Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 10-12-2020 20:05
10367 | 2

La Nuisance des flatteurs pour le Chef de l’Etat et pour la Nation – JB Kongolo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
LA NUISANCE DES FLATTEURS POUR LE CHEF DE L’ÉTAT ET POUR LA NATION

Par Jean-Bosco Kongolo

Cet article a été initialement publié le 17 octobre 2014.

Kingakati1
Les cadres de la MP mengeant, buvant et festoyant à Kingakati-Buene en mars 2014

A de degrés divers et selon qu’un État est démocratiquement mûr ou non, il y a toujours dans la cour ou autour du Chef de l’État, d’habiles courtisans qui s’interdisent, pour leur propre intérêt, de lui dire la vérité notamment sur ce que la majorité silencieuse pense du pouvoir. Le problème se pose moins là où les règles de gestion du pouvoir sont bien comprises et traduites dans les faits, car grâce à la liberté d’expression et de manifestation, le Chef est constamment à l’écoute du point de vue de l’opposition et de l’opinion publique interne, ce qui lui permet de distinguer les flatteurs et les griots des bons collaborateurs, stratèges et analystes des faits sociaux, politiques et économiques de leur pays. Malheureusement, tel ne semble pas être le cas au Congo « Démocratique » où, depuis le MPR, des compatriotes excellent dans la courtisanerie de bas étage, leur seul moyen de se retrouver à l’aise dans tous les systèmes politiques quel que soit l’orientation idéologique.

La nuisance des flatteurs sous le régime du MPR

Grâce à la pensée unique institutionnalisée, qui faisait de tout détenteur d’une parcelle du pouvoir un responsable du MPR, plusieurs citoyens rivalisaient d’ardeur pour apparaître auprès du Chef ou de son représentant comme étant les meilleurs militants. C’est ainsi qu’on a vu d’éminents Juristes, Politologues, Philosophes, Économistes, hommes de lettres… se faire recruter et prostituer leur science dans des organes et/ou structures purement propagandistes et sans impact visible sur le développement du pays. Avec le recul, ils réalisent qu’il est impudique d’en parler aujourd’hui à leurs petits-enfants. D’autres, pour se maintenir dans ces organes et structures, n’avaient pas hésité de prostituer leurs épouses ou de sacrifier leurs collègues, leurs amis d’enfance ou la jeunesse montante de leurs régions et territoires d’origine au point qu’aujourd’hui ils ne peuvent pas oser se présenter devant leurs électeurs naturels pour se faire élire dans un scrutin libre et démocratique.

Exploitant cyniquement la culture africaine qui permet d’accueillir spontanément le Chef par les chants et les danses, des courtisans imaginèrent et mirent sur pied, dans toutes les cellules de base du MPR, des troupes de danses à la gloire du Guide. Ceux et celles qui savaient faire bon usage de leurs voix et/ou de leurs hanches, même de façon obscène, dans ces troupes appelées « Groupes d’animation culturelle », furent sélectionnés dans de sortes d’équipes régionales (provinciales) tandis que la troupe nationale, dénommée « Groupe Kake » (tonnerre), évoluait dans la capitale Kinshasa. Nombreux sont ceux qui se souviennent de la compétition organisée au Stade du 20 mai en 1973, où la troupe régionale du Shaba (actuel Katanga) fut proclamée meilleur groupe d’animation et primée pour sa célèbre chanson « Djalelo ». Alors que des diplômés de l’Enseignement Supérieur et Universitaire peinaient à trouver de l’emploi, les animateurs de ces troupes étaient considérés comme des cadres du parti tandis que les danseurs et danseuses étaient mensuellement rémunérés comme des fonctionnaires de l’État. Du chef de collectivité au Gouverneur de région (province), chacun avait droit à un accueil agrémenté par ces « militants » lors de ses déplacements dans sa juridiction.

Pendant des dizaines d’années, des courtisans menèrent une vie semblable à celle des patriciens de l’époque romaine tandis que le reste du peuple fut distrait par ce spectacle assimilé au bonheur : « Heureux le peuple qui chante et qui danse ».

