Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 16-03-2021 09:33
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Inédit – Le complot et l’assassinat de P. E. Lumumba : quid de la responsabilité du pouvoir congolais de l’époque ? – Dr Daniel Tonduangu

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Introduction

Le vendredi 29 janvier 2021 le journaliste congolais Christian Lusakweno inaugure une émission « mémoire » sur la chaîne Top Congo, il a l’honneur d’inviter pour cette première, M. Jonas Mukamba Kadiata Nzemba, qu’il présente comme un des témoins de l’histoire de notre pays.

Agé de 90 ans, M. Mukamba a pu livrer aux jeunes générations sa version sur l’assassinat du premier ministre congolais Patrice Emery Lumumba. Si j’ai salué avec beaucoup d’enthousiasme cette émission qui s’est déroulée dans de très bonnes conditions, j’estime aussi que le débat est maintenant ouvert et que le pays est mûr pour amorcer un débat serein sur cet épisode obscur da notre histoire.

Le moment est d’autant important que la responsabilité morale des belges dans l’assassinat de Patrice Emery Lumumba a été enfin reconnue par les autorités belges. En effet en septembre 1999, Ludo de Witte dans le livre « de moord op Lumumba », aux éditions Van Halewijck (paru en France sous le titre : L’assassinat de Lumumba) dit : « ce sont bien des conseils belges, des directives belges, et finalement des mains belges qui ont tué Lumumba ce 17 janvier 1961… » (1). Les conclusions de l’auteur qui accusait sans détour le gouvernement belge de l’époque d’avoir organisé un complot ayant conduit à l’assassinat de Lumumba et les répercussions médiatiques conséquentes ont contraint le parlement belge à constituer une commission d’enquête, chargée de déterminer les circonstances exactes de l’assassinat de Lumumba et l’implication éventuelle des responsables politiques belges de l’époque dans celui-ci.

Cette commission parlementaire qui fut installée le 2 mai 2000 a eu recours à l’expertise des quatre historiens. Son travail a duré près de dix-huit mois, en 2000 et 2001, et a permis de découvrir des éléments neufs et d’établir les faits certains. Mais les experts ont privilégié les sources écrites au détriment des témoignages oraux et se sont parfois montrés moins soucieux des points de vue des congolais eux –mêmes (2). Le 16 novembre 2001, la Commission mit un terme à ses travaux. Analysant le fonctionnement des institutions et formulant des recommandations, elle concluait que les autorités gouvernementales belges portaient une responsabilité morale dans les circonstances ayant conduit à la mort de Lumumba. Le 5 février 2002, la chambre des représentants de Belgique accepta ces conclusions. Le gouvernement belge par l’entremise de son ministre des Affaires étrangères, Louis Michel, se rangea derrière ces conclusions. Il parla cependant de responsabilité tout court. Le gouvernement belge exprima ses regrets à la famille de Lumumba et au peuple congolais, et présenta ses excuses pour le mal que le comportement de la Belgique avait occasionné.

Nous allons citer plus loin de larges extraits de ce rapport tel que publié par les 4 historiens dans le livre « les secrets de l’affaire Lumumba » (3).

Soixante ans après la mort de Lumumba, Il est simpliste de dire que la mort de Lumumba est liée à son discours du 30 juin 1960, il est évident que c’est le résultat d’un lent processus par lequel une coalition large, mais hétéroclite, s’est engagée en y voyant la solution possible pour régler la crise que traversait le Congo et surtout pour y conserver chacun son pouvoir ou son influence.

Si le Congo est toujours en crise dit l’historien Ndaywel c’est que Lumumba n’a pas de sépulture…dans nos traditions, tant que quelqu’un n’a pas de sépulture, il est toujours en errance quelque part … Comme un chapitre inachevé qui fait dévier les suivants, son élimination marque la première étape d’une série de morts sans corps : les compagnons de Lumumba, morts avec lui : Maurice Mpolo, Joseph Okito. Mais aussi plus tard Pierre Mulele, son ministre de l’éducation nationale, assassiné en 1968, des dizaines d’étudiants massacrés en 1969… (4,5,7).

Les motivations qui ont conduit à faire disparaitre les corps sont différentes, mais c’est comme un fil conducteur macabre dans l’histoire nationale, relève Pedro Monaville, historien spécialiste de Patrice Lumumba et professeur de la New York University à Abu Dhabi (7).

Soixante ans après son assassinat, la dépouille de Patrice Lumumba doit revenir en République démocratique du Congo. Le couronnement d’une longue bataille menée par ses enfants. Pour eux, qu’importe si le reste paternel se résume à …une dent. Leur père, héros national et visage mondial de la résistance à l’impérialisme, retournera cette année sur sa terre natale. La fin d’un deuil qui semblait interminable (7).

Et maintenant quid de la responsabilité du pouvoir congolais de l’époque dans la mort de Lumumba ?

Si la promesse d’offrir enfin une sépulture à Patrice Emery Lumumba doit être saluée avec enthousiasme et grand soulagement, une autre chose est de reconnaitre la responsabilité du pouvoir de l’époque dans son assassinat. Ceci permettra aux congolais de se retrouver dans leur histoire, leur passé pour qu’ils puissent avoir l’ambition de leur avenir.

Doit-on continuer à occulter le rôle de l’Etat congolais dans l’assassinat de Joseph Okito (Vice -Président du sénat) et Maurice M’polo (ministre de la jeunesse et de sports) ?

Doit-on continuer à occulter le rôle de l’Etat congolais dans l’arrestation et l’envoi des compagnons de Lumumba à Bakwanga le 19 février 1961 ? où ceux-ci furent massacrés le soir même de leur arrivée pour avoir participé, selon les autorités sécessionnistes du Sud Kasaï, comme Lumumba, au génocide des Balubas en aout –septembre 1960*. Il s’agit de Jean-Pierre Finant, président provincial de la Province orientale, Christophe Muzungu, chef de la Sûreté de Lumumba, Emmanuel Nzuzi et Pierre-Léopold Elengesa, dirigeants des jeunesses MNC-Lumumba, Jacques Lumbala, ancien secrétaire d’Etat de Lumumba, Camille Yangara, commissaire de district du Haut-Uélé, Jacques Fataki, commandant de la police militaire de Kisangani… (4,5).

*David Van Reybrouck écrit :  Lumumba pour mettre fin à la sécession du Sud-Kasaï, envoya lui-même la nouvelle armée congolaise dans la province séditieuse du diamant. Mais cette armée gouvernementale, qui n’avait pas un sou, était dirigé par des officiers nommés sans la moindre préparation deux mois auparavant. Les conséquences furent horribles. Fin aout, le Kasaï fut le théâtre d’affrontements inutiles qui se soldèrent non par des victoires mais par des massacres qui coutèrent la vie à des milliers des civils. En dehors des mitrailleuses les soldats de l’armée gouvernementale utilisaient des machettes. Le secrétaire général des Nations unies, Dag Hammarskjöld, exprima son horreur et parla de génocide contre les Baluba. Selon lui, les évènements « constituent une violation des plus flagrantes des droits élémentaires de l’homme et ont les caractéristiques du crime de génocide » (9).

Tshipamba Mpuila (acteur politique congolais) en revanche dans une tribune dans le forum UDPS Benelux, en aout 2006, réhabilite Patrice Emery Lumumba, en disant : « en réalité la principale responsabilité du massacre repose probablement sur Mobutu, qui était chef d’Etat-major. Certes, il n’a sûrement pas ordonné les massacres, mais c’est lui qui a organisé l’opération, se vantant d’ailleurs de l’avoir fait seul, en dehors de tout conseiller militaire…mais la seule responsabilité poursuit-il est celle d’une troupe indisciplinée qui va d’ailleurs se mutiner à nouveau après la prise de Bakwanga… » (6).

Doit-on considérer la proclamation en 1966 de Patrice Emery Lumumba « héros national » par le Président Mobutu comme « solde de tout compte » ?

Le rapport de la commission des assassinats et de violation des droits de l’homme de la conférence nationale souveraine en 1992, ne peut-il pas être diffusé largement et débattu dans un esprit constructif pour que les jeunes de la RDC apprennent un peu plus de leur histoire ?

