Jean-Jacques Wondo Omanyundu
SOCIÉTÉ | 29-06-2013 02:43
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J’ai laissé derrière moi un Congo qui se consume du fait de «l’Homme Congolais» – Jean-Jacques Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

J’ai laissé derrière moi un Congo qui se consume du fait de « l’Homme Congolais »

Recit de voyage d’un natif du Congo

Version revue (publiée pour la première fois en septembre 2011 de retour de Kinshasa après un séjour de travail)

Un climat préélectoral qui interpelle et invite à réfléchir sans faux-fuyants

Revenant d’un séjour d’environ trois semaines en RDC entre fin juillet et mi août et ayant observé de façon avisée l’humeur sociopolitique locale en cette période préélectorale enfiévrée, il y a de fortes craintes à prédire des jours sombres pour les kinois et les populations de certaines villes de l’arrière-pays dans les mois à venir; tant le décor de l’embrasement semble bien planté. D’un côté, une certaine population, très agitée, excitée, échaudée et prédisposée à en découdre à tout prix. De l’autre, les services de sécurité, en alerte et sous « préavis zéro » (jargon militaire pour dire prêts à intervenir immédiatement et c’est ce qui se vérifia le 26 novembre 2011), très nerveux, déployés sur l’ensemble des points chauds de la capitale et quadrillant discrètement toute la ville. Il ne manque plus que l’étincelle pour mettre le feu à la poudrière. Tout cela dans un contexte électoral où le risque de gagner ou de perdre (par fraude ou en toute transparence) semble donné à chaque camp en compétition, au regard des candidats en lice. Mais aussi où tout le monde ne semble pas disposé pour jouer correctement le jeu de la compétition électorale.

Mon souhait le plus profond est que la tenue des élections se déroule dans un climat très apaisé, loin de toutes provocations inutiles de part et d’autre. Car le Peuple Congolais sera une fois de trop la première victime de l’irresponsabilité politique récurrente de toute cette classe politique, du pouvoir comme de l’opposition, incapable d’offrir un bien-être décent à ses concitoyens. Et notre pays a tellement perdu ses filles et fils qu’il faudrait que tout patriote congolais, pour autant que cela dépende de lui, du pouvoir comme de l’opposition, fasse ce qu’il doive faire pour éviter que le sang congolais coule encore pour rien!

Je reviens du pays assez perplexe, si pas désabusé. Même si je dois reconnaitre quelques avancés réalisés ça et là, triste est de constater que ce petit effort de reconstruction initié soit annihilé par l’absence totale de l’Etat. Un Etat qui a démissionné dans tous ses états et les attributs de sa fonction essentielle. J’ai laissé derrière moi un pays où les conditions sociales se trouvent au bord de l’implosion.

J’encourage du fond de mon cœur tous les congolais qui sont tentés de participer aux prochaines échéances électorales, toutes tendances politiques confondues, à placer en pôle position de leurs projets et actions politiques L’Humain « au centre de leurs préoccupations. » Ils doivent réellement s’engager à faire le plus de bien possible au Peuple Congolais. Cela passe par la refondation et la restauration de l’Etat. Mais l’Etat ne peut exister qu’au travers de l’Homme. Or c’est à ce niveau que le bât blesse: L’« Homme Congolais ». L’Homme qui doit naître de nouveau car c’est lui la Source et le Siège du Mal Congolais, si pas le MAL lui-même du Congo. Au vu de ce que j’ai vécu et du scénario politique qui se profile en vue, il y a lieu d’être des plus sceptiques. Le bout du tunnel ne me semble pas pour demain. Car cet Homme Congolais reste une variable immuable, ou invariant tant du côté du pouvoir que celui de l’opposition, voire de la société civile (Eglise : Mulunda, Malu-Malu, Denis Lessié ; ONG…). D’où le paradoxe congolais qui fait que quelle que soit l’issue des élections, des négociations, des concertations, du dialogue ou des coups d’Etat, le sort du congolais semble scellé du fait de l’ « Homme Congolais ».

Deux cas pour illustrer mon propos :

1°) Lorsqu’au milieu des années 1990, la situation du Zaïre ne tenant qu’à un fil tant le niveau de faillite de l’Etat avait conduit le pays à un enlisement total, le Peuple Congolais avait accueilli sous des chants de joie de victoire et des cris les « libérateurs », une partie de nos compatriotes armés par les Etats-Unis d’Amérique et les Etas voisins de l’Est du pays. Une adhésion populaire à un mouvement rebelle (AFDL) menant une guerre par procuration très médiatisée (Ce n’est pas qu’en Libye de Kadhafi qu’on découvre en 2011 une médiatisation d’une rébellion créée de toutes pièces et armée par l’Occident). Une guerre imposée au Zaïre de Mobutu (déjà condamné physiquement à mort du fait de l’irréversibilité de sa maladie) au départ des Hauts plateaux de Masisi. Cela dans l’espoir de leur offrir un lendemain meilleur. La même promesse tenue à nos populations en 1960 par nos politiciens euphoriques, fort du succès de la Table Ronde de Bruxelles de janvier-février 1960, leur faisant miroiter que l’Indépendance (Lipanda ou Kimpwanza) signifiait leur bien-être. Qu’en est-il réellement quinze années plus tard après la (pseudo) libération du Zaïre par les kadogos ? A-t-on réellement apporté ce bien-être promis au Peuple Congolais par ces « libérateurs » qui continuent à diriger le Congo jusqu’à ce jour? Rien du tout ! Si ce n’est le grand gâchis et le chiffre des six millions de victimes de la folie humaine congolaise (suivant certaines statistiques) et le triplet d’aligner trois années de suite à la dernière place du classement de l’indice de développement humain (IDH) de la PNUD alors que l’Est du pays, abandonné à lui-même, à son triste sort et dans l’indifférence générale à feu et à sang aux anciens alliés d’autrefois qui sont venus parader en maîtres dans les tribunes du boulevard du 30 juin le 30 juin 2010, date du cinquantenaire de l’indépendance. Quelle opprobre !

2°) D’autre part, lorsqu’on observe impuissant, à deux mois des élections présidentielles, le spectacle éhonté, impudent, dramatique et surréaliste (il n’y pas qu’au pays de Magritte – la Belgique – que la politique tient du surréalisme ; au moins là-bas les politiciens se parlent et trouvent des accords pour le bien de l’intérêt général !), il y a lieu à se poser, réellement et sans faux-fuyants, les mêmes questions. Une opposition occupée à étaler sur la place publique, au mépris élémentaire du Peuple Congolais souverain primaire de qui tout pouvoir tire(ra) se légitimité, ses contradictions, ses incohérences, ses turpitudes par des luttes impulsives et compulsives autour des choix des personnes. (La bataille rangée entre le groupe de Sultani et le groupe de Fatma). Et non des débats d’idées devant éclairer la population sur les enjeux à venir et leurs programmes d’action devant concrètement sortir la RDC de ses cendres. Alors, tout semble dessiné pour l’avenir.

J’ai parcouru les rues des quartiers populaires et périphériques de la Capitale – où je préfère passer tous mes séjours lors de mes séjours au pays, loin des quartiers bling bling hollywoodiens de Kin – interrogeant ici et là la population. A ma question de savoir ce que cette population a retenu du projet politique des grands partis d’opposition, la réponse la plus souvent entendue était : « Le départ de Kabila! » (scandant « Ya Tshitshi zongisa ye na Rwanda« !). C’est comme si ce départ constituait tout un programme électoral et était une fin en soi, car synonyme du bien-être des congolais. Une amnésie collective de toute une population qui semble vite oublier qu’en 1997 elle réclamait la même chose pour Mobutu : « Mboka ekufi Mobutu akende tolembi ye » (Le pays est ruiné, que Mobutu s’en aille, on en a marre) ou comme en 1960, elle réclamait le départ sans des belges car l’Indépendance totale et immédiate allait tout leur apporter en termes de bien-être. (Qu’on me lise bien, loin de moi d’être un révisionniste de l’indépendance). Et pourtant, depuis le départ de Mobutu, voire des colons « mboka ezali toujours na cric » et « tozali toujours ko rond point » (Le pays reste au point mort).

En réalité et avec un peu de recul, l’on se rendra compte que quelles que soient les raisons qui ont été avancées hier comme aujourd’hui pour justifier une alternative politique, le seul vrai leitmotiv constant que plus d’un observateur avisé a compris est la politique de « ôte-toi de là que je m’y mette », un point un trait !

En bref, le Congo-lais sera une fois de plus le dindon de la farce car pris pour un Con alors qu’il attend qu’on, lui offre du lait à gogo.

Cela me pousse à dire que le Premier Chantier à entreprendre et cela reste encore d’actualité ce jour de 2013, selon moi et c’est mon petit conseil aux candidats aux élections, aux concertations, au dialogue ou ce que vous voulez, sera de « Recréer le Congolais Nouveau ». Pour ce faire, il n’y a pas de recettes miracles, il faut tout recentrer sur l’Humain. Cela passe d’abord et obligatoirement par la Famille et l’Education (Ecole). Sauver une Famille, c’est sauver une nation, dit-on ; mais éduquer un Etre Humain c’est construire l’avenir (meilleur) de la nation. Une nation qui se veut forte  et prospère DOIT donner priorité à la promotion de ses ressources humaines. Cela passe en premier lieu par la scolarisation et la formation de sa jeunesse.

Cette sonnette d’alarme – rappelée la veille du 30 juin 2013 dans un moment où le Congo sombre dans une crise sociopolitique marquée par l’illégitimité de ses gouvernants et dans une crise sécuritaire continue et sans précédent – est un cri de cœur pour certains ou un coup de gueule pour d’autres mais un devoir moral et patriotique pour moi. Ce patriote qui constate que trop is te veel (trop c’est trop !)

30 Juin 1960 : Indépendance Cha-Cha

30 Juin 2013 : Indépendance Char-Char (avec 6 millions de morts)

Jean-Jacques Wondo Omanyundu

 

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