La bataille diplomatique entre Mgr Marcel Utembi et She Okitundu devant le conseil de sécurité de l’ONU
Par Germain Nzinga Makitu
Article publié le 22 mars 2017 sur www.nzingagermain.com.
Hier mardi 21 mars 2017 s’est tenu, à New York, une session spéciale du Conseil de sécurité de l’Onu sur la situation sécuritaire du Congo. Trois orateurs se sont succédé à la prestigieuse tribune du Palais en verre, à savoir Maman Sambo Sidikou (l’envoyé spécial de l’Onu et patron de la Monusco en RDC), Mgr Marcel Utembi (Président de la Cenco et facilitateur de l’Accord de la saint Sylvestre) et enfin She Okitundu (Ministre des Affaires étrangères du gouvernement Badibanga).
Ce qui a attiré notre attention de chercheur, c’est la passe d’armes qui s’est opérée entre les deux derniers orateurs d’origine congolaise et notre présente étude va dans le sens de décrypter les non-dits qui cachent la vérité de tout discours diplomatique.
1. Les flèches de Mgr Utembi contre She Okitundu et contre le gouvernement qu’il représente
Avant de prendre son avion pour New York le dimanche 19 mars 2017, Mgr Marcel Utembi a d’abord réuni le jeudi 16 mars, les acteurs politiques de la Majorité comme ceux du Rassemblement pour leur livrer sa part de vérité sur le blocage actuel de l’Accord de la Saint Sylvestre. Il a haussé le ton pour dénoncer le retard de mise en application de l’accord de 31 décembre 2016. Il les a appelés à cesser leurs « marchandages » politiques et à travailler à l’application de cogestion du pays pour préparer les élections présidentielles et législatives. « Il est curieux et inadmissible, dit-il, que les travaux sur « l’arrangement particulier » (composition et mode de désignation du conseil de suivi, composition du gouvernement, modalités de nomination du Premier ministre,etc.) prennent plus de temps que les négociations sur l’accord proprement dit. »[1]
Hier devant la tribune des Nations Unies, il prendra son courage entre les deux mains pour dépeindre en détail la situation tragique que traverse la RDC tout en attirant l’attention du Conseil sur deux points très importants qui forment la véritable matrice de la crise congolaise.
Primo le fait que la Rdc se trouve présentement dans un cas de figure unique dans l’histoire des nations. Toutes les institutions sur lesquelles est sensé s’appuyer le fonctionnement un État de droit sont toutes hors mandat et en dehors du cadre constitutionnel. En termes clairs, ni la présidence de la République, ni la Chambre Haute ou Basse du parlement ni les autorités régissant les entités provinciales, plus rien ni personne n’est plus en phase avec une quelconque légitimité et une certaine légalité.
Secundo devant ce vide juridique, seul l’Accord du 31 décembre 2016 venu suppléer ce vide juridique est l’unique feuille de route pouvant guider le bateau Congo dans les eaux troubles de la transition vers des élections démocratiques et transparentes. Et cet Accord là, les politiciens congolais, ceux de la Majorité comme ceux de l’opposition, s’emploient à le saborder via des marchandages « égoïstes » et mercantiles visant des postes ministériels ou le statu quo politique actuel dans lequel chacun d’eux trouve son compte.
Devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le président de la Cenco a nommément accusé la classe politique, principalement la Majorité et le Rassemblement, d’être à la base de la prolongation de l’impasse politique[2]. Il a déploré publiquement leur manque de volonté politique pour la mise en œuvre du compromis politique devant déboucher sur la mise en place d’un gouvernement de transition chargé de conduire le peuple aux élections présidentielles sans Joseph Kabila.
2. Les incohérences de Léonard She Okitundu
Au nombre des incohérences débitées par le troisième orateur, il importe de relever les trois erreurs gravissimes à l’actif d’un politicien sensé défendre la diplomatie nationale.
Erreur n°1 : Lorsque le Ministre des Affaires étrangères a pris la parole débitant un discours inutilement long, il a donné à tous les membres du Conseil de Sécurité de l’ONU, la nette impression de faire un plaidoyer non pour l’intérêt supérieur de la Nation congolaise mais plutôt pour défendre le Clan Kabila.
Sans ambages, il martèle : « S’agissant de la nomination du Premier ministre, le Rassemblement est appelé à présenter une liste comportant au moins trois noms des candidats à ce poste parmi lesquels le Chef de l’État aura à en nommer un, conformément à l’article 78 de la Constitution »[3]. Cet homme politique ignore-t-il tout ce qui vient d’être dit auparavant en parlant d’un Chef de l’État qui n’a plus de légitimité constitutionnelle puisque fin mandat depuis le 19 décembre 2016 à minuit ?
Pourquoi fait-il semblant d’ignorer que Joseph Kabila n’est là que suite au seul consensus du 31 décembre 2016 et ce, contre la volonté du peuple congolais exprimée dans la Constitution de 2004 et qui n’a été consulté par personne pour passer outre la date butoir de 19 décembre 2016? Ceci dit, Joseph Kabila ne détient plus aucune autorité juridique qui lui permettrait d’exiger la liste de trois noms au Rassemblement, lequel Rassemblement qui détient le pouvoir de lui retirer à tout moment sa confiance et de le jeter en pâture à la vindicte populaire.
Plus loin dans son speech, feignant de prendre la peau de celui qui veut que le pays avance, Léonard She Okitundu, pince sans rire, lance un appel pressant à l’opposition congolaise: « le Gouvernement exhorte cette dernière, plus particulièrement le Rassemblement, à surmonter ses dissensions actuelles afin de se mettre d’accord sur la personne du candidat qui devra remplacer le défunt Étienne Tshisekedi ». Il crache sur tout un peuple martyrisé qui sait que les blocages actuels au sein du Rassemblement ne sont pas seulement dus aux appétits gloutons des postes ministériels des uns et des autres. Ces dissensions au sein de la Rassop sont en grande partie préparées en amont par Joseph Kabila et sa famille politique qui ont fabriqué des faux opposants[4] et les ont injectés dans le Rassemblement avec la nette intention de le diviser pour mieux peser et interférer sur ses décisions internes et pour lui imposer leur ordre politique à eux.
Erreur n°2 : Quand She Okitundu va renchérir dans son speech : « Il est inadmissible, en effet, de constater que la mission de paix des Nations Unies, la plus importante au monde, se trouvant dans mon pays depuis environ deux décennies, ne soit pas en mesure, avec les moyens dont elle dispose, de parvenir à mettre un terme à une situation de crise qui perdure depuis plusieurs années »[5], il brade publiquement la souveraineté de l’État congolais. Toute honte bue, le numéro Un de la diplomatie congolaise va accuser les autres de n’avoir pas su arrêter la violence sur son propre territoire national comme s’il oubliait que la défense du territoire national fait partie de principales prérogatives régaliennes du gouvernement qu’il représentait hier au siège des Nations Unies.
Erreur n°3 : Le Ministre des Affaires étrangères ne s’arrête pas là pour ridiculiser son pays et son peuple. Il soutient le renouvellement du mandat de cette même mission onusienne dont il vient outrancièrement de dénoncer l’échec de deux décennies. Et c’est encore à ces forces de l’ONU qu’il recourt avant tout pour prétendre éradiquer les forces négatives qui sèment la terreur notamment selon ses dires, l’ADF, la LRA et les FDLR. Pour les éradiquer, le ministre congolais a demandé, au nom de son gouvernement, de renforcer l’efficacité opérationnelle des forces onusiennes et d’améliorer la collaboration et partage des informations avec les FARDC.
Ces demandes d’éradiquer les forces négatives, il les présente devant un Conseil de Sécurité suffisamment informé sur l’identité des véritables commanditaires de ces milices génocidaires. Toutes les chancelleries basées à Kinshasa savent la parfaite complicité de ces forces négatives avec les politiciens congolais qui siègent au parlement et au gouvernement. Toutes les chancelleries savent que l’ADF est la police personnelle de l’Autorité (im)morale qui régit l’Exécutif congolais et qui se rend comptable des bombardements des positions des FARDC ou des opérations à canarder les hélicoptères portant les officiers congolais dans des zones où se cachent ses milices[6].
3. La bataille diplomatique sur l’avenir du Congo a réellement commencé hier
En publiant lundi 20 mars une réflexion « Que peut bien cacher la rencontre de Paul Kagame avec le pape François ? »[7], l’auteur de ces lignes vous avait prévenu de nouvelles manœuvres politiques amorcées par la diplomatie vaticane dès lors que le Saint Siège s’est aperçu que celui qui dirige la RDC reçoit ses ordres de Kigali et qu’il a compris que toute la classe politique congolaise (majorité comme opposition) est viscéralement corrompue et pourrie, prête à vendre leur pays et la vie de leur concitoyens à l’ennemi pour des billets de dollars ou pour un simple poste ministériel.
Le changement de diplomatie vaticane consiste donc à traiter directement avec les instances qui donnent des ordres à Kabila et qui se veulent le véritable artificier du chaos politique qui fait désordre au Congo de Lumumba. C’est le sens profond de l’entrevue de François avec Kagame. Outre cette rencontre, le pape abat plusieurs cartes diplomatiques à la fois pour isoler Joseph Kabila et pour l’asphyxier diplomatiquement et plus tard politiquement. L’arrivée des évêques congolais au siège de l’ONU et leurs accusations à peine voilées contre la classe politique dont Kabila détient tout le levier de commande, nous font passer à la phase deux de la bataille de prélats contre le pouvoir de Kabila.
Quoique l’ONU soit un instrument de l’impérialisme occidental[8] et que l’objectif principal du conseil de sécurité des Nations Unies consisterait à renouveler pour la énième fois son mandat en RDC en vue de soutenir des intérêts impérialistes sanguinaires des puissants, le Souverain Pontife s’en sert désormais comme piédestal pour étendre plus largement sa toile diplomatique et pour étaler à la face du monde les massacres et les tueries qui se passent réellement au Congo et que les puissants veulent faire passer sous silence.
En parlant avec Paul Kagame et en envoyant cette semaine ses hommes à l’ONU, une organisation dont il n’ignore pas des accointances avec les forces négatives et le projet de balkanisation du Congo, il veut les informer qu’il sait, que l’église catholique sait et que le monde formé de gens encore animés de bonne volonté sait désormais la vérité de ce qui décime et fauche des millions de vies humaines en RDC.
Le Pape sait qu’à cette ère des autoroutes de l’information, il n’y a pire ennemi contre les maitres de ce monde qu’une information vraie et rendue publique. Il sait que les puissants de ce monde qui ne sont pas étrangers à la tragédie congolaise redoutent une opinion publique avertie. Le pape surfe sur cette puissante arme pour croire remporter la victoire là où les l’armée et le politique ont du plomb dans l’aile.
Cette phase d’explication à l’opinion nationale congolaise ou à celle internationale sur les véritables auteurs de crimes qui se commettent au Congo et de la crise politique qui les entretient pourra rendre plus facile l’exécution du plan B de la Cenco en créant en amont des conditions propices pour accélérer la défenestration de Joseph Kabila et de tout son système inique et sanguinaire.
En effet, il n’est plus nécessaire de répéter que la RDC a à sa tête une bande des criminels très dangereux qui prétendent parler en son nom mais qui ont pactisé avec le diable et avec les ennemis de la République en vue de condamner son avenir à un perpétuel asservissement. Toutefois, la Cenco ne pourra rien sans la ferme volonté du peuple congolais et sans l’implication directe de ce dernier dans le noble projet d’en découdre une fois pour toutes avec cet ordre inique qui l’opprime et qui le tue à petit feu.
Pour ce faire, trois batailles sont donc appelées avec urgence à se conjuguer pour porter le peuple congolais à sa totale libération : la bataille militaire, la bataille politique et la bataille diplomatique.
De nombreux appels de Jean-Jacques Wondo[9] pour la création du pacte républicain Armée-Nation sont restés sans résultat tangible pour redynamiser la bataille militaire e RDC.
Les négociations interminables et infécondes de la classe politique, complice l’une avec l’autre dans ce sale jeu de marchandage, doivent être définitivement abandonnées comme nous le conseillait récemment le professeur Fweley Diangituka[10] pour laisser libre place à de nouvelles formes de gestion de la chose publique décidées par le peuple d’en bas pour une meilleure gouvernance de l’avenir de la RDC.
La bataille diplomatique amorcée par la Cenco doit viser désormais à pousser tous les congolais partout où ils se trouvent dans le monde à s’organiser pour convaincre moins par des injures ou des marches pacifiques que par des diplomaties souterraines, à mettre en exergue l’illégitimité et l’illégalité des dirigeants actuels et l’urgence d’un nouvel ordre politique. C’est pour l’heure actuelle une question de vie ou de mort pour tout un peuple. Un peuple averti en vaut un continent !
GERMAIN NZINGA MAKITU
Références
[1] Le Conseil de Sécurité de l’ONU invite le président de la Cenco dans http//www.politico.cd.
[2] Cfr KIMP., Conseil de sécurité de l’ONU : Utembi accuse la Majorité et le Rassemblement dans http//www.phareonline.net.
[3] Primature . A l’ONU, She Okitundu a insisté sur la liste d’au moins trois noms dans http//www.actualite.cd.
[4] Cfr G. NZINGA MAKITU, La fabrique des opposants : cas de Moise Katumbi et de Vital Kamarhe dans http//afridesk.org.
[5] She Okitundu à l’ONU : « il est inadmissible que la Monusco ne soit pas parvenue à restaurer la paix dans http//www.actualite.cd.
[6] Cfr J.-J. WONDO, RDC : Les crashes des hélicoptères : l’armée congolaise cache la vérité dans http://afridesk.org/fr/rdc-les-crases-des-helicopteres-larmee-congolaise-cache-la-verite-analyse-de-desc/.
[7] G. NZINGA MAKITU, Que peut bien cacher la rencontre de Paul Kagame avec le pape François? Dans http//www.nzingagermain.com.
[8] Pour approfondit ce thème, lire J.-L. IZAMBERT, Faut-il bruler l’ONU ? Paris, Ed. Le Serpent à plumes, 2004, 359p.
[9] J.-J. WONDO, Appel de Jean-Jacques Wondo à la création du pacte républicain Armée-Nation en RDC dans http://www.youtube.com/embed/8mqYyDI-IYg.
[10] F. DIANGITUKA, La Cenco conduit la République dans l’impasse dans http//www.fweley.worldpress.com.
One Comment “La bataille diplomatique entre Mgr Utembi et She Okitundu devant le Conseil de sécurité de l’ONU – Germain Nzinga”
GHOST
says:LE SACRE INTERNATIONAL DE LA CENCO
La CENCO est composée de l´élite intellectuelle la plus crédible sur le plan de l´éducation et spirituel au Congo. Cette « invitation » de la CENCO devant le Conseil de Sécurité de l´ONU est un sacre international, car les puissances de la planète démontrent leur « reconnaissance » sur la Place que doit avoir la CENCO au Congo.
En face de la CENCO, un ministre des Affaires Étrangères qui durant son long sejour en Europé travaillait pour une ONG Catholique..Ironie de l´histoire sans doute car She Okitundu ne possede pas les réferences intellectuelles ou morales capables de l´aider á assumer cette fonction étatique.
Rien que sur le plan de l´interpretation du droit constitutionel, quand le ministre des AE de la RDC se réfere á la constitution pour defendre l´exigeance des « trois noms », on se demande s´il comprend que le président Kabila a violé la constitution en refusant d´organiser les élections l´an passé? Comprend-t-il que la seule source « constitutionnelle » au Congo est l´accord de la CENCO?
¤ REGIME SPECIAL, UNE RECONNAISSANCE INTERNATIONALE..
Si mr Okitundu était lucide, il allait vite admettre que la présence d´un président de la CENCO devant l´ONU est une preuve que le fameux concept du « Regime special » est accepté par la communauté internationale*
Le regime special implique que la seule source de légalité au Congo est un accord de la CENCO… Refuser d´appliquer cet accord, ou citer une constitution qui n´a pas été appliquée au mois de decembre démontre une certaine limite intellectuelle grâve de la part non seulement du ministre des AE, mais surtout d´un président de la République « interimaire ».