Le devoir de mémoire comme notre responsabilité collective envers le passé

Il est grand temps que l’histoire de la RDC soit écrite au Congo et enseignée aux enfants congolais. Cette partie tragique de notre histoire doit être revisitée dans l’apaisement pour que les enfants de la RDC puisent se réconcilier avec leur propre histoire.

Comme le dit si bien Tshipamba Mpuila : « Nous avons le devoir d’interroger l’histoire, de faire la relecture des faits, de recouper les faits, de restaurer la vérité historique et d’aider nos populations à découvrir et à connaître la vérité, à adopter des comportements conséquents et à tisser des relations fondées sur cette vérité objective » (6).

La RDC vit en ce moment une phase cruciale de son histoire qui est marquée par une transition pacifique à la tête de l’Etat, ce moment d’apaisement devra offrir une occasion aux autorités actuelles, au nom de la continuité de l’Etat, de reconnaitre la responsabilité du gouvernement congolais de l’époque sur l’arrestation et l’assassinat du tout premier dirigeant congolais élu, et de présenter à leur tour des excuses officielles à sa famille et au peuple congolais. Une telle démarche s’impose aussi à l’égard des familles des compagnons de Lumumba qui ont été également massacrés à cause de leur conviction et leur engagement politique.

Ceci ne sera qu’ une première étape qui conduira aux enquêtes sur d’autres assassinats politiques survenus plus tard au cours du parcours chaotique et balbutiant de la RDC  (Pierre Mulele , les étudiants abattus en 1969…) , mais également la réhabitation de ceux qu’ on a appelé les conjurés de la pentecôte : Emmanuel Bamba, Evariste Kimba, Alexandre Mahamba et Jerôme Anany, pendus en 1966  à la place actuelle du stade des martyrs,  après un simulacre de procès devant une juridiction militaire dont l’issue était déjà annoncée dans une conférence de presse  par Jean-Jacques Kande, ministre de l’Information   : « les conjurés seront condamnés à mort et pendus sur la place publique… ». Pauvres hommes politiques tués pour l’exemple… car l’homme fort de l’époque commençait à instaurer le régime de la terreur … Mobutu (c’est de lui qu’il s’agit) n’a-t-il pas dit : « il fallait frapper par un exemple spectaculaire et créer les conditions de discipline au régime, lorsqu’un chef décide, il décide, un point c’est tout. J’ai décidé, au nom du haut commandement, que nous sommes au pouvoir pour cinq ans un point c’est tout. Il n’appartient plus à un groupe de politiciens d’aller se mettre du côté des financiers pour provoquer encore des désordres et de troubles dans ce pays. Ils l’ont fait, il fallait un exemple ». (8)

Les jeunes de la RDC se posent cette sempiternelle question : Pourquoi a-t-on du mal à revisiter l’histoire de la RDC depuis son accession à l’indépendance à ce jour ?

En début des années 70, un professeur de sciences politiques à l’université Lovanium demanda à une personnalité politique congolaise* (*il s’agit de Cléophas Kamitatu (la grande mystification du Congo-Kinshasa) pourquoi les hommes politiques congolais ne se préoccupaient pas d’écrire leurs mémoires ou même n’essayaient pas d’ébaucher une première approche de l’histoire de leur pays, ce dernier répondit : « Pour qui a participé à la vie politique du Congo depuis 1960 et veut écrire ses mémoires, se pose un grave dilemme : écrire et donc dire la vérité, même si elle blesse profondément ou ne rien entreprendre. Dans le premier cas, de graves menaces d’arrestation, d’enlèvement ou d’exécution pèsent sur celui qui, fort de son courage, se risque à révéler les méandres et les dédales de la politique congolaise. Il est clair en effet que les premiers responsables de la crise politique congolaise détiennent encore les rênes du pouvoir. Comment, dès lors, ne pas tourner sa plume sept fois avant de coucher sur papier certains aspects révélateurs et secrets de la politique nationale ? C’est cette raison majeure qui a mis un frein aux quelques initiatives qui se sont manifestées » (8).

L’histoire politique de la RDC est pleine des paradoxes, après son assassinat, les acteurs politiques ont voulu se réapproprier Lumumba sans pourtant expliquer à la population ce qui s’était réellement passé …

Première tentative de réhabilitation de Patrice Emery Lumumba

Le 30 juin 1966, jour du sixième anniversaire de l’indépendance, le général Mobutu annonce en grande pompe la réhabilitation de Lumumba en le proclamant héros national, il annonce aussi l’érection d’un monument à sa mémoire dans la capitale et que le boulevard Léopold II qui conduit de l’aéroport militaire de Ndolo à l’aéroport de Ndjili s’appellera désormais boulevard Patrice Emery Lumumba (4,5).

En novembre 1966, le président effectue un pas de plus dans cette consécration en demandant à l’équipe belge du CRISP[1] qui prépare un ouvrage sur les cinquante derniers jours de Lumumba d’aller prospecter à Lubumbashi la maison ***où est mort Lumumba.

Il a en effet décidé d’annoncer le 24 novembre 1966, jour de l’anniversaire de sa prise de pouvoir, que « la maison où était mort P. Lumumba avait été découverte et que celle-ci deviendrait un musée national consacré à l’ancien premier ministre. Le président promit également aux auteurs de l’ouvrage « la diffusion de même qu’une aide directe à la diffusion du livre ».

La réhabilitation officielle de Lumumba n’alla cependant pas au-delà du discours. En avril 1967 et en présence d’un représentant belge des éditeurs, Jean Van Lierde, l’ouvrage sur les derniers jours de Lumumba fut saisi par la Sûreté dès le lendemain de sa mise en vente, au parlement et dans une librairie de la capitale. Silencieux, le président Mobutu laissa faire, ce pour plusieurs raisons ; Tout d’abord, un certain nombre de personnalités impliquées directement ou indirectement dans le transfert de Lumumba au Katanga (V. Nendaka et J.M Bomboko …) ; se trouvaient au gouvernement, où ils occupaient des positions importantes et n’avaient aucun intérêt à ce que l’on fasse la lumière sur leur rôle actif ou passif dans la mort de Lumumba ?

Deuxièmement la diffusion de l’ouvrage à Léopoldville eut un retentissement considérable, entre autres au parlement où le stock fut épuisé en quelques heures. Elle intervint également au moment précis où le président avait décidé de rendre officielle la création d’un mouvement politique qu’il animerait lui-même, le mouvement populaire de la révolution (MPR) et interdisait tous les autres partis d’exercer leurs activités sur le territoire national.

Dans un tel contexte, une large diffusion de l’ouvrage était politiquement inopportune pour le régime : elle venait contrecarrer ses efforts de mise au pas d’une classe politique remuante et bruissante de complots, et surtout sa volonté de faire oublier un passé relativement récent fait de violences et de chaos.

Quoiqu’il en soit le musée national d’Elisabethville n’a pas vu le jour et le monument érigé à sa mémoire à Léopoldville est resté inachevé… (5).

Actuellement dit le politologue congolais Jean Omasombo : « les dirigeants congolais se réfèrent à Lumumba dès que l’unité du Congo est menacée et tous les présidents congolais, d’une manière ou d’une autre, se réclament de lui » (7).

Né deux années après l’indépendance de la République démocratique du Congo, je fais partie de cette génération sacrifiée qui n’a pas eu droit à connaitre l’histoire officielle de son pays… Depuis quelques années à force de lecture et des échanges avec quelques ainés qui ont connu cette époque, je reconstitue patiemment des pièces manquantes de puzzle, qui me permettront un jour, j’espère, de mieux cerner cette période de l’histoire de la RDC qui reste obscure ; cette période qui part de l’indépendance du pays à l’assassinat de son premier ministre Patrice Emery Lumumba.

La mort de Lumumba ! Un mystère, un complot ourdi par des acteurs d’origine diverse mais qui avait en un temps et un moment donnés un seul objectif : anéantir la personne qui gêne…

Ma démarche ne fait pas de moi un historien mais un passionné de l’histoire de la RDC qui s’empresse de la partager avec les enfants du pays et pourquoi pas susciter un débat constructif.