Sans s’en rendre compte, Mobutu lui-même fut autant distrait que le peuple par ces mêmes courtisans qui tiraient la couverture de leur côté en lui faisant croire qu’ils l’adulaient et qu’ils étaient prêts à mourir pour lui « Cent ans tomotombeli ». Le volume du dictionnaire politique zaïrois augmenta avec des termes comme « mobutisme, mobutuité du pouvoir ou mobutitude, le Guide, le Timonier, le Père de la Nation, etc. ». Sur l’unique chaîne de télévision nationale(OZRT), on alla jusqu’à déifier le Président-Fondateur du MPR en le faisant apparaître sur des nuages dans le générique précédant chaque journal télévisé. Tous les succès des sportifs et artistes ou tout ce qui était bien fait, lui étaient attribués (cas des victoires africaines du Tout Puissant Mazembe-Englebert et des Léopards, cas du trophée de l’artiste comédien Ngeleka Kandanda, cas de l’épopée Lyandja du Théâtre national…etc.) et les échecs (cas de l’élimination des Léopards à la coupe du monde de football en 1974) devaient être assumés par ses collaborateurs.

Avec la complicité des juristes et politologues, plus partisans que scientifiques, et malgré le monopartisme, la Constitution de la République fut souventefois modifiée ou réaménagée soit pour renforcer encore plus le pouvoir du Président-Fondateur, soit pour dissuader toute velléité de contestation, soit encore pour allonger le nombre et la durée des mandats présidentiels.

De fabuleuses ressources, qui auraient pu être consacrées au développement du pays et au bien être social, furent scandaleusement englouties dans la propagande et dans les comptes de quelques individus qui avaient confisqué le pouvoir à leur seul profit. C’est ainsi que sentant l’herbe se dérober sous ses pieds à cause de la force du vent de la Perestroïka, Mobutu n’eut d’autre choix que d’organiser des consultations populaires à l’issue desquelles il apprit, sans passer par tous ces courtisans, que le peuple désavouait majoritairement son régime. Mais comme tout bon dictateur, qui ne croit pas aux signes de temps, plutôt que d’en tirer toutes les conséquences en sortant par la grande porte pour inscrire en bien son nom dans les archives de l’histoire politique nationale, il attribua tous les échecs dénoncés à ses courtisans, qu’il abandonna seuls dans le MPR en prenant congé de ce parti fondé par lui-même, dans l’espoir de plaire au peuple et de régner encore longtemps. La suite, on la connaît. Entre temps, certains parmi ceux qui l’avaient encouragé et entêté, jusque la veille de sa chute calamiteuse, se la coulent douce et continuent, toute honte bue, avec le concours de nouveaux acteurs, leur œuvre de partisannerie et de nuisance qu’ils avaient développée et maîtrisée sous le régime évoqué.

La nuisance des flatteurs sous la troisième République

Dans presque tous ses articles, l’analyste Jean-Pierre Mbelu aime toujours reprendre la citation selon laquelle « Pour éviter les erreurs de l’histoire, il faut apprendre l’histoire ». Nous en faisons nôtre.

Cela est autant vrai pour n’importe quel peuple que pour le peuple Congolais. Certes, les temps ont changé et on est passé du monopartisme au multipartisme, de la dictature institutionnalisée à la démocratie institutionnalisée (sur papier), du pouvoir conçu pour être exercé à durée indéterminée par un seul homme à la limitation du nombre et de la durée des mandats du Président de la République ou l’alternance au pouvoir. Mais comme nous ne cessons de le dire, « les lois n’ont d’effets que ce qu’en font les différents acteurs concernés ». Au regard des empoignades observées depuis quelques mois entre le pouvoir et l’opposition au sujet du sort du Président en exercice (c’est de ça qu’il s’agit réellement), il convient de se demander si toutes ces innovations constitutionnelles, conçues pour « éviter les erreurs de l’histoire », servent réellement à quelque chose et si non, pourquoi?

Commençons par relever que comme le Président Joseph-Désiré Mobutu, le Président Joseph Kabila était arrivé au pouvoir très jeune, hors du cadre constitutionnel et au moment où le pays était déchiré par des rebellions qui menaçaient son existence en tant qu’État et Nation. Grâce à la médiation de la communauté internationale, qui facilita la signature de l’accord global de Sun City, il parvint à régner durant cinq ans sans élections. Comme Mobutu, il fit légitimer son pouvoir lors des élections organisées en 2006 pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois, selon la nouvelle Constitution. Apparemment, cette même Constitution coupe l’herbe sous les pieds des politiciens par ordonnance qui se trouvent en quelque sorte privés du cadre de la pensée unique, leur recette magique qui avait permis aux mêmes individus de se présenter aux yeux de l’opinion comme les seuls meilleurs fils et filles du pays, venant aux affaires pour un temps et laissant la place aux autres en se retirant dans la « réserve de la République », en attendant de rebondir plus tard. Cette fois-ci, c’est au peuple, et dans un système multipartiste, qu’est reconnu, du moins sur papier, le droit de se choisir librement ses dirigeants. Un extrait de l’exposé des motifs de la Constitution du 18 février 2006 soutient que «… la présente constitution réaffirme le principe démocratique selon lequel tout pouvoir émane du peuple en tant que souverain primaire. Ce peuple s’exprime dans le pluralisme politique garanti par la Constitution qui érige, en infraction de haute trahison, l’institution d’un parti unique. » 

C’est ainsi qu’en lieu et place des chants et des danses d’autrefois, qui ne se justifient plus dans le nouvel ordre politique et institutionnel, des compatriotes zélés ont imaginé de danser avec les neurones de leur cerveau, en proposant notamment de reimpliquer le Président de la République au Conseil supérieur de la magistrature.

« Une pétition a été déposée le 5 novembre 2007 à l’Assemblée nationale. Elle porte sur la proposition de révision des articles 110, 152 et 197 de la Constitution.

députés rdcUn débat houleux est instauré, suscitant de la controverse autour de la révision constitutionnelle. Deux institutions de la République risquent d’entrer en conflit. Il s’agit de l’Assemblée nationale et des cours et tribunaux. Et pour cause: une pétition initiée par l’honorable Tshibangu Kalala en tant que député indépendant, mais proche de l’AMP. Soutenue par les signatures de 310 députés pour obtenir la révision de l’article 152 de la Constitution et permettre au Président de la République et au ministre de la Justice de faire partie du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), cette pétition n’a été signée par aucun élu de l’opposition, qui dénonce par ailleurs une tentative de violation de la Constitution.

En effet, selon la Constitution congolaise promulguée en février 2006, le CSM n’est constitué que de magistrats. Il propose nominations, révocations et éventuelles sanctions des magistrats du siège, qui sont inamovibles et dont l’indépendance est garantie par la Constitution. Cependant la loi organique devant déterminer l’organisation et le fonctionnement du CSM n’a pas encore été adoptée.

Entre-temps, le Synamac, Syndicat autonome des magistrats du Congo, a déposé lundi dernier au Parlement, une pétition contre la proposition de révision de cet article. Le député Tshibangu propose également de réduire les membres de ce Conseil et en plus du Président de la République et du ministre de la Justice, d’inclure en son sein les membres de la société civile.

Dans leur pétition introduite aux deux chambres du Parlement, les membres du Synamac rejettent catégoriquement toute la proposition. Le président du Synamac, M. Nsambayi Mutenda, s’explique : « Les présidents de ces deux institutions comprennent qu’en leur sein, il y a des pétitionnaires qui cherchent à induire les autres en erreur, parce que toute l’Assemblée nationale et tout le Sénat ne sont pas constitués que des juristes. De près ou de loin, le Président est toujours impliqué dans le Conseil supérieur de magistrature.

Faut-il nécessairement sa présence là-dedans ? Ce serait violer la Constitution de la République qui prévoit des dispositions précises pour assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire ». Pour les magistrats, réviser la Constitution en ce moment augurerait, soit une dictature parlementaire, soit une dictature de l’Exécutif. Selon le président du Synamac, le Président de la République dispose déjà du pouvoir constitutionnel. Il nomme et révoque les magistrats sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature. Il peut remettre, modifier ou réduire les peines prononcées par le juge. Il a aussi le privilège de nommer à son initiative 3 membres sur 9 de la Cour constitutionnelle. (Source : «  Le Palmarès, Last edited » 07/11/2007  http://www.digitalcongo.net/article/47948)

Pour la petite histoire, le député (Professeur de droit constitutionnel à l’Université de Kinshasa) initiateur de cette pétition n’a pas été réélu en 2011 dans sa circonscription électorale de Katanda, au Kasaï-Oriental. Est-ce un simple faux pas dans sa stratégie électorale face à des adversaires plus proches du peuple ou la conséquence de son zèle et de son militantisme démesuré? Les électeurs de Katanda sont mieux placés pour répondre à cette question.

