Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 09-10-2018 13:45
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Joseph Kabila et son éventuel maintien au pouvoir : un défi piégé par le processus électoral ? – Joël Kandolo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Joseph Kabila et son éventuel maintien au pouvoir : un défi piégé par le processus électoral ?

Par Joël Kandolo Owawa

Depuis l’expiration de son dernier mandat constitutionnel en décembre 2016, Joseph Kabila a profité de l’Accord de la Saint-Sylvestre pour se maintenir au pouvoir, tout en violant l’essentiel de sa mise en œuvre. Cet accord, signé entre l’opposition, le pouvoir et la société civile, le 31 décembre 2016, s’imposait aux acteurs politiques comme un compromis politique et une base juridique. Il concerne la gestion du pays, dans un contexte où toutes les institutions du pays étaient tombées en désuétudes, pour la période de transition. L’Accord de la Saint-Sylvestre permettait donc de régler le problème de la légitimité des instituions devenues illégitimes dans l’objectif de conduire la RDC aux élections libres, démocratiques, apaisées, crédibles, transparentes et inclusives dans un climat de décrispation politique et de confiance mutuelle entre les différentes parties prenantes de la vie sociopolitique congolaise.

Malheureusement, cet accord censé résoudre la crise électorale en RDC, n’a pas permis de calmer les esprits du fait de sa non-application intégrale par le camp de Kabila, notamment sur les questions du partage équitable du pouvoir entre le pouvoir et l’opposition pour la période préélectorale, de la décrispation politique et de la gestion des organes d’appui à la transition, la CENI et CNSA. Kabila a préféré recourir au débauchage des opposants, à saborder la conclusion des négociations qui devaient aboutir à la signature officielle de l’« arrangement particulier » entre les deux principales parties impliquées aux négociations pour donner sa propre interprétation de l’arrangement particulier qui viole l’esprit et la lettre de celui obtenu par la CENCO et la résolution 2348 de l’ONU qui a adoubé cet accord. Il s’en est suivi une amplification de la tension politique qui ne cesse d’impacter le processus électoral en cours capturé quasi exclusivement par le pouvoir de Kabila qui décide de gouverner le pays par défi.

Il ressort en effet des analyses des experts électoraux que le président Kabila et son camp politique font de la question électorale la pièce centrale de sa stratégie politique actuelle. Cette stratégie s’orchestre au niveau de la CENI dont le fonctionnement, les actions et les prises de décision laissent transparaitre qu’elle serait inféodée ou instrumentalisée par la famille politique du président Kabila[1].

Depuis janvier 2015, on constate que les autorités congolaises optent de plus en plus pour une réponse militariste face à la crise électorale grandissante par une répression très violente des manifestations pacifiques, des activistes des droits de l’homme et des mouvements citoyens. Entre le 1er janvier 2017 et le 31 janvier 2018, au moins 47 personnes ont été tués par les forces de sécurité et de défense, lors de la répression des manifestations selon les Nations Unies. La Conférence nationale épiscopale nationale du Congo (CENCO) a par ailleurs recensé deux morts lors des manifestations du 25 février 2018[2]. La tendance ne cesse de s’amplifier davantage à trois mois des élections provinciales, législatives et présidentielle prévues le 23 décembre 2018. Le dernier rapport du BCNUDH, du mois d’août 2018, fait état de l’augmentation générale du nombre de violations des droits de l’homme. Le Bureau conjoint a documenté 620 violations des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire, soit une hausse par rapport à juillet 2018, où il a enregistré 515 violations des droits de l’homme.

Contre toute attente et suite aux pressions politiques et diplomatiques, particulièrement des Etats de la région (SADC, CIRGL), Joseph Kabila a finalement décidé de ne plus se présenter pour un troisième mandat alors que tous ses proches collaborateurs et ses partisans, dont Ramazani Shadary, l’y encourageaient[3]. Kabila a fini par se choisir un dauphin, en la personne d’Emmanuel Ramazani Shadary, comme candidat à la présidentielle du 23 décembre 2018 pour sa nouvelle plateforme politique, FCC. Un choix qui selon moi pourrait avoir une incidence directe sur son avenir et des conséquences négative sur le pays vu l’impopularité dont semble jouir cet ancien ministre de l’Intérieur qui s’est tristement illustré dans le conflit meurtrier au Kasaï-Central en 2017 et dans les répressions violentes des manifestations organisées par le CLC.

