Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 18-09-2020 08:45
4580 | 0

Géopolitique : La mauvaise gouvernance illustrée par l’exemple de Blaise Compaoré – Sephora Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
France's President Francois Hollande (L) greets Blaise Compaore, President of Burkina Faso, in the courtyard of the Elysee Palace at the start of the Elysee Summit for Peace and Security in Africa, in Paris, December 6, 2013. Forty-two representatives, including presidents and heads of government take part in the two-day summit. REUTERS/Benoit Tessier (FRANCE - Tags: POLITICS) - RTX166LS

Le Burkina Faso est un Etat qui est situé en Afrique de l’Ouest avec une population de plus de 20 millions habitants. Le pays est membre de différentes organisations intergouvernementales telles que l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Union Africaine (UA), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) etc.

La position géographique/géopolitique centrale du Burkina Faso

Le Burkina Faso est un des pays africains qui comptent le plus de voisins directs notamment le Niger, le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Mali. Le pays a peu près 3200 km de frontières avec ces pays qui sont pour la plupart situés dans des zones peu peuplées. Vu que le Burkina Faso n’est pas en conflit territorial avec ses voisins, cela fait qu’il n’y a pas de présence militaire dans les zones frontalières[1]. Le Burkina Faso a une position géographique stratégique qui joue à sa faveur dans une optique militaire pour la stabilisation de la région du Sahel, qui est confronté à une montée d’un islam radical.

Le Burkina Faso est un état-pivot car il a longtemps bénéficié d’une stabilité politique ; mais aussi grâce à son emplacement, il fait le pont entre l’Afrique francophone et le Ghana anglophone[2]. C’est un État pivot dont l’atout est de jouer un rôle d’influence et régulateur à un niveau plus global dans les relations régionales, en raison de son emplacement géographique stratégique – au centre du sahel avec six Etats frontaliers – de sa diversité démographique et religieuse (chrétiens, musulmans, animistes) et de ses structures étatiques et administratives jusqu’il y a peu plus stables que la plupart de ses voisins. Ainsi, le Burkina Faso présente des atouts et d’importants facteurs structurants de la géopolitique régionale du Sahel et peut influencer positivement la stabilité dans les pays voisins. Cela explique pourquoi la France tient à entretenir des relations privilégiées avec le Burkina en vue de s’implanter durablement dans la région pour exécuter sa politique régionale.

La position géographique centrale du Burkina dans le Sahel

La période postcoloniale

Maurice Yaméogo, qui était le premier président de la république Haute-Volta, avait signé un accord avec le général De Gaulle, le 11 juillet 1960 qui a permis que le pays sorte de la colonisation française. Le 5 août 1960, le Burkina Faso accède à l’indépendance.

Durant la période coloniale et jusqu’au milieu des année 1980 le pays s’appelait le Haute-Volta. Arrivé au pouvoir le 4 août 1983, à la suite des manifestations populaires et d’un coup d’état, le capitaine Thomas Sankara décide le 4 août 1984 de changer le nom en « Burkina Faso » qui veut dire « le Pays des Hommes intègres ». La période postcoloniale était assez turbulente pour le Burkina Faso qui a connu plusieurs coups d’états et des putschs. Maurice Yaméogo fut remplacé par Sangoulé Lamizana par un soulèvement populaire. Sangoulé Lamizana a présidé le pays de 1966 jusqu’au coup d’état qui a eu place le 25 novembre 1980. C’est alors là que le colonel Saye Zerbo dirige le pays mais son régime n’a pas tenu coup pour longtemps. Encore une fois un coup d’état met fin à un régime présidentiel. Cette fois-ci ce sont deux hommes qui viennent au pouvoir notamment le médecin commandant Jean-Baptiste Ouédraogo qui devient la tête de l’État et le capitaine Thomas Sankara qui sera la tête du gouvernement. Il y a eu un conflit entre ces deux hommes-ci et Thomas Sankara organisa un putsch contre Ouédraogo. Sankara deviendra président du pays qui s’appellera le Burkina Faso. Le pays a aussi connu une guerre de petite ampleur et qui n’a pas duré longtemps contre le Mali. C’était la guerre de la bande d’Agacher qui s’est déroulée en décembre 1985.

En effet, cette période fut assez importante pour la politique africaine de la France dont le Burkina Faso est devenu une sorte de pré-carré de la géopolitique dans la région, dans le cadre de ce qu’on appelle la Françafrique. Il s’agit d’une pratique stratégique géopolitique de la France qui lui permettait de maintenir une influence tutélaire dans la zone ouest-africaine dans un contexte de la Guerre Froide. Dans ce cadre, le Burkina Faso a bénéficié de soutien de la France qui tenait aussi à avoir une influence économique sur le « pays des hommes intègres » en faisant faire dépendre l’économie de ce pays de la France par le moyen de la CFA. Cela exigeait entre autres un droit de regard français sur les autorités de ce pays et un droit d’immixtion sur sa politique interne. C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’émergence politique de Blaise Compaoré au Burkina Faso en succession par coup d’état de Thomas Sankara, considéré comme un rebelle­­­ par le monde occidental et surtout la France.

Le régime de Blaise Compaoré

Le régime de Blaise Compaoré a été marqué par une dictature militaire fragile qui était aussi un ­­ semi-autoritaire[3]. Durant ses mandats, il n’y a jamais eu vraiment une installation de la démocratie malgré le fait que la vie politique semblait libre. Son régime reposait sur trois éléments principaux, à savoir l’armée, un parti politique et la chefferie coutumière[4]. Selon  International Crisis Group, ces éléments ont permis à Compaoré de garantir une stabilité relative du pays en conservant un contrôle suffisant sur la société civile et la politique sans subir une contestation forte de l’opposition. Le fait que le Burkina Faso compte plus de 70 partis politiques jouait en faveur de Blaise Compaoré, mais constituait un handicap pour l’opposition qui ne parvenait pas à se rassembler.

Il est à noter que Blaise Compaoré a laissé ‘assez’ de liberté aux organisations de la société civile et les a impliquées dans des alliances et aussi des compromis politiques. Il est parvenu à faire ce que ses prédécesseurs n’ont pas pu accomplir en faisant de sorte que le pays soit plus ou moins le plus stable de la région. Vu le passé militaire de Blaise Compaoré, cela se traduisait dans sa manière de gouverner le Burkina Faso, c’est-à-dire suivant l’approche de la « planification stratégique »[5]. Ces dispositions convenaient bien à la politique française.

Thomas Sankara et Blaise Compaoré

Blaise Compaoré est arrivé au pouvoir en 1987 après l’assassinat de Thomas Sankara. Son accession au pouvoir a été probablement facilité par la France, l’ancien président libyen (Mouammar Kadhafi) et l’ancien président Côte d’Ivoire notamment Félix Houphouët-Boigny. Ces derniers toléraient de moins en moins la politique « révolutionnaire » de Thomas Sankara et auraient aidé Compaoré à réaliser son putsch.

L’assassinat du journaliste Norbert Zongo, qui a eu lieu en 1998, est le tournant qui a marqué le déclin du régime de Blaise Compaoré[6]. Zongo enquêtait sur le meurtre du chauffeur de François Compaoré, le frère du président. Cet assassinat avait engendré une grave crise sociopolitique qui avait fait vaciller le régime, en raison d’importantes manifestations populaires obligeant le président obligeant le président Compaoré à entreprendre des réformes, dont la limitation des mandats présidentiels. Compaoré[7].

Cependant, Blaise Compaoré a réussi à fractionner et à fragiliser l’opposition en débauchant ses opposants et en les faisant bénéficier des avantages politiques, sociaux, matériels ou financiers. Durant les années 1990 et 2000, le régime Burkinabé a été caractérisé par un système hybride qualifié de régime semi-autoritaire marqué par la coexistence des libertés politiques avec des éléments d’un régime autoritaire[8].