Pour que les lecteurs comprennent le rôle des différents acteurs dans le processus qui a conduit à l’arrestation et la mort de Lumumba, je partage avec vous la chronologie des faits décrite dans le livre « les secrets de l’affaire Lumumba » que j’ai présenté au début de mon exposé, complétée par les écrits de Ludo de Witte, Ndaywel, Jean-Claude-Willame et David Van Reybrouck. (1, 4 ,5 ,8). Cette démarche rejoint entreprise par le professeur Jean-Omasombo dans son ouvrage intitulé : « Patrice Lumumba : Acteur Politique. De la prison aux portes du pouvoir. Juillet 1956 – février 1960 », paru en 2005 aux éditions L’Harmattan. Le politologue congolais écrit ceci : « Au-delà du personnage singulier de Lumumba, de sa construction en plein contexte colonial, cet essai biographique voudrait contribuer aussi à un effort de compréhension du Congo Belge vu par le colonisé»[2]

Neutralisation de Patrice Emery Lumumba

Nous nous intéressons à la période qui commence le 5 septembre 1960 par la neutralisation par le lieutenant général Joseph Désiré Mobutu du Chef de l’Etat Joseph Kasa-Vubu et du premier ministre Patrice Emery Lumumba.

Le gouvernement Lumumba est remplacé par le collège des commissaires généraux, composé de jeunes diplômés d’université et de quelques étudiants. Pour que les actes de ce gouvernement dirigé par Justin Marie Bomboko soient légaux, Monsieur Mobutu autorise finalement le Président Kasa-Vubu à reprendre ses fonctions, seul Patrice Emery Lumumba est neutralisé et mis en résidence surveillée. Se méfiant des militaires congolais, Lumumba obtient que les casques bleus de l’ONUC (mission des nations unies au Congo) assurent sa protection.

Voici la constitution du collège des commissaires généraux (liste publiée au Moniteur congolais du 10 octobre 1960), le gouvernement assurant la continuité de l’Etat :

  1. Département des affaires étrangères et commerce extérieur : président du collège Justin Bomboko (c’est l’équivalent du premier ministre) – Adjoint : Evariste Loliki
  2. Affaires financières et questions monétaires : vice-président du collège Albert Ndele – Adjoint : Paul Mushiete
  3. Défense nationale : Ferdinand Kazadi – Adjoint : P. Malimba
  4. Information : Albert Bolela – Adjoint : Pascal Kapella ; Zéphris Konde
  5. Education nationale : Mario Cardoso- Adjoint : Cléophas Bizala
  6. Affaires économiques et plan : Joseph Mbeka- Adjoint : Julien Kasongo
  7. Justice : Marcel Lihau- Adjoint : Etienne Tshisekedi
  8. Intérieur : J. Nussbaumer- Adjoint : Damien Kandolo
  9. Santé publique : Marcel Tshibamba- Adjoint : Martin Ngwete
  10. Agriculture : pierre Lebughe- Adjoint : Bernard Ngondo
  11. Classes moyennes : François Jean-Marie Ngyese
  12. Travail et Prévoyance sociale : Charles Bokongo – Adjoints : André Boboliko, Albert Mpase, Jonas Mukamba
  13. Travaux publics : Aubert Mukendi – Adjoint : Joseph Masanga
  14. Transports et communication : Ernest Kashemwa – Adjoint : Henri Takizala
  15. Fonction publique : Albi Bindo – Adjoint : Félicien Lukusa

Pendant cette période le pouvoir exécutif est assuré par les commissaires généraux, avec Justin Bomboko comme président donc premier ministre. Beaucoup de ces commissaires, jeunes à l’époque, se sont retrouvés dans les différentes instances politiques et administratives du pays de longues années durant, ceci explique certainement en partie l’omerta de la classe politique sur les faits qui se sont déroulés pendant cette période de l’histoire de la RDC.

Je reprends dans les lignes qui suivent les faits chronologiques décrits dans le livre « les secrets de l’affaire Lumumba ». Mon souhait est que les chercheurs congolais, surtout les historiens se saisissent de cette opportunité pour analyser ces faits à la lumière des documents historiques qui seraient à leur possession ou apporter des versions ou interprétations différentes de celles proposées par les experts belges. Le débat sera ainsi amorcé…pour les lecteurs, je vous promets que les détails décrits ici vous permettront de mieux comprendre cette période trouble…

Du 10 octobre au 27 novembre 1960

Lumumba doit vivre à Léopoldville dans sa résidence gardée, encerclée par des éléments de l’Armée nationale congolaise (ANC) qui ont instruction de le capturer s’il tentait une sortie et par des militaires de l’ONUC[3], chargés d’empêcher des accès « douteux » ou dangereux à la résidence.

Tout se passe bien jusqu’à l’opération des commandos ANC de Mobutu les 10 et 11 octobre 1960 : deux cents hommes venus de Thysville, visent à capturer Lumumba à sa résidence, encore sous la protection exclusive de l’ONUC. Mobutu et le Collège des commissaires généraux escomptent et exigent de l’ONUC une attitude qui faciliterait l’arrestation de Lumumba. Cette aide est refusée et la garde ONUC est maintenue à la résidence.

Voici les détails de ces scènes décrites par Jean-Pierre Langellier dans son livre « Mobutu », paru en 2017 chez Perrin, comme une guerre des nerfs entre Mobutu et les Nations unies (pages78-79) :

« Très vite, le ton monte entre les cercles de l’ancien (membres du gouvernement Lumumba) et du nouveau pouvoir (le Collège des commissaires généraux) mis au pas par Mobutu. Ces derniers font campagne contre le « gangster » Lumumba, vilipendé et diabolisé. Ils veulent à tout prix l’empêcher de revenir sur la scène politique. (…). Deux cordons de sécurité sont disposés autour de sa résidence : les casques bleus « amis » – ghanéens et guinéens, puis tunisiens – , eux-mêmes encerclés par l’armée de Mobutu, prête à arrêter le Premier ministre s’il s’avisait de de quitter sa maison. Les soldats des deux camps se regardent en chiens de faïence. Mobutu accuse à juste titre le Ghana et la Guinée de soutenir Lumumba et menace de lancer des blindés contre les casques bleus[4]. A plusieurs occasions, il est vrai, Lumumba a pu quitter son domicile et parcourir en voiture les rues de la « cité »indigène, muni d’un haut-parleur, sous l’escorte de quelques fidèles. Après ces sorties tapageuses, deux cents soldats de Mobutu, munis d’un mandat signé par Kasa-Vubu, tentent le 10 octobre, d’arrêter Lumumba. Ils en sont empêchés par les casques bleus. Ce jour-là, Lumumba déclare : « On veut me tuer. Je mourrai comme Gandhi. Si je meurs demain, c’est qu’un Blanc aura armé la main d’un Noir. J’ai fait mon testament. Le peuple saura que je me suis offert en otage pour la liberté »[5]. Assigné à résidence, privé de sa ligne téléphonique, il est réduit au silence, exilé politique dans son propre pays ».

Le matin du 11 octobre 1960, à la séance du Collège des commissaires généraux, Justin Bomboko croit pouvoir annoncer : « Nos soldats doivent se saisir de Lumumba aujourd’hui. Un ultimatum a été donné à l’ONU en ce sens. Si à 15 heures l’ONU ne cède pas, nous nous verrons dans

L’obligation de passer à l’attaque. » En fait l’ONUC ne cède pas, et l’ANC ne tente aucune épreuve de force.

Quels sont les faits qui vont peser sur la décision de Lumumba de quitter sa résidence surveillée de Léopoldville (Kinshasa) et de gagner Stanleyville (Kisangani), son fief en Province Orientale :

– Les 12-13 novembre 1960, Antoine Gizenga (vice-Premier ministre dans le gouvernement Lumumba) parvient à s’assurer le pouvoir à Stanleyville, avec l’aide du général Lundula et son « troisième groupement de l’ANC »

– Le 22 novembre 1960, l’assemblée générale des nations unies reconnait la validité-légitimité de la délégation congolaise présentée par le chef d’Etat, Joseph Kasa-Vubu (53 voix contre 24 et 19 abstentions). Après ce vote Lumumba redoute que l’ONUC ne puisse ou ne veille plus lui garantir les mêmes conditions de protection que celles dont il a bénéficié depuis la mi-septembre.

Le dimanche 27 novembre 1960, Lumumba quitte inaperçu sa résidence surveillée à Léopoldville et part avec un groupe de collaborateurs pour un voyage en direction de Stanleyville.

Le lundi 28 novembre : la nouvelle de la fuite de Lumumba se répand à Léopoldville.

Le mardi 29 novembre : premier signalement de Lumumba à Bulungu.

Evoquant le meeting tenu par Lumumba à Bulungu (un des sièges d’exploitation des plantations Lever du Congo), Jean-Claude Willame dit qu’un employé portugais a identifié Lumumba, il prévient la direction, laquelle alerte ensuite par phonie les autorités militaires… (5).

Le jeudi 1er décembre : Lumumba est arrêté près de Mweka par les troupes de Mobutu sous la direction de Gilbert Pongo.  Il est transféré à Léopoldville.

Le samedi 3 décembre, Lumumba est transféré au camp Hardy à Thysville (Mbanza Ngungu). Ce camp était sous le commandement de Louis Bobozo.

Le Président Kasa-Vubu justifie l’arrestation de Patrice Lumumba dans   sa réponse du 7 décembre 1960 à monsieur Hammarskjöld, secrétaire général des Nations unies, Kasa-Vubu décrit comme suit ses intentions et ses vues sur le sort de Patrice Lumumba : « Ce sera notre principal souci demain de veiller à ce que le pouvoir judiciaire puisse mener le procès suivant les règles en vigueur dans tous les pays civilisés ». Pour le chef de l’Etat, Lumumba doit être considéré comme en attente d’une action judiciaire. Celle -ci serait fondée sur les chefs d’accusations suivants :

  1. Usurpation des fonctions publiques (article 123 du Code pénal)
  2. attentats à la liberté individuelle avec tortures corporelles (article 67 du code pénal)
  3. atteintes à la sureté de l’Etat (article 186 du code pénal)
  4. organisation de bandes hostiles dans le but de porter la dévastation, le massacre ou le pillage (articles 193 à 197 du Code pénal) ;
  5. incitation de militaire à commettre des infractions (article 202 du Code pénal).

Enfin, renchérit Kasa-Vubu, l’organisation de l’expédition militaire contre la province du Sud-Kasaï a été qualifiée par vous-même de crime de génocide dans un rapport au conseil de sécurité. Il poursuit sa lettre : « Aujourd’hui, l’Armée nationale congolaise a pu mettre fin à une équipée de Lumumba à travers le Kwilu et le Kasaï, cette équipée n’avait qu’un seul but : ébranler l’autorité des institutions établies , rejoindre ses partisans à Stanleyville et y instaurer un gouvernement séparé dont l’action « sans lui » se précise déjà : arrestations et expulsions d’européens, séquestration d’adversaires politiques avec tortures et sévices graves, suppression de toute liberté individuelle et de toutes les grandes libertés publiques ».

Le transfert au Katanga et la mort de Lumumba

Contexte international
La Belgique

La reprise des relations diplomatiques entre le Congo et la Belgique.

Pour rappel, le 14 juillet 1960 à 13h30, le gouvernement belge avait pris connaissance d’un télégramme signé de Joseph Kasa-Vubu et patrice Lumumba, émis de Kindu, notifiant la rupture des relations diplomatiques avec la Belgique.

Le 9 aout 1960, le gouvernement congolais exigea dans les formes, la fermeture de l’ambassade belge à Léopoldville.

Entre fin décembre 1960 et le 11 janvier 1961 ont lieu les premiers accords sur la reprise des relations Congo-Belgique ; les premiers contacts étant établis entre Justin Bomboko et l’ambassadeur de Belgique à Brazzaville, Dupret… le Président du collège des commissaires généraux sollicitant d’une part l’autorisation de faire passer les troupes congolaises du colonel Joseph Mobutu par Ruanda-Urundi et d’autre part une demande d’armes automatiques et de jeeps. La suite de l’entretien concernait la reprise des relations diplomatiques.

Alors que les relations diplomatiques aient été officiellement rompues, la Belgique avait encore son emprise sur le jeune Etat congolais par l’entremise de grands groupes économiques : Union minière du Haut Katanga (UMHK), la compagnie cotonnière congolaise, la Forminière… mais surtout par la présence de plusieurs belges qui servaient des conseillers à chacun des dirigeants congolais. A cet effet, le professeur Guy Aundu Matzanza, dans son livre intitulé : Politique et élites en R.D. Congo. De l’indépendance à la troisième république, paru en 2015 aux éditions Academia, Louvain-La-Neuve, parle des pièges de l’héritage politique.  En effet, si la Table Ronde de Bruxelles a débouché sur la fixation de la date d’une échéance pour l’indépendance du Congo, elle a aussi érigé une série de pièges qui hypothéquaient l’avenir du pays. Ces obstacles étaient observables dans la nature de l’Etat et la culture de l’élite. A côté de la félonie des Belges au cours de ces négociations, les Congolais ont paru naïfs, mimétiques, incapables d’anticipation pour innover et prospecter des modes de gouvernement différents du système institutionnel belge[6]. L’ancien ministre zaïrois de l’Economie Raoul Donge écrit ceci dans un manuscrit : « L’existence au Congo d’organismes auxquels sont associés des intérêts privés [belges] et qui disposaient des pouvoirs de concession très étendus dans les domaines fonciers et miniers, posait un problème très sérieux aux nouvelles autorités congolaises ».

Les Etats unis d’Amérique en janvier 1961

Alors que les agents de la CIA interprétaient en aout 1960 la préoccupation exprimée au sujet de Lumumba par le président Eisenhower comme un accord pour éliminer physiquement Lumumba. La situation va changer au mois de janvier 1961, les Etats-Unis d’Amérique se retrouvant en situation d’interrègne. En effet dans l’attente de l’entrée en fonction le 20 janvier 1961 de John F. Kennedy à la présidence des Etats-Unis, le Département d’Etat de Washington adresse un télégramme circulaire à tous les postes diplomatiques et consulaires américains, au sujet du problème congolais. Voici comment le diplomate belge influent à cette époque, Rothschild décrit la position de Washington :

– Il est nécessaire qu’un cabinet civil remplace l’équipe des commissaires et que le parlement se réunisse dès que les conditions le permettront.

– Le règlement du problème Lumumba est une affaire strictement intérieure ; les Etats-Unis souhaitent que l’affaire suive son cours judiciaire et ont marqué leur désir de la voir traiter humainement.

– Les Etats-Unis considèrent le président Kasa-Vubu comme seule autorité légitime. C’est à ce titre et non pour des raisons personnelles qu’ils traitent avec lui. De même, ils ne critiquent pas la personnalité de M. Lumumba, mais bien ses méthodes et sa politique qui a entraîné notamment la séparation de la Province Orientale.

La pression « pro-Lumumba » du groupe de Casablanca (du 4 au janvier 1961)

Présidée par le roi du Maroc, Mohammed V, avec la participation d’Ahmed Sékou-Touré (Guinée), Kwame N’krumah (Ghana), Modibo Keita (Mali), Abdel Nasser (Egypte), de représentants de la Libye, de Ceylan et du GPRA algérien.

La conférence de Casablanca demande instamment aux Nations unies d’agir immédiatement en vue de :

  1. Désarmer et dissoudre les bandes illégales de Mobutu
  2. Relâcher de prison et libérer tous les membres du parlement et du gouvernement légitime de la République du Congo
  3. Réunir le parlement de la République du Congo
  4. Eliminer du Congo tout le personnel militaire et paramilitaire belge ou tout autre personnel étranger (n’appartenant pas au commandement opérationnel des Nations unies)
  5. Remettre au gouvernement légitime de la République du Congo tous les aérodromes civils et militaires, les stations de radiodiffusion et autres établissements, actuellement illégalement retirés au gouvernement ;
  6. Empêcher les belges d’utiliser le territoire du Ruanda-Urundi sous tutelle des Nations unies comme base d’agression, directe ou indirecte, contre la République du Congo.

