la culture du débat libre, la suprématie de la force brute sur la force de la loi et de l’expression libre des citoyens congolais etc. A la place de toutes ces valeurs, ce furent l’angoisse et la terreur qui s’emparèrent des congolais, petits et grands, qui se sentirent épiés par le félin léopard et se croyaient en danger partout jusque dans leurs chambres à coucher. Depuis l’ère des indépendances qui semblèrent tirer le peuple de la nuit coloniale, cet événement visait à refonder les bases nouvelles de l’asservissement du peuple congolais, régi cette fois-ci par ses propres fils. Cet événement ouvre la brèche à toute la lâcheté qui caractérisera désormais les congolaises et les congolais qui refuseront d’exprimer leur mécontentement contre une politique générale travaillant contre l’intérêt supérieur de leur nation. Désormais, chacun croit qu’il vaut mieux éviter d’avoir affaire au pouvoir sanguinaire, à la justice plus versée à condamner les innocents et de se frotter aux mandataires de l’Etat qui se comportent plus en bourreaux qu’en serviteurs du bien public. Les populations tétanisées choisiront de s’enfermer dans un mutisme troublé quelquefois par des slogans creux à la gloire du tyran.

3. L’autre dimension spirituelle de la crise congolaise…

Beaucoup de téléspectateurs ayant écouté le soir de la pendaison le speech de Mobutu à la télévision nationale, n’avaient pas prêté attention à une phrase très significative  de son discours: « Le respect dû à un chef, c’est quelque chose de sacré… ». Mobutu initiait le processus de déification et de sacralisation de sa personne dont j’ai longuement parlé dans une autre publication[3]. Au fur et à mesure que se consolidaient les fondations de sa dictature totalitaire, Mobutu ne se prenait plus pour un humain. Dans son imaginaire, porté aux nues par ses thuriféraires, Mobutu finit par se convaincre que plus qu’un chef, il était devenu un dieu. Les relations de ses sujets à son endroit devraient désormais revêtir ce caractère sacré où ses paroles devinrent des oracles et ses ordres des ukases. Il avait pris la souveraine habitude de diriger par ordonnance-loi[4], réduisant au silence la classe politique congolaise et muselant les chambres basses et hautes tout en devenant soi-même l’unité de mesure de la vérité politique du jeune Etat.[5]

Et dans ces conditions, la guerre ne tardera pas à se déclarer entre lui et Dieu, entre son pouvoir temporel et le pouvoir tout-puissant, entre son royaume terrestre et le Royaume de Dieu. Son visage défilant dans les nuages, comme par un rituel quotidien, chaque soir avant le journal télévisé, Mobutu « divinisé » par son peuple ne tolère plus aucune frontière à son pouvoir, ni sur terre ni au ciel. Il va s’en prendre aux œuvres de Dieu en choisissant de salir systématiquement les « puits sacré » où ses sujets avaient pris l’habitude d’aller puiser l’eau vive. Ce jour du 2 juin 1966 qui est sensé donner l’effusion de l’Esprit aux congolais pour les sortir de la peur tout en leur conférant l’esprit de force et de confiance en leur avenir, Mobutu va inoculer à tout un peuple, tant aux générations présentes qu’à celles futures, le poison de la peur et de la méfiance, de la délation et de la corruption.

Moins que de l’effusion, c’est de l’immersion dans le monde des ténèbres qu’il fut question. Il implanta dans les mœurs congolaises tout ce qui lie à la chair et à la dépravation : la fornication, l’impureté, la débauche, l’idolâtrie, la magie, la discorde, les jalousies, les emportements, les disputes, les dissensions, les sentiments d’envie, les orgies, les ripailles (Ga 5, 19-21) et toute cette bassesse qui éloigne les congolais de la terre promise qu’est le pays de leurs ancêtres. Longtemps après sa mort, les congolais resteront hantés par le syndrome Mobutu qui les a asservis mentalement et encore de nos jours les pousse à boire et à danser sans discontinuer au moment même où les ennemis ont déjà occupé le trois quarts de leur territoire national. Rien d’étonnant que la semaine dernière, des concerts musicaux ont réuni des dizaines de milliers de kinois au Stade du 20 mai au moment même où nos frères et sœurs sont massacrés à l’arme blanche à Beni. Les congolais dansent à quelques pas de la prison Makala où croupissent de nombreux prisonniers politiques dont le seul tort a été d’avoir voulu lutter pour l’émancipation de leur pays sans que personne ne vienne à leur défense.

Pour revenir à son combat titanesque contre Dieu et l’esprit de liberté y afférente, Mobutu va déployer tout son génie du mal : il va quadriller le pays des marabouts venus de tous les quatre coins du monde ; il va battre la nouvelle monnaie qui passera impérativement par les cérémonies magiques de ses marabouts pour pouvoir envoûter quiconque disposera de ladite monnaie ; il supprimera les noms chrétiens pour mettre une croix sur la vocation chrétienne à la sainteté ; il va lancer sa politique de l’Authenticité pour justifier cette figure du chef disposant de ses sujets comme de ses biens personnels[6] ; il va promouvoir la pratique des sacrifices humains immolés dans les maisons des dignitaires du Mouvement Populaire de la Révolution pour garantir leur ascension dans les échelons de pouvoir du Parti-Etat; il sera le maitre incontesté des cérémonies sataniques à des heures tardives de la nuit  et des incantations nocturnes dans les cimetières. Son règne de Mal trouvera un totem vivant dans le long boa, symbole de l’antique mal, qui va élire domicile à la Voix du Zaïre au vu et au su des journalistes sommés de devenir laudateurs de cette nouvelle divinité créée de toute pièce un certain 24 novembre 1965.

Pour aller loin dans son travail d’Anti-Christ, Mobutu va s’employer à profaner des lieux sacrés des chrétiens telle les séminaires de formation des prêtres où il va imposer le civisme de la JMPR et la maison jouxtant avec le stade Tata Raphael du cardinal Joseph-Albert Malula (chassé de son pays natal le 11 février 1972). Celle-ci sera pillée de fond en comble puis transformée en quartier général de la JMPR. La chambre à coucher du prélat deviendra le bureau du commissaire d’Etat à la JMPR. En lieu et place des symboles religieux sur les murs du salon de la maison du cardinal comme le crucifix et la photo de Jésus, trônait désormais le portrait géant de Mobutu Kuku Ngbendu Wa Zabanga avec sa toque de léopard et sa canne sculptée. Il deviendra le Lucifer de la Primacuria, cette loge satanique et secrète réunissant la plupart des dinosaures du MPR prononçant le serment en buvant le sang humain et dont beaucoup de ses membres sont encore des opérateurs politiques actifs sur la scène politique congolaise.

La religion traditionnelle africaine entre ici en conflit ouvert contre l’Etat moderne. Elle pose un frein à la consolidation d’un Etat moderne basée sur une légitimité démocratique et sur l’efficacité technico-économique appelé couramment le développement économique.[7] Toute cette manière de diriger le pays nous a conduits à une situation inextricable, à une espèce d’impasse structurelle que le sociologue congolais, Kayemba Ntamba, a tôt fait de circonscrire dans sa théorie de l’impuissance[8]. Impuissance face aux défis de l’avenir. Impuissance face à un système politique qui a accumulé des antinomies et généré le blocage de toute la machine administrative d’un Etat.