Cet article tente d’esquisser les différents scénarios et stratégies politiques développés par Kabila pour le maintien de son régime en RDC.

Le talk and fight

Cette stratégie de « diversion politique » qui consiste pour Kabila à négocier avec l’opposition et ses contestataires lorsqu’il semble politiquement être dos au mur lui réussit très bien jusque-là. Il sollicite des concertations et des dialogues dont il détermine les contours en avance. Cependant, lorsque ces assises aboutissent à des conclusions non attendues par lui, il en ignore leur mise en œuvre et tente de récupérer la situation politique en divisant l’opposition politique et en réprimant violemment ou par la voie d’une justice qui lui est caporalisée les plus téméraires d’entre eux. Une fois parvenue à reprendre la main et pendant que l’opposition se « chamaille » sur ces accords, Kabila se projette sur les prochains scénarios de maintien au pouvoir de son régime, avec la force armée aidante.

Les concertations nationales de 2014, l’Accord de l’OUA qui a révélé ce que l’analyste Boniface appelle des « opposants kabilistes » et l’Accord de la CENCO qui a fait imploser le Rassemblement illustrent bien ce mode opératoire de Kabila. D’ailleurs, avec des doutes qui se font jour sur le respect du calendrier électoral dont on note des retards qui pourraient compromettre le respect de la date du 23 décembre 2018[4], dans certaines coulisses du pouvoir et de l’opposition, on entend déjà parler d’un nouveau dialogue, d’ailleurs implicitement encouragé par la récente mission du Conseil de sécurité, sur le processus électoral. Un dialogue voulu par Kabila qui semble avoir déjà déployé des « faux opposants » autour de ses adversaires politiques actuels pour jouer le même rôle que les OUAistes, Samy Badibanga, Brune Tshibala, Joseph Olenghankoy ou Tharcisse Loseke devenus entretemps des kabilistes patentés.

Il en est de même de la communauté internationale qui, malgré le non-respect depuis plus cinq ans des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies par le régime de Kabila, continue à adopter une posture accommodante à son égard, se faisant bluffer par le sophisme diplomatique développé par le pouvoir congolais. Et lorsque cette communauté tente de mettre la pression sur le régime de Kabila, c’est le régime recourt à une rhétorique antithétique souverainiste et anti-impérialiste pour se défendre.

Le choix de Shadary marque une étape importante dans les victoires obtenues par le peuple congolais : peu à peu, Kabila lâche du terrain

Joseph Kabila a lâché le terrain la première fois en janvier 2015 lorsqu’il a retiré la loi électorale devant consacrer le glissement électoral par l’organisation d’un recensement de la population qui devait s’étaler sur plusieurs années avant d’organiser les élections. Cet échec ne lui a plus permis ni de changer la constitution ni de faire son référendum. Pourtant ce ne sont pas les tentatives qui ont fait défaut.

En 2017, en publiant le calendrier électoral sous la pression américaine, Kabila venait de perdre de nouveau du terrain car le processus électoral devenait inéluctable. Toute sa stratégie du glissement était axée sur le contrôle de la CENI afin de retarder le plus tard possible l’organisation des élections dans l’espoir de neutraliser politiquement les opposants. Or en publiant la date des élections, Kabila venait de perdre en quelque sorte le contrôle total du processus électoral.

Enfin, en se déclarant non partant aux élections, Kabila perd encore du terrain politique en ce sens que quoiqu’il advienne, il ne pourra plus se présenter aux élections, même s’il développe des nouvelles manœuvres visant à retarder leur organisation. Il subira davantage la pression populaire, politique, de la société civile et de la communauté internationale.

Comme on peut le constater, depuis qu’il s’est décidé de défier tout le monde en essayant de se maintenir au pouvoir par la force, Kabila s’est buté à la détermination du peuple congolais qui s’est approprié le processus démocratique défini par la Constitution qui limite notamment le nombre de mandats présidentiels. Certes Kabila garde encore le pouvoir, surtout l’impérium, mais il ne faut surtout pas sous-estimer la symbolique psychologique les batailles de remportées, au prix des sacrifices humains, particulièrement de la jeunesse congolaise debout et déterminée.

Nous sommes consterné de lire dans la presse tant nationale qu’internationale des messages de « félicitations » à Kabila pour avoir désigné son dauphin comme si cela était un cadeau de sa part et non une obligation constitutionnelle. C’est comme si le respect de la Constitution dépendait du bon vouloir de Kabila pourtant nous savons tous que si Kabila en est arrivé à jeter l’éponge sur sa candidature; c’est à cause des multiples pressions qu’il a subies de la part des congolais et de la communauté internationale. En tant que garant du bon fonctionnement des institutions, Joseph Kabila n’a fait qu’appliquer ce que lui impose la Constitution congolaise qui est en quelque sorte son contrat de travail et son contrat républicain avec le peuple congolais, son employeur. Et il ne mérite aucun éloge pour cet acte qui fait partie de ses obligations contractuelles professionnelles présidentielles.

La restructuration de l’armée et des nominations à la justice pour accompagner le FCC

Bien avant de désigner son dauphin, Joseph Kabila avait pris le soin de restructurer en profondeur le commandement de l’armée en procédant à des nominations à caractère politique, selon certains experts. L’analyse des subtilités de ces nominations montre par exemple que les généraux Amisi et Numbi, tous sous sanctions européennes et américaines, sont les véritables patrons des FARDC sur terrain. Ils auront des responsabilités opérationnelles bien définies pour impliquer activement l’armée dans la sphère politique en cas de cristallisation ou de dérapage de la crise électorale.

Ces nominations interviennent après la restructuration de sa plateforme politique avec la création de sa méga plateforme politico-électorale le Front Commun pour le Congo (FCC). De plus, la restructuration du commandement de l’armée est intervenue dans la foulée de la mise en place de la Cour constitutionnelle et après une mise en place illégale des magistrats dans plusieurs cour d’Appel du pays. En effet, selon le juriste-criminologue Jean-Bosco Kongolo,, le décret du Premier ministre Bruno Tshibala, contresigné par le ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba, portant fixation des sièges ordinaires et des ressorts des Cours d’Appel dans les nouvelles provinces, de même que les ordonnances « présidentielles » illégales d’organisation judiciaire portant nomination des magistrats du siège et du parquet ont été brillamment violés, aussitôt rendus publics par leurs signataires. Car, c’est en violation flagrante des règles de compétence territoriale que des dossiers relatifs aux contentieux électoraux des candidats députés provinciaux ont été inexplicablement examinés par les anciennes Cours d’Appel[5]. Tout cela fait partie d’un échafaudage politique visant à permettre à Kabila de continuer d’avoir l’effectivité de l’impérium après le 23 décembre 2018.

Emmanuel Ramazani Shadary et le début de la grogne au sein du clan présidentiel

Emmanuel Ramazani Shadary est originaire du territoire de Kambambare, Province du Maniema, de l’ethnie Bangu Bangu, de la maman de Kabila, Sifa Mahanya, qui est sa cousine. Il est né en 1960. C’est un député national, élu de Kabambare et un ancien vice-gouverneur et gouverneur de la Province de Maniema, président du groupe parlementaire PPRD et coordonnateur de la majorité présidentielle (MP) à l’Assemblée nationale de la RDC, ancien ministre de l’Intérieur de la Sécurité et actuel Secrétaire permanent du PPRD.

Emmanuel Shadary a été ministre de l’Intérieur lors des massacres du Kasaï. Il a été sanctionné par l’Union Européenne et la Suisse. Il est réputé pour son extrémisme politique envers tous ceux qui s’opposent au régime, se permettant de proférer des injures envers la population et les contestataires du régime contre qui il prône des méthodes de répression musclées. Il n’a d’ailleurs jamais hésité d’utiliser un langage peu recommandable devant ses partisans lors des meetings populaires, les incitant à répondre coup pour coup à ce qu’il qualifie de provocation de la part des opposants ; c’est ce qui lui a valu le surnom de monsieur « coup su coup ».

Sa candidature peut être interprétée comme un défi du régime actuel à l’égard de la communauté internationale, notamment en termes de respect des droits humains. Il s’agit également d’un signal fort de la continuité du style de gouvernance répressive qui caractérise le régime de Kabila depuis ces trois dernières années. Ramazani Shadary est un faucon et un baroudeur du régime, prêt à mourir pour Kabila envers qui il voue une loyauté sans faille.