Dans le cas où l’ONU n’agirait pas dans le sens de ces exigences, les pays signataires se disent déterminés à retirer leur personnel militaire opérant dans le cadre de l’ONU. Ils se réservent le droit d’engager toute action appropriée, en vue spécialement de préserver l’intégrité territoriale, et de relégitimer le parlement élu et le gouvernement légalement constitué au 30 juin 1960 ;

Cette prise de position du groupe de Casablanca se situe à un moment où Gizenga a proclamé Stanleyville siège du gouvernement central (lumumbiste) de la République du Congo (le 12 décembre 1960), où Kashamura a pris le pouvoir à Bukavu après le fiasco de l’opération militaire de l’ANC de Mobutu (1er et 2 janvier 1960) ; le jour même où s’achève la conférence de Casablanca, le 7 janvier 1961, des troupes de Stanleyville occupent Manono, l’important centre du Nord Katanga. Lumumba est toujours prisonnier à Thysville tandis que l’arrivée à Léopoldville de la commission de conciliation de l’ONU et de Dag Hammarskjöld se traduit par la crainte et la méfiance dans le groupe dirigeant congolais parallèlement à une relance d’espoir et d’action parmi les partisans lumumbistes.

*Monsieur de Dag Hammarskjöld, secrétaire général de l’ONU (de 1953 à 1961), de nationalité suédoise, trouvera la mort le 18 septembre 1961…dans l’accident de son avion, à Ndola, en Zambie où il devait rencontrer Tshombe, le dirigeant sécessionniste pour mettre fin à la sécession katangaise. Le prix Nobel de la paix lui fut décerné l’année de sa mort, à titre posthume. Un livre apparu récemment (9) soutient que l’avion du secrétaire général était abattu par des mercenaires français.

Le transfert de Patrice Emery Lumumba à Elisabethville

Dans la nuit du 12 au 13 janvier 1961, une mutinerie éclate dans les camps de Thysville. Le 14 janvier, les dirigeants à Léopoldville cherchent fébrilement une solution au problème posé par Lumumba, devenu indésirable au camp Hardy. Des rumeurs de plus en plus nombreuses d’une possible libération par ses partisans circulent en effet ; Après avoir retenu dans un premier temps Bakwanga comme destination, Kasa-Vubu opte finalement pour un transfert à Elisabethville ; le 17 janvier, Lumumba quitte Thysville pour être emmené dans la capitale du Katanga, via Moanda.

Les enquêteurs belges publient dans leur rapport, quelques documents originaux cruciaux qui impliquent tant le gouvernement belge que le gouvernement congolais dans ces péripéties :

Il existe cinq messages qui ont été envoyés par l’intermédiaire de canaux belges ou par des autorités belges à propos du transfert de Lumumba au Katanga. Il s’agit du message par lequel le  commissaire Kandolo (intérieur) demande aux autorités katangaises , par l’entremise de Lahaye  (conseiller belge de Kandolo), d’autoriser le transfert (14 janvier)  , de la communication de cette demande par l’ambassadeur de Belgique Dupret au ministère belge des affaires étrangères, à destination du consulat général à Elisabethville (14 janvier), de la réaction du ministère des Affaires africaines  à cette communication (16 janvier), de l’information de l’agent de renseignements belge Crokart aux affaires étrangères à propos du transfert (17 janvier) et de la réaction des Affaires étrangères à cette information (18 janvier).

On constate que le Collège des commissaires généraux par le canal du commissaire à l’intérieur, Kandolo demande aux autorités katangaises de recevoir Lumumba et que cette demande est appuyée par le ministre belge des Affaires africaines, monsieur Harold d’Aspremont Lynden.

Voici la Chronologie de la période qui précède le transfert, elle apporte beaucoup d’informations sur la responsabilité des uns et des autres

Lundi 9 janvier 1961

Léopoldville

Selon un message adressé à Bruxelles par l’agent de renseignements Crokart, Mobutu a marqué son accord sur le transfert de Lumumba au fort de Shinkakasa (une prison située dans le Kongo central), où la surveillance sera plus aisée et le danger de contamination parmi la population quasi nulle. Les commissaires généraux restent hostiles à la libération de Lumumba et l’on peut s’attendre à ce qu’ils quittent le pays si le prisonnier devait être libéré.

Seul Bolikango évoque la possibilité d’un gouvernement, dont il serait le Premier ministre et Lumumba, le ministre des Affaires étrangères. Pongo, incarcéré à Stanleyville, a été en contact téléphonique avec Stanleyville : Gizenga serait disposé à échanger ses prisonniers contre Lumumba, okito, Finant et Fataki.

Elisabethville

Six cents soldats lumumbistes de l’ANC-Lundula occupent la cité minière de Manono dans le Nord-Katanga. Ilunga y proclame la province de Lualaba, qui est loyale envers Gizenga ; cet événement dominera l’actualité les jours suivants.

Mardi 10 janvier 1961

Paris

Entretiens entre, d’une part, Bomboko et, d’autre part, Rothschild (diplomate belge), sur le rétablissement des relations diplomatiques entre le Congo et la Belgique.

Bruxelles

Le cabinet des Affaires africaines demande à Lahaye (conseiller belge de Kandolo) et Marlière (conseiller belge de Mobutu), qui sont à Brazzaville, d’empêcher tout prix » que Lumumba soit échangé contre des prisonniers de Gizenga.

Mercredi 11 janvier 1961

Paris

Les entretiens entre Bomboko et Rothschild débouchent sur un accord relatif au rétablissement progressif des relations diplomatiques entre le Congo et la Belgique. On ne sait pas si le cas de Lumumba a été évoqué. Pour Bruxelles c’est l’accord des modérés qui prévaut et, dans ce scénario, Lumumba n’a pas sa place.

Léopoldville

Selon un message adressé à Bruxelles par l’agent de renseignements Crokart, le commissaire Kandolo est parti pour Boma « en vue de préparer le transfert de Lumumba au fort de Shinka comme prévu ».

Le 13 janvier, le chef de la Sûreté de l’Etat belge fera savoir aux Affaires étrangères que « le transfert de Lumumba vers Boma s’avère irréalisable par suite de la désorganisation militaire du détachement de Boma et de l’exiguïté du fort de Shinka. Une autre solution devra être recherchée ».

Elisabethville

Dans un entretien avec Tshombe, Delvaux (connu plus tard sous le nom de Mafuta Kizola), émissaire de Léopoldville, propose une alliance militaire entre l’ANC-Mobutu, la gendarmerie katangaise et l’armée Kalonji. Tshombe marque son accord sur l’organisation d’une conférence militaire à Elisabethville, mais demande la présence personnelle de Mobutu à celle-ci. On attribue à Delvaux un rôle important dans les négociations entre Léopoldville et Elisabethville concernant l’affaire Lumumba. Delvaux est arrivé à Elisabethville le dimanche 8 janvier et il rentrera à Léopoldville le lundi 16 janvier. Il est accompagné du major Jacques Puati, aide de camp de Mobutu.

Vendredi 13 janvier

Léopoldville

Dans la nuit du 12 au 13, une mutinerie éclate aux camps militaires de Thysville. Kasa-Vubu, Mobutu, Bomboko et Nendaka (Responsable de la sûreté nationale) se rendent au camp Hardy (où Lumumba est détenu) dans la matinée afin de parlementer avec les soldats.

Les prisonniers politiques, à l’exception de Lumumba, seraient sortis de leurs cellules afin de s’entretenir avec Kasa-Vubu…les quatre dirigeant quittent le camp Hardy à 16h pour rentrer à Léopoldville. Selon Nendaka (note à l’enquête des parlementaires belges) la cellule de Lumumba aurait été ouverte mais Lumumba n’aurait pas osé sortir en raison de l’hostilité d’une partie des soldats.