Mes compatriotes n’ont pas assez pris la mesure des dégâts spirituels que Mobutu a laissés comme lourd héritage au peuple congolais. Nous passons beaucoup de temps à critiquer les puissances étrangères et les multinationales mais nous n’avons pas évalué l’étendue de catastrophe spirituelle de nos propres frères qui ont signé le pacte avec le diable[9] et qui ont sciemment choisi d’obéir à un système d’antivaleurs qui ne peut JAMAIS impulser la reconstruction de notre pays. Les américains, les belges, les français nous tiennent sous coupe réglée depuis notre indépendance parce qu’ils ont trouvé des congolais prêts à vendre leur peuple et leur pays pour les intérêts égoïstes. Les Ougandais et les Rwandais réussissent à infiltrer tous les rouages des institutions congolaises parce que parmi nous, beaucoup sont enracinés dans la culture spirituelle de Primacuria où le mal fait figure de bien et le bien est pris pour le mal. Une culture qui se nourrit de « la promotion du désordre politique. L’instrumentalisation de celui-ci se convertissant en une stratégie de conservation et du renforcement du pouvoir. »[10]

A-t-on assez réalisé à quel point Mobutu a pu implanter le mal dans l’âme, les us et coutumes des congolais ? Sait-on à quel niveau aussi profond qu’on ne l’a imaginé les congolais se sont imprégnés de cette culture d’en-deçà ? S’est-on une fois demandé combien ce Mal zaïrois[11] fait constamment la guerre à l’Esprit de Pentecôte et réussit à prendre possession de millions de citoyens d’un pays ? Tenez ! Ces derniers prient jour et nuit. Malheureusement même leur prière devient une insulte à l’Esprit libérateur tant les contradictions entre leur piété et leur vie quotidienne porte atteinte à la gloire de Dieu. La perfidie et le mensonge qui caractérisent le style de vie des congolais est à l’antipode de la véracité et de l’amour. Leurs incessantes querelles et jalousies mesquines autant dans les petites que dans les grandes choses tuent dans l’œuf toute initiative d’un pacte social pour la restauration de l’Etat, par la paix et la concorde nationales qui devraient le ciment d’un vivre-ensemble national.

Méfiez-vous des beaux discoureurs qui du matin au soir vous flattent avec des formules soporifiques telles « Le Congo est un pays béni », « Nzambe akosala »[12] alors même que l’élite politique de ce pays travaille jour et nuit pour pérenniser la misère innommable de ce peuple et sa descente aux enfers. Il faudra affronter la vérité de l’essence congolaise. La vérité face à nous-mêmes, la vérité devant le jugement de l’histoire. Pour ce faire, il faudra nécessairement faire le deuil de Mobutu et des antivaleurs de son régime qui ont survécu à la mort physique du Maréchal et qui continuent à hanter les congolais tout en les prenant en otage. Il faudra pour chaque congolais prendre le courage de se regarder en face pour se laisser exorciser de ce Mal tapi au plus profond de soi-même depuis ce jour-là du 2 juin 1966 où l’Esprit de vérité et d’amour a été souillé par le sang innocent versé au cœur de la capitale. Ce jour-là où fut profanée sciemment la dynamique de l’esprit de concorde, de paix et d’amour entre citoyens d’un même peuple.

Cette profanation spirituelle, le nouveau pouvoir de l’AFDL la portera à son paroxysme dans la culture du mensonge, de la ruse, de la délation et surtout de nombreux assassinats de masse par la magie d’un régime politique dit de libération au prisme duquel bien paradoxalement les forces de la mort deviennent plus puissantes que les forces de la vie, où la passion de détruire supplante toute volonté de construire[13], où le Thanatos prend le dessus sur l’Eros[14], poussant petit à petit l’Etat congolais à son éclatement total[15].

Les congolais ont tort de croire que les offenses à Yahvé s’effacent aussi facilement sans le signe visible de conversion radicale, suivie d’une réparation matérielle. N’est-il pas dit : « Vin nouveau dans les outres neuves »[16]. Les lois spirituelles sont aussi rigoureuses et drastiques que celles physiques ! Si au plan politique, le peuple congolais dans sa courte mémoire a déjà enterré le contentieux de bien public chiffré en des centaines de milliards de dollars et détourné par ces trois régimes dictatoriaux (Mobutu- Mzee Kabila- Joseph Kabila) qui ont eu le seul mérite de clochardiser des milliers de familles congolaises, sur le plan spirituel, cependant, les choses ne se passent pas si facilement comme on le pense. Le Dieu de justice ne met jamais l’onction dans des vases obstinés à rester impurs. Il n’efface point la trahison de celui à qui il a confié la tache de paitre son troupeau et qui n’a pas porté satisfaction à sa volonté souveraine. Le Dieu et Père de Jésus-Christ n’honore pas un peuple à qui Il a tout donné dès sa création comme nation mais qui a choisi de bâtir son destin sur des fondations minées par les antivaleurs. Dieu n’honore jamais un peuple qui a manqué à sa mission de rendre heureux les autres peuples de la terre parce qu’il se complait à se conduire avec une insoutenable légèreté d’être et une impardonnable irresponsabilité.

Cette crise congolaise est aussi un moment de rendre des comptes devant l’histoire pour tous les dons reçus par le Congo à la Pentecôte des nations et que nous ses citoyens, nous avons soit dilapidés soit enterrés dans la boue de notre égoïsme, dans notre incapacité à honorer dignement la mémoire de nos martyrs et dans notre manque de vision d’un Congo grand, beau et prospère. Nous rendrons compte, croyez-moi, chacun en particulier et la nation dans son ensemble face à la mémoire subversive de nos nombreux martyrs ayant marché tête haute à la potence, convaincus qu’ils étaient que c’était là le meilleur prix à payer pour l’émergence d’une nation forte et pour la réalisation du grand rêve démocratique sur le sol de leurs ancêtres… Qu’on se le dise !

Germain Nzinga Makitu.

[1] Connu sous le nom du Complot de la Pentecôte.

[2] C. KAMITATU, La grande mystification du Congo-Kinshasa. Les crimes de Mobutu, 2e éd., Paris, Maspero, 1971, p. 176.

[3] G. NZINGA MAKITU, La manipulation des medias congolais en période électorale, Kinshasa, Mediaspaul, 2006, pp.64-67. Je me posais déjà la lancinante question suivante : « Pourquoi l’âme congolaise cherche-t-elle toujours quelqu’un pour le dominer ? Pourquoi est-elle encline à se laisser mener par un tiers à qui elle délègue son pouvoir de penser et de décider ? »

[4] Depuis son Discours du 12 décembre 1965 dans lequel il mettait les choses au point devant une foule des kinois rassemblés au Stade Tata Raphael (débaptisé Stade du 20 Mai) : « je dirigerai le pays par voie d’ordonnances-lois ayant force de loi ». Cfr J.-I.-N. KANYARWUNGA, République Démocratique du Congo. Les générations condamnées. Déliquescence d’une société précapitaliste, Paris, Publibook, 2006, p.125.

[5] En effet, le parlement congolais, bruyant mais légaliste, ne sera plus consulté mais plutôt « informé». Mobutu concentre tous les pouvoirs entre ses mains : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, la justice et, bien entendu, le droit régalien de battre la monnaie et d’apposer son effigie. Cfr J.I.N. KANYARWUNGA, op.cit., p.125.

[6] Michel-Ange MUPAPA SAY, Le Congo et l’Afrique à l’orée du troisième millénaire. Pathogène du sous-développement, Kinshasa, Presse Universitaire du Congo, 2004, p.179 qualifie cette tradition africaine de lien spirituel infrangible parce qu’elle enveloppe les activités du congolais de la naissance à sa mort.

[7] M.-S.-N. KOUAME, « La colère des dieux : la religion contre l’Etat en Afrique noire » dans Ethiopiques n°72, 1er semestre 2004.

[8] N.-M. KAYEMBA, « L’impuissance de l’Afrique noire postcoloniale : matériaux pour la construction d’un modèle théorique  d’analyse » dans Cahiers économiques et sociaux vol. 15, 1977, pp. 406-444.

[9] Cette expression était maintes fois reprise par Joseph-Désiré Mobutu dans ses interviews et meetings et la conjuguait lui-même à la première personne en prétendant faussement construire le bien par les alliances avec les forces du Mal. Cfr O. MUTOMBO, « Rapp : Bush Gun chante « Non à la balkanisation» dans http://www.groupelavenir.net

[10] M. PETITHOMME, Les élites postcoloniales et le pouvoir politique en Afrique subsaharienne. La politique contre le développement, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 159-160.

[11] L’expression a été forgée par les évêques congolais réunis en Session de l’Assemblée Plénière des Evêques du Zaïre du 1er juillet 1978. Elle sera abondamment reprise par de nombreuses publications : Isidore NDAY WEL EZIEM & AL., Histoire générale du Congo, de l’héritage ancien à la République démocratique, éd. De Boeck, 1998, p. 739 ; NGUZA KARL I BOND, Mobutu ou l’incarnation du Mal zaïrois, éd. R. Collins, 1982, 201p. ; A. KALONGA, Le mal zaïrois, éd. Fati, 1978 ; D. MUMENGI, « Les trente ans de dictature du Maréchal Mobutu. Le mal zaïrois » dans Le Monde Diplomatique de novembre 1995 dans http://www.monde-diplomatique.fr

[12] Une formule oiseuse qui énonce ni plus ni moins la démission pure et simple de l’humain à qui a été confiée l’œuvre de continuer la création et de veiller à sa sauvegarde et qui se refugie dans une piété infantilisante (Gn 1, 26). En réalité, notre foi chrétienne est appelée à être critique vis-à-vis de son environnement immédiat et lointain. Elle doit demeurer vigilante contre toute forme d’oppression qui avilit la dignité humaine. A chaque instant, elle doit procéder par ces trois étapes : Voir, Juger et Agir pour la promotion du règne de Dieu dans l’homme et parmi les hommes.

[13] Cfr E. FROMM, La passion de détruire. Anatomie de la destructivité humaine, Paris, Robert Laffont, 1975.

[14] G. NZINGA MAKITU, Stratégies de domestication d’un peuple. BMW comme armes de destruction massive, Paris, Edilivre, 2014, p. 342.

[15] Lire à ce propos G. AUNDU MATSANZA, L’Etat au monopole éclaté. Aux origines de la violence en RD Congp, Paris, L’Harmattan, 2012, 188 p.

[16] On ne met pas non plus du vin nouveau dans les vieilles outres. Autrement les outres se rompent, le vin se répand et les outres sont perdues. Mais on met du vin nouveau dans les outres neuves, et le vin et les outres se conservent » Matthieu 9, 17.

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8 Comments on “La profanation de la Pentecôte du 2 juin 1966 : La dimension spirituelle de la crise congolaise – G. Nzinga”

  • Magellan du Congo

    says:

    Merci Mr Germain Nzinga pour ce rappel historique.Seulement je vous voudrais y poser qlq petits rectificatifs et une ou deux questions.Il semble que l’interview où le Président Mobutu parlait de la Sacralité de la Personne du Chef a eu lieu en Juillet 1966 et non le Soir du 2 Juin 1966.Est ce que l réellement le Président Américain de l’Epoque avait demandé une grace pour les Condamnés de la Pentecote1966?Cars’il avait réelement demandé je doute fort que Mobutu qui était l’homme de la Cia le lui aurait réfusé.Parce que lesCondamnés du Coup d’Etat monté et manqué de 1975 n’ont plus subit la peine capitale suite à une intervention dit-on du Président des Etats Unis de l’Epoque.Une fois merci de nous rappeler ces chapitres de l’histoire du Pays

    • Bonjour Magellan du Congo. Je suis de la famille de Papa Emmanuel BAMBA. Je vous confirme que la famille à l’époque en Belgique avait contacté le président américain ,le roi des belges et même le pape à Rome, ces derniers avaient bel et bien demandé la grâce présidentielle mais Mobutu avait refusé. Par ailleurs, papa Diangenda kuntima, le chef spirituel kimbanguiste, ami de Mobutu, qui connaissait très bien papa Bamba avec qui il entretenait des relations fraternelles, n’avait rien fait dans ce sens.

  • Germain nzinga

    says:

    Merci monsieur Magellan pour les correctifs concernant certaines précisions historiques. Quant à l’appel de demande de clémence du président américain, Lindon Johnson, j’ai eu la chance d’entrer en contact avec un ancien politicien qui était dans le sérail du pouvoir du lieutenant-général Mobutu qui m’a confirmé ce détail mais il a ajouté que ce n’était qu’un message pour la FORME. Dans le fond, l’administration américaine qui avait déjà été au four et au moulin de l’assassinat de Lumumba, avait choisi non la démocratie pour l’Afrique mais la stratégie de l’Homme FORT pour contrer l’avancée du marxisme-communisme. Pour me résumer, l’appel du président américain était pour la forme en vue d’amadouer l’opinion international et pour pour sauver les apparences alors qu’en réalité cet acte fondateur arrangeait sa nouvelle politique de domination d’un peuple par l’entremise d’un dictateur fort et impitoyable. Pour preuve d’étroite collaboration entre Mobutu et les américains, lors de mes recherches au Musée de Tervuren, je suis tombé sur un document qui attestait combien après la pendaison de la Pentecôte, ce sont les agents de l’ambassade américaine ( pour ne pas dire les antennes de la CIA) qui étaient chargés de sillonner toutes les provinces congolaises pour jauger l’opinion profonde des congolais. A l’issue de cette enquête, ils ont remis un rapport circonstancié à Mobutu et ont vivement conseillé ce dernier de proclamer Lumumba « héros national » pour endormir davantage la colère du peuple. ( Pour approfondir le sujet lire mon ouvrage Stratégies de domestication d’un peuple, Paris, Edilivre, 2014, pp.289-291) . Une leçon pour nous congolais d’aujourd’hui de ne plus nous laisser impressionner par les appels d’Obama à Kabila de respecter la Constitution. Il va sans dire qu’un appel peut en cacher un autre, et souvent son contraire! Soyons plus vigilants face à certaines déclarations qui nous caressent dans le sens du poil !

  • Troll

    says:

    ¤ Mr G NZINGA
    Coincidence? Vous publiez votre article au moment où mr Tshisekedi tente de recuperer son « imperium »* Il ya une vidéo dans les archives de la RTBF où le rôle de mr Tshisekedi dans la pendaison publique de ces quattres opposants est plus visible’.
    En effet, mr Tshisekeki membre du fameux Groupe de Binza, car ayant été « Commissaire Général » lors des deux coups d´État de Mobutu, était ministre de l´interieur et defendait ces pendaisons**

  • Germain nzinga

    says:

    En effet, j’ai vu ladite vidéo et je suis resté bien perplexe. Je me suis demandé s’il parlait par conviction ou s’il avait déjà mesuré la férocité du régime pour lequel il travaillait et qu’il avait choisi de se murer dans le faux-semblant jusqu’à ce qu’il en signe officiellement le divorce en décembre 198o avec la fameuse Lettre des treize parlementaires. Quoi qu’il en soit, ses déclarations nous aident à comprendre les méandres politiques fort complexes de ce pays et l’identité trouble de ses animateurs. Ce qui du coup nous invite à moins mystifier ces derniers, quels qu’ils soient, et de les juger non point selon leurs déclarations mais uniquement selon la véritable capacité de chacun d’eux à faire sortir le pays de l’impasse où ils l’ont porté… Jamais les congolais n’ont eu autant besoin de leur jugement critique qu’en ce temps qui court…

  • DÉSIRÉ Mbaki yala

    says:

    Merci beaucoup vraimenr pour cet article. Je voulais debattre avec le fils de Papa BAMBA mais je trouve qu’il me suffit juste de lui balancer cet riche article.

  • Groto Hilaire

    says:

    Monsieur l’Abbé Germain, vous êtes un vrai SAGE et un PROPHETE qui ne tarit d’avertissements et de conseils au peuple congolais pour qu’il puisse enfin se réveiller et se sortir du gouffre dans lequel ses dirigeants notamment ont fini de le placer.
    Vous méritez un peu plus de visibilité! Ce que vous écrivez souvent mérite d’être traduit en Lingala et en d’autres langues du Congo, et du monde! Pourquoi ne collaboreriez-vous pas avec Fabien Kusuanika sur Télé Tsangu pour diffuser régulièrement à un plus large public, à partir de l’Europe, vos messages de sensibilisation, de conscientisation et d’éducation pour qu’ils touchent aussi le Congolais moyen?

    Je pense toujours au projet de traduction de vos textes en Anglais, même si pour l’instant je suis encore dans l’impossibilité totale de le faire, contrairement à ce que je pensais il y a deux ans! En effet, les vrais amis du Congo et les fossoyeurs du Congo à travers le monde ont aussi grandement besoin de savoir ce que vous écrivez souvent pour leur donner matière à réflexion et une nouvelle impulsion pour agir plus efficacement! Croyez-moi, beaucoup de ces fossoyeurs changeront leur fusil d’épaule à force de vous lire et de vous écouter!

    En rapport avec votre texte d’aujourd’hui, je suis tombé sur les écrits d’un Congolais DJAMBA YOHE que vous connaissez déjà certainement. Il a écrit des textes entiers sur « L’HISTOIRE ESOTERIQUE DE LA RDC »(1) à (6) trouvable sur internet (https://www:congoforum.be/fr/). Il abonde tout justement dans le même sens que vous, disant que la descente aux enfers du peuple congolais a trouvé son paroxysme dans « la profanation de la Pentecôte par le Président Joseph Désiré Mobutu, en 1966 » et en appelle notamment à un EXORCISME général des lieux et des êtres pour espérer libérer le Congo de la Démonologie qui anime ses dirigeants et ses inhabitants aujourd’hui!

  • Cela a vraiment fonctionné et je suis fier d’en être témoin. J’ai vu le post sur la façon dont elle a récupéré son homme par l’intermédiaire du maitre medium dagbe. Il l’a aidée à récupérer son ex-mari. Le mien m’a divorcé il y a 2 ans pour vivre avec un autre homme et j’essaye de la laisser partir mais je n’ai pas pu donc j’essaye de faire beaucoup de choses pour la récupérer, elle ne me reviendra pas. Un jour, je visite le forum pour quelques conseils de récupération, et là j’ai vu une femme témoigner comment le maitre medium dagbe l’a aidée à récupérer son homme après qu’il s’était lié avec le sort d’une autre femme et que maitre medium dagbe l’avait aidée. Au début je n’ai jamais cru au travail spirituel, je l’ai essayé à contrecœur, j’étais désespéré, je le contacte et lui explique mes problèmes, à ma plus grande surprise, maitre medium dagbe m’a aidé à retrouver ma femme au bout de 2 jours, et maintenant ma relation est parfaite maintenant. comme promis. La restauration permanente d’un Ex ramène non seulement quelqu’un que vous aimez, mais unit également les sentiments des amoureux avec le fait que vous êtes heureux avec cette personne. Ma femme me traite comme un roi maintenant et dit toujours qu’elle m’aime tout le temps. Si vous traversez des difficultés dans votre relation, maitre medium dagbe peut aider l’aide au mariage,
    CONTACTEZ-LE WhatsApp / Appelez-le au +229 99417366 ou

    EMAIL;maitremaraboutdagbe1@gmai.com

    http://www.maitremaraboutdagbe.com/

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