Jean-Jacques Wondo :
« L’Angola risque d’être le faiseur du futur roi congolais »
Opinions, Prospectives mars 27, 2016mars 27, 2016
A lire in : http://www.politico.cd/prospectives/2016/03/27/jean-jacques-wondo-langola-risque-detre-faiseur-futur-roi-congolais.html.
Allié stratégique des régimes Kabila depuis la chute de Mobutu, avant de prendre définitivement congé de la vie politique active, Dos Santos devra probablement arbitrer la fin du mandat de Kabila. Il n’est pas aussi exclu que son retrait de la vie politique en 2018 ait été décidé en concertation avec les puissances tutélaires de la région de l’Afrique centrale, pour éviter notamment que plusieurs crises secouent simultanément la région ou pour lui permettre de gérer la future probable crise des deux Congo.

En effet, la politique extérieure angolaise est éminemment tributaire du complexe de sécurité sous régional et de ses évolutions ultérieures[1]. La fin de la Guerre froide et le rétablissement progressif de la paix en Angola, à partir de 2002, ont positivement contribué au développement d’une politique régionale et multilatérale active. L’intégration de l’Angola à l’Afrique centrale et australe, du fait de double appartenance à la CEEAC et à la SADC, correspond, dans le champ des relations internationales, à la volonté de mobiliser les « facteurs organisationnels de la puissance» ; cette notion renvoie à la capacité d’un État à s’imposer comme un acteur important des relations internationales et à influencer les institutions politiques. Bien que l’Angola entretienne des relations cordiales avec l’ensemble des pays de la sous-région, on observe, depuis la défaite militaire de l’UNITA en 2002, et à mesure que la situation sécuritaire interne de l’Angola se stabilise, des velléités d’une politique internationale et sécuritaire ambitieuse, parfois ambiguë et agressive dans son environnement géographique immédiat ou au-delà. Au risque d’installer l’Angola dans le rôle de puissance militaire à la fois tutélaire et encombrante pour ses voisins et partenaires, dont les deux Congo[2].
On se rappelle qu’entre 2007 et 2012, les troupes angolaises avaient occupé des villages congolais dans la province du Bas-Congo et dans le territoire de Kahemba et ses environs, dans la province du Bandundu. Le drapeau angolais y avait été hissé, sur fond de contestation du tracé frontalier. Le territoire de Kahemba dispose de cours d’eau dont les alluvions sont particulièrement riches en diamants[3].
Par ailleurs, le 13 octobre 2013, un bataillon de militaires angolais – environ 500 hommes accompagnés d’engins blindés – en provenance de l’enclave de Cabinda, avait occupé cinq localités du Congo- Brazzaville, avant de se retirer après une négociation entre les autorités des deux pays
Plusieurs signaux indiquent que les relations entre l’Angola et le régime de Kabila ne sont pas au beau fixe ces derniers mois. A en croire Africa Energy Intelligence, « Joseph Kabila hausse enfin le ton face à Luanda sur la ZIC (zone pétrolière d’intérêts communs) en écartant de son dispositif pétrolier tous les fonctionnaires jugés proches de l’Angola. D’autres décisions lourdes de conséquences montrent qu’une tentative de rééquilibrage des relations bilatérales entre les deux pays est en cours. En cause, selon des sources proches de l’ANR (service de renseignement civil congolais), des informations faisant état du rapprochement entre Katumbi – G7 et l’Angola par l’entremise de l’amitié entre Olivier Kamitatu et Sindika Dokolo le mari d’Isabel Dos Santos[4] dont l’accession probable au pouvoir en 2017 pourrait dicter la posture actuelle de Dos Santos en faveur des alliés de sa dauphine.
Lorsqu’on sait que l’’Angola, dont l’armée avait sauvé le régime de Laurent-Désiré Kabila menacé dans le Bas-Congo par les armées rwandaise et ougandaise et qui a assuré la sécurité de Kabila lors de son accession au pouvoir en 2001 et lors de l’affrontement contre les éléments de la protection militaire de Jean-Pierre Bemba en mars 2007, en plus de la formation des unités d’élite de l’armée (l’ex-GSSP devenue garde républicaine) et l’ex-PIR (Police de réaction rapide), cela laisse croire que Dos Santos aura sans doute son mot à dire dans les mois à venir en RDC et même dans le Congo de Sassou avant de tirer sa révérence politique. D’autant que le cercle militaire actuel de Joseph Kabila est composé de généraux Jean-Claude Yav (Chef des renseignements militaires) et ses frères Philémon Yav (commandant de la 22ème région militaire) et le colonel Klein Yav Nawej (actuel commandant de la base stratégique GR de Kibomango, mais en formation de technicien d’état-major au Caire en Egypte à l’Ecole de commandement d’état-major) et d’autres anciens gendarmes katangais et leurs descendants exilés en Angola où ils maintiennent encore d’excellents des contacts avec leurs ex-mentors.
Conclusion : Le pays court-il le risque de devenir l’ombre des démons de son passé ?
Une chose est certaine, le retrait de José Eduardo Dos Santos devrait remodeler le paysage politique angolais dans un sens dont le maitre de Luanda en détient seul le secret. Cependant, cela ne suffira sans doute pas à donner des garanties que cette transition se déroulera de manière à assurer la stabilité actuelle imposée par Santos depuis 15 ans. Ce, d’autant que les démons du passé, couplés avec les velléités d’insurrection populaire étouffée depuis bientôt cinq ans par le régime, peuvent resurgir comme un effet de boomerang. Par ailleurs, la crise économique qui laisse de plus en plus d’angolais sur la rue pourrait être un ingrédient de trop du cocktail détonant qui présente le risque de précipiter cet eldorado en perte de vitesse vers la descente aux enfers et qui peut à tout moment s’écrouler comme un château de cartes en ramenant le pays à la situation de la période chaotique qui a suivi l’indépendance du pays et l’a condamné à une guerre civile très sanglante de 27 ans.
Sur le même thème
Références
[1] En géopolitique ou en relations internationales, la notion de complexe régional de sécurité, forgée par Barry Buzan dans son ouvrage People, States and Fear, « considère la région comme une entité territorialement cohérente, composée de groupes d’États partageant des frontières communes ». Les interactions sécuritaires, au sein des unités régionales, « peuvent être soit conflictuelles, à travers la sécuritisation, c’est-à-dire la représentation de menaces existentielles donnant lieu à des politiques de défense ou d’hostilité, militaires ou non ; soit coopératives, à travers la construction de communautés de sécurité et de politiques communes de ‘désécuritisation’, grâce à une normalisation des rapports ». Sihem Djebbi, « Les complexes régionaux de sécurité » – Fiche de l’Irsem n° 5, mai 2010.
[2] Luntumbue & Wondo, « La posture régionale de l’Angola : entre politique d’influence et affirmation de puissance », GRIP, Bruxelles, 3 juin 2015 http://www.grip.org/fr/node/1760#sthash.QrI9Usk6.dpuf.
[3] Luntumbue & Wondo, op. cit.
[4]See more at: http://afridesk.org/fr/rdc-larmee-et-la-garde-republicaine-sur-le-point-de-se-mutiner-jj-wondo/#sthash.hKXunV8i.dpuf.
Sur le même thème:
L’Angola: vers l’Eltsinisation de l’alternance au pouvoir et l’impact sur la RDC? (Part 1) : http://www.politico.cd/prospectives/2016/03/18/langola-vers-leltsinisation-de-lalternance-pouvoir-limpact-rdc-part-1.html.
L’Angola: vers l’Eltsinisation de l’alternance au pouvoir et l’impact sur la RDC? (Part 2) : http://www.politico.cd/actualite/la-une/2016/03/20/langola-vers-leltsinisation-de-lalternance-pouvoir-limpact-rdc-part-2.html#sthash.TMmyGZ09.dpuf.
3 Comments on “Jean-Jacques Wondo : « L’Angola risque d’être le faiseur du futur roi congolais » – Politico.cd”
Kilimasimba
says:J’ai toujours pensé à cette hypothèse. Kinshasa ou le Katanga ne sont pas si éloignés de l’Angola. Et puis l’armée congolaise est inopérante, inexistante avec des officiers de pacotille style les frères YAV, et les nombreux rebelles qui y furent intégrés. Si l’Angola doit s’en charger, qu’il le fasse, qu’il dégage cet analphabète politique qu’est cet ovni dénommé Joseph Kabila.
GHOST
says:¤ LES 5 PAYS MEMBRES PERMANENTS SONT TOUJOURS MAÎTRES AU CONGO
La dernière résolution de l´ONU montre avec precision qui decide au Congo* Même si l´ambassadeur de France á l´ONU a proposé la dernière résolution, quelque jours avant l´ambassadrice des USA á l´ONU avait tracée les grandes lignes*
Ce que les 5 pays membres permanents (Chine, Russie, France, USA et GB) decident au Congo. Le président Kabila et son gouvernement qui souhaitaient le retrait de 50 % des forces de la MONUSCO sont tombés sur le refus du Conseil de sécurité et pire, la mission militaire de l´ONU inclue maintenant la protection des « civils » (CPI?) et la tenue des élections avant fin 2016*
Quand Zuma risque l´impeachment depuis sa defaite devant la cours constitutionnelle qui lui demande de rembourser l´argent, Dos Santos est entrain d´étudier la dernière résolution de l´ONU qui porte un message explicite des 5 puissances planètaires*
sophoni mighery
says:la resolution du conseil de securite des nations unies a de salutaire dans la gestion et la documentation de la crise qui embrase l’est de la rdc. bien que les forces de la monusco sont toujours accusees de compromission avec les agitateurs de la region par le commun de mortel de l’est rdc, les fardc.dans leur configuration actuelle seraient plus ou aussi compromises que la monusco. avec son nouveau programme, monusco peut encore etre utile. il revient aux congolais de faire aussi ce qui est convenable au lieu de se rabattre toujours a la monusco pour voiler leurs defaillances.