Ainsi qu’il est aisé de le remarquer, cette pétition « démocraticide » intervenait à seulement 21 mois de la promulgation de la nouvelle Constitution et 11 mois de l’investiture du premier Président de la troisième République et ce, malgré le caractère intouchable de l’article 220, le même qui fait l’objet des débats houleux de la classe politique et dont voici les termes de l’alinéa 1er :

« La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. »

Le tollé général qu’avait soulevé cette pétition avait retenti jusqu’aux oreilles du Président de la République, qui avait heureusement compris que des flatteurs voulaient vivre à ses dépens en donnant l’impression qu’ils l’aimaient et voulaient son bien. Mais le redoutable virus déjà inoculé continua de se propager et d’accélérer l’incubation chez des compatriotes qui ne s’étaient pas fait vacciner contre la dictature, jusqu’à ce qu’au cours d’une réunion dite interinstitutionnelle, la question de la révision constitutionnelle fut de nouveau évoquée et même une commission d’experts fut constituée pour y réfléchir.

« La Constitution du 18 février 2006 a cru prévenir ces égarements grâce notamment à la clause d’éternité de son article 220. Cette clause exclut de la révision constitutionnelle certaines matières, telles que le nombre et la durée du mandat du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, les droits de l’homme et la décentralisation.

Il est encore très tôt pour se prononcer sur l’efficacité de la clause d’éternité. Ce qui est plus sûr c’est que l’Exécutif et le Parlement n’ont pas encore renoncé à trouver dans la révision constitutionnelle la solution aux problèmes politiques auxquels ils sont confrontés. Pour preuve, en six ans seulement d’existence, la Constitution du 18 février 2006 en vigueur a déjà enregistré trois initiatives de révision au moins dont une a abouti, en janvier 2011. La première initiative, d’origine parlementaire, visait le réaménagement du régime des incompatibilités des parlementaires de manière à permettre à ceux-ci d’être réhabilités dans leurs fonctions au cas où, nommés membres du Gouvernement, ils venaient à quitter celui-ci. Elle visait également l’inclusion du Président de la République au sein du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dont il serait le président. Elle se proposait enfin d’étendre aux députés provinciaux le bénéfice du régime des immunités parlementaires. Accusée de réactionnaire, cette initiative de révision constitutionnelle a provoqué un tollé de protestation dans l’opinion. Comme si la parole du Chef de l’État avait force de loi, il a suffi à celui-ci de se prononcer à son encontre pour y mettre un terme. On peut cependant se demander s’il s’est agi d’une renonciation définitive à l’initiative de la révision constitutionnelle ou plutôt d’un repli stratégique, en attendant le moment favorable.

Cette interrogation semble d’autant plus fondée que trois ans plus tard, la révision de la Constitution était encore à l’ordre du jour. Selon Adolphe Mulenda Bwana N’Sefu, Vice-Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur et de la sécurité, rapporteur de la réunion interinstitutionnelle tenue le 20 mars et le 27 mars 2010, cette révision aurait comme finalité « un recentrage autour de certains impératifs majeurs. Il s’agit du mandat du Président de la République, du découpage territorial, de la question des recettes à caractère national allouées aux provinces, de la question de la nationalité, de l’indépendance du pouvoir judiciaire, du Conseil supérieur de la magistrature, du fonctionnement des institutions provinciales, du droit de retour des députés et sénateurs appelés à d’autres fonctions ainsi que du système électoral, des immunités, du régime politique et de l’extension de la compétence des juridictions militaires ».

Bien que selon le même ministre, s’appuyant sur les réflexions des experts, la réunion institutionnelle a renvoyé certaines des questions susceptibles de faire l’objet de la révision constitutionnelle à une réflexion approfondie et s’est clairement prononcée sur d’autres, le moins qu’on puisse dire c’est que cette initiative de révision constitutionnelle ne va

pas sans susciter un certain nombre de problèmes ». (Source : http://www.afrimap.org/english/images/report/RDC%20Justice%20et%20Etat%20de%20droit%20DD%2018Jul1445%20Web.pdf).