Les multiples mandats présidentiels de Compaoré ont été marqués par la corruption, le trafic d’influence, la répression, les inégalités et l’impunité. Malgré les fréquentes révoltes populaires contre ces pratiques, Compaoré a toujours trouvé un moyen de les réprimer pour se maintenir au pouvoir. Sauf lorsqu’il tentera de modifier l’article 37 de la Constitution burkinabé, limitant le nombre de mandats présidentiels. Il fera face à un énorme soulèvement populaire auquel se joignit l’armée qui le poussa à quitter le pouvoir le 30 octobre 2014.

[divider height= »30″ style= »default » line= »default » themecolor= »1″]

Kitenge Séphora Wondo Omanyundu
Bachelor
Sciences-Po – Aix-en-Provence (France)

[divider height= »30″ style= »default » line= »default » themecolor= »1″]

Références

[1] Le Burkina Faso en ligne. (s. d.). Consulté à l’adresse http://www.planete-burkina.com/.

[2] Wondo, J.-J. (2016, janvier 21). Géostratégie : La main noire américaine invisible derrière la révolution burkinabé ? : Quelle itinérance pour la RDC ? – DESC – Défense & Sécurité du Congo – Wondo & Sécurité du Congo – Wondo. Consulté à l’adresse https://afridesk.org/geostrategie-la-main-noire-americaine-derriere-la-revolution-burkinabe-itinerance-rdc/.

[3] International Crisis Group, Rapport Afrique n° 205, « Burkina Faso : avec ou sans Compaoré, le temps des incertitudes », 22 juillet 2013, p. 13.

[4] International Crisis Group, Rapport Afrique n° 205, « Burkina Faso : avec ou sans Compaoré, le temps des incertitudes », 22 juillet 2013, p. 13.

[5] Burkina Faso : avec ou sans Compaoré, le temps des incertitudes Rapport Afrique de Crisis Group N°205, 22 juillet 2013.

[6] Frere, M.-S., & Englebert, P. (2015). Briefing: Burkina Faso–the Fall of Blaise Compaore. African Affairs, 114(455), 295–307. doi:10.1093/afraf/adv010.

[7] https://www.voaafrique.com/a/burkina-l-assassinat-du-journaliste-norbert-zongo-toujours-dans-les-memoires/4944782.html.

[8] Hilgers, M. (2010). Evolution of political regime and evolution of popular political representations in Burkina Faso. African Journal of Political Science and International Relations, 4(9), 350-359.

0

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DROIT & JUSTICE | 23 Sep 2025 08:26:08| 164 0
RDC : Jean-Jacques Wondo dépose plainte en Belgique pour menace de mort
Il y a dix jours, un journaliste congolais critique du régime Tshisekedi a été violemment agressé à Tirlemont. “Les menaces… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 08:26:08| 649 0
Un hommage poignant de JJ WONDO à sa fille MAZARINE WONDO en ce jour d’anniversaire, malgré l’injustice de son incarcération
"Joyeux Anniversaire à la très inspirée et exceptionnelle MAZARINE WONDO. Je t'envoie plein de Bisous,d'Amour et de Bénédictions. Nous sommes… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 08:26:08| 1531 0
RDC : Dossier Jean-Jacques Wondo, la défense contre-attaque et démonte toute l’accusation
Le dossier de la téléphonie sur lequel repose l’accusation apparaît comme un enorme montage pour accuser l’expert belge. Le procès… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 08:26:08| 780 0
HONORABLE PATRIOTE SERGE WELO OMANYUNDU DANS NOS COEURS
Ce 5 novembre 2024, cela fera un an que le Député Honoraire Serge Welo OMANYUNDU nous a quittés.Nous, sa famille… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK