La CENCO au cœur de l’application de l’article 64 de la Constitution
Par Jean-Bosco Kongolo
Même parmi les croyants catholiques, nombreux sont les Congolaises et Congolais qui n’ont découvert la CENCO et sa vraie face qu’à l’occasion de son implication dans la résolution de la crise de légitimité que traverse une fois encore le Congo-Kinshasa. Et pourtant, la CENCO, qui signifie simplement Conférence Épiscopale Nationale du Congo, est une vieille structure de l’Église catholique qui, comme dans tous les pays, réunit tous les évêques de différents diocèses pour évaluer la bonne marche de leur mission pastorale. Mieux que les politiciens de carrière et les gourous d’autres confessions religieuses, souvent complices du pouvoir, les prélats catholiques sont profondément enracinés dans la société, dont ils sont l’émanation et avec laquelle ils partagent le quotidien de la vie (évangélisation, alphabétisation, éducation, hôpitaux, maternités, œuvres caritatives, projets agro-pastoraux…). A ce titre, la CENCO s’est toujours signalée à travers ses messages et autres publications pour éveiller la conscience des citoyens, attirer l’attention des politiciens sur les risques de dérive dictatoriale et défendre les droits des opprimés.
Contrairement à la plupart des églises dites de réveil, dont la liturgie n’est basée que sur la prospérité matérielle des pasteurs au détriment de leurs fidèles, le clergé catholique est composé d’hommes hautement qualifiés dans plusieurs domaines scientifiques, ce qui leur permet d’aborder avec aisance et maîtrise tous les problèmes qui se posent à la société. C’est ainsi que lorsque qu’elle prend position sur n’importe quel sujet d’intérêt national, la pertinence des arguments de la CENCO n’a aucune commune mesure avec les arguties de bon nombre de politiciens qui remplissent inutilement les institutions de la République. La CENCO vient de le prouver, face au péril qui menaçait la cohésion nationale et l’existence même de la République, en obtenant de deux camps antagonistes, un accord beaucoup plus inclusif que celui d’un certain Edem Kodjo, présenté comme diplomate de carrière mais qui nous a fait perdre inutilement de temps et de moyens financiers, sans résultat salutaire.
Au-delà des avancées indéniables qu’ils ont réussi à obtenir de la part des politiciens, les évêques catholiques se sont surtout, à leur manière, impliqués dans l’application de l’article 64 de la Constitution, devenu la disposition constitutionnelle la mieux vulgarisée au sein de la population congolaise. Pour rappel, cet article stipule que «Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution.
Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’État. Elle est punie conformément à la loi ».
Malgré ses imperfections, si la classe politique l’exécute de bonne foi, ce compromis peut permettre au pays de vivre sa première alternance dans la paix et d’envisager l’avenir dans la concorde. Dans la présente analyse, nous estimons utile de désigner les responsables de la crise, de donner le sens exact de l’implication de la CENCO et d’inviter l’ensemble du peuple congolais à demeurer vigilant pour surveiller et dénoncer tout individu ou groupe d’individus qui tenterait de rallumer le feu d’interminables crises qui ne profitent qu’à leurs auteurs.
1. Le glissement du calendrier électoral : un fait accompli du camp présidentiel
Comme par le passé, le peuple congolais se trouve à nouveau face à une crise de légitimité née de la volonté de l’ex-Président Joseph Kabila, à la fois manipulé et encouragé par des jouisseurs n’envisageant pas un seul instant de mettre fin aux privilèges acquis. «Obnubilé par le pouvoir qu’objectivement il ne méritait pas d’avoir, il s’est laissé rouler par des opportunistes habitués à fonctionner sans aucune obligation de rendre compte, sauf à lui-même. Ces hors-la-loi, qui contrôlent tous les rouages de la vie nationale, lui ont fait croire que pour être fort et craint, il faut avoir la mainmise sur la justice, l’armée, la police, les services de sécurité et les médias publics de sorte que rien ne puisse se faire à son insu et sans son accord. En réalité, sur terrain, les responsables de ces services excellent, par leur zèle, pour leurs intérêts faisant apparaître au grand jour son incapacité intellectuelle à être le garant du bon fonctionnement des institutions ».[1]
Par toutes sortes de subterfuges, ils ont détourné de leurs missions les institutions qui concourent à l’organisation des élections dont la tenue régulière et impérative est pourtant prévue par la Constitution. Nourrissant depuis longtemps l’ambition de s’éterniser au pouvoir, le Président Joseph Kabila a mis de côté ses propres prérogatives gouvernementales[2] en laissant le gouvernement se dérober volontairement de sa tâche de libérer les fonds nécessaires à l’organisation des élections. Pour sa part, et en collusion avec le même gouvernement, la CENI s’est transformée en un service technique de la présidence en s’abstenant d’élaborer un calendrier électoral plus réaliste tenant compte des impératifs constitutionnels. Pour réussir le fait accompli et empêcher tout mouvement de contestation, le Pouvoir judiciaire, l’armée, la police et les services de sécurité ont été mis à contribution pour procéder à des répressions sauvages, des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires et détentions illégales des opposants et activistes des droits de l’homme ainsi que par la tenue des parodies de procès, dans le seul dessein d’imposer un silence total et un seul son de cloche.
Se trompant d’époque et d’individus et se basant aussi bien sur de faux rapports des services de renseignement que sur de ridicules et honteuses décisions de la Cour dite constitutionnelle, Joseph Kabila a cru que le fruit était suffisamment mûr pour attirer à la Cité de l’Union africaine la classe politique dans un dialogue dont la finalité inavouée consistait à simplement élargir la mangeoire à la tendance radicale de l’opposition. Pour preuve, il suffit de voir la taille du gouvernement du Belge Samy Badibanga[3], la distribution des postes gouvernementaux et l’insignifiant poids politique de la plupart de leurs animateurs pour comprendre, une fois pour toutes, que les aspirations des Congolais à la démocratie, à l’état de droit et au bien-être sont de loin le cadet des soucis de Joseph Kabila. Tout ce qui le préoccupe, c’est de demeurer le plus longtemps possible au pouvoir pour réaliser les desseins expansionnistes de son maître à penser Paul Kagame, s’enrichir et enrichir sa famille biologique en paupérisant davantage le peuple congolais.[4] Malheureusement, il y a toujours des Congolais qui sont disposés, toute honte bue, à fermer leurs yeux et à boucher leurs oreilles pour ne pas voir ni entendre les massacres et les cris de détresse de leurs compatriotes. Les évêques, qui partagent au quotidien les problèmes de la grande majorité de leurs concitoyens, ont saisi la portée du piège et ont pris le bâton de pèlerin pour tenter de sauver ce qui pouvait encore être sauvé.
2. Le sens à donner à l’implication patriotique de la CENCO
Il convient de rappeler que déjà avant la publication du gouvernement du Belge Samy Badibanga, dont la Belgique continue en vain d’attendre qu’il renonce à la nationalité qui lui avait été accordée en 2002, plusieurs déclarations ont été entendues émanant des personnalités signataires de l’accord de la Cité de l’Union Africaine pour inciter le Président sortant à nommer rapidement les ministres. Avec leur per diem déjà dans leurs poches et pressés de prendre leurs places à la mangeoire ainsi élargie, certains ne cachaient plus leur agacement de voir les évêques retarder leur nomination ou leur reconduction. Lors de l’investiture de ce gouvernement à l’Assemblée Nationale, certains ont même ironisé sur la mission de la CENCO en disant : « Maintenant, ils peuvent aller à leur dialogue », dixit Lambert Mende. Dans le même sens, Vital Kamhere qui attendait impatiemment la primature a même affirmé qu’ « Il ne sera jamais question d’un autre dialogue. Nous avons attiré l’attention de l’église aussi sur la stratégie de l’usure. Il ne faut pas qu’on nous tourne en rond tout en sachant que l’agenda peut être différent et chaotique pour le pays. Nous avons déjà un accord qui évite le chaos au pays ».[5]
Visionnaires et saisissant les enjeux mieux que l’élite politique et une bonne partie de l’élite intellectuelle, appuyés par une grande majorité du peuple congolais et par la quasi-totalité des partenaires extérieurs, les prélats catholiques ont surtout compris qu’un peuple qui veut s’affranchir ne peut avant tout compter que sur lui-même.
L’accord de la Cité de l’UA ayant renvoyé les élections à 2018 tout en laissant subtilement la possibilité pour Joseph Kabila de modifier la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat, les évêques ont, à leur manière et par un dialogue beaucoup plus inclusif, fait une application sans bain de sang de l’article 64 de la Constitution.
Sur le plan purement juridique, ils ont raison, nous y compris, tous les légalistes qui soutiennent que l’accord de la CENCO est une défaite pour l’opposition, qui n’a pas réussi à mettre un terme au pouvoir de Joseph Kabila le 19 décembre 2016. Ils ont aussi raison, nous y compris, tous ceux qui sont déçus de le revoir à la tête du pays comme Chef d’État de la transition[6] alors que c’est lui l’auteur principal de la crise. Nous ne partageons cependant pas l’avis de ceux qui accusent la CENCO et l’opposition radicale d’avoir trahi le peuple et la Constitution.
En effet, devant un fait accompli auquel toute la nation était déjà placée et face à un individu sans cœur qui s’était déjà lourdement armé non pas pour sécuriser le territoire national sans cesse menacé par des voisins mieux connus, mais plutôt pour écraser dans le sang les manifestations pacifiques[7] destinées à sauver l’ordre constitutionnel, quelle aurait pu être l’attitude de la CENCO et surtout de l’opposition, sans branche armée et plusieurs fois accusée d’envoyer les enfants des autres se faire tuer par l’armée et la police détournées de leur mission au profit d’un individu? Fallait-il que les leaders politiques aillent seuls dans la rue et pour quel résultat? Nous ne sommes pas non plus d’avis que, pour l’opposabilité du compromis obtenu, la CENCO et l’opposition auraient dû exiger la signature de Joseph Kabila. Ceux qui pensent ainsi ont tendance à oublier qu’il est un hors-la-loi, en perpétuel conflit avec la Constitution et les lois que lui-même a promulguées et avec sa propre parole.
Pour ceux qui ont eu le privilège de faire des études de criminologie, Joseph Kabila se situe dans le tableau des personnes dont l’autorité du père a fait défaut dans leur enfance pour apprendre à respecter les règles de la société. Par conséquent, c’est trop tard et trop lui demander d’intérioriser les valeurs tels que l’empathie devant la souffrance d’autrui ou le remord après le supplice infligé à son semblable (cas de Diomi Ndongala, Claude Muyambo, Franck Diongo,…). Qui, en effet, l’a déjà entendu condamner publiquement et officiellement les massacres journaliers qui se commettent au Nord-Kivu ou prendre position, en tant que garant du bon fonctionnement des institutions, contre le laisser-aller et le zèle de ses collaborateurs? Avec des imperfections inhérentes à toute œuvre humaine et contrairement au conclave d’élargissement de la MP qui s’est tenu à la Cité de l’Union Africaine, l’accord de la CENCO a le mérite d’avoir impliqué les principales parties prenantes à la crise et d’écourter la transition, dont l’élasticité risquait d’offrir plein mandat à Joseph Kabila et à ses laudateurs. En acceptant de diriger le gouvernement de transition, grâce à la mission des bons offices de la CENCO, l’opposition a l’opportunité d’empêcher que le manque d’argent soit de nouveau utilisé comme prétexte pour ne pas organiser les élections. Toutefois, aussi longtemps que les démons de la jouissance sans limites disposeront de leur capacité de nuisance, il est du devoir de toutes les forces vives de la nation de demeurer vigilantes pour une mise en œuvre sans faille de cet accord.
3. Appel à la vigilance pour le respect et l’exécution de l’accord de la CENCO
Autant une équipe de football a besoin du soutien des ses supporters, autant la réussite de la transition d’une année arrachée par la CENCO exige la vigilance tous azimuts de tout le peuple congolais, du pays comme de la diaspora. Cette vigilance consiste à cibler et à dénoncer les individus ou groupes d’individus qui seraient tentés de remettre en question, sans autre solution de rechange, l’accord difficilement obtenu. Outre Joseph Kabila lui-même, il y a lieu de surveiller et de dénoncer les déclarations irresponsables de certains caciques du PPRD et de la MP, de tous ceux dont les ambitions d’être ministres ont été ôtées par l’intervention de la CENCO, des autorités du pouvoir judiciaire ainsi que de l’armée, de la police et des services de renseignement.
3.1. Pour le Chef de l’État de la transition
Rejeté par l’ensemble du peuple congolais et lâché par ses parrains et soutiens extérieurs, le moment est venu pour Joseph Kabila de réaliser que la légitimité à laquelle il tentait vainement de s’accrocher par les armes était insuffisante à lui garantir une pérennité au pouvoir, tel que ses faucons le lui conseillent souvent. A dater du 20 décembre 2016 et grâce à l’implication citoyenne de la CENCO, il a l’occasion de se prévaloir, durant toute la période de la transition, d’une légitimité qui tire sa source de l’accord signé par toutes les parties, en attendant la tenue des élections que tout le monde souhaite réellement libres et transparentes. En gardant ses distances vis-à-vis de ceux qui s’accrochent désespérément aux privilèges acquis, il peut surtout espérer entrer dans l’histoire du Congo-Kinshasa par la grande porte comme étant le tout premier Président de la République à passer la main à son successeur. C’est pourquoi, pour éviter toute surprise désagréable de sa part, lui qui n’a jamais tenu parole, le peuple congolais tout entier devra surveiller dans les moindres détails ses actes et comportements notamment envers le gouvernement de la transition, qui doit avoir les mains tout à fait libres pour conduire la politique de la nation conformément à la Constitution. La vigilance devra demeurer le maître mot pour maintenir sur lui les pressions tant internes qu’externes.
3.2. Pour la famille politique du Chef de l’État de la transition (PPRD et MP)
Dans une analyse antérieure, nous avions déjà eu à démontrer que le PPRD et la MP n’étaient que des juxtapositions des individus et partis politiques ne partageant aucune idéologie ni projet commun de société, qu’aucun élément politique et historique ne pouvait objectivement mettre ensemble, à l’exception de la présence de Joseph Kabila appelé à juste titre « Autorité morale »[8]. De 2006 à ce jour, le pays tout entier a souffert et continue de souffrir de cet amalgame consistant pour les personnalités et partis politiques qui en sont membres, de se livrer à de luttes intestines de positionnement pour leur accession ou leur maintien à la mangeoire. Craignant de perdre leurs privilèges ou d’être poursuivies un jour pour d’innombrables torts causés à la démocratie, au peuple et aux individus, ce sont ces acteurs « politiques » qui redoutent d’affronter les électeurs sans leur autorité morale. N’ayant jamais eu le courage d’aborder le sujet de l’alternance à l’interne, ils redoutent surtout l’implosion de leur conglomérat et par conséquent de la vérité des urnes. D’où leurs manœuvres, pendant tout le temps qu’ils sont demeurés aux affaires, d’en retarder les échéances par toutes sortes de moyens antidémocratiques : les tentatives de modifier la Constitution, le refus de financer les élections, le refus d’élaborer le calendrier électoral réaliste, les requêtes introduites de mauvaise foi à la Cour constitutionnelle sur des matières n’appelant aucune interprétation, le démembrement précipité et non budgétisé des provinces ainsi que les répressions sanglantes des manifestations pacifiques. Faute de pouvoir désigner un candidat commun et crédible pour l’élection présidentiel, ce sont eux qui voient de mauvais œil l’accord obtenu par la CENCO. A travers des déclarations irresponsables, ils tentent de mener un combat d’arrière-garde. C’est pourquoi, nous ne cesserons jamais de le répéter, le peuple doit demeurer vigilant pour surveiller et dénoncer leurs moindres gestes et actes.
3.3. Pour les autorités judiciaires
De manière globale, le pouvoir judiciaire, en tant qu’institution voulue indépendante, n’a été d’aucun concours pour accélérer et raffermir la démocratisation et l’avènement de l’état de droit au Congo-Kinshasa.[9] Dans tous les cas où la justice a été sollicitée pour jouer son rôle de dernier rempart contre les dérives totalitaires, ses autorités se sont plutôt comportées comme des membres et partisans les plus actifs de la famille politique du Chef de l’État. Les dernières gaffes de ces autorités sont à trouver à la Cour constitutionnelle qui a scandaleusement siégé avec un quorum en deçà de celui prévu par la loi et à la Cour Suprême de Justice qui s’est récemment acharnée sur le député Franck Diongo pour le juger alors qu’était sous perfusion et l’expédier à la prison dans un état morbide pendant que des criminels de la race de Gédéon Kyungu se la coulent douce, arborant un tee-shirt à l’effigie de Joseph Kabila.
Pour permettre à l’opinion publique de comprendre ce comportement zélé des autorités judiciaires, anciens collègues, nous avons décidé, dans l’intérêt supérieur de la nation, de rompre notre silence et de mettre en parenthèse nos cordiales et anciennes relations professionnelles pour dévoiler la vérité ignorée du grand public sur leur ascension.
Le Premier Président de la Cour Suprême de Justice, de même que son collègue Procureur Général de la République sont de purs produits des nominations ethno-clientélistes opérées en violation totale des lois portant respectivement Statut des magistrats et Conseil Supérieur de la Magistrature. Pour accéder à ces postes, tous deux ont escamoté plusieurs échelons obligatoires de la hiérarchie judiciaire alors qu’à la C.S.J comme au P.G.R., se trouvaient d’anciens magistrats plus compétents et plus expérimentés. S’agissant du Procureur Général de la République plus spécialement, l’opinion est en droit de savoir qu’il est le gendre de feu Me Kisimba Ngoy, qui a été lui-même Ministre de la Justice.
Nous assumons nos affirmations et sollicitons la collaboration patriotique de tous ceux (magistrats subalternes et consciencieux, avocats, activistes des droits de l’homme et justiciables) qui craignent pour leur sécurité de contacter le site Desc-Wondo.org pour nous signaler tous les cas avérés d’égarement qui seront commis par la justice pendant cette période de transition afin que nous nous chargions de les rendre publics. De la même manière que le peuple a intériorisé le contenu de l’article 64 de la Constitution, il doit désormais savoir que c’est en son nom que la justice est rendue.[10] En annexe, nos lecteurs trouveront la composition(les noms des juges) sans cœur, qui a siégé à la C.S.J. pour infliger au député Franck Diongo un traitement inhumain et dégradant dont les images choquantes et honteuses ont fait le tour de la planète.[11] Dès l’installation des futures autorités politiques élues, l’ordre devra être rétabli, de fond en comble au sein du pouvoir judiciaire.
3.4. Pour l’armée, la police et les services de renseignement
Dans tous les pays démocratiques, l’armée et la police sont des institutions républicaines au service de la nation. En aucun cas, elles ne doivent être détournées de leur mission régalienne pour servir un individu, comme c’est le cas au Congo-Kinshasa. Sans les énumérer, tout Congolais connaît les dégâts causés par les responsables de ces institutions tant sur le plan politique que des droits de l’homme. Ils ont souvent rivalisé de zèle pour être à la solde d’un individu jusqu’à mériter le sobriquet d’ « Esprit de mort ». Pendant cette période de transition, l’œil devra être gardé sur les comportements de ces responsables (armée, police, ANR) afin qu’ils n’entravent pas le cours normal de la transition. C’est pourquoi, des preuves devraient continuer à être réunies, comme nous le faisons déjà, contre eux pour des actions judiciaires ultérieures, au pays ou à la CPI.
3.5. Pour les partis politiques membres de l’opposition « radicale »
Au Congo-Kinshasa, la notion d’opposition n’est plus exclusivement réservée aux seuls partis ou opérateurs politiques. Au vu de la situation sur terrain et même dans la diaspora, c’est presque tout le peuple congolais qui se dresse désormais comme un seul homme pour rejeter, grâce à l’article 64 bien intériorisé, tout individu ou groupe d’individus qui chercherait à exercer le pouvoir ou à s’y éterniser en dehors du contrat social. C’est ainsi qu’on a vu la population, les mouvements des jeunes (Lucha et Filimbi), les mamans et les partisans des partis politiques pousser ceux-ci à plus de détermination dans la défense de la Constitution. L’action de la CENCO s’inscrit dans ce schéma même si, au final, ces sont les partis politiques qui sont présentés comme interlocuteurs du régime récalcitrant. S’agissant de ces partis et de leurs leaders, il est important de constater que lorsqu’ils se rassemblent et parlent d’une seule voix, les résultats obtenus sont beaucoup plus palpables que lorsqu’ils agissent en ordre dispersé en mettant inutilement de l’avant des ambitions souvent démesurées qui ne permettent pas d’atteindre le principal objectif qu’est l’alternance au pouvoir.
Ils doivent par conséquent avoir constamment à l’esprit que la transition qui est imposée au peuple congolais comme un fait accompli, ne doit en aucun cas être perçue par eux comme un raccourci pour la conquête et l’exercice du pouvoir. Le chemin à parcourir pour arriver aux élections est parsemé de beaucoup d’embuches et l’adversaire guète à chaque instant les moindres fissures pour déployer ses capacités de nuisance, encore intactes. C’est ce qui est arrivé lorsque, profitant des ambitions capricieuses du MLC, les démons du glissement ont surgi du bois, même sans être mandatés par ce parti politique de l’opposition, pour relever le caractère non inclusif de l’accord de la CENCO. Certains, craignant le vide de leurs tubes digestifs, n’ont pas hésité de proposer un troisième dialogue qui, selon eux, serait plus inclusif.
C’est pourquoi, la politique étant une affaire de tous, le peuple doit rester vigilant pour dénoncer tout politicien ou parti politique de l’ « opposition » dont le comportement, conscient ou inconscient, est susceptible de faire le lit de l’ennemi de la démocratie et, par conséquent, de reculer les échéances électorales prévues dans l’accord pour 2017. Ces partis politiques doivent en outre savoir qu’ils ont un seul et unique objectif : arracher l’alternance du pouvoir selon le souhait ultime du peuple congolais. Nous les mettons en garde contre tout comportement de blocage qui pourrait nous ramener à la situation des années 60 et qui avait débouché sur la prise de pouvoir par l’Armée Nationale Congolaise et dont la crise actuelle est l’une des conséquences.
Conclusion
Au lancement de la Troisième République, tous les espoirs étaient permis pour croire que les crises de légitimité qui ont caractérisé l’histoire politique de notre pays appartenaient désormais au passé. Les faiseurs des rois avaient pourtant placé un loup dans la bergerie nommé Joseph Kabila. A l’instar de ses homologues de l’Afrique centrale et s’appuyant sur la trahison des filles et fils du pays, rompus dans la jouissance égoïste et dans l’art de vagabonder d’un régime à un autre ou d’un parti politique à un autre, ce dernier caressait le rêve de s’éterniser lui aussi au pouvoir. Il y avait heureusement dans la Constitution une disposition (l’article 64) qui reconnaît au peuple ses droits de souverain primaire et grâce à laquelle tous les moyens sont bons pour barrer la route à la dérive dictatoriale. Seul face à l’armée, à la police, à la justice et aux services de renseignement se comportant comme en temps de guerre, ce peuple a accepté de verser son sang, pour faire entendre sa voix par des manifestations pacifiques.
Devant l’impuissance de l’opposition, qui commence à comprendre que tout dictateur n’entend que le langage des armes, les Évêques catholiques ont usé de leur philosophie, de leur sagesse, de leur maîtrise de l’histoire du pays et de leur patience pour limiter les dégâts qui risquaient d’embraser tout le pays. Perspicaces, ils ont réussi à faire à obtenir du dictateur la tenue d’un dialogue plus inclusif qui a abouti à l’accord, bien que fragile, qui contraint les Congolais d’expérimenter une fois de plus un régime spécial (extra constitutionnel) destiné néanmoins à préparer de manière consensuelle l’alternance démocratique. Malgré ses imperfections, cet accord consacre l’application pacifique de l’article 64 précité. Il ne reste qu’aux Congolais, principaux bénéficiaires, de le protéger en demeurant vigilants pour dénoncer, d’où qu’elle vienne, toute tentative de le remettre en question. Pour cela, l’article 64 de la Constitution reste la seule arme à leur disposition.
Jean-Bosco Kongolo M.
Juriste &Criminologue
Annexe (conforme à l’original de l’extrait de rôle de la CSJ.)
-/MM/-
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CNGO
COUR SUPRÊME DE JUSTICE
GREFFE PÉNAL
LA COUR SUPRÊME DE JUSTICE, SECTION JUDICIAIRE, CHAMBRES RÉUNIES, APPELLERA À SON AUDIENCE
PUBLIQUE DU MARDI 20 DÉCEMBRE 2016 À 15 HEURES L’AFFAIRE SUIVANTE :
En introduction :
RP09/CR
En cause : Ministère Public
Contre Honorable Franck DIONGO
Composition du siège
Président : TUKA BAZUNGULU
Conseillers : MASINI MATHI
: MWANGILWA MUSALI
: MATHE KYAMIRE
: ODIO NONDE
: MUKENDI MUSANGA
: KIRAMBA MOKET
Réserves : UBULU PUNGU
: MWANGA MULINDIO
Fait à Kinshasa, le 20/12/2016
LE GREFFIER PÉNAL
NIOLELE NIOLANI
DIRECTEUR
Références
[1] Kongolo, JB, 2016. Les limites intellectuelles de J.Kabila et l’extrémisme de son entourage : un cocktail dangereux pour la paix et la démocratie au Congo-Kinshasa, In http://afridesk.org/fr/les-limites-intellectuelles-de-j-kabila-et-lextremisme-de-son-entourage-jb-kongolo/.
[2] – Article 91, la. 1er de la Constitution : « Le Gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République, la politique de la Nation et en assume la responsabilité ».
-Article 69, la.2 et 3 : « Il veille au respect de la Constitution.
Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux ».
[3] Les autorités belges atteindraient encore que Samy Badibanga renonce à la nationalité belge. En effet, pour recouvrer valablement sa nationalité congolaise d’origine, l’intéressé aurait dû commencer sa démarche en Belgique pour ensuite amener à Kinshasa les preuves de renonciation à la nationalité belge. L’arrangement passé entre lui et le Ministre de la Justice Thambwe Mwamba n’aurait donc aucun effet en Belgique. La fraude laisse toujours des traces indélébiles.
[4] RDC : Bloomberg relève l’empire économique bâti par la famille Kabila, In http://www.voiceofcongo.net/rdc-bloomberg-revele-lempire-economique-bati-par-la-famille-kabila.
[5] La Prospérité, 2 novembre 2016. In http://www.rdcnews.net/apres-sa-rencontre-davec-la-cenco-kamerhe-nous-avons-deja-un-accord-qui-evite-le-chaos-au-pays/.
[6] Chef d’État de la transition, c’est comme cela qu’il faudra désormais appeler Joseph Kabila jusqu’à la passation du pouvoir à son successeur démocratiquement élu.
[7] Mbelu Babanya Kabundi, 2016. Glissement : » Kabila » prépare la guerre contre les Congolais, In http://afrique.kongotimes.info/rdc/rdc_elections/9977-glissement-kabila-prepare-guerre-contre-congolais-mende-dediabolise-joseph-apprete-faire-couler-sang-congo-kinshasa.html.
[8] Kongolo, JB, 2014. Quel avenir pour les partis politiques du Congo-Kinshasa?, In http://afridesk.org/fr/rdc-radioscopie-des-partis-politiques-mode-demploi-et-prospective-jb-kongolo/.
[9] Kongolo, JB, 2015. Apport négatif de la justice congolaise à l’état de droit, In http://afridesk.org/fr/rdc-apport-negatif-de-la-justice-congolaise-a-letat-de-droit-jean-bosco-kongolo/.
[10] Article 149, al.3 de la Constitution : « La justice est rendue sur l’ensemble du territoire national au nom du peuple ».
[11] Dans les pays judiciairement civilisés, les juges s’assurent préalablement que l’accusé, quelle que soit la gravité du crime, est apte à subir le procès. Il peut s’agir de l’état physique, mental ou psychologique de l’accusé.
2 Comments on “La CENCO au cœur de l’application de l’article 64 de la Constitution – Jean-Bosco Kongolo”
chris lenge
says:Quand on fait une analyse politique pour son pays et surtout pendant cette période ou le peuple congolais cherche à harmoniser leurs points de vue, publier des histoires qui frisent les uns et les autres avec un accent particulier sur la haine doublée d’un esprit tribal, en te lisant on finit par comprendre une seule chose, diaboliser l’actuel pouvoir et favoriser le retour de Mobutistes aux affaires, une nostalgie mal placée quand on sait leurs façons de gérer la chose publique.
GHOST
says:Mobutistes ?
Deux d´entre eux dirigent le Senat Kengo et Edo Mokolo)..L´un des faucons du gouvernement Kabila est aussi un mobutiste (Tambwe Mwamba). Ne pas voir l´influence des mobutistes autour de J Kabila depuis 15 ans est un fait remarquable.
Les mobutistes sont aux affaires en réalité, ce qui explique les derives dictatoriales au Congo où la démocratie recule.
Doivent-ils retouner quand une nouvelle génération des hommes politiques se pointe á l´horizon des futures élections?