Finalement, c’est en janvier 2011, peu avant les élections législatives et présidentielle, que la première révision constitutionnelle intervint, qui supprima le deuxième tour de l’élection présidentielle. Ayant franchi ce pas important, plus rien ne pouvait désormais arrêter les courtisans, déterminés à prouver au Président de la République leur « attachement inconditionnel » en le présentant comme le seul capable d’introduire la modernité au Congo. Le livre ‘’Entre révision de la Constitution et l’inanition de la nation’’, la création de l’Association ‘’Kabila désir’’, la chanson ‘’Kabila désir’’ (une composition de Kin Kiey Mulumba et qui sera bientôt sur le marché du disque) et tant d’autres initiatives et déclarations du genre : « Je demande aux juristes de rendre possible ce qui paraît impossible. »

Quelle est la situation en RD Congo ? Avons-nous un Président âgé, malade, en fauteuil roulant ? Avons-nous aujourd’hui un candidat autre. On ne peut le fabriquer en un an. Les élections c’est bientôt. Veut-on se préparer à perdre le pouvoir ? ». (Propos de Kin Kiey Mulumba à Kingakati, le 25 août 2014). procèdent du même stratagème destiné à plaire à celui qu’on nomme « Raïs, Autorité morale ».

Un dénominateur commun se dégage de l’esprit et des actes de tous ces personnages, à savoir qu’ils sont tous conscients que la Constitution en vigueur ne leur permet pas de continuer de jouir de manière exclusive et indéterminée comme cela a été le cas sous la deuxième République. Ils sont aussi et surtout conscients que par leurs actes (ex. se réunir pour tenter de modifier le nombre et la durée des mandats du Président de la République ou pour toucher à l’indépendance du pouvoir judiciaire ou encore rédiger et déposer une pétition dans ce sens), ils s’exposent aux poursuites judiciaires pour tentative de haute trahison, qui est une infraction imprescriptible. Pour comprendre ce qu’est une tentative punissable, l’article 4 du code pénal congolais, mis à jour en 2004, dispose qu’ « Il y a tentative punissable lorsque la résolution de commettre l’infraction a été manifestée par des actes extérieurs, qui forment un commencement d’exécution de cette infraction et qui n’ont été suspendus ou qui n’ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur. La tentative est punie de la même peine que l’infraction consommée. » 

Incapables par eux-mêmes d’imposer, autrement que par la force, leur volonté égoïste à tout le peuple, qui ne les suivrait pas, ces nostalgiques acteurs politiques incitent le Président de la République à les couvrir ou mieux à les accompagner dans la commission de cette infraction imprescriptible de haute trahison, prévue à l’alinéa 2 de l’article 64 de la Constitution : « Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’État. Elle est punie conformément à la loi. » D’où la pertinente question de savoir ce qui adviendrait si le Président Joseph Kabila s’abstenait de tomber dans leur piège. La question est d’autant plus pertinente que jusqu’à présent, le Président de la République n’a pas encore pris officiellement ou publiquement position sur la question, son silence pouvant ainsi jouer en sa faveur sur les intentions qu’on lui prête, à tort ou à raison, de se réfugier derrière ses courtisans. Par contre, il a déjà eu à s’exprimer dans le passé aussi bien solennellement qu’en privé, en soutenant être le garant du respect de la Constitution et des lois de la République. Solennellement, il l’a fait à deux reprises(2006 et 2011) en prêtant le serment constitutionnel ci-dessous, prévu à l’alinéa 2 de l’article 74 :

« Avant son entrée en fonction, le Président de la République prête, devant la Cour constitutionnelle, le serment ci-après : « Moi…élu Président de la République Démocratique du Congo, je jure solennellement devant Dieu et la Nation :

– d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République ;

– de maintenir son indépendance et l’intégrité de son territoire;

– de sauvegarder l’unité nationale;

– de ne me laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine;

– de consacrer toutes mes forces à la promotion du bien commun et de la paix;

– de remplir, loyalement et en fidèle serviteur du peuple, les hautes fonctions qui me sont confiées. »

Il l’a déjà fait également plusieurs fois devant la presse, au pays comme à l’étranger : « Mais surtout Kabila s’est engagé à respecter la Constitution. Une gageure, on le sait, en Afrique. 

« Je suis pour le respect, par tous, de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la République dans son ensemble, telle qu’adoptée par référendum populaire, en 2005 » s’est-il engagé. Une véritable bombe quand on sait que les chefs d’Etat africains, qui jurent de respecter la Constitution quand ils prêtent serment n’ont de cesse de vouloir la modifier pour peu que celle-ci les empêche de quelque façon de se représenter au suffrage des électeurs sans limite. On pense au Cameroun avec Biya, au Burkina Faso avec Compaoré, au Bénin avec Yaya Boni etc.