Originaire d’une des plus petites provinces de la RDC, le Maniema, dont l’importance géopolitique reste mineure, sa candidature risque de fissurer le camp de Kabila et de ne pas bénéficier des soutiens des provinces du Katanga, des Kasaï qui gardent un mauvais souvenir du candidat président du FCC du fait de sa mauvaise gestion des violences qui continuent à s’y dérouler, voire du Nord-Kivu et du Sud-Kivu qui considèrent le Maniema comme étant une province croupion aux leurs dans l’espace dit du Grand Kivu. Le personnage polémique de Ramazani sera loin de faire l’unanimité dans son propre camp car jugé arrogant et non consensuel par plusieurs cadres du FCC.

Par ailleurs, en tenant compte de la logique de la sociologie électorale en RDC, des doutes subsistent sur les chances réelles que Shadary remporte une élection présidentielle en RDC.

Pour montrer que le choix d’au dauphin ne procède pas d’un cadeau de Kabila offert aux Congolais, lors de son  voyage à Luanda en début août 2018, avant l’annonce du nom de son dauphin, son camp l’avait qualifié de « voyage de tous les enjeux » car il espérait convaincre la communauté internationale par l’entremise de Luanda (avec des propositions économiques en sous-mains) qu’il avait encore le droit de poser à nouveau sa candidature en se faisant accompagner par Maître Nkulu nouvellement désigné à la Cour constitutionnelle pour démontrer son éligibilité pour un troisième mandat. Malheureusement pour lui, il lui aurait été signifié qu’il ne lui était plus possible de se représenter. C’est donc à contrecœur que Joseph Kabila a choisi un dauphin qui peine à faire l’unanimité dans son camp politique.

Selon certaines indiscrétions, ce choix de dernière minute et inattendu par les membres de sa majorité présidentielle soulève de réelles interrogations sur la confiance et la considération de Kabila envers ceux qui l’ont servi les yeux fermés, genoux à terre, ou même rampant… La candidature de Tryphon Kin-Kiey Mulumba à la présidentielle, ses critiques de plus en plus ouvertes contre le processus électoral[6] ainsi que les récentes distances du PALU vis-à-vis du FCC sont indicatives des fissures qui rongent le camp kabiliste[7].

Cette désignation a stoppé court la guerre de tranchées à laquelle se livraient l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo et le Président de l’assemblée nationale Aubain Minaku, deux dauphins pressentis. Malgré la posture d’un minable apparatchik que continue de tenir Minaku, Matata semble manifester indirectement son mécontentement. Sa sortie médiatique de Matata, originaire de Maniema comme Shadary, du weekend du 6 octobre 2018 en faveur de l’association des motards contre le gouverneur du Maniema cache probablement le malaise qui couve au sein du FCC malgré les apparences. Les jours à venir pourraient être riches en rebondissements au sein du camp présidentiel surtout que cette première discorde vient d’une province censée être socialement acquise à la cause de Kabila et de Shadary.

Un scénario à la Poutine-Medvedev est-il réalisable en RDC ?

En l’état actuel de ce qui ressort de la stratégie de Kabila, s’il se sent dans l’obligation d’organiser les élections pour le 23 Décembre, le scénario à la Poutine-Medvedev est ce qui est le plus probable malheureusement elle n’est pas adaptable facilement à la politique actuelle de l’Afrique et encore moins à la situation du Congo.

Cependant, rien n’affirme qu’une fois élu, Shadary restera un dauphin docile à Kabila. Si le choix de Medvedev par Poutine a été justifié par la loyauté viscérale qu’éprouve Medvedev à l’égard de son maître. Il n’en n’est pas le cas en Afrique et pire encore en RDC où la loyauté n’est que circonstanciée, temporelle et surtout opportuniste. Même si Kabila s’est choisi un dauphin « manipulable », il est une fois de plus mieux placé, sur la base de sa propre expérience d’un petit jeune président sorti du fumier, craintif, peu sûr de lui, choisi pour son manque de charisme et de leadership pour finir par être un autocrate arrogant. Il a vite compris qu’en Afrique, le peuple n’a d’égard qu’au chef officiel! La réalité anthropologique africaine veut qu’une fois devenu chef, le rapport social et psychologique du nouvel élu avec la population va changer, peu importe si c’est Joseph Kabila qui va détenir la force armée. Cela tient de la conception qu’ont les africains du chef politique dont la position dans la société est reconnue, se voit généralement qualifié de roi sacré, intouchable.

Le phénomène de la sacralisation systématique de l’autorité par le peuple, amplifiée par les réflexes de culte de la personnalité présidentielle en Afrique, fait que celui qui est appelé président, qu’il le veuille ou non, est légitimé ainsi par la réaction subconsciente de la population à son égard. Ces types de rapport mythique qu’aiment entretenir les peuples africains avec leurs chefs finissent par faire du chef une autorité charismatique, dans le sens wébérien de cette notion, même si ce chef ne dispose d’aucune aptitude de leadership positif. Et le chef en Afrique, puisqu’il est sacré, reste intouchable. Comme le souligne le professeur Ngoma Binda, le pouvoir du chef africain est généralement décrété divin (il vient de Dieu), il est sacré, et ne peut être ni interrogé ni contesté sans tomber dans le crime de lèse-majesté[8].

Si Shadari devient président, afin de conforter la légitimité nationale et internationale de son pouvoir, bien qu’il doive (peut-être) protéger Kabila, il est fort à parier que ce même Kabila pourra constituer une belle monnaie de change si la communauté internationale réclame à Shadary sa tête. D’où notre doute sur les assurances données par Joseph Kabila sur l’aboutissement du processus électoral au 23 décembre 2013 et sur la victoire de son dauphin dans les conditions d’une élection présidentielle libre, transparente et crédible, sans machine à voter. Par ailleurs, comment peut-il soutenir un individu dont il sait pertinemment bien qu’en cas de sa victoire, cette personne, en tant que nouveau chef d’état élu, devra composer avec la communauté internationale pour diriger le Congo et chercher à tout prix de s’affranchir de son maître encombrant ? Le cas de Joao Lourenço en Angola est une jurisprudence qui pourrait inspirer Shadary si jamais il est déclaré président de la RDC, malgré le profil bas qu’il semble adopter actuellement pour des raisons apparemment stratégiques de jouer au dauphin docile, mais pas au mouton. Un coup d’état ultérieur contre Shadary président, pourrait être un élément accélérateur de la neutralisation définitive de Kabila par ses adversaires de la région de l’Afrique médiane et occidentaux.

Gare au piège de l’émiettement de l’opposition

Si le personnage politique de Shadary peut se présenter comme un menu fretin aux yeux des opposants, derrière son choix pourrait se cacher une subtile stratégie de vouloir piéger l’opposition. En effet, derrière ce choix anodin d’un candidat en apparence faible électoralement, les différents leaders de l’opposition pourraient tomber dans le piège de se dire individuellement capables de bouffer Shadary pour se lancer en ordre dispersé dans la course à la présidentielle, en étant convaincu chacun d’avoir sa chance de la remporter. C’est alors que la multiplicité de candidats de l’opposition éloignera la possibilité de la candidature unique, scandée jusque-là et synonyme de victoire certaine contre le candidat de Kabila, fera l’affaire de Shadary, machine à voter aidant pour apporter les maigres correctifs électoralistes en sa faveur sans que la triche n’atteigne les proportions exponentielles des élections calamiteuses de 2011.

Cependant, avec l’exclusion de Moïse Katumbi, de Jean-Pierre Bemba et d’Adolphe Muzito, jugée à caractère politique par plusieurs observateurs, à défaut du choix d’un candidat commun de l’opposition on s’oriente vers des élections non inclusives qui risquent de poser un sérieux problème de légitimité du prochain président compte tenu de l’importance de la base électorale supposée de ces derniers. Surtout si ces élections se font avec des machines à voter dont l’algorithme de fonctionnement n’est pas connu par l’opposition et si les élections se déroulent dans un climat politique chauté, non apaisé et de non décrispation politique.

Conclusion

Même s’il donne l’impression de garder la main et d’orienter le jeu politique congolais, on constate que depuis 2015 Joseph Kabila éprouve d’énormes difficultés à avoir le contrôle effectif du processus électoral. Le choix de Ramazani Shadary est une donne imprévisible dans la stratégie de Kabila qui pourrait orienter autrement l’itinéraire politique de la RDC et ouvrir des perspectives inattendues dont Kabila pourrait même en être le premier non-bénéficiaire. Par ailleurs, les tentatives délibérées d’aliénation du processus électoral par Kabila risquent de conduire la RDC à des élections non transparentes et non crédibles et aggraver la crise politique. Cette crise politique, couplée avec les situations d’insécurité qui règnent un peu partout en RDC et d’autres manœuvres politiques contre les opposants et le mécontentement populaire, risque d’induire une instabilité politique aux conséquences beaucoup plus graves. Le décor d’un chaos généralisé semble donc déjà planté avec Kabila à la manœuvre, espérant pouvoir le contrôler et le coordonner.

Joël Kandolo Owawa / Exclusivité DESC

Références

[1] Dans ses articles publiés sur DESC, l’expert électoral Alain-Joseph Lomandja parle du sabordage du processus électoral et de l’instrumentalisation de la CENI par la famille politique du président Kabila.

[2] https://www.radiookapi.net/2018/02/25/actualite/politique/marche-du-clc-en-rdc-zero-deces-enregistre-police-deux-morts-selon-la.

[3] https://www.politico.cd/actualite/la-une/2016/07/05/shadari-evoque-3e-mandat-de-kabila-katumbi-dit-prevoir-scenario-a-burkinabe.html.

[4] http://afrikarabia.com/wordpress/rdc-y-aura-t-il-des-elections-a-noel/.

[5] Jean-Bosco Kongolo, Mise en place des magistrats : un sale complot qui a échappé à l’opposition. DESC, 7 octobre 2018. https://afridesk.org/fr/mise-en-place-des-magistrats-un-sale-complot-qui-a-echappe-a-lopposition-jb-kongolo/.

[6] https://actualite.cd/2018/10/04/tryphon-kin-kiey-il-faut-absolument-ecarter-la-machine-voter.

[7] https://www.mediacongo.net/article-actualite-43098_ramazani_shadary_chez_gizenga.html.

[8] P. Ngoma Binda, Démocratie, Femme et Société civile en Afrique, L’Harmattan, Paris, 2012, p.48.

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2 Comments on “Joseph Kabila et son éventuel maintien au pouvoir : un défi piégé par le processus électoral ? – Joël Kandolo”

  • GHOST

    says:

    > SHADARY  » L´ICEBERG » CAPABLE DE COULER LE NAVIRE DE KABILA

    Contrairement á mr Kandolo, nous trouvons étrange ce choix sur Shadary qui est sous les sanctions internationales. En effet, on apprend que Kabila aurait recruté des avocats afin de tenter d´influencer la fin des sanctions contre Shadary sous pretexte que cette sanction de l UE (en particulier) serait un obstacle et une ingerence dans le processus électorale au Congo.

    > En effet, on ne comprend pas comment Kabila aurait oublié que son dauphin était sous des sanctions internationales, un facteur important qui peut reduire les chances de se faire élire président au Congo.
    En toute logique, pendant la campagne électorale les autres candidats á la présidence vont insister sur ce facteur qui ferait d´un futur président de la RDC, un « sanctioné » sur le plan international et ainsi incapable d´engager la RDC.

    Indice importante pour admettre cette théorie du refus de Kabila de quitter le pouvoir. Le choix de Shadary, le non financement de la CENI sans oublier l´importantion des machines á voter qui ne figure pas dans le calendrier de la CENI… pire le refus de l´apport logistique de l´ONU sont des faits qui peuvent être interpretés comme un intention manifeste de ne pas organiser les élections.
    Rien que la quanitité insufisante des machines á voter et l´absence d´une logistique fiable pouvant aider á faire fonctioner ces machines devrait attirer l´attention des analystes au Congo.
    Kabila n´a jamais eu l´intention de quitter le pouvoir. Pire, il continue de croire que les élections sont une grande menace qu´il doit combattre et retarder á l´infinie.

    Wait and see.. Rien que deux mois d´attente

  • TIMOTHÉE TSHAOMBO SHUTSHA

    says:

    Effectivement le décor est planté pour une crise généralisée dont kabila risque une fois de plus récupérer la situation ssi l’opposition ne tire pas leçon, ne s’assoit pour évaluer la force d’en face et adapter afin de répondre de façon propotionnlle ou égalitaire. L’unité de celle-ci et le changement de stratégies sont gages de réussite.

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