Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 25-08-2015 18:30
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Kabila est-il otage du cercle militaire katangais ou presque ?

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Kabila est-il otage du cercle militaire katangais ou presque ?

Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Il y a plus d’un mois, nous avons fait état de cette information reçue d’une source militaire présidentielle : « Le chef est actuellement sous une forte pression constante du pré-carre militaro-sécuritaire qui l’oblige pratiquement à se maintenir au pouvoir et à ne montrer aucun signe de faiblesse. L’un des généraux puissants de cette clique est le Vice-amiral Damas Kabulo, l’actuel Secrétaire général du ministère de la Défense ». Dans notre récent ouvrage : Les Forces armées de la RD Congo, une armée irréformable ?, nous avons décrit de manière détaillée le rôle de Kabulo et de plusieurs personnalités militaires, policières et civiles de l’entourage sécuritaire de Kabila, en dégageant certaines similitudes sociocommunautaires troublantes. Damas Kabulo est Mulubakat de Kalemie de père, sa mère est une Banyaviora (Tutsie rwandaise de Moba). Un des premiers ex-FAZ à se rallier à l’AFDL.

Au cours d’une réunion sécuritaire importante sécrète, tenue à Kinshasa, Kabulo a déclaré ce qui suit en des mots très clairs: « vaut mieux perdre un mulubakat que perdre notre pouvoir ». Selon notre source : « Il s’agit là d’une menace à peine voilée et que ce petit groupe peut renverser le président à tout moment si ce dernier renonce à se présenter en 2016 ou si il ne présente pas un dauphin qui correspond à leurs intérêt, que le pré-carré peux manipuler ». Et la source de conclure : « Ainsi, la marge de manœuvre du boss se rétrécit de jour en jour par rapport au pré-carre militaire. D’où son refus (silence) de se prononcer publiquement ou officiellement par rapport à son départ ou non après la fin de son mandat en 2016 ».

D’après toujours ces membres du cercle militaro-sécuritaire de Kabila, ils sont prêt à tout pour conserver le pouvoir, quitte à déclencher une guerre civile s’il le faut. Pour eux, « le pouvoir s’arrache. Il ne se donne pas, surtout pas par de la paperasse (bulletin de vote) mais le pouvoir est au bout du fusil ». L’exemple burundais les inspire fortement et ils disent qu’il ne faut pas rêver. Les USA ne lanceront pas de missiles Tomahawks sur Kingakati ou le Palais de la nation si le boss passe en force ou fait passer en force sont éventuel dauphin. Les occidentaux vont juste miauler comme d’habitude mais en fin de compte, ils ne feront rien du tout, comme au Zimbabwe.

Notre analyse de la déclaration de Kabulo

Le général Damas Kabulo, depuis l’AFDL, est considéré comme étant la cinquième colonne rwandaise en RDC et l’éminence grise militaire de Kabila, aux côtés de Bizima Karaha qui est son conseiller diplomatique et expert à la présidence. Pour votre information, Bizima est marié à une fille de Déo Rugwiza qui se trouve être la sœur de la maîtresse de Kabila, Nenette Rugwiza. Déogratias Rugwiza, un tutsi, est l’actuel ADG de l’OFIDA, l’administration des douanes congolaises.

Les informations relayées par DESC sur les intentions de Kabulo l’ont fortement dérangé et secoué. Comme vous le savez, le régime rwandais s’est beaucoup s’est servi des katangais, majoritairement Balubakat pour renforcer et soutenir le pouvoir de Kabila. Ils se sont reposés principalement sur John Numbi et Katumba Mwanke, comme expliqué dans mes rapports antérieurs. Après avoir tenté de soutenir plusieurs rébellions à l’est de la RDC (RCD-Goma, CNDP, M23), la marge de manœuvre militaire du Rwanda est quasiment nulle actuellement au Congo. Depuis la défaite du M23 en novembre 2013, le Rwanda a pratiquement perdu du terrain militaire en RDC. Il ne lui reste plus que le terrain politique. C’est pourquoi ce pays mise sur Joseph Kabila qui est reste comme étant le « dernier empereur chinois du Rwanda en RDC ». La crainte du Rwanda est que le départ de Kabila coïncide avec la fin de son influence en RDC.

C’est dans ce cadre que j’interprète les propos de Kabulo, de mère tutsi et un grand allié du Rwanda en RDC depuis l’AFDL. Notez déjà qu’après son accession au pouvoir en 2001, Joseph Kabila a nommé le Général Kabulo comme chef de la maison militaire du président en tant que chef d’état-major particulier du chef de l’Etat. Il s’agit d’une fonction purement politique et très stratégique qu’on ne confie qu’aux hommes de grande confiance.

Etant également de père Mulubakat, Kabulo joue sur ce registre identitaire congolo-katangais pour instrumentaliser les Balubakat dans une stratégie de maintien de Kabila et de son régime pro-rwandais, en exploitant la naïveté de certains frères Katangais.

 Selon mon analyse, la déclaration de Kabulo : « vaut mieux perdre un mulubakat que perdre notre pouvoir » renvoie au modus operandi utilisé souvent par Kigali chaque fois que son aventure en RDC est en danger. Rappelez-vous qu’en 2008, lorsque Laurent Nkunda commençait à prendre quelque peu ses distances et à menacer directement le pouvoir de Joseph Kabila, une alliance Kigali – Kinshasa s’est mise en place pour le démettre et placer Bosco Ntaganda à la tête du CNDP et comme commandant des opérations eu Nord-Kivu.

 De même en mars 2013, lorsque le M23 a connu une crise interne entre l’aile Makenga (soutenue par Kigali et en contact permanent avec Kabila qui la finançait indirectement) et l’aile Runiga, soutenue par Bosco Ntaganda qui se sentait de plus en plus sacrifié par Kinshasa et Kigali à cause de la forte pression internationale sur lui, Bosco Ntaganda dut fuir, avec 700 hommes, pour se livrer auprès de l’ambassade américaine à Kigali. Cette fuite de 700 hommes au Rwanda a fortement affaibli la capacité militaire du M23.

 Ainsi, dans le même ordre de stratégie, s’il apparaît clairement pour le général Kabulo et certains proches du régime que Kabila n’est plus en mesure de se maintenir au pouvoir ou d’assurer la continuité du régime – pro-rwandais – en choisissant une personne dont ils ne peuvent avoir le contrôle total, ce groupe est capable de démettre Kabila.

Dans ce projet, Kabulo travaille étroitement avec Jean-Claude Yav, un Lunda. Or les Lunda seraient plutôt favorables au découpage du Katanga en quatre provinces, contrairement aux Balubakat qui perdraient en cas de scission du Katanga. De plus, Kabila s’entoure de plus en plus des Lunda, même s’il compose encore avec les balubakat. Jean-Claude Yav ne le quitte plus ces derniers temps.

 Pour conclure, Kabulo fait partie des agents corrosifs, inoculés en RDC par Kigali pour superviser et assurer la pérennité du système de la mainmise du Rwanda sur la RDC lorsque Kabila ne sera plus en mesure de se maintenir au pouvoir. C’est en ces termes qu’il faudrait interpréter son projet de démettre Joseph Kabila. Il joue subtilement sur sa demie origine Lubakat afin de mieux cacher le véritable enjeu latent de l’oligarchie tutsie à laquelle il doit ses fonctions militaires actuelles en RDC aux côtés de de Kabila, en enfumant une fois de plus les Katangais. Cette fois-ci ce sont non Lubakat comme les frères Lunda Jean-Claude et Philémon Yav qui passent à la trappe.

D’ailleurs, les analystes attentifs de la scène sécuritaire de la RDC se rendront compte que, depuis l’élargissement du mécontentement contre Kabila dans la communauté des Balubakat, notamment du fait du découpage territorial, Kabila instrumentalise et privilégie de plus en plus les Lunda du du sud de l’ex-province du Katanga, tout en militarisant l’ex-province cuprifère des ex-soldats rwandophones de l’ancienne rébellion pro-rwandaise du CNDP, mixés et intégrés au sein des FARDC. Le récit de témoignage poignant d’un congolais en séjour au Katanga en atteste[1].

Il n’est pas étonnant qu’ayant eu connaissance de tous ces stratagèmes, DESC devienne la cible des attaques du régime congolais ou de ses gardiens en subissant depuis le 9 juillet jusqu’à ce jour, des tentatives systématiques de hacking et d’accès illicite dans notre serveur. Ces informations sont relayées dans une plainte auprès de la police belge spécialisée, comme preuves de la menace potentielle à notre sécurité. Elles sont consignées dans un PV du 27 juillet 2015 contre des personnes bien identifiées dans le cercle militaire de Kabila, soupçonnées d’être des commanditaires des cyberattaques contre DESC.

Ces menaces sont prises au sérieux lorsqu’on sait que le régime Kabila mène une politique accommodante au Rwanda et que le quotidien belge Het Belang van Limburg a révélé que le régime de Kagame tenterait d’éliminer des dissidents et des opposants en Belgique, sur base d’indices sérieux. Kigali utiliserait pour cela des commandos performants envoyés en Belgique. La Sûreté de l’Etat aurait déjà dû fournir sa protection à plusieurs personnes[2]. Par mutualisation de sa stratégie avec Kabila, il n’est pas exclu que ces anges de la mort fassent également le sale travail contre ceux qui dérangent les plans de leur protégé en RDC.

Sur base de cela, il n’est pas étonnant que notre informateur militaire, interrogé sur l’acharnement actuel du régime contre DESC nous réponde : « C’est parce que tu es devenu plus dangereux que tous les adversaires politiques du boss. Lorsque tu divulgues (Desc) des infos ayant un rapport avec sa sécurité personnelle (boss), tu deviens automatiquement une cible, surtout les infos sur la tentative de mutinerie manquée à Kinshasa et l’embuscade manquée de Nganda Maboke, à cela, il faut ajouter les propos du vice-amiral Damas Kabulo sur le boss: « vaut mieux perdre un mulubakat que perdre notre pouvoir ». C’est une déclaration de guerre contre le pré-carré du boss. Les mouvements d’Oscar (Lire Gen. Olenga) dans les différents pays de l’Europe de l’est que tu signales alors que ce sont des missions ultra confidentielles comme dernièrement à Tbilissi en Géorgie : achats des matériels militaires. Quand tu divulgues ces infos, tu deviens pour eux un informateur conscient ou inconscient de la CIA qui file et surveille Oscar depuis toujours, qui avec son passé proche de Fidel Castro, Kadhafi, Saddam Hussein, Yasser Arafat et aujourd’hui de Poutine et Sergei Ivanov. Quand tu divulgues ces mouvements à travers le monde, ils ont l’impression que tu le mets en danger ».

Et la source de préciser : « Au départ, selon le pré-carré militaire du chef, Desc était un outil intellectuel qui donnait de bonnes analyses politiques, militaires et sécuritaires. Mais selon eux tu as dérouté en devenant un membre actif de l’opposition subversive et tu es même l’un des auteurs du livre : Pourquoi les congolais rejettent Kabila. Tu t’es donc engagé ouvertement dans un combat, il faudrait en assumer un jour les conséquences forcement ».

Mais ce que ces gens oublient est que eux depuis le 17 mai 1997, la Nakba day congolaise[3], selon Boniface Musavuli, se sont résolument engagés dans une entreprise macabre d’extermination de plus de 6 000 000 de congolais. Il sont là, témoins ou acteurs indifférents face aux massacres de Beni. Hier encore, en juin 2014 , ils ont laissé leurs alliés tuer impunément à Mutarule. Dès cet instant, ma vie, Jean-Jacques Wondo, ne vaut pas plus que celle de ces bébés mutilés à Beni. (Lien vidéo version française : https://www.youtube.com/watch?v=qiK3vl2aizA. Lien vidéo version anglaise :  https://www.youtube.com/watch?v=NvH_ROIOEFM

Signez la pétition lancée par DESC : https://secure.avaaz.org/fr/petition/Procureur_de_la_CPI_et_HautCommissariat_de_lONU_aux_droits_de_lhomme_Une_enquete_internationale_sur_les_massacres_de_Ben/?cgMMAfb.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC

[1] http://afridesk.org/carnet-de-voyage-pathetique-dun-congolais-a-son-katanga-natal-le-phenomene-mining/.

[2] Rtbf.be, Des escadrons de la mort venus du Rwanda actifs en Belgique? http://www.rtbf.be/info/monde/afrique/detail_des-escadrons-de-la-mort-venus-du-rwanda-actifs-en-belgique?id=9048522.

[3] Boniface Musavuli, http://afridesk.org/rd-congo-17-mai-jour-de-liberation-nationale-ou-une-nakba-day/.

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One Comment “Kabila est-il otage du cercle militaire katangais ou presque ?”

  • PAULIN NGOY MUSANS

    says:

    Dans votre article dans lequel vous faites allusion à l’entourage de Kabila constitué des militaires Katangais. Vous faites allusion aux lundas et vous croyez que tous les lundas sont derrière kabila même si une poignée de gens sont derrière lui , non, la réalité est tout autre. Le découpage n’est pas accepté par la majorité,nous la subissons. Ceux qui soutiennent la thèse de découpage le font pour leurs intérêts, bien sûr qu’il y a un mécontentement au sein de la communauté katangaise a cause de la tendance dominatrice des lubas du Katanga mais qui ne peuvent pas justifier le découpage. Le Katanga c’est une toute une histoire que l’on ne peut effacer en un jour. Sachez ceci Kabila n’est plus considéré par le peuple Lunda .

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