Dans son numéro du 14 janvier, -qui est disponible dès le 13 janvier-, l’hebdomadaire Présence congolaise tire la sonnette d’alarme. Des partisans de Lumumba se prépareraient à attaquer la capitale entre le 21 et le 25 janvier afin de libérer Lumumba. Le journal présente un programme de redressement dont le troisième point est libellé comme suit : « transférer Lumumba à Elisabethville. C’est pour sécurité personnelle et l’ordre public dans la province de Léo. Le transfert de Lumumba n’est donc pas une opération dont seuls des conjurés s’entretiennent en coulisses. En outre cet article a été écrit avant la mutinerie.

Samedi 14 janvier

Léopoldville

La mutinerie à Thysville et peut-être également l’article paru dans Présence congolaise sèment la panique à Léopoldville. « On » craint que la libération de Lumumba et son retour politique ne soient imminents.

Kasa-Vubu ordonne par écrit à Nendaka d’entreprendre les préparatifs nécessaires en vue de l’éloignement des prisonniers politiques du camp Hardy. Au nom du collège des commissaires généraux, Kandolo (intérieur) insiste auprès du président Tshombe pour que Lumumba soit transféré au Katanga. Sa demande est envoyée par radio de Brazzaville à Elisabethville par Lahaye (conseiller belge). Il est 15h32 (14h32 à Léopoldville et Bruxelles) lorsque le message est enregistré à Elisabethville.

Brazzaville

L’ambassadeur belge à Brazzaville, Dupret, informe les Affaires étrangères à Bruxelles de la demande de Kandolo. Il demande de transmettre celle-ci au consulat à Elisabethville et ajoute -à l’intention d’Elisabethville : « il vous paraitra sans doute indiqué appuyer opération envisagée et insister auprès autorités katangaises. »

Dimanche 15 janvier

Léopoldville

Dans la matinée, Kasa-Vubu demande à Youlou (président de Congo Brazzaville) par lettre, l’autorisation de transférer des prisonniers à Bakwanga via Brazzaville. La réponse est négative. La demande de Kasa-Vubu signifie-t-elle que Léopoldville ne dispose pas encore de l’accord d’Elisabethville ? ou que Tshombe a réagi de façon négative ?

Lundi 16 janvier

Elisabethville

A 9 heures, selon une déclaration du ministre Delvaux faite à l’agence Belga le 17 janvier, Kasa-Vubu et Tshombe ont un entretien téléphonique. La conversation porte, toujours selon ce même communiqué de presse, sur la conférence de la Table ronde. Peut-on imaginer que ces deux hommes politiques n’aient pas abordé la question du transfert de Lumumba ? Tshombe a-t-il donné son accord ?

Léopoldville

Dans l’avant-midi, vers 10heurs, a lieu ne réunion au siège de la Sabena/Air Congo à l’aéroport de Ndjili. En présence de Nendaka et de Lahaye (conseiller belge de Kandolo, commissaire général à l’Intérieur). On règle les préparatifs en vue du transfert de Lumumba à Bakwanga et, si des troupes de l’ONU se trouvent à cet endroit, à Elisabethville qui n’a formulé aucune réserve à cet égard. On pourrait supposer que Tshombe a déjà donné son accord à ce moment. Il est difficile de dire pourquoi Léopoldville donne la préférence à Bakwanga. Serait-ce dû au fait que Kalonji a accepté en premier lieu d’accueillir le prisonnier ?

Après midi

Léopoldville

Le plan du voyage prévoit que Nendaka doit se rendre à Thysville à 14h afin de préparer le transfert. Nendaka ne s’y rendra probablement que plus tard dans l’après-midi mais, en tout état de cause encore le 16 janvier.

Bruxelles.

En fin d’après-midi, vers 17 heures, le ministre belge des Affaires africaines, Aspremont, décide d’entreprendre une démarche. Il enverra un message personnel au président Tshombe afin d’insister pour que le transfert de Lumumba s’effectue dans les plus brefs délais. Son collaborateur, Fernand Vervier, rédige le texte. On adresse un télex au consul général à Elisabethville Crener afin de le prier de le remettre à Tshombe. Le cabinet informe également l’ambassade de Belgique à Brazzaville de cette démarche.  C’est probablement le consul général Crener lui-même qui le remet à Tshombe le soir du 16 janvier.

Mardi 17 janvier

Thysville-Lukala-Moanda

Très tôt le matin, un DC-4 Air Congo quitte Léopoldville pour Moanda. A bord se trouvent les commissaires Kazadi et Mukamba. A Moanda, ils attendent l’arrivée de Nendaka qui doit amener Lumumba. Nendaka est déjà parti dans l’après-midi du 16 janvier à Thysville pour y préparer le transfert.il passe la nuit dans un hôtel. Nendaka veille à ce que Lumumba, Maurice Mpolo et Joseph Okito soient transférés de Thysville à Moanda.

A Moanda, contrairement au plan prévu, Nendaka est attendu par deux commissaires, Ferdinand Kazadi et Jonas Mukamba. Ce dernier n’est donc pas parti en DC-3 pour Bakwanga comme prévu. La destination n’est plus Bakwanga, mais Elisabethville.

Ici je vous propose la confrontation qui a eu lieu le 25 juin 2001 entre Mukamba et Nendaka devant les enquêteurs belges :

Pour Nendaka : « Kazadi et Mukamba étant de ministres, il est faux de prétendre que c’est moi qui leur ai indiqué l’endroit où il fallait emmener les prisonniers. En outre ces deux ministres ne se trouvaient pas comme par hasard à l’aéroport de Moanda, ni à bord de l’avion à destination d’Elisabethville avec les prisonniers. »

La version de Kazadi et Mukamba, est bien sûr différente, c’est la version reprise par Brassinne (10), pour ces deux commissaires généraux, l’ordre de transférer les prisonniers à Elisabethville aurait été donné par Nendaka, au moment même de la prise de contact avec Mukamba à qui il remettait les prisonniers, ce matin du 17 janvier à Moanda, Mukamba et Kazadi ne devenant que les exécutants de l’ordre de Nendaka, ignorant jusqu’à l’arrivée de ce dernier la destination finale.

Lors de la confrontation, les deux sont restés sur leur position. Ils se rejettent l’un l’autre la décision d’envoyer les prisonniers à Elisabethville.

Le DC-4 s’envole pour Elisabethville avec à son bord Lumumba et deux de ses codétenus. Dans l’appareil se trouvent également, outre les membres de l’équipage, les commissaires Kazadi et Mukamba et une escorte composée de trois militaires. Nendaka rentre à Léopoldville.

A 16h00, heure locale, le DC-4, dans lequel les trois prisonniers ont été constamment battus, arrive à l’aéroport de Luano, à Elisabethville.

Responsabilité du gouvernement à Léopoldville (gouvernement congolais l’époque) selon les enquêteurs belges :

Lumumba est livré à ses ennemis par le régime de Léopoldville. C’est du moins en ces termes que l’on parle en général du drame qui s’est déroulé entre le 14 et le 17 janvier 1961. Le mot « livré » peut cependant susciter un malentendu. Soyons très clairs disent les enquêteurs : qui demande le transfert de Lumumba vers le Katanga ? Léopoldville ou le Katanga ? La réponse est sans équivoque. Ils ne disposent d’aucun élément probant indiquant que le Katanga ait demandé qu’on lui livre Lumumba. En revanche, entre le 1er décembre 1960 – jour où Lumumba a été fait prisonnier par les troupes de Mobutu – et le 14 janvier 1961 Léopoldville adresse au moins trois demandes au Katanga. Tshombe donne tout d’abord un accord peu enthousiaste mais sera ensuite réticent voire défavorable à l’idée d’un transfert. Sa réponse est du genre « oui, mais » ou « oui, mais pas maintenant ».

Le 14 janvier 1961, Tshombe n’est toujours guère – sinon pas-disposé à consentir au transfert de Lumumba. Cet élément est important pour interpréter correctement le télex du ministre d’Aspremont du 16 janvier 1961.

Si les enquêteurs affirment que c’est Léopoldville qui demande le transfert, ne peuvent-ils pas dès lors identifier les protagonistes avec plus de précision ? Qui prend les décisions à Léopoldville, il ressort des informations dont ils disposent que presque tous les dirigeants congolais souhaitent le transfert et que la décision en soi ne pose aucun problème. Le président Joseph Kasa-Vubu donne l’ordre à Nendaka de faire le nécessaire pour le transfert des prisonniers (14 janvier) et demande au président Youlou d’accepter qu’on les fasse transiter par Brazzaville pour les transférer à Bakwanga (15 janvier). Un communiqué du gouvernement katangais (18 janvier) précise explicitement que le transfert a eu lieu à la demande du président Kasa-Vubu.

Le collège des commissaires généraux demande à Kasa-Vubu de faire transférer Lumumba (14 janvier). Justin Bomboko, le président de ce collège (équivalent de premier ministre), endosse la responsabilité du transfert vis-à-vis des Nations unies (20 janvier). Il a déjà adressé auparavant une demande de transfert à Tshombe. Damien Kandolo, commissaire aux Affaires intérieurs, adresse, au nom de ses collègues, une requête à Tshombe (14 janvier). Ferdinand Kazadi, commissaire à la Défense, et Jonas Mukamba, le commissaire aux Affaires sociales, accompagnent Lumumba à Elisabethville et marquent ainsi leur accord sur cette opération. A Elisabethville, Albert Devaux, ministre du gouvernement fantôme Ileo, plaide aussi pour le transfert. Victor Nendaka, le chef de la Sûreté de l’Etat, organise le transport de Lumumba.

Seul le rôle de Joseph Mobutu, chef d’état-major de l’ANC, apparaît moins clairement. Mais il ne fait aucun doute que le colonel est favorable au transfertIl a déjà marqué son accord sur un transfert à Boma (9 janvier), son conseiller Marlière est cité comme « contact » dans le document de Lahaye contenant l’itinéraire (16 janvier) et Puati, aide de camp de Mobutu, aurait plaidé pour le transfert à Elisabethville. Le quotidien L’Essor du Katanga souligne, dans son numéro du 18 janvier, que le transfert « s’est opéré en accord avec le colonel Mobutu afin de mettre Lumumba en sûreté ».

Il est évident que les autorités de Léopoldville-Kasa-Vubu, Mobutu, Bomboko et les commissaires généraux-souhaitent toutes le transfert de Lumumba.

Quel est le rôle des conseillers belges à Léopoldville, en particulier Louis Marlière et André Lahaye, dans la décision de transfert ? les dirigeants congolais ont- ils agi de leur propre initiative ou y ont-ils été incités par leurs conseillers belges ?

Il est clair que les conseillers belges ont insisté pour un transfert au KatangaLe rôle des conseillers belges dans l’exécution logistique et opérationnelle du transfert est déterminant. La communication avec Elisabethville a notamment lieu par le biais du poste radio de Marlière. Lahaye est le conseiller omniprésent de Kandolo et Nendaka, qui occupent des postes clés pour l’opération : les Affaires intérieures et la Sûreté de l’Etat. L’itinéraire établi par Lahaye témoigne de l’efficacité de la contribution belge dans l’élaboration d’une opération difficile.

La mort de Lumumba

La version officielle propagée par les autorités katangaises à partir des 10-13 février 1961 ne résiste pas à l’analyse. En effet l’évasion de Lumumba, Okito et M’polo de la villa où ils étaient prisonniers, leur capture par des villageois et leur mort violente ; cette version du gouvernement katangais était déjà considérée à l’époque comme un scénario visant à dissimuler la nature véritable des événements ; Dans son étude, Brassinne a retrouvé suffisamment de documents pertinents attestant qu’il ne peut y avoir le moindre doute quant au fait que la version officielle est un mensonge (10).

La commission d’enquête des Nations unies est arrivé en 1961 à la conclusion suivante, qui pourrait être qualifiée de vague, mais il faut tenir compte des conditions difficiles dans lesquelles s’est réalisée son enquête, qui ne recueillit guère les faveurs belges, congolaises et katangaises :  le trois détenus auraient été tués le 17 janvier 1961 après leur arrivée, dans une villa d’Elisabethville (maison Brouwez) , et très probablement sous les yeux de certains membres du gouvernement de la province de Katanga, notamment MM.Tshombe, Munongo et Kibwe. Les soupçons pèsent lourdement sur un certain colonel Huygue, mercenaire belge, qui serait le véritable meurtrier de M. Lumumba et qui aurait perpétré son crime selon un plan prémédité avec complicité d’un certain capitaine Gat, mercenaire belge lui aussi. Quant à MM. Okito et M’Polo, on ne voit pas clairement qui les a tués en fait, mais es indications reçues permettent de penser qu’ils ont été tués en même remps que M. Lumumba.

La première étude sérieuse relative à la mort de Lumumba, parue en 1966 a été réalisée par Heinz te Donnay, des pseudonymes pour Gérard-Libois et Jacques Brassinne. Dans cet ouvrage, la version selon laquelle Lumumba était mort dans la maison Brouwez à la suite des sévices était considérée comme la plus crédible. A cette époque, il n’était pas encore question, dans les différentes versions qui circulaient d’une exécution dans la brousse à quelques 50 km de la ville d’Elisabethville. Le premier à avoir fait état d’une telle exécution est le journaliste Walter Geerts, dans son étude Binza 10, parue en 1970. Il a fait un récit exclusif mais sobre de cette exécution, en se fondant sur les déclarations d’un témoin de la fiabilité duquel il se porte garant (l’avocat Alexander Belina conseiller de Tshombe). C’est cette dernière version, mais de façon beaucoup plus détaillée, que Brassinne a finalement consacrée comme la plus crédible des événements dans sa thèse de 1990 (10).

Quelles que soient les versions que peut-on conclure de la mort de Lumumba ?

Selon les enquêteurs belges :

Le destin de Lumumba ne s’inscrit pas dans un plan annoncé dès le discours du 30 juin 1960. L’assassinat qui s’opère le 17 janvier est le résultat d’une cristallisation de forces, d’une concentration d’enjeux et d’un concours de circonstances, éléments réunis en janvier 1961.

A défaut de documents qui renseigneraient directement sur les intentions des uns et des autres, et sur un plan explicite de l’assassinat du 7 janvier 1961, engageant tous les acteurs, il n’est pas possible de statuer d’une façon décisive sur les responsabilités précises de chacun.

Les enquêteurs distinguent trois groupes d’acteurs qui ne sont pas à considérer comme des groupes homogènes : les autorités de Léopoldville, les instances gouvernementales belges à Bruxelles et plus précisément les départements des Affaires africaines et des Affaires étrangères, et les autorités katangaises. S’il existe une communauté d’intérêts dans un sens général (mettre un terme à ce qui se présentait à eux comme la menace lumumbiste), il n’y a pour autant pas identité des motivations.

Si, pour le transfert, il existe incontestablement un plan soutenu par les trois groupes d’acteurs, en ce qui concerne l’assassinat, on ne peut pas déceler de plan avoué. Toutefois, les autorités de Léopoldville, assistées de leurs conseillers belges, ayant organisé le transfert, celles de Bruxelles l’ayant recommandé, aucune d’elles n’a exclu la possibilité de la mort qui pourrait découler de cette situation. Le résultat ne nécessitait pas de complot explicite. Les autorités de Léopoldville et de Bruxelles n’ont d’ailleurs pas pris des mesures pour l’éviter. Pour elles, la sécurité de Lumumba était subornée à d’autres intérêts.

Après avoir marqué leur accord pour le transfert de Lumumba, les autorités katangaises ont perpétré son assassinat. Même si on ne peut pas préciser le moment ni les circonstances exactes dans lesquelles les autorités katangaises ont décidé de tuer Lumumba et ses compagnons d’infortune Okito et M’polo, on ne peut que qualifier d’assassinat prémédité le crime organisé de façon méthodique.

Pour compléter l’enquête faite par les experts belges, je vous propose maintenant à la version de l’historien Ndaywel publiée dans « la nouvelle histoire du Congo » (3), cette version me semble aussi légitime car écrite par un chercheur africain, et devra contribuer à une relecture de notre histoire par les fils de la RDC. Que dit Ndaywel : « Le 17 janvier 1961, Lumumba avec ses deux compagnons d’infortune conduits à Moanda où ils prirent place à bord d’un DC-4 qui les conduit à Elisabethville. Pendant le vol l’escorte, animée de sentiments de vengeance, s’acharna sur eux, leur faisant subir un traitement inhumain et dégradant, malgré la présence des deux commissaires généraux qui les accompagnaient, F. Kazadi et J. Mukamba. »

« Dans la soirée de leur arrivée, leur exécution qui eut lieu vers 22h45, dans un terrain vague, à une demi-douzaine de km de la gare de Tshilatembo, sur le chemin de Mwadingusha, n’était pas uniquement le fait du président Tshombe et de ses ministres Kitenge, Munongo et Kibwe qui y assistaient, de même que le commissaire de police Sapwe et sans doute aussi le ministre Kimba ; elle était l’aboutissement d’une politique méthodique de Bruxelles, New York et Washington, soutenue par des complicités kinoises. Dès le lendemain, on s’appliqua à cacher au peuple congolais l’histoire de la mort de leur grand leader, de plusieurs manières : par la stratégie macabre de dilution dans l’acide sulfurique des cadavres et la mise en scène d’une fuite de prisonniers qui les aurait conduit au massacre des villageois ; puis par l’enlisement volontaire des travaux de la commission d’enquête de l’ONU, par le maquillage des ramifications des multiples complicités grâce à des alibi individuels et institutionnels savamment construits , comme le révèlent -en partie, il est vrai-les travaux de la commission de la chambre des Représentants de Belgique sur l’assassinat de Patrice Lumumba (2001)… »

Conclusion

Pour conclure je cite Lumumba : « l’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité ».

Les jeunes de la RDC de 7 à 77 ans devraient apprendre l’histoire de ce grand et beau pays au centre de l’Afrique et qui doit jouer son grand rôle comme l’a prédit Franz Fanon…

Le Chef de l’Etat de la RDC, Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo, a déclaré le 14 décembre 2020 que la patrie témoignera de sa reconnaissance au héros national dont on aura procédé au rapatriement des reliques. Je lui demande de faire entrer l’Etat congolais dans l’histoire en reconnaissant la responsabilité du pouvoir congolais de l’époque dans son assassinat et de celui de ses compagnons et de mettre en place une commission constituée des historiens, politologues, sociologues et autres experts congolais, pour la relecture de cette page de notre histoire avec objectivité, comme le souhaite aussi Juliana Lumumba au nom de la famille du héros national (6).


Fait à Rosoy (France), le 14/03/2021
Tonduangu Kuezina Daniel
Médecin spécialiste en réanimation médecine intensive
Passionné de l’histoire de la RDC
Texte relu et augmenté par Jean-Jacques Wondo

Références bibliographiques

[1] CRISP : Le Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP) est un organisme/think-tank indépendant de recherche fondé à Bruxelles en 1958 par Jules Gérard-Libois ; présidé par Vincent de Coorebyter, dirigé par Jean Faniel et Pierre Blaise. Le CRISP a pour objet l’étude de la décision/activité politique, économique et sociale en Belgique et dans le cadre européen  (Maison Brouwez/JJ Wondo).

[2] Jean-Omasombo, Patrice Lumumba : Acteur Politique. De la prison aux portes du pouvoir. Juillet 1956 – février 1960 ? L’Harmattan, 2005, p.12

[3] En réaction à l’agression belge, le gouvernement congolais réclame l’intervention des troupes de l’ONU le 12 juillet 1960. Le 14 juillet, le Conseil de sécurité vote la résolution 143, qui décide de la création de la force militaire de l’ONUC (Opération des Nations unies au Congo) afin d’assister les nouvelles autorités nationales congolaises à pacifier le pays et à réformer son armée. Cette mission des Nations unies au Congo est la première grande mission de cet organisme pour le maintien de la paix. Les casques bleus de l’ONUC sont recrutés essentiellement dans des pays afro-asiatiques. Précisons aussi que La rupture des relations diplomatiques avec la Belgique est décidée après consultation entre Lumumba et Kasa-Vubu.

[4] Le Monde, 4 et 12 octobre 1960.

[5] Jean Omasombo Tshonda, Lumumba, drame sans fin et deuil inachevé de la colonisation, Cahiers d’études africaines, 2004, p.244.

[6] Guy Aundu Matzanza, Politique et élites en RD Congo, Academia, Louvain-la-Neuve, 2015.

Bibliographie sélective

  1. Ludo de Witte, L’assassinat de Lumumba, Paris, Karthala Editions Racines, Belgique, 2005.
  2. François Ryckmans. Il y a 60-ans l’assassinat de Patrice Lumumba un crime politique avec des responsabilités belges. https://www.rtbf.be/info/monde/afrique/detailid=10674305.
  3. Luc de Vos, Emmanuel Gerard, Jules Gérard-Libois, Philippe Raxhon, Les secrets de l’affaire Lumumba, Racines, Belgique, 2000.
  4. Isidore Ndaywel è Nziem, Nouvelle histoire du Congo. Des origines à la République Démocratique, Le cri Afrique Editions Histoire, Bruxelles, 2009.
  5. Jean-Claude Wilamme, Patrice Lumumba, la crise congolaise revisitée, Karthala, Paris, 1990, 496 pages.
  6. Marianne Meunier, « Patrice Emery Lumumba, enquête sur l’assassinat d’un héros national », https://www.la-croix.com/Monde/Patrice-Lumumba-enquete-lassassinat-dun-heros-national-2021-01-08-1201133816.
  7. David Van Reybrouck, Congo. Une histoire, Actes sud, Paris, 2012, 711p.
  8. Tshipamba Mpuila François. Massacres de Bakwanga : Réhabilitation de Patrice Lumumba. Forum UDPS Belux, Belgique, 2006.
  9. Cléophas Kamitatu, La grande mystification du Congo-Kinshasa, Edition complexe avec l’accord des éditions Maspero, 1973.
  10. Jean Omasombo, Patrice Lumumba : Acteur Politique. De la prison aux portes du pouvoir, Juillet 1956 – février 1960, L’Harmattan, Paris, 2005.
  11. Jean-Pierre Langellier, Mobutu, Perrin, Paris, 2017.
  12. Jean Omasombo. Lumumba, Drame sans fin et deuil inachevé de la colonisation, Cahiers d’études africaines, 2004.
  13. Guy Aundu Matzanza. Politique et élites en RD Congo, Academia, Louvain-la-Neuve, 2015.
  14. Picard Maurin, Ils ont tué Monsieur H, Seuil, Paris, 2020.
  15. Jacques Brassine, Enquête sur la mort de Lumumba, thèse inédite, ULB 1990.
  16. Heinz et H. Donnay., Lumumba Patrice. Les cinquante derniers jours de sa vie, CRISP, Bruxelles,1966.
2

2 Comments on “Inédit – Le complot et l’assassinat de P. E. Lumumba : quid de la responsabilité du pouvoir congolais de l’époque ? – Dr Daniel Tonduangu”

  • Aujourd’hui la lumière éclaire cette sombre page qui y a des décennies que une bonne partie des gens cherchaient a savoir la vérité de l’assassinat du feu premier ministre Patrice Emery Lumumba.
    Notre génération est éclairée
    La Belgique ne doit pas seulement endommagé la famille de Lumumba
    Mais aussi les compagnons de Lumumba polo et okiti tués peu avant Lumumba
    Ainsi que les autres actes que les belges ont commis sur le sol congolais.
    Nul ignore la torture infligée aux congolais
    Ainsi notre histoire ne sera pas écrite a Bruxelles
    Ni a Paris
    Plutôt a Kinshasa et sur l’ensemble du territoire national par les congolais eux mêmes…

  • Dr BETU KABATUSWA TONTON BAKE

    says:

    Très édifiant. La relecture de l’histoire de l’Afrique et particulièrement du Congo RDC par ses propres fils est une nécessité absolue surtout pour les générations futures. Inpeuple sans histoire est monde sans âme dit-on. Merci Dr Tonduangu .
    Dr Betu Tonton Bake.

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