L’annonce de Kabila a même inspiré le bihebdomadaire La Semaine africaine, lequel a écrit : « A Brazzaville, l’on estime que le président Joseph Kabila a montré l’exemple. Il a mis fin au procès d’intention qu’on lui faisait et qui commençait à empoisonner la vie politique, occultant les problèmes de fond dont souffre le pays. » (Source : Médiapart, 13/11/2013 : http://blogs.mediapart.fr/blog/jecmaus/131113/rdcongocongo-brazzaville-kabila-promet-de-respecter-la-constitution-et-sassou-nguesso

De toutes ces déclarations, officielles et privées, il résulte que le Président Joseph Kabila aurait plusieurs raisons et avantages de se désolidariser des flatteurs et autres griots qui veulent vivre à ses dépens en l’incitant de violer intentionnellement la constitution.

Avantages à respecter la Constitution :

En respectant la Constitution, J.Kabila prouverait à la face du monde que :

– il sait tenir parole et deviendrait ainsi le premier Président du pays à accepter l’alternance au pouvoir et, de ce fait, à entrer dans l’histoire par la grande porte. Cette alternance semble être mal comprise par ses partisans révisionnistes qui s’imaginent qu’en respectant la Constitution en vigueur, le futur Président de la République devra nécessairement sortir des rangs de l’opposition. Ils peuvent pourtant conserver le pouvoir s’ils s’organisent bien en profitant des faiblesses de leurs adversaires de l’opposition;

– tout en étant humain, il est capable de combattre ses propres instincts de pouvoir et aussi et surtout ceux de ses compagnons qui craignent en vérité de perdre leurs acquis. En effet, il a l’obligation de défendre la constitution non seulement vis-à-vis de l’ennemi extérieur mais également des ennemis intérieurs (plus redoutables) parmi lesquels, ses propres instincts et ses courtisans;

l’intérêt général a primauté sur les intérêts particuliers, même s’il s’agit de ceux qui l’ont aidé à accéder au pouvoir et à l’exercer durant deux mandats;

en démocratie, on prend le pouvoir pour servir pendant un temps bien déterminé et non pour faire carrière comme du temps du MPR. Il y a lieu de s’inspirer de l’exemple de l’ancien Président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, qui, malgré de flatteuses et incontestables réalisations économiques et sociales, a quitté dignement le pouvoir sans être tenté de modifier la Constitution pour s’y maintenir, permettant même à sa famille politique de le conserver.

cette Constitution, malhonnêtement diabolisée aujourd’hui par ses courtisans, a été le fruit d’un laborieux compromis entre les belligérants, l’opposition et la société civile pour mettre définitivement fin à la récurrence des crises de légitimité;

– malgré ses imperfections, inhérentes à toute œuvre humaine, le respect de cette Constitution dans le contexte politique actuel est seul susceptible de favoriser la cohésion nationale et de maintenir la paix sociale encore fragile après tant d’années de guerre;

– s’il y a effectivement des dispositions constitutionnelles à réviser ou à retoucher, il ne s’agit pas de celles verrouillées par le peuple dans les articles 197 et 220;

Inconvénients pouvant résulter du non respect de la Constitution :

Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Joseph Kabila a eu à réaliser certaines choses durant son règne, peu importe si cela peut être estimé par certains comme insuffisant par rapport aux attentes, dans un contexte démocratique. Toutes ces réalisations risqueraient toutefois d’être jetées dans la poubelle de l’histoire s’il n’écoutait que les sirènes du changement de la Constitution afin de se maintenir au pouvoir au-delà du mandat que le pacte social lui a accordé. En voici quelques conséquences :

– écroulement de tout l’édifice institutionnel et retour à la case de départ, avec des crises interminables de légitimité du pouvoir;

– Risque d’exacerbation de la bipolarisation politique et de retour de vieux démons (internes et externes) des troubles sociaux et de guerre civile;

– restauration de la dictature et de la pensée unique par ceux qui se seront maintenus au pouvoir par la force, faisant comprendre aux autres que seul le langage des armes peut être entendu;

– preuve pour les partenaires extérieurs que la démocratie est un luxe pour les Africains;

– l’histoire ayant montré les limites de la force et de l’arrogance, tôt au tard, les putschistes survivants seront poursuivis pour des crimes imprescriptibles qui résulteront de leur maintien au pouvoir par la force et en cas d’échec, certains parmi eux prendront ou reprendront le chemin de l’exil (parmi les griots et flatteurs zélés, certains en savent quelque chose).

Conclusion

La majorité des Congolais ne souhaiterait pas revivre l’époque du MPR, où seuls quelques individus, pour la plupart rusés et égoïstes, avaient tout à dire, tout à décider et tout à prendre sans tenir compte de l’intérêt général. Dieu seul sait combien de centaines de milliers des compatriotes (ces martyrs anonymes) ont trépassé pour qu’on en arrive à l’ordre politique actuel, non encore suffisamment exploité par la faute de ceux-là même qui craignent tout simplement de perdre leurs privilèges. En approuvant par referendum la Constitution qui lui avait été soumise en 2005, le peuple congolais s’était interdit, à vie, de toucher à certaines matières(hautement inflammables) limitativement énumérées par l’article 220, considéré comme le fruit défendu du jardin d’Eden. Puisque ce peuple connaît et craint les conséquences néfastes de la consommation de ce fruit, il est diabolique de vouloir le manipuler pour lui dire qu’il est libre de le consommer, d’autant plus que c’est lui qui en souffrirait. C’est pourquoi, résister à un individu ou groupe d’individus qui cherche à privatiser le pouvoir d’État est un devoir que le Président de la République doit être le premier à faire en s’adressant publiquement à la nation pour dire qu’il se désolidarise des flatteurs qui cherchent à entraîner toute la nation dans le chaos. Ils l’ont fait avec le Président Mobutu et n’ont aucun scrupule à récidiver. Ils sont donc nuisibles et méritent d’être mis hors d’état de nuire. Dans un État de droit, la force de la loi a primauté sur la loi de la force.

Article 64

« Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution.

Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’Etat. Elle est punie conformément à la loi. »

Par Jean-Bosco Kongolo M.

Juriste &Criminologue

C A N A D A

Sur la même thématique :

RDC – La MP : Dire non à un troisième mandat de Kabila et quitter la MP en suivant l’exemple Burkinabés  :

http://afridesk.org/rdc-la-majorite-presidentielle-dire-non-a-un-troisieme-mandat-de-kabila-jj-wondo/

2

2 Comments on “La Nuisance des flatteurs pour le Chef de l’Etat et pour la Nation – JB Kongolo”

  • Kandolo

    says:

    Personnellement, je pense que si dès le départ ils ont mis assez d’énergie pour préparer l’alternance au sein de leurs famille politique, le casting aurait peut être été fructueux et ils auraient pu mieux s’outiller afin d’affronter une opposition toujours boiteuse!! Mais le problème est systémique à la classe politique congolaise actuelle(pouvoir et opposition): La crise de leadership et l’absence mais total et caractérisée d’homme d’état! Comment pensent-ils qu’au sein de cette majorité il n y a aucune personne(pas forcement compétente) capable de faire mieux que JK pourtant ce dernier n’a brillé que par la médiocrité dans tous les domaines et du coup il y a des fortes chances que le suivant fera probablement mieux???
    Toutesfois: Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution.
    Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’Etat. Elle est punie conformément à la loi. » Je pense qu’il serait temps d’évoquer cet article(64) de notre constitution car le fait même d’imaginer par ceux de la majorité qu’ils peuvent faire de sorte à faire représenter JK pour un troisème mandat légal(et un 4è mandat effectif) est une atteinte à la loi fondamentale

  • Nsumbu

    says:

    Cher Mr Kongolo,

    Vous avez fait un choix, celui de vous adresser à nos politiciens opportunistes flatteurs de « JK » des « courtisans qui s’interdisent, pour leur propre intérêt, de lui dire la vérité notamment sur ce que la majorité silencieuse pense du pouvoir » et/ou de nous éclairer sur leur nuisance pour le Chef de l’Etat et pour la Nation… C’est tout votre droit d’avoir fait ce choix mais en même temps je m’imagine que vous en auriez tout autant opté pour un autre, s’adresser directement au PR par exemple ou à ceux qui s’opposent à lui pour leur conseiller pourquoi pas une stratégie afin d’optimiser leur exercice de contre-pouvoir… !

    Permettez-moi alors une question !
    Qu’est-ce qui vous a poussé à opter pour cette voie ? Autrement dit : trouvez-vous que cette attitude consubstantielle à nos politiciens (comme vous nous en donnez l’exemple lors du règne de Mobutu) serait le mal prioritaire auquel il nous faut nous attaquer au stade de notre pays ? Ou croyez-vous que s’attaquer au PR ne sert à rien, serait inconvenant ou que ce n’est pas lui qui est le premier responsable de notre déroute mais ses collaborateurs flagorneurs , que sur le déficit de « liberté d’expression et de manifestation qui empêche le Chef d’être à l’écoute du point de vue de l’opposition et de l’opinion publique interne et de distinguer les flatteurs et les griots des bons collaborateurs, stratèges et analystes des faits sociaux, politiques et économiques de leur pays », celui-ci n’aurait aucune responsabilité…? Ou que s’adresser à une opposition dont l’impuissance serait à jamais confirmée ne nous avancerait rien à rien ? Ou c’est là la seule modalité qui scientifiquement pour vous méritait d’être empruntée pour aborder plus objectivement nos problèmes comme celui de cette tentative de révision constitutionnelle (ou d’ailleurs de changement de constitution), surtout que par ailleurs un PR a bien besoin d’un cabinet de technocrates pour l’accompagner à argumenter et prendre ces décisions en maints domaines… ? Ou… ? Ou… ?

    Vous aurez compris que mes questions ne sont pas si innocentes et valaient quelque part leurs propres réponses tant personnellement j’aurais suivi une autre voie, du coup je suis très intéressé par le mobile qui a été le votre non par un pervers exercice de style mais parce que je suis convaincu que par ces temps de risques avancés d’instabilité les Congolais feraient mieux de s’accorder non seulement sur notre mal qui est connu mais surtout sur les outils nécessaires à le combattre…

    Une question subsidiaire !
    C’est vrai, vous avez à travers les forfaits de nos politiciens opportunistes stigmatisé un mal endémique de notre pays qui nécessite un traitement ciblé surtout qu’à l’occasion vous êtes allé au delà en nous déroulant la chronologie « institutionnelle » et la substance de sa nuisance pour tout le pays mais en même temps en creux le reflet de ce qu’est notre société… Quelle est alors la part des Congolais d’où qu’ils parlent et d’où ils agissent, chez notre PR, dans le rang des politiciens de la majorité mais aussi pourquoi pas de l’opposition , au sein de la société civile et de toute notre solution ?
    Que signifie, que dit de notre pays le fait que le « le PR avait heureusement compris que des flatteurs voulaient vivre à ses dépens en donnant l’impression qu’ils l’aimaient et voulaient son bien » ?
    Lorsque vous dites que « la majorité des Congolais ne souhaiterait pas revivre l’époque du MPR, où seuls quelques individus, pour la plupart rusés et égoïstes, avaient tout à dire, tout à décider et tout à prendre sans tenir compte de l’intérêt général et qu’ils sont donc nuisibles et méritent d’être mis hors d’état de nuire, dans un État de droit, la force de la loi a primauté sur la loi de la force », mais qu’a fait ou pas fait jusqu’ici cette majorité pour que son vœu se réalise ? Autrement dit : que nous en soyons encore là, qu’avons-nous pas fait nous mêmes pour qu’on fasse mieux ? Encore une fois si nous devons nous occuper d’abord de notre réussite plutôt que de crier à juste titre haut ce qui ne va pas, qu’avons-nous à nous conseiller comme stratégie collective ?

    Merci à l’avance pour vos réponses dans l’espoir de mieux construire la parade pour enfin avancer dans notre pays !

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DROIT & JUSTICE | 23 Sep 2025 08:27:08| 164 0
RDC : Jean-Jacques Wondo dépose plainte en Belgique pour menace de mort
Il y a dix jours, un journaliste congolais critique du régime Tshisekedi a été violemment agressé à Tirlemont. “Les menaces… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 08:27:08| 649 0
Un hommage poignant de JJ WONDO à sa fille MAZARINE WONDO en ce jour d’anniversaire, malgré l’injustice de son incarcération
"Joyeux Anniversaire à la très inspirée et exceptionnelle MAZARINE WONDO. Je t'envoie plein de Bisous,d'Amour et de Bénédictions. Nous sommes… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 08:27:08| 1531 0
RDC : Dossier Jean-Jacques Wondo, la défense contre-attaque et démonte toute l’accusation
Le dossier de la téléphonie sur lequel repose l’accusation apparaît comme un enorme montage pour accuser l’expert belge. Le procès… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 08:27:08| 780 0
HONORABLE PATRIOTE SERGE WELO OMANYUNDU DANS NOS COEURS
Ce 5 novembre 2024, cela fera un an que le Député Honoraire Serge Welo OMANYUNDU nous a quittés.Nous, sa famille… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK