«Le processus constitutionnel doit être respecté» (John Kerry): La double interprétation du discours diplomatique du Secrétaire d’Etat américain
Par Didier Boniface Dikolo
Du haut de son 1,93m, le secrétaire d’Etat américain chargé des Affaires étrangères, John Kerry, reçu en audience dimanche 4 mai dernier par le président Kabila, a dû pencher sa tête vers l’avant pour franchir la porte qui conduit au salon rouge de la nation, une réplique inachevée du château royal de Laeken de Bruxelles, où le président Kabila reçoit ses hôtes de marque. Avec un regard perçant et un sourire à peine voilé, le diplomate américain ne joue pas sur les nuances protocolaires et l’ambiguïté discursive typique du langage diplomatique pour rappeler à son interlocuteur l’attachement des USA au respect du processus constitutionnel. Lors de sa conférence de presse, au sortir de l’audience avec le président Kabila, John Kerry, répondant à la question de l’Agence France Presse, martèle: « Je crois que [le président Kabila] a clairement en tête le fait que les Etats-Unis d’Amérique sont intimement convaincus […] que le processus constitutionnel doit être respecté »; « L’héritage de Joseph Kabila est très important pour ce pays…. Joseph Kabila est un président jeune. Il a de l’avenir et peut encore servir le pays. »
Contrairement au juriste qui cherche la précision pour assurer la meilleure force aux dispositions normatives qu’il est appelé à appliquer, le diplomate, lui, cultive l’ambiguïté et la flexibilité, sources fécondes d’une pluralité d’interprétations.» Or John Kerry est un diplomate chevronné des Etats-Unis, le pays le mieux informé de la planète. Bien qu’il soit établi que le processus constitutionnel en RDC doit être respecté, est-il envisageable que le message du diplomate charrie des lourdes circonvolutions non intelligibles par les non-initiés au langage diplomatique? Autrement dit, si tout langage diplomatique présente simultanément une pluralité de lectures, à quelle lecture devons-nous nous fier pour décoder le message du diplomate américain?
1) Interprétation littérale du message
« Je crois que … » Lorsqu’un diplomate parle à la première personne du singulier, en employant le «je», il s’agit moins d’une déclaration d’intention personnelle du sujet actant (diplomate), que de la transmission en termes claires de la position officielle de l’Etat dont il est le représentant, les USA, en l’occurrence. Bien plus, l’évocation du concept «héritage» sous entend un après, c’est-à-dire le décès politique de Kabila, lequel doit ouvrir un droit de succession de son patrimoine à ses héritiers. De même que les mots «respect de la constitution» et l’allusion clairement faite à la conviction intime des USA correspondent, tous, à un rappel à l’ordre, à une mise en garde vis-à-vis de l’observance des règles constitutionnelles. Clairement, cela veut dire que le président Kabila se doit de se conformer surtout à la disposition constitutionnelle qui limite sa longévité au pouvoir à un mandat de cinq ans une fois renouvelable. Dans ce sens, la deuxième variante du message est une atténuation de la première: «Kabila est un jeune président. Il a de l’avenir et peut encore servir le pays. Il est encore Jeune…»
2) Interprétation pragmatique fondée sur l’analyse des enjeux des enjeux géopolitiques
Ce discours intervient dans un contexte régional et mondial mouvementé et marqué, d’une part, par le retour en force de la Russie sur l’échiquier international, et d’autre part, par le remodelage de la configuration de la région des grands lacs; celle-ci induisant la migration du centre de gravité régional Rwanda-Ouganda vers un nouveau pôle de puissance, le duo Tanzanie-Angola, deux pays farouchement opposés à la politique rwando-ougandaise de la captation des richesses congolaises par la violence. Une stratégie facilitée par le manque de leadership de Kabila. James Kabarebe, l’ancien mentor de J. Kabila avait dit de celui-ci qu’il est inapte au commandement. Or, pour servir les intérêts stratégiques des USA, il faut faire preuve de charisme et être un modèle de leadership (Kagamé, Mobutu) auquel est associé l’idée de la «renaissance africaine.
Pivot stratégique dans la lutte contre l’établissement des régimes anti-américains en Afrique centrale (comme ce fût le cas pendant la guerre froide), l’importance stratégique et géopolitique de la RDC en Afrique centrale n’est plus à démontrer. Les rapports très ambigus entre Kabila et l’ancien président ukrainien, le pro-russe Victor Ianoukovitch, inquiètent depuis longtemps les USA, qui nourrissent de profonds sentiments anti-kabila. Un Kabila pro-russe menacerait les intérêts des USA. En effet, Le président Kabila s’est militairement tourné vers l’Ukraine et la Russie et économiquement plus ouvert à la chine et à la Corée qu’aux USA. Fin 2013, alors que La RDC, sans être sous embargo des armes, doit coopérer avec la MONUSCO pour tout achat de matériel militaire, Kabila a réceptionné, via le général-major Banze Lubunji, une cargaison d’une valeur de 11,5 millions de dollars américains, achetée en Ukraine et livrée discrètement à Boma par les navires ukrainiens[1]…
D’autres raisons justifieraient ce retournement de situation en défaveur de Kabila: l’enlisement du processus démocratique, la cannibalisation de l’Etat, l’absence de performances économiques, la concentration du pouvoir, la collision avec les groupes terroristes somaliens (Shebab) via le M23…
Didier Boniface Dikolo bin Dikolo
Chercheur en sécurité en défense
5 Comments on “La double interprétation du discours diplomatique de Kerry sur le respect du processus constitutionnel en RDC – B. Dikolo”
RDCMONPAYS
says:LE MESSAGE ETAIT CLAIR TU DOIS PARTIR. MERCI ENCORE DE CTTE ANALYSE QUI VIENT DAVATANGE NOUS RASSURER
mitrailleuse
says:Le petit Rwandais c’etait marionette pour les Americains nous n’avons pas besoin d’eux point final.
Starling
says:Intéressant. Kabila doit partir. Nous ne voulons pas d’un président marionnette.
Joél
says:Bien dit didier Boniface. Kabila n’a aucune vision pour le Congo. Lui et sa bande de Mende, Boshab, Lumbi …doivent partir
Kabuya
says:Je voudrais émettre un avis au sujet de la coïncidence du trajet John Kerry et Kikwete » Kenya, RDC et Angola pour le premier et RDC et Angola pour le second, je pense que Kikwete à été inquiété par la route prise de John Kerry et s’est rendu à Kinshasa et Luanda pour s’informer au sujet des questions aborder par John Kerry avec Kabila et Santos.Il a évité le Kenya par ce que il existe une compétition économique farouche entre le port de Mombasa du Kenya et celui de Adis abeba de la Tanzanie par rapport aux exportations des minerais de la RDC.
Je pense que le Rwanda et L’Ouganda ont activer leur lobbys américains en poussant les Etats-Unis à ce détourné officiellement de la Tanzanie et de l’Afrique du sud car le soutien militaire de ses deux pays ont été très décisif dans la lutte contre le M23. c’est en quelque sorte la réponse punitive de Kigali et Kampala ceci se manifestant par l’intérêt américain manifesté pour l’Angola et le Kenya.
je pense aussi que lors ce qu’il s’agit du Congo-Kinshasa et des élections avenir….les jeunes démocrates au pouvoir ( le camp Obama ) voient les choses différemment des républicain et des vieux démocrates fidèle à la politique de Clinton vis à vis du Rwanda et de L’Ouganda. Le camp Obama pense que Kabila est la meilleur des solutions pour eux et par les déclaration de John Kerry à Kinshasa disant que Kabila est encore jeune et qu’il peut toujours servir le Congo-Kinshasa… il l’ont fait comprendre indirectement à lui et à sa majorité que c’est à lui (Kabila) de trouver une astuce pour demeurer au pouvoir tout en y trouvant une explication constitutionnel chose que Russ Feingold ( du camp Kagame) ne peut accepter car il existe un peut de tension entre ce dernier ( Républicain ) et Kabila.
Les élections américaine aurons lieu en 2016 avant celle de la RDC et affecterons le déroulement des événement électoraux au Congo-Kinshasa comme pour dire que l’avenir du Congo-Kinshasa dépendras du résultat du bras de fer entre le camp Obama d’une part et les républicains et le camps démocrate Clinton d’autres part.
Entre temps, l’Afrique du sud et la Tanzanie s’inquiète de leur sort.