Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 02-06-2015 12:30
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Il y a 39 ans disparaissait le capitaine Jean Omanyundu – Récit d’une tragédie – JJ Wondo Omanyundu

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Capitaine Omanyundu, Commandant d'(Instruction au Centre d'entrainement de de Kitona (Kongp-Central) en train de superviser un exercice de drill militaire des recrus de l'ANC - 1970 ( Album familial)

Il y a 39 ans disparaissait le capitaine Jean Omanyundu

Récit des tragédies familiales et d’une armée

Jean-Jacques  Wondo Omanyundu

En ce jour du 2 juin, la famille Omanyundu commémore les 39 ans de la disparition tragique de leur père, Jean Omanyundu Okitandjeka, à la suite d’un mystérieux accident de circulation, au niveau du Pont Matete à Kinshasa, après avoir été quelques mois plus tôt victime d’un même type d’accident de circulation. Les circonstances de cet accident sont restées non élucidées à ce jour.

Arlon, 1960 : Le Capt Jean Omanyundu, en arrière plan avec des lunettes, en train de suivre un exercice militaire
Arlon, 1960 : Le Capt Jean Omanyundu, en arrière plan avec des lunettes, en train de suivre un exercice militaire

Qui était Jean Omanyundu ?

Tetela originaire de Lodja dans le Sankuru, le Capitaine Jean Omanyundu fut un des premiers sous-officiers congolais de la force publique, promus officiers à l’indépendance de la RDC en 1960 avec le généraux Singa Boende, Basuki, Ambroise Malu-Malu, Bobozo, etc. A la même époque, leurs jeunes frères d’armés : Eluki, Paul Mukobo, Ipoma, Ilela, Vuadi, Raymond Omba (mon oncle paternel, ancien secrétaire particulier de Mobutu et l’actuel président de la commission défense et sécurité du parlement), etc. seront les premiers congolais envoyés à l’Ecole royale militaire pour y suivre une formation d’officier.

Compte tenu de leurs niveaux d’instruction élevés, ils furent les tout premiers sous-officiers congolais de la Force publique puis de l’ANC d’avoir bénéficié du programme de formation accélérée permettant à quelques sous-officiers, triés sur le volet, de passer vers le rang d’officier au lendemain de l’indépendance afin de suppléer la carence des officiers. Ils iront suivre une formation accélérée à l’Ecole d’infanterie d’Arlon au sud-est de la Belgique à la frontière avec le Grand-Duché de Luxembourg.

Le capitaine Jean Omanyundu était tour à tour un des tout premiers instructeurs congolais à l’Ecole des gradés d’élite de Luluabourg (Kananga- Voir photo du titre de l’article), puis au Centre d’Entraînement de Kitona (CEKI) devenu par la suite Base Militaire (de l’OTAN) de Kitona (BAKI) dans le Bas-Congo en compagnie du général Basuki. Il fut également Commandant en second de la Région Militaire de Léopoldville aux côtés du Général Singa Boende au camp Kokolo (ex-Camp LéopoldI I), où j’ai passé mes premiers jours de vie. Il coachera un groupe de jeunes diplômés de l’ERM revenus de leur formation, parmi lesquels, le futur général Eluki Monga, dont l’épouse d’origine autrichienne était la marraine de ma sœur, Scholastique Akatshi Odito Omanyundu.

Une des premières victimes de la saignée des cadres opérée sur les forces armées par Mobutu

Jean Omanyundu fait partie de cette élite militaire congolaise à faire les frais de la politique destructive de l’armée congolaise mise en place par Mobutu, aidé par ses frères tribaux.

Après les événements de 1960, Iean Omanyundu sera contraint d’écourter son séjour en Belgique, à la suite de l’assassinat du Premier ministre Patrice Emery Lumumba en janvier 1961. En effet, ayant appris cette tragique nouvelle, il provoquera une mini insurrection depuis son lieu de casernement à Arlon. Il va se fracturer volontairement une jambe pour se mettre en indisponibilité physique et justifier son retour au Congo, où il se disait être utile pour la patrie afin de se battre aux côtés des nationalistes. Sa proximité socioethnique et politique avec Lumumba, lui valut des déboires avec le régime Mobutu. La suite de sa carrière d’officier au sein de l’ANC puis des FAZ fut un pénible parcours du combattant, qui n’affecta pas seulement l’intéressé, mais aussi toute sa famille que nous étions.

Nous avons personnellement connu une enfance et une vie très pénibles, passant parfois des journées entières sans manger entre 1976 et 1978, à une époque où l’on mangeait à sa faim trois fois par jour au Zaïre (RDC), à la suite de la disparition inopinée de notre père. Très peu de temps après le décès de mon père, ma mère qui travaillait à l’époque (elle a toujours travaillé toute sa vie, fait rare dans un pays où la majorité de femmes était au foyer), au super marché de luxe Tembe na Tembe du Groupe Litho Moboti, un parent de Mobutu, était licenciée. Nous nous sommes retrouvés seuls à la maison, alors que les dimanches étaient des jours de la fiesta avec la grande famille et les amis de papa. Il faut l’avoir vécu pour mesurer le degré de la peine de cette solitude indescriptible. J’avais huit ans à l’époque, mes jeunes frères Jean-Désiré Omanyundu  (Ottawa) et Serge Welo Omanyundu, avaient respectivement 6 ans et 4ans et 7 mois. Il nous a fallu développer chacun une résilience hors pair, grâce à une maman très active, travailleuse acharnée – paix à ton âme maman Anto – pour nous construire nos parcours individuels actuels différenciés, Dieu aidant. C’est durant cette période, tôt dans la vie, que j’avais personnellement pris conscience et la ferme résolution, enfant que j’étais dans mon inconscience, de prendre en main non seulement le destin de ma vie, mais de m’occuper de ma mère et de tous mes frères et sœurs. Ultra turbulent et hyperactif que j’étais jusqu’à la mort de mon père, j’ai du jour au lendemain connu une adolescence introvertie, voulant un moment aller poursuivre mes études au Petit séminaire. Finalement, c’est au Collège Elikya (St Joseph) à côté de Sainte-Anne, à Kinshasa, que je vais jeter tous mes efforts pour suivre des humanités scientifiques en Math-Physique, la seule voie pour moi de réaliser mon voeu d’enfance susmentionné…

En effet, la carrière militaire de Jean Omanyundu fut parsemée de toutes sortes d’embûches et d’épines du fait de sa sympathie lumumbiste très affichée. Ce qui fit de lui une des premières victimes de la perversion du régime Mobutu : incarcérations sans motifs valables, rétrogradations, retraits non justifiés de solde, mutations disciplinaires sans fondement opérationnel et autres humiliations. Il finira par jeter l’éponge et quitter les FAZ en 1974, au moment où presque tous ses camarades de formation étaient promus officiers supérieurs ou généraux. Il entamera une courte carrière civile qui s’arrêtera brusquement un certain 2 juin 1976, car victime d’un accident mortel de circulation, au niveau du Pont Matete, dont les circonstances exactes ne seront jamais élucidées jusqu’à ce jour.

Un nombre important d’officiers de grande valeur, sortis de meilleures écoles militaires du monde, pour qui la République avait consenti d’énormes efforts financiers pour leur formation[1], feront également partie des victimes d’épuration effectuée au sein des FAZ par Mobutu durant la même période. Les détails se trouvent dans notre ouvrage Les Armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC.

On peut citer l’affaire L’affaire du « coup monté et manqué » ou des « conspirateurs », en 1975,  dont une majorité d’officiers Tetela-Kusu, proches de mon défunt papa, les généraux Otshudi et Fallu, le Colonel Raymond Omba Pene Djunga, le major (actuellement général ) Katsuva wa Katsuvira, le très redoutable major Mpika (actuellement aux Etats-Unis) qui m’appelle de temps en temps pour m’encourager, etc.

Ils seront tous condamnés à une triple peine capitale, commuée à la prison à vie, puis relégués dans leurs villages après avoir été détenus dans des prisons souterraines pour certains ou à Angenga pour d’autres, suite à de fortes pressions diplomatiques, notamment des Etats-Unis. Ils seront tous renvoyés des FAZ et verront tous leurs biens confisqués, à l’exception du colonel Omba. S’agissant de ce dernier, me confiait lors d’une rencontre à Londres en 2010, le Colonel ‘Codo’ (lire commando) Bernard Kambala Kamudiabi, ancien diplomate et ancien instructeur commando à la DSP : «La perversion machiavélique de Mobutu était telle que pour arrêter le colonel Omba et lui ôter ses galons, Mobutu m’avait chargé d’accomplir cette mission. Moi qui étais le subalterne fonctionnel direct du colonel OMBA et bénéficiais de sa part d’un traitement équivalent à celui d’un père envers son fils ». Le colonel Kambala m’avoua que ce fut l’un des jours les plus horribles de sa carrière d’officier, commando qu’il était. D’autant que lorsqu’il exécutait l’ordre du « Léopard », il était intimement convaincu de l’innocence de son chef direct. Le colonel Kambla m’a raconté cet extrait de sa carrière, environ 35 ans après sa survenance avec une émotion telle que l’on croirait que les faits s’étaient déroulés récemment !

Depuis cette affaire, Mobutu aurait ordonné, via un décret confidentiel, de refuser toute inscription aux grandes académies militaires occidentales des jeunes Kusu-Tetela. Un décret dont je serai quelques années plus tard un victime, lorsqu’il sera question pour moi, Jean-Jacques Wondo Omanyundu, de passer le concours d’admission à l’ERM. Les détails de cette histoire, digne d’une fiction, se trouvent  dans mon ouvrage susmentionné.

Le président Mobutu continuera l’anéantissement et la mise à mort de l’armée quelques années plus tard. Officier formé sur le tas, les jeunes officiers formés dans les grandes académies militaires lui faisaient peur. Tribaliste, il se méfiait des militaires qui n’étaient pas originaires de sa tribu. Sa DSP (Division Spéciale Présidentielle) ne sera formée que de la majorité des ressortissants de l’Equateur et quelques élus du haut-Zaïre![2]

En mars 1978, il montera de toutes pièces le procès dit des ‘terroristes au terme duquel il fera tuer 13 jeunes brillants officiers, quelques civils dont le député et homme d’affaire Matanda (le père de l’activiste Jacques Matanda), l’homme d’affaires Kudia Kubanza, ancien Auditeur Général et Directeur Administratif et Financier de matanda et Buryaba.

Pour rappel en février 1978, une vague d’arrestations des officiers est opérée à Kinshasa et dans les garnisons de l’intérieur du pays. La majorité des prévenus avaient la particularité commune d’être formés à l’Ecole Royale Militaire belge. Et comme c’était souvent le motif à l’époque, ils étaient accusés d’«atteinte à la sûreté intérieure de l’État en connivence avec la Belgique ». Parmi les prévenus, il y avait le Major Kalume Kahamba, collègue et ami de promotion à l’ERM de l’ancien président burundais Jean-Baptiste Bagaza, présenté comme étant le cerveau du complot, le Colonel Biamwenze, le Colonel Mwepu, le Lieutenant-colonel Mwehu, le Lieutenant-colonel Tshunza, le Lieutenant Colonel Ir Kalonda, le Major Panubule et le Capitaine Fundi furent condamné à mort et exécuté avec tous ses compagnons d’armes. Ils étaient au total 17 officiers, à l’exception d’une femme Adjudant-chef Brigitte Kisonga, la sœur de l’ex-ambassadeur de Laurent-Désiré Kabila à Bruxelles, Monsieur Albert Kisonga Mazakala, qui verra sa peine de mort commuée en détention à perpétuité à cause de son état de femme, puis graciée. Les familles des victimes furent empêchées d’organiser le deuil. Tous leurs biens furent saisis.

Durant cette période de la deuxième moitié des années 1970, l’antenne des « services de renseignement de Bruxelles, dirigée par M. Honoré Ngbanda Nzambo, était la plaque tournante européenne  des activités intenses et clandestines dans le domaine de renseignement, d’espionnage et de traque des opposants, des tous étudiants boursiers de l’Etat zaïrois ainsi que d’autres étudiants proches des milieux de l’opposition. Cette antenne dépendait directement du très influent indéboulonnable conseiller spécial de Mobutu, M. Seti Yale.

Certains chefs militaires s’approprièrent cyniquement leurs maisons et jetèrent sans compassion les familles des défunts dehors. La veuve Kalume sera gardée en résidence surveillée jusqu’après la mort de son mari. Elle connut par la suite une forte dépression et frôla la folie. Depuis son exil à Bruxelles, la veuve du lieutenant-colonel Ir Kalonda, que nous avons longtemps côtoyée durant les années 1990, connut quasiment le même sort que sa consœur d’infortune veuve KALUME et ne s’en est jamais remise. Certains de leurs enfants ont développé, peut-être à vie, des séquelles post-traumatiques suite à cet épisode noir des FAZ.

Et, comme il n’y a plus grand supplice que les supplices moraux, voici celui subi par le fils Tshunza, né deux mois après l’assassinat de son père : Le petit Tshunza, à qui sa mère avait caché la mort traumatisante de son père, écrit à Monseigneur Monsengwo, le Président de la Conférence Nationale et Souveraine ce qui suit : «  De jour en jour, d’année en année, j’attendais le retour de ce Monsieur Mon Papa, pour qui, en regardant ses photos, j’avais une fierté et une grande admiration. Ce Vaillant militaire de la grande force Armée Zaïroise qui reviendrait un jour, dis-je à mes copains du collège, et sera décoré comme les vaillants militaires. Ce jour-là est venu où Mon papa est revenu, Monsieur, par la bouche de l’enfant d’un haut Dignitaire (comme ils sont surnommés jusqu’à ce jour dans un pays où les pilleurs d’etat, les politiciens criminels en col blanc sont appelés Excellences, Honorables…) de notre pays, j’ai cité le fils Loponda. Ce jour-là, je commentais pour un ami la punition qu’on venait d’infliger à l’enfant Lomponda. Ce dernier ayant appris cela, m’a abordé assez brusquement aux sorties des toilettes en me disant exactement ceci, je cite : Hé ! c’est toi qui raconte que j‘ai été puni pour avoir amené le journal Paris-match, tu veux que je te frappe maintenant, fait bien attention petit. D’ailleurs, c’est toi qu’on appelle Tshunza. Je lui réponds : Oui. Il me dit : Ton père était un assassin, il a failli tuer MOBUTU, c’est pourquoi il l’a fait tuer[3] ».

MOBUTU profitera de ce coup de balai pour renvoyer 752 Officiers et Sous-officiers de l’armée dont un Général, sept colonels, 20 Lieutenant-colonels, 23 Majors, 60 Capitaines, 85 Lieutenants, 76 Sous-lieutenants, 125 Adjudants-Chefs, 131 Adjudants de première classe et 224 Adjudants! On les appellera des “enveloppés”, car on leur remettait une enveloppe contenant une simple lettre de renvoi de l’armée au mépris des règlements militaires et des droits de l’homme. Ils seront majoritairement ressortissants des deux Kasaï et des provinces de l’Est du pays[4].

J’ai réalisé deux entretiens avec le médecin colonel Jean-Marie Tepatondele, premier médecin militaire zaïrois diplômé de l’ERM. Le Dr Tepatondele était généralement requis d’office sur les lieux d’exécutions, en sa qualité de médecin militaire, pour établir le constat de décès des militaires condamnés à mort et passés par les armes. Il était âgé de 28 ans à l’époque des faits.

Il m’a avoué avoir conservé un souvenir horrible de la cruauté bestiale avec laquelle le major Kalume et ses compagnons d’infortune furent exécutés ; ainsi que d’autres exécutions politiques successives auxquelles il a assisté durant sa traumatisante carrière de médecin militaire des FAZ. Ne supportant plus cette torture professionnelle psychologique et morale, il va finir par s’exiler en Belgique vers les années 1980. Notons que la plupart des officiers exécutés étaient ses collègues de promotion ou de formation à l’ERM. Un épisode macabre de sa vie qui produit en lui inévitablement un cauchemar psychologique digne des films d’Alfred Hitchcock. Mais fort heureusement, me confia-t-il, il a appris à consacrer ses temps libres à faire de la musique, en jouant à la guitare dont j’ai eu l’agréable privilège d’écouter quelques subtiles mélodies. Une manière pour lui d’adoucir, autant que faire se peut, ce marquage psychologique indélébile aux sons de coups de feu, dont on ne peut sortir que terrifié à vie.

Le léopard Mobutu poursuivra la serie de purges au cours des années suivantes et qui ont vidé la hiérarchie de l’armée de la quasi-totalité des officiers de Bandundu, du Kasaï et du Shaba. C’était le début de la fin de l’armée congolaise. Et ce que nous vivons aujourd’hui ne sont que les métastases de la pathologie introduite par Mobutu dans les rangs. A cette période, plusieurs conseillers spéciaux, cadres militaires et hommes politiques qui prétendent aujourd’hui avoir le monopole de l’opposition politique radicale ou de la « résistance »mangeaient, buvaient, festoyaient et rigolaient avec Mobutu, ne se préoccupant même pas de la mise à mort de l’armée, tant que leurs intérêts personnels ou géo-sociaux n’étaient pas touchés.

Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC

[1] Général Célestin Ilunga Shamanga, La chute de Mobutu et l’effondrement de son armée, Canon One Stop Shop, Afrique du Sud, 1998., p. 32.

[2] Colonel Raymond Omba Pene Djunga, Coup Monté et Manqué: une voie de sanctification, Editions Shomo, Collection Ethique et Politique n°1, Kinshasa, 2005, p.59.

[3] Actes du CNS, 1992.

[4] Colonel Raymond Omba Pene Djunga, Coup Monté et Manqué: une voie de sanctification, Editions Shomo, Collection Ethique et Politique n°1, Kinshasa, 2005, p.59.

Addendum : Que signifie Omanyundu en langue Tetela ?

Pourquoi les anciens du Sankuru parlent-ils souvent de Osombo Omanyondo ?

Par Lambert Opula

Il nous semble utile de savoir qui était cet homme et qu’avait-il fait pour demeurer vivace dans notre mémoire collective ? Telle était la question qui  m’a été posée par un des nôtres.

Je ne dispose d’aucun document sur ce personnage important de notre histoire. Ainsi, vais-je vous conter un recit-synthese des traditions qui circulaient sur lui aux temps de mon enfance chez-nous. Sur deux pages, je relate d’abord ce que j’avais entendu, ensuite je livre une humble considération personnelle sur le profil que nous inspire sa mémoire. Je tenterai de qualifier le lien qui existerait entre le rôle de le Omanyondo, héros historique et le jeune Serge Welo Omanyondo avant de  laisser a chacun le soin de tirer sa propre conclusion sur le personnage, la voie demeurant toutefois ouverte à d’éventuels remarques voire correctifs.

Honorable Serge Welo lors du vote du Bureau de l'Assemblée nationale en RDC. Il sera invalidé le lendemain
Palais du peuple 2012: Honorable Serge Welo Omanyundu lors du vote du Bureau de l’Assemblée nationale en RDC. Il sera invalidé le lendemain. Photo Jeune Afrique

Le récit tiré des traditions

A l’aube du siècle passé, il vivait dans la chefferie de Lutshimba,  en terres sankuroises de Lodja, un homme grand de taille, agile et très fort de caractère. Sa réputation était connue dans toutes les contrées environnantes, notamment dans le secteur d’Eduwo-Piete. En ces années-là, les souvenirs de la conquête de l’actuel territoire de Lodja par Kandolo, un lieutenant Osambala de Ngongo Leteta, étaient  en passe d’être oubliés. Les agents envoyés par un roi belge du nom de Léopold II, venaient d’arriver dans la région. Les Bulamatari, comme on les appelait, avaient vite fait de suspendre l’autorité des  auxiliaires Asambala établis par le pouvoir pro-Arabes régenté entre autres par Mulosa et Mulenda. Depuis qu’ils ont ouvert le bureau de Lodja en 1903, les Bulamatari ont instauré un autre régime de terreur : les impôts en nature, le portage, les cultures obligatoires, la chicotte (mfimbo) et la prison dont la plus terrifiante était celle de Lusambo (lokanu la shushi).

Les Bulamataris qui prétendaient avoir libéré les Atetela d’un pouvoir réputé esclavagiste auront vite fait de le substituer à une autre, qui régna plutôtm par la terreur.

C’est en ces temps-là que, révolté contre l’ordre exécrable qui s’est emparé de la contrée, Osombo Omanyondo, sans sonner l’alerte,  quitta le village pour s’engouffrer dans la forêt avec arc et flèches. Il y avait-là, au bord d’un chemin habituellement suivi par les agents territoriaux et leurs hordes de policiers aux ceintures bourrées de menottes, un gros arbre à échassiers dont le tronc était en creux. L’impétueux gravit le tronc par ses parois internes et s’arrangea un lit de fortune en hauteur, d’où il ouvrit un trou en direction du chemin souvent emprunté par les Bulamatari.

Des mois durant, cet homme faucha force agents administratifs, policiers et autres auxiliaires du pouvoir léopoldien. En vain, plusieurs pelotons des pandores et policiers ratissèrent le secteur. L’entrée de la cachette était discrète et l’homme avait préalablement constitué une réserve des vivres. N’ayant confié son secret ni à un chef local, ni à un proche, les multiples sévices des Bulamatari  contre les villageois de la chefferie de Lutshimba et  du secteur Eduwo-Piete (les trois fusionneront par la suite) ne purent rien. Personne ne connaissait même l’identité de l’impétueux. Pendant tout ce temps de recherche, l’homme continuait à faucher des policiers et autres auxiliaires imprudents.

Par un jour, un ancien ou un chasseur, pense-t-on,  parla. Les Bulamatari apprirent l’existence d’un grand arbre au tronc creux à l’intérieur duquel un épouvantail pouvait se cacher et faire mouche sur des passants. C’est pourtant là que se trouvait cet ennemi de l’ordre blanc décrit par ces dernier comme un vilain meurtrier en série. L’information valait plus d’un sous pour être négligée. Au crépuscule, une escouade renforcée fit route par une voie détournée  vers le repère indiqué. Les résidus des produits ingérés et l’odeur des déjections seront les derniers traîtres dont l’effet scella le sort de l’insurgé. Cerné et coincé, l’homme de Lutshimba n’avait plus d’autre choix que de se rendre. Capturé, torturé et humilié, c’est manu militari qu’on le conduisit au centre de détention de Lodja, d’où il va être acheminé à Lusambo, la ville-prison. Allez-y me dire que sa famille le revit de retour. Jamais !…Ne dit-on pas à Lodja : « Menaka Lusambo» ?

Regard sur le profil laissé par le  personnage

Comme nous le remarquons, le profil d’Osombo Omanyondo intrigue. Il existe, certes, une quasi-certitude : il était vraisemblablement un homme farouchement jaloux des libertés individuelles etcommunautaires. Il se serait rebellé contre l’oppression léopoldienne. Mais, était-ce un révolutionnaire ? Essayons de répondre par l’affirmative, mais, quel est ce révolutionnaire qui couve seul le mobile de sa lutte ? Osombo Omanyundu ne s’était confié à personne pour révéler et vulgariser le fondement sociopolitique de sa lutte. Il ne montre aucune trace de leadership car il n’avait ni entraîné des gens (le peuple) dans son action, ni manifesté une alliance avec un groupe (une classe) quelconque. Etait-ce un brigand solitaire ? Probablement pas celà parce qu’il ne s’attaqua point aux intérêts de ses frères. Ses cibles étaient uniquement les symboles du pouvoir léopoldien.

Osombo Omanyondo aurait donc été un héros singulier de la résistance contre la pénétration coloniale. Il n’aurait pas été dans le  style de Ngongo Leteta, un chef de guerre autoritaire, ayant montré un fort désir de contrôle des territoires et ce stratège qu’on a vu monter des stratagèmes dans sa tentative d’achat des fusils auprès des Azombo (en provenance d’Angola) à Malanji wa Nshinga chez le chef Kalamba Mukenge des Lulua, dans l’ultime objectif de s’affranchir de la tutelle arabe.

Si Ngongo Leteta était un conquérant qui, dôté d’équipements offerts, gueroya la plupart du temps sn faveur d’une ou l’autre puissance extérieure, Osombo Omanyondo, lui a été un combattant patriotique, un insurgé solitaire. 

Par sa stratégie, Osombo Omanyondo n’annonce pas Lumumba. Le premier agit énergiquement, mais seul, à l’ignorance de ceux dont il incarne la révolte, le second galvanise les masses qu’il  soulève parfois avant de les faire exprimer politiquement aux élections démocratiques. Cependant, tous les deux, Ngongo Leteta y compris, ont connu le même destin, celui des ennemis de l’empire : une peine capitale, expéditive pour Ngongo, formelle pour Osombo Omanyondo et informelle pour Lumumba.

Par son refus catégorique de la sujétion qui jaillit dans une réaction violente  contre le pouvoir regnant, Osombo Omanyondo va au-delà de Ngongo Leteta, parce qu’il refuse de coopérer en attendant l’occasion d’abattre l’occupant, alors que, tour à tour, Ngongo a pactisé avec les pouvoirs occupant successifs (arabe, puis belge) avant de les bouder et chercher à s’en défaire. Osombo Omanyondo attaqué avec les moyens à sa disposition, au paroxysme de la sujétion, peu importe leur infériorité (technique ou numérique) dès lors qu’il juge sa cause juste. Quoi qu’il en soit, il n’atteint pas la stature d’un Lumumba qui couve un idéal, conscientise les damnés de leur état d’exploités et se  les donne comme alliés objectifs dans sa croisade libératrice.

Enfin, plus près de nous, il y a une étoile montante : Serge Welo Omanyondo, le bourreau de Paul Kagame, le président du Rwanda. La question n’est pas de savoir si oui ou non, le jeune patriote congolais Serge Welo est de la lignée directe du héros Osombo Omanyondo, mais plutôt d’observer le lien tant souvent évoqué entre le nom et la personnalité d’un homme.

Montréal 2005. Coaché par JJ Wondo, Serge Welo parvient à déjouer le dispositif sécuritaire de P. Kagame qu'il traita de responsable de la mort des 6 000 000 des congolais à moins de 5 mètres de l'intéressé.
Montréal 2005, Serge Welo parvient à déjouer le dispositif sécuritaire de P. Kagame qu’il traita de responsable de la mort des 6 000 000 des congolais à moins de 5 mètres de l’intéressé.

Je reste convaincu que ce récit retenu des traditions orales entendues dans l’enfance pourra être amélioré par une éventuelle recension de la littérature.

Lambert Opula
Ville de Laval, Québec, Canada.

 

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3 Comments on “Il y a 39 ans disparaissait le capitaine Jean Omanyundu – Récit d’une tragédie – JJ Wondo Omanyundu”

  • Germain nzinga

    says:

    Cher Jean-Jacques, je viens de lire le récit pathétique de la vie et du décès de feu papa. Il doit avoir été un homme d’honneur, prêt à mourir pour ses convictions. Fasse le ciel que son fils honore sa mémoire dans la défense des intérêts de notre pays pour lequel papa se rendait prêt à donner sa propre vie. Duc in altum! Longonia à papa et que son âme repose en paix!

  • Jacques

    says:

    Merci pour les informations sur les personnes qui nous sont chères.
    Jacques

    • DE COEUR AVEC VOUS . LES ELUS DE DIEU PASSENT PAR DES DIFFERENTES EPREUVES NECESSAIRES A LEUR FORMATION SPIRTUELLE, MORALE ET PHYSIQUE POUR COMPR3ENDRE ET MIEUX ACCOMPLIR LEUR MISSION SUR TERRE. EN LISANT L’HISTOIRE DE VOTRE FAMILLE , REMERCIEZ LE BON DIEU QUI VEILLAIT SUR VOUS PENDANT DES ANNEES. VOTRE CHERE MERE EST UNE VRAIE COMBATTANTE DE LA LUMIERE , UNE HEROINE QUI S’EST SACRIFIEE POUR UNE CAUSE NOBLE CELLE D’ELEVER SES ENFANTS AVEC LE PEU QU’ELLE POUVAIT AVOIR. VOTRE PAPA EST MORT , CERTES MAIS A TRAVERS VOUS SES ENFANTS IL EST TRES FIER DE VOUS. LA MEILLEURE VENGEANCE ETANT LE PARDON, CEUX QUI ONT COMMANDITE SA MORT, COMMENT ONT ILS FINI LEUR VIE.

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