Jean-Jacques Wondo Omanyundu
GÉOPOLITIQUE | 03-06-2015 13:00
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La crise au Burundi et l’attaque de Goma : La fin de la triple alliance opportuniste Kagame – Kabila – Nkurunziza ? – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Kagame, Nkurunziza et Kabila

La crise au Burundi et l’attaque de Goma :

Vers la fin de la triple alliance opportuniste Kagame – Kabila – Nkurunziza ?

Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Cet article est une version  modifiée et augmentée de mon intervention lors de la Conférence : Tensions électorales au Burundi : Les Grands Lacs face à ses démons , organisée le 28 mai 2015 à Bruxelles par l’Asbl DC Racin.  Mon exposé portait sur les « Conséquences sécuritaires d’une instabilité majeure au Burundi pour la région des Grands Lacs« .

Nkuruzinza-burundi-kikwete-tanzania-kenyetta-kenya-museveni-and-kagame-rwanda

La crise burundaise est d’abord essentiellement politique, mais gare aux démons du passé!

La contestation populaire en cours au Burundi traduit une maturité de la population burundaise (peut être aussi de la région?) Je constate néanmoins qu’il y a une tendance, particulièrement dans les milieux occidentaux, à vouloir analyser cette crise sous seule dimension ethno-communautaire. C’est ce qui ressort dans plusieurs analyses traitant de la crise burundaise. Ce qui serait une erreur et risquerait de produire un effet contreproductif de ce que l’on recherche, par effet de la prophétie auto-accomplissante : amener par exemple l’armée rwandaise à intervenir au Burundi au motif qu’une ethnie est en danger. Pourtant, jusqu’à présent, ce sont les Hutus et les Tutsis qui s’opposent à Nkurunziza. Cela me fait penser à la campagne médiatique menée Bernard Henri Levy pour l’invasion de la Libye et aujourd’hui, on voit dans quel état ce pays sombre.

Réduire cette crise politique complexe à une seule dimension purement ethnique me semble très dangereux. C’est en quelque sorte faire le jeu de certains lobbies de la région avec l’aide de leurs relais internationaux, qui veulent orienter la crise politique en une crise ethnique à des fins politiciennes personnelles. Malheureusement, cette dimension de la maturité politique des Burundais ressort très peu dans les analyses ou dans les actions menées ici et là.

La posture complexe de Pierre Nkurunziza au centre de la crise

La complexité de cette crise trouve une partie de sa racine dans la posture particulière de la personne de « Nkurunziza ». Il est le fils des Hutu chassés au pouvoir et contraints à l’exil en Tanzanie en 1972 après le coup d’Etat de Micombero (Tutsi), sur la seule base de leur appartenance à l’ethnie Hutu. Les rapports de l’ONU renseignent près de 400 000 morts. La particularité de plusieurs de ces Hutus était d’avoir épousé des femmes Tutsi rwandais. C’est cette génération de métis orphelins de pères, dont notamment le général putschiste Godefroid Niyombaré, qui est actuellement au pouvoir au Burundi aux côtés de Nkurunziza. C’est le premier degré de complexité de l’équation burundaise.

Pierre Nkurunziza, qui aurait subi une double victimisation du fait de son métissage, semble être lme plus affecté et traumatisé que ses camarades ayant eu les deux parents Hutu. Certains analystes disent qu’il fait partie de la sous-catégorie des exilés la plus inconsolable. C’est ce qui explique son adhésion à la rébellion du CNDD/FDD, installée en RDC, contre les régimes Tutsi, à partir de 1995 après le putsch de 1993 de Pierre Buyoya et l’assassinat de Ndadaye en 1995 par les Tutsi au Burundi.

L’autre facteur de la complexité de cette crise est que, quoique politiquement contesté, Nkurunziza reste tout de même populaire au Burundi, pour être parvenu à réaliser des réformes, plutôt positives, dans le domaine socio-économique.

Pierre Nkurunziza entretient une relation fusionnelle avec Joseph Kabila depuis 1998 quand Mzee Kabila avait chargé Joseph Kabila, alors chef d’état-major de l’armée de terre et commandant des opérations au front de Pweto de ravitailler et réorganiser les rebelles burundais du CNDD/FDD en armes, munitions, tenues militaires, téléphones satellitaires, parfois en aide financière. Le quartier général de CNDD/FDD était basé à Lubumbashi, plus précisément dans la résidence privée de Joseph Kabila,au quartier Bel-air dans la commune de Lubumbashi, avenue des Savonniers n° 28. A l’époque, c’est ce Pierre Nkurunziza qui s’occupait de réceptionner toute l’aide extérieure destinée au CNDD/FDD pour l’acheminer clandestinement au Burundi par le Lac Tanganyika. Au Katanga, Nkurunziza s’est entouré des extrémistes Hutus purs et durs, avec lesquels il a soutenu l’armée congolaise de l’époque, les FAC en RDC, au Katanga dans la guerre contre le RCD-Goma, soutenu par l’armée patriotique rwandaise. Lors de la fameuse bataille de Pweto en 2000 entre le RCD-Goma et l’armée loyaliste congolaise, les FAC, Nkurunziza a commandé un bataillon du CNDD/FDD aligné en première ligne aux côtés des unités de FAC[1]. C’est avec ces milices, rentrées au Burundi et intégrées dans la Force de défense nationale, que Nkurunziza s’est appuyé pour former sa garde présidentielle.

L’armée Burundaise (Force de défense nationale) plus professionnelle que ses voisines

Il faut rappeler que de toutes les trois armées des pays de la CEPGL, c’est l’armée burundaise qui est la plus professionnelle, la moins ethnicisée et la mieux réformée (de la base au sommet) à partir 2004. Il s’agit donc d’une armée plutôt républicaine qui évolue également sur le plan africain dans le cadre des missions de maintien de la paix en Somalie et au Mali. Aujourd’hui, les effectifs burundais au   sein   de l’AMISOM s’élèvent à 5.430 sur un total de 17.731 hommes, alors que la taille de son armée est de 27.230, selon les chiffres fournis par le ministère de la Défense national burundais en 2013. Un système de rotation annuelle assure la participation de tout le monde dans la mission, sauf pour les corps spécialisés (artificiers, infirmiers, démineurs, brancardiers, cuisiniers). Ce qui permet de créer l’esprit de corps car les anciens ennemis, se retrouvent derrière les mêmes tranchées après avoir passé 10 ans à se tirer dessus au Burundi et en RDC. Un bataillon de 850 hommes préparés dans un premier temps pour être envoyés en Somalie. Un contingent de près de 500 hommes est prêt à être déployé au Mali

Le Burundi, jadis dominé par les Tutsi, les accords d’Arusha ont permis une répartition ethnique équitable entre les Tutsis et les Hutus dans l’administration et les institutions nationales. En effet, au Burundi, aux termes des accords d’Arusha, la représentativité ethnique entre les Hutus (85% de la population) et les Tutsis (14% de la population) dans l’armée et au sein des forces de sécurité est de  50% de parts égales, tandis que 60%  contre 40% au niveau politique et administratif. Ce qui n’est  pas le cas au Rwanda où à proportion (« ethnique ») égale, les RDF restent une armée monoethnique dominée par les Tutsi[2]. Il y a plus de 80% des officiers et sous-officiers Tutsi au sein des RDF, l’armée rwandaise. (Cfr les nominations de 2012 et suivantes). Or la représentativité paritaire dans l’armée burundaise pourrait inquiéter Kagame qui craindrait qu’à la longue, on lui impose le même modèle de représentativité socio(‘ethnique’) dans l’armée. Au Rwanda, par exemple, la référence à la communauté ou à l’ethnie est proscrite dans la Constitution. On parle des Rwandais, il n’existe plus de couches sociales à base ethnique. Paradoxalement, les autorités de Kigali recourent avec récurrence au concept de « génocide des Tutsi » et continuent de stigmatiser (tous) les Hutu comme des génocidaires, en obligeant même aux générations actuelles de demander publiquement pardon pour les crimes commis par leurs ascendants. Paul Kagame, dans une allocution tenue le 30 Juin 2013 devant la jeunesse Rwandaise en kinyarwanda, s’est publiquement prononcé sur la culpabilité des jeunes Hutu du Rwanda qu’il tenait responsables des crimes commis par leurs parents[3]. Quant à l’armée congolaise, les FARDC, sous babby-sitting international, elle est à l’image de son infiltration et l’ombre de son impuissance devant le drame qui se déroule actuellement à Beni.

Les raisons possibles de l’échec du coup d’état de Niyombaré

Comme expliqué précédemment, l’armée burundaise, quoique républicaine, est restée très divisée entre la Brigade spéciale de protection des institutions, unité d’élite de l’armée assurant la garde présidentielle et le reste de l’armée. La police est restée globalement fidèle à Nkurunziza.

Absence de soutien des leaders régionaux : une mauvaise lecture stratégique de la situation de la part des putschistes qui n’ont pas suffisamment eu de soutiens extérieurs.

Les Etats-Unis se sont ouvertement exprimé contre un troisième mandat de Nkurunziza mais ont condamné le putsch. Car, contrairement à ses prédécesseurs, Barack Obama, juriste de formation et de pratique, reste un légaliste et non un va-t-en-guerre.

Jakaya Kikwete, le président Tanzanien s’est trouvé dans une situation d’embarras. Il a sans doute dû peser de son poids pour faire échec à ce coup d’Etat qui risquait de discréditer la Tanzanie. Pour rappel, le président burundais Cyprien Ntaryamira avait été tué en 1994 dans l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana alors qu’il revenait d’un sommet à Arusha, en Tanzanie. Si un deuxième président burundais disparaissait de la scène politique à l’occasion de sa visite en Tanzanie, cela aurait terni l’image de la Tanzanie. En effet, la Tanzanie bénéficie encore de l’héritage positif de la politique panafricaine de l’ancien président « Mwalimu » Julius Nyerere, dont le leadership moral très développé permettait à son pays de jouir d’une influence diplomatique appréciée partout en Afrique. Cela a permis à ses dirigeants actuels d’opérer une excellente relecture des enjeux géopolitiques de la région, pour sortir leur pays du repli isolationniste[4] afin qu’il reprenne son rayonnement diplomatique[5] et de prendre le leadership régional, en devenant progressivement un Etat-pivot sur lequel se rabat l’administration Obama dans sa politique régionale, au détriment de l’Ouganda et du Rwanda, en perte de vitesse [6]. Par ailleurs, la Tanzanie qui a parrainé les accords d’Arusha, était dans l’obligation morale et diplomatique de s’opposer à un règlement de la crise par une voie autre que politique ou diplomatique.

Ce qui se passe au Burundi pourrait également cacher, sur le plan géostratégique, la guerre que se livre les Grandes puissances pour leurs propres intérêts stratégiques.

  1. Dernièrement, la Russie s’est opposée à l’ONU contre les sanctions du régime burundais suite à l’annonce de la candidature de Nkurunziza.
  2. La Chine aurait signé un contrat d’exploitation (1 milliards de US $) du nickel burundais. Les réserves du nickel burundais seraient estimées à 150 millions de tonnes. Or le nickel fait parties des matières stratégiques convoitées par toutes les puissances car essentiel à l’industrie de l’acier.
  3. Le revirement des Etats-Unis vis à vis du régime Nkurunziza serait peut être le résultat d’un compromis – jeu à somme nulle – entre les Grands puissances qui se seraient neutralisés sur une position commune à adopter.

Conséquences (in)directes de la crise burundaise

L’afflux des réfugiés risque d’amener d’abord d’autres tensions de cohabitation au sein des pays d’accueil. La chasse à l’homme dans l’armée et dans les services de renseignement, après l’échec du coup d’état, va pousser les exilés à se réorganiser dans les pays d’accueil, particulièrement en RDC, et créer des alliances avec les groupes locaux et d’autres rebelles dans une sorte de solidarité et à agir de part et d’autre de la frontière. On risque d’assister à des alliances et mésalliances des natures opportunistes qui vont se faire et se défaire dans cette zone devenue un repaire des rebelles et milices sans frontières.

Pour la RDC, cela risque de compromettre ou influencer le processus électoral. Déjà en 2011, il y avait des burundais qui ont traversé la frontière pour se faire enrôler comme congolais. De son côté, le Rwanda, s’il se sent menacé, pourrait mener des actions militaires préventives au Burundi et même en RDC dans l’objectif de contrer les menaces en amont.

La triple alliance opportuniste Kagame – Kabila – Nkurunziza au bord de la rupture

Nkurunziza est en conflit quasi ouvert avec Paul Kagame. Les rapports entre les deux présidents, des amis d’hier, sont exécrables. Les deux hommes en sont même au stade de la confrontation militaire. En effet, dans le discours de Nkurunziza en Kirundi (langue qui ressemble au kinyarwanda) ; il désigne un instigateur (qui n’est rien d’autre que son voisin du nord, Kagame). Et il dit que ce qui s’est passé ne doit pas se reproduire. Il a même déclaré que si le Rwanda ose menacer la Burundi, c’est au Rwanda que va se dérouler la guerre.

La Tanzanie a demandé au Rwanda d’ouvrir un espace de dialogue interne avec les FDLR. Ce que le Rwanda a considéré comme un sacrilège. La Tanzanie a expulsé des réfugiés rwandais au motif qu’ils étaient des illégaux[7].

S’adressant à la jeunesse rwandaise, Paul Kagame s’est permis de s’attaquer au President Tanzanien, Kikwete, en ces mots d’abord en Kinyarwanda : « Ces gens [le président tanzanien Jakaya Kikwete] vous venez d’entendre prendre langue avec les Interahamwe et FDLR et exhortant des négociations … des négociations? Moi, je n’ai même pas à discuter de ce sujet, parce que [s’exprimant ensuite en anglais pour que Kikwete le comprenne clairement] « je vais t’attendre » [le président tanzanien Jakaya Kikwete] à la bonne place et je vais te frapper! Il [le président tanzanien Jakaya Kikwete] ne méritait pas ma réponse. Je ne perds pas mon temps à lui répondre … c’est bien connu. Il y a une ligne qu’il ne faut jamais franchir. C’est impossible … » qui recommande au Rwanda de négocier avec les FDLR. La réponse du berger à la bergère ne s’est pas fait attendre, le président tanzanien a réagi avec fermeté en swahili cette fois-ci [pour que Kagame le comprenne bien et les analystes apprécieront cette rhétorique diplomatico-belliqueuse] en prévenant Kagame qu’il « sera frappé comme un gamin »[8].

La Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) – qui regroupe l’Ouganda, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie et le Burundi – est depuis 2013, cette organisation régionale est au bord de la dislocation[9]. Le Rwanda et la Tanzanie se livrent à une bataille à distance par RDC interposée du fait de l’intervention des commandos tanzaniens en RDC contre le M23 soutenu par le Rwanda / Ouganda.

En Octobre 2014, le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie ont organisé des rencontres dans le cadre de l’EAC sans inviter la Tanzanie et le Burundi. Ces derniers ont émis l’idée de créer une nouvelle organisation régionale à trois, avec la RDC et menacé de quitter l’EAC. Entre-temps, la Tanzanie s’est rapprochée de l’Afrique du Sud au sein de la SADC.

Après la défaite militaire de la coalition M23/RDF (armée rwandaise), ayant expérimenté à ses dépens la puissance de feu des hélicoptères sud-africains Rooivalk, le Rwanda s’est doté des missiles sol-air chinois ; TL- 50, qui peuvent attaquer des cibles entre 20 et 30 km à partir du sol avec une gamme d’attaque de 50 km.. En réaction, la Tanzanie a acquis des hélicoptères de combat Fennec. Ces hélicoptères militaires légers et polyvalents sont considérés par les experts du monde aéronautique comme étant les plus forts de leur catégorie qui allient classe, puissance, discrétion, forte capacité de tir et surtout une grande furtivité. Ils sont spécialement conçus pour voler dans les cadres des missions aériennes de reconnaissance dans le but principal de localiser et d’attaquer des cibles d’opportunité[10].

Kagame derrière l’attaque de Goma, en représailles au soutien de Kabila à Nkurunziza ?

Kabila reste un allié politique opportuniste de Nkurunziza mais ce dernier s’en méfie du fait de sa proximité avec Kagame. Si la tension monte entre Nkurunziza et Kagame, Joseph Kabila pourrait jouer soit au médiateur ou à l’arbitre. Dans ce dernier cas, son choix déséquilibrerait et nuiraient gravement les rapports triangulaires plutôt symétriques entre les trois présidents, alliés opportunistes jusque-là.

Selon une source militaire proche de Kabila, l’attaque de l’aéroport de Goma serait une action commando ponctuelle menée par le Rwanda qui n’aurait pas apprécié le soutien de Kabila à Nkurunziza. Déjà, lors d’une précédente analyse, DESC a fait état d’un possible soutien militaire de la Garde républicaine congolaise à la police burundaise, restée loyale à Nkurunziza[11].

En réalité, selon une autre source de la Garde républicaine, « le soutien militaire apporté par Kabila à Nkurunziza était discret mais efficace. Les troupes congolaises n’ont pas participé directement aux combats. Ils ont par contre traversée la frontière afin de renforcer les éléments armés fidèles à Pierre Nkurunziza qui gardaient la péninsule stratégique de Gatumba. C’est grâce à ces troupes fidèles disponibles que Nkurunziza a pu résister au putsch  et défaire les mutins de fidèles à Godefroid Niyombare qui seront encerclé, isolé et mis en déroute durant l’attaque de la RTNB, la radio nationale burundaise. Ce qui a causé leur défaite par manque de munitions et de troupes suffisantes pour tenir les objectifs qu’ils contrôlaient ou protéger leur QG. Niyombare n’a pas intégré la donne Kabila lors de son putsch manqué ,c’est vraiment un apprentis-sorcier ou un débutant.« .

Cette source de renseignement militaire FARDC nous livre les détails suivants à propos de l’attaque de l’aéroport de Goma : « Des hommes armés, venus du Rwanda, infiltrés depuis la zone boisée frontalière de Murambi en territoire de Nyrangongo, ont attaqué l’aéroport de Goma vers 1h jusqu’à 5h du matin avec objectif de détruire les avions de combats sukhoi-25 k (6 exemplaires) et les hélicoptères de combats Mi-24/35hind et Mi-8/17 hip (8 exemplaires), soit le 1/3 de la capacité de la forces aérienne congolaise. Leur deuxième cible était le dépôt de munitions de la task-force de la Garde républicaine, situé dans la partie sud de l’aéroport de Goma ». Mais les deux objectifs n’ont pas été atteints. Grâce à la vigilance de la GR, les assaillants ont était repoussé et ils sont en débandade. Il y a des opérations de ratissage menées par les FARDC et la Garde républicaine à travers la ville de Goma pour retrouver les fuyards ».

Et la source de préciser : « Ce n’est pas à proprement parlé une attaque massive, mais plutôt une opération commando de sabotage dans le but d’affaiblir la capacité militaire congolaise car les avons de combat sukhoi-25[12], basés à Goma peuvent frapper Kigali à tout moment, et le Rwanda n’a pas de répondant car ses missiles sol-air sont encore en assemblage en Chine. Kagame est très mécontent de président car ce dernier aurait donné un coup de pouce discret à Nkunrunziza pour reprendre le pouvoir après le putsch de Niyombaré, alors  que kagame veut absolument la tête de Nkurunziza ».

Comme nous l’avons démontré, le danger de l’instrumentalisation des violences ethniques ne viendrait pas du Burundi mais de l’extérieur, probablement du régime rwandais dont le modèle politique Burundais, à la belge, inquiète.

Par ailleurs, le Rwanda est bien conscient que s’il franchit la ligne rouge, il risque de rencontrer la Tanzanie (Jakaya Kikwete) sur son chemin. Il y a des signes de fissure au sein de l’EAC (Rwanda, Ouganda, Kenya) vs (Tanzanie et Ouganda). On risque d’avoir un remake de la Guerre à distance entre le Rwanda et la Tanzanie qui se délocaliserait de la RDC (M23), vers le Burundi, pourquoi pas vers le Rwanda comme l’a déclaré Nkurunziza en Kirundi.

Conclusion

Le dénouement de la crise au Burundi et dans la région dépendra en premier lieu de la maturité des Africains et en particuliers des Hutus et des Tutsi (car c’est eux qui sont concernés dans le cas présent). Ils ne doivent pas tomber dans le piège du principe de Cesar « diviser pour le régner » que pourraient leur tendre les dirigeants de la région.

La crise burundaise aura un impact positif ou négatif dans la sous-région suivant son dénouement :

  1. Si Nkurunziza parvient à se maintenir au pouvoir cela pourrait conforter les présidents de la région de l’Afrique médiane (Rwanda quoique opposé à Nkurunziza, RDC, Ougande, Congo Brazza…).
  1. Nkurunziza retire sans candidature, ce qui reste encore possible si la communauté internationale fait pression sur lui, mais difficile et que les élections libres et démocratiques aient eu lieu au Burundi, cela va compliquer les équations des présidents voisins qui tenteront de se maintenir au pouvoir. 

Le dénouement de cette crise dépend de la maturité du peuple Burundais et de l’implication positive des puissances régionales. En effet, comme pour la résolution de la crise congolaise avec le M23, face à l’hésitation de la communauté internationale au sein de laquelle les Grandes puissances jouent chacune à son agenda personnel, je pense que la position des puissances régionales (RSA, Tanzanie, …) pourra être déterminante dans la résolution de cette crise. Par le passé, l’Afrique du Sud sous Mandela et la Tanzanie ont été très actives dans la résolution de la crise burundaise. Leur implication pourrait influencer l’issue de cette crise.

Autant le 21 Octobre 1993, l’assassinat, par l’armée à prédominance tutsie, de Melchior Ndadaye, premier président Hutu démocratiquement élu au Burundi avait été le déclencheur de la crise des Grands-Lacs et modifié la donne géopolitique régionale. De même, 20 ans plus tard, l’épilogue de la crise burundaise pourrait impulser une nouvelle dynamique démocratique (alternance pacifique au pouvoir) dans la région ou entrainer la région dans un nouveau cycle d’instabilité qui risque de détruire tous les efforts de stabilisation consentis par la communauté internationale. En ce sens, le Burundi est le pays-pilote ou le microcosme des enjeux régionaux à venir et mérite l’attention soutenue de la communauté internationale.

Une leçon positive à tirer dans ces contestations au Burundi est la maturité du peuple burundais, qui n’est pas encore tombé dans le piège ethno-communautariste de 1993 car il s’agit d’une contestation citoyenne. Et il appartient aux à la société civile, à la presse, aux médias, aux ONG et autres acteurs internationaux d’encourager et de sensibiliser le peuple burundais à tenir bon et à éviter d’être rattrapé par ses démons du passé, par la tentation de basculer dans un conflit ethnique qui aura des effets dévastateurs pour les régions de la CEPGL et de l’EAC! Car les actions et la mobilisation ne doivent pas se limiter uniquement à faire la pression sur le régime, amis à accompagner le peuple burundais dans sa résistance.

La question c’est de savoir jusqu’à quand Nkurunziza va résister à la contestation populaire et à la pression internationale. Sa chute, inéluctable, aura inévitablement des répercussions dans la région de l’Afrique médiane, mais dans un sens dont il est difficile de prédire à ce stade, avec précisions. Tout reste possible dans cette juxtaposition de conjonctures opportunistes aux variables multiples. Il suffit que les événements évoluent dans un sens ou dans l’autre pour entraîner la crise dans l’enlisement ou dans la résolution. Une chose est certaine, Nkurunziza ne jouit plus suffisamment de légitimité et son départ (pacifique) pourrrait amorcer un début de changement positif dans la région. Cependant, une chose est certaine, si la région bascule dans violence, ce seront encore les populations civiles de la région qui vont payer le prix. C’est pourquoi elles doivent refuser d’être les dindons de la farce de leurs dirigeants.

Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC

[1] http://afridesk.org/loccupation-duvira-par-larmee-burundaise-a-quoi-jouent-kabila-nkurunziza-et-la-monusco-jj-wondo/.

[2] http://afridesk.org/le-vrai-visage-du-fpr-l-armee-sans-frontieres-de-kagame-desc/.

[3] http://afridesk.org/desempare-le-m23-veut-pousser-le-rwanda-et-la-tanzanie-a-lescalade-militaire/.

[4] Le passage réussi du président Jakaya Kikwete à la tête de l’Union africaine en 2008 a permis d’oeuvrer pour la promotion de la paix et de la stabilité en Afrique. Il a contribué aux règlements de la crise électorale au Kenya et réduit les tensions rwando-congolaises en 2009. On lui doit aussi le débarquement militaire réussi des troupes tanzaniennes en mars 2008 à Anjouan aux Comores contre le colonel Mohamed Bacar, le rétablissement de l’état de droit en Mauritanie, son implication au dialogue inter-burundais ayant désamorcé à temps la tension politique ainsi que son soutien à la mise en place de la MINUAD au Darfour où participe un contingent tanzanien depuis 2009. La Tanzanie s’est enfin montrée active sur les crises en RDC et à Madagascar ainsi que sur le dossier zimbabwéen.

[5] Charles Onyangbo-Obbo, « Pourquoi la Tanzanie est sexy », Courriel International, 30 juin 2013.

[6] « Kikwete, le joker des américains : la Tanzanie au centre de gravité géopolitique des Grands Lacs? » DESC-WONDO, 22 juin 2013. http://afridesk.org/kikwete-le-joker-des-grands-lacs-la-tanzanie-au-centre-de-gravite-geopolitique-de-la-region-des-grands-lacs-jean-jacques-wondo/.

[7] http://afridesk.org/guerre-au-kivu-ca-vole-tres-bas-entre-dar-es-salam-et-kigali/.

[8] http://afridesk.org/desempare-le-m23-veut-pousser-le-rwanda-et-la-tanzanie-a-lescalade-militaire/.

[9] Le Burundi et la Tanzanie soupçonnent les trois autres membres de l’EAC d’avoir un agenda caché et de les isoler. Les présidents du Rwanda, de l’Ouganda et du Kenya s’étaient réunis à plusieurs reprises en octobre et début novembre 2013 en l’absence de leurs homologues tanzanien et burundais pour accélérer la construction de vastes infrastructures régionales, dont un chemin de fer et un oléoduc reliant leurs trois capitales. http://www.dailymaverick.co.za/article/2013-11-05-analysis-how-did-tanzania-become-the-loneliest-kid-on-the-east-african-bloc/#.VW7AE1K3G7Q : How did Tanzania become the loneliest kid on the East African bloc?, Daily Maverick, 05 Nov 2013.

[10] http://afridesk.org/guerre-imminente-dans-les-grands-lacs-une-inquietante-course-aux-armements-dans-la-region-jj-wondo/.

[11] http://afridesk.org/burundi-vers-le-retour-imprevisible-de-buyoya-au-pouvoir-joseph-kabila-inquiet-jj-wondo/.

[12] Ces avions, comme nous l’avions mentionné dans notre r ouvrage, Les armées au Congo-Kinshasa…, p.287, peuvent opérer avec autonomie dans un rayon d’action de 500 Km.

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2 Comments on “La crise au Burundi et l’attaque de Goma : La fin de la triple alliance opportuniste Kagame – Kabila – Nkurunziza ? – JJ Wondo”

  • Mzaliwa Mkungilwa

    says:

    Merci;cet article est riche et très riche même…merci encore d’informer votre peuple RdCongolais et de la sous-région du grand lac Africain…
    Vous faites un bon travail…
    Merci

  • James Kavulivwa

    says:

    Bonsoir,je veux seulement que nos dirigents africains soient humains en aimant leur peuple et les engendas cachés des superpuissances n’existeront plus.

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