Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 26-10-2017 10:00
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Élections après 2018 : Nangaa concrétise le glissement et offre un mandat gratuit Kabila – JB Kongolo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Élections après 2018 : C. Nangaa concrétise le glissement et offre un mandat gratuit à Joseph Kabila

Par Jean-Bosco Kongolo

Ce qui avait été longtemps annoncé et/ou dénoncé par les analystes de DESC est maintenant chose faite : le fait accompli laborieusement préparé par un groupe de jouisseurs de la République pour octroyer à Joseph Kabila un mandat gratuit dénommé « glissement ». Pour y parvenir, tous les moyens (institutionnels, humains et matériels) ont été mis à contribution avec le consentement tacite ou exprès des uns mais aussi surtout, avec la naïveté des autres. La CENI, que nous n’avions cessé de qualifier de service technique de la présidence en matière électorale est sortie du bois pour confirmer l’aboutissement de la  collusion qui avait déjà merveilleusement fonctionné entre elle, la MP et la Cour constitutionnelle[1].

Face à tous ces actes constitutifs de violation de la Constitution, celui qui était censé être le garant du bon fonctionnement des institutions observe intentionnellement un silence qui ne signifie autre chose qu’un défi lancé au peuple congolais et, pourquoi pas, à la communauté internationale de le faire partir. Mais, entre temps, sur base de quoi va-t-il diriger la République pendant la transition et sur quels soutiens internes et externes compte-t-il? La passation pacifique du pouvoir est-elle encore possible? Si non, de quels moyens le peuple congolais dispose-t-il pour lui indiquer la voie de sortie? Quelle serait l’attitude de la communauté internationale au cas où les Congolais parviendraient seuls à régler ce problème? Enfin, quelle sera l’attitude et l’avenir de ces députés et sénateurs congolais, aussi hors mandat, qui par leur silence, sont devenus complices de cette forfaiture ? Ce sont toutes ces questions qui seront examinées dans la présente analyse, en rappelant à l’intention de l’opinion publique le chemin parcouru pour aboutir au glissement.

1. Le machiavélisme au service du glissement 

Même si le « glissement » n’est qu’un moyen et non l’objectif ultime à atteindre, y être arrivé n’a pas été facile pour les stratèges de la MP et pour leur autorité morale qui, pour les besoins de la cause, ont dû appliquer les principes de Machiavel. En termes simples, « Le machiavélisme désigne dans le langage courant une conception de la politique prônant la conquête et la conservation du pouvoir par tous les moyens, y compris la manipulation. »

Sans aller dans les détails de l’œuvre de Machiavel, on peut noter ce qui suit : « De l’œuvre pourraient être retenues ces citations :

-« Car la force est juste quand elle est nécessaire »,

-« Si tu peux tuer ton ennemi, fais-le, sinon fais t’en un ami », ou encore

-« Sur cela s’est élevée la question de savoir s’il vaut mieux être aimé que craint, ou être craint qu’aimé ? On peut répondre que le meilleur serait d’être l’un et l’autre. Mais, comme il est très difficile que les deux choses existent ensemble, je dis que, si l’une doit manquer, il est plus sûr d’être craint que d’être aimé. » On ne retient souvent de la philosophie politique de Machiavel que cet aspect d’absence de scrupules, cette idée que « la fin justifie les moyens ». Le machiavélisme est associé à un éloge du cynisme et de la manipulation en politique. C’est particulièrement vrai concernant les chapitres XV à XXII du Prince, qui énoncent de manière froide les moyens de conserver le pouvoir (par exemple, l’exécution brutale, cruelle et publique des opposants, pour frapper les esprits et décourager la contestation de l’autorité du Prince).[2]

Arrivé au pouvoir par la « fenêtre », dans les conditions demeurées opaques jusqu’à ce jour, Joseph Kabila a réussi à conserver le pouvoir en bénéficiant et en usant de la manipulation, de la force, de la violence et de tous les moyens non légitimes qui heurtent normalement les consciences même dans les pays qui lui apportent leurs soutiens. Et ce n’est pas le député belge Louis Michel, son parrain politique, qui nous dira le contraire.

-Déjà lors des premières élections pluralistes de la jeune Troisième République, Joseph Kabila obtint de la Haute autorité des médias(HAM), dirigée à l’époque par le Sénateur Modeste Mutinga, l’annulation du duel télévisé jamais vécu par le souverain primaire et qui allait faire éclater au grand jour ses limites intellectuelles face au colosse Jean-Pierre Bemba.[3] Par cet acte et grâce à la complicité de la commission électorale de l’abbé Malu Malu, Joseph Kabila parvint à conserver le pouvoir.

-Grâce à la majorité arithmétique déjà mise en place, qui regroupait au Parlement des applaudisseurs sans idéologie n’ayant rien en commun[4], Joseph Kabila, alerté par le retour sur scène du plus redouté opposant, Etienne Tshisekedi, fit modifier la Constitution en supprimant le second tour du scrutin présidentiel. Le résultat, tout le monde le connaît : J. Kabila fut proclamé gagnant grâce aux tripatouillages des chiffres et sans se gêner de conserver le pouvoir avec juste 48% de voix.

-Ainsi fut conçu le plan du « glissement » qui a connu plusieurs étapes se succédant les unes aux autres, véritables ballons d’essai lancés pour tester la réaction de l’opposition et de l’opinion publique en général. Parmi ces plans, il convient de citer l’ouvrage pseudo-scientifique intitulé « Révision de la Constitution ou inanition de la nation » de M. Boshab (alors Ministre de l’Intérieur du gouvernement Matata Ponyo II), les diverses tentatives de révision de la Constitution, le retour en sur scène de l’abbé Malu Malu curieusement soutenu par les confessions religieuses autre que la sienne : l’église catholique. Ce dernier élabora malicieusement la fameuse feuille de route électorale qui suggérait la mise sur pied d’un cadre juridique permettant de subordonner les élections au recensement préalable de la population. D’où, curieusement, la mise en service du monstre juridique dénommé Office National d’Identification de la population(ONIP), créé par Décret n° 011/48 du 3 décembre 2011 dont Adolphe Lumanu et Géneviève Inagosi n’osent plus parler aujourd’hui.

  • A chaque plan de glissement correspondait une série de réactions les unes plus véhémentes que les autres, selon le degré de provocation du souverain primaire. C’est le projet de loi portant révision de la loi électorale, appelée «  Loi Boshab », qui montra à quel point le peuple congolais tient aux acquis de la démocratie et à l’alternance politique. La répression sanglante et disproportionnée qui s’en suivit de la part des forces de l’ordre (armée et police) était déjà révélatrice de la détermination d’un groupe d’individus de s’accrocher au pouvoir contre vents et marées.[5]
  • Depuis lors, les manifestations de ce genre sont soit carrément étouffées soit réprimées violemment avec à la clé, des arrestations arbitraires et détentions illégales, des parodies de procès, voire des exécutions sommaires. Malgré la complaisance des pays africains, qui viennent de discréditer le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU en soutenant la candidature du Congo-Kinshasa, ce pays demeure la capitale mondiale du viol et d’autres violations massives des droits humains (répressions sanglantes des manifestations, exécutions sommaires, massacres des populations civiles, arrestations arbitraires, tortures, détentions illégales et condamnations des opposants, journalistes et activistes des droits de l’homme, dans le seul dessein de conserver le pouvoir. «  C’est l’histoire d’un alcoolique qui décroche un poste de médecin addictologue dans un centre de sevrage, et qui va travailler tous les jours bourré comme un coing. »[6]
  • En dépit des mises en garde faites par les experts de Desc, les opposants, les prélats catholiques et même la communauté internationale (UA, UE et ONU) se sont laissé manipuler par les concertations et les dialogues qui n’avaient en réalité pour finalité que d’accorder au disciple de Machiavel une rallonge de conservation du pouvoir.

    2. La CENI: organe technique du glissement 

Après l’échec de toutes les tentatives de révision de la Constitution et du recensement de la population, J. Kabila qui avait déjà militarisé et verrouillé l’espace politique, s’est assuré le contrôle total de la CENI en lui confiant la charge du glissement technique. Du retour de Malu Malu à sa succession par Corneille Nangaa, tout a été mis en œuvre pour que même les deux postes réservées à la société civile soient occupés par les proches du pouvoir. A son arrivée, ce dernier déroulera à la perfection le plan de glissement indéfini concocté par la MP, en l’enrobant d’une chape de fausses exigences techniques. Dans une belle analyse de septembre 2016, Alain-Joseph Lomandja Lomema, expert en matière électorale, avait déjà relevé les contradictions de l’actuel président de la CENI et conclut qu’il pesait sur cette institution « un lourd soupçon  de partialité et d’instrumentalisation politicienne. »[7]

Nangaa réussira le coup du plus long appel d’offre internationale pour les kits d’enrôlement des électeurs, de la plus longue livraison des kits (6mois au lieu de 45 à 60 jours comme par le passé) et du plus long processus d’enrôlement des électeurs (plus de 23 mois), avant de sortir de son chapeau de magicien les 504 jours supplémentaires. Tout cela, sans publication du calendrier électoral ou simple chronogramme. Ainsi, d’organe technique, la CENI est devenue le stratège le plus efficace du pouvoir pour une glissade sans fin. Corneille Nangaa n’a même plus honte de se dire « Peugeot 504 ou 700 », en référence au nombre des jours qu’il prétend nécessaires pour l’organisation des élections. Parallèlement, se prépare un referendum destiné à élaguer de la Constitution tous les obstacles vers un règne sans limites. « Des observateurs ne cessaient de s’interroger, lundi 28 septembre, sur l’opportunité de cette législation dont la préparation intervient neuf ans après la promulgation de la Constitution et quatorze mois avant l’expiration du second et dernier mandat de « Joseph Kabila ».                                                                    Tout commence le 30 juillet de l’année en cours lorsque les députés nationaux Lucain Kasongo Mwadiamvita et Simplice Ilunga Monga, membres de la majorité présidentielle (MP), transmettent au président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, la «proposition de loi réécrite et approuvée par le bureau d’études.»[8]

3. Quelle sera la durée pour la transition et sur quelle base le pays sera-t-il gouverné?             

Pour ceux qui sont en mesure de lire entre les lignes et de décrypter le langage non verbal, l’absence de calendrier électoral lors de la récente communication du Président de la CENI, Corneille Naanga, n’est autre chose que le temps nécessaire accordé aux stratèges de la MP de finaliser leur plan diabolique consistant à convaincre le peuple congolais qu’il est le seul à débloquer la crise en tranchant entre une Constitution « à problème » et une nouvelle, « plus souple » à lui proposer. L’introduction du mode de scrutin électronique, dans un pays où l’électricité fait défaut et où l’internet demeure encore un grand mystère même pour des juges chargés de connaître du contentieux électoral (nous savons de quoi nous parlons) procède des mêmes manœuvres dilatatoires. Ce n’est d’ailleurs pour rien que des diplômes de « Licencié en Droit » sont de nos jours gracieusement délivrés aux politiciens de carrière afin de rendre le droit plus facile comme cela a été le cas, il y a quelques années, avec le Lingala. Pas donc étonnant que des provocateurs soient déjà largués sur terrain pour « prêcher » les vertus de la quatrième République sans pouvoir justifier en quoi et pourquoi la troisième République est un échec. «  Sur son compte Twiter, le Directeur-adjoint du bureau du Président de la République a plaidé pour la énième fois en faveur de la révision constitutionnelle afin de hâter la 4è République. Il est inutile de chercher à instaurer la démocratie avec la Constitution actuelle. Nous devons passer à la 4è République. »[9]

Prenant tous les Congolais pour des moutons à mener au pâturage ou à l’abattoir, ceux qui ont mené la nation à cette situation prétendent se fonder sur la Constitution qu’ils n’ont jamais respectée. En prévision d’une énième transition,  J.Kabila, qui ne veut pas disparaître, compte sur sa recette « fétiche » du débauchage des opposants sans envergure, sans conviction ni vision, qui ont en commun avec leurs collègues de la MP, la sauvegarde des privilèges acquis et la crainte d’affronter l’électorat déçu et abandonné à lui-même. D’où, la prudence exige qu’on se méfie autant des uns que des autres, qui entretiennent artificiellement cette crise ou qui en tirent des profits en dépit des discours officiellement tenus et de fausses attitudes publiquement affichées. Ils sont d’ailleurs nombreux dans chaque camp, à l’instar de cet ancien élu de notre circonscription, pour qui le mandat (constitutionnellement déjà échu) n’a servi qu’à agrandir leurs harems de femmes. Comment, dès lors, peuvent-ils être en mesure de mobiliser les foules et de les drainer dans la rue pour revendiquer la démocratie et l’État de droit alors qu’ils continuent de siéger dans des institutions dont le mandat est devenu illégitime et qu’ils sont surtout incapables de renoncer aux avantages qui en sont tirés?

4. Quelle est la capacité de résilience du peuple congolais?

« En physique, la résilience traduit l’aptitude d’un corps à résister aux chocs et à reprendre sa structure initiale. Adaptée à la psychologie, elle désigne la capacité d’un individu à surmonter les moments douloureux de l’existence et à se développer, en dépit de l’adversité. Autrement dit, la résilience consiste à prendre acte d’un traumatisme (deuil, abandon, inceste, violence sexuelle, maladie, guerre), à apprendre à «vivre avec» et à rebondir en changeant de perspective, voire même à se délivrer d’un passé empoisonnant pour en sortir grandi»[10]

Question : « Qui, du peuple et de Joseph Kabila aura le dernier mot? » Réponse : « Historiquement et universellement, il est démontré qu’aucun dictateur n’a réussi à éliminer tout son peuple et à se maintenir éternellement au pouvoir. De même, Joseph Kabila ne pourra jamais réussir à glisser sur tous les 70 ou 80 millions des Congolais. »

Souvent lorsqu’ils invoquent « le peuple », les politiciens congolais ont tous tendance à s’adresser aux catégories de leurs compatriotes désœuvrés, clochardisés, analphabètes, illettrés et étudiants sans avenir certain. Mais ce peuple est aussi composé d’éminents intellectuels, experts dans tous les domaines, qui ne sont presque jamais consultés ou écoutés lorsqu’ils émettent leurs points de vue bien éclairés sur la marche de la nation. On les retrouve dans toutes les composantes de la société civile, en tout cas dans toutes les professions et carrières : magistrats et avocats, médecins et pharmaciens, ingénieurs et artistes, économistes et architectes, religieux et journalistes, etc. Leur méfiance justifiée à l’égard des politiciens majoritairement versatiles, leur manque d’opportunisme et leur désintérêt à l’égard de la chose publique constituent leur seule faiblesse en même temps qu’ils laissent un champ libre à plusieurs aventuriers autoproclamés « Hommes d’État ». Or, il suffit que toutes ces têtes couronnées s’engagent ne serait-ce qu’en éclairant l’opinion à partir de leurs familles ou de leur environnement professionnel sur les enjeux politiques et socio économiques, pour que ce peuple identifie ses intérêts et les personnes qui les défendent réellement.

En effet, ce peuple a déjà montré à plusieurs reprises de quoi il est capable aussi bien pour défendre la nation contre l’ennemi extérieur que pour faire reculer les velléités dictatoriales. Il y a lieu de rappeler la marche des chrétiens le 16 février 1992 pour protester contre la fermeture de la Conférence Nationale Souveraine, la défense de la ville de Kinshasa contre les envahisseurs rwandais en 1998, l’appui matériel et alimentaire accordé aux troupes au front par la population de Goma contre les envahisseurs du M23 ainsi que toutes les résistances opposées jusqu’à ce jour au plan de balkanisation du pays.

Ce qui lui manque à ce peuple, c’est un leadership visionnaire, capable d’anticiper les évènements au lieu de tout le temps les subir, comme c’est souvent le cas. Au moment où à Kingakati on s’apprête à passer à l’étape finale, celle du referendum aux résultats déjà connus à l’avance, l’opposition en est encore à proférer des menaces verbales et d’attendre que Joseph Kabila respecte humblement l’accord de la St Sylvestre, lui qui n’a jamais respecté la Constitution ni sa parole donnée. C’est pourquoi d’ailleurs, tout en clamant haut et fort, urbi et orbi, l’idée d’une transition sans Kabila, personne n’ose soutenir la géniale proposition d’une structure neutre issue de la société civile et dirigée par un personnage rassembleur pour une courte transition afin de permettre aux politiciens de mieux implanter leurs partis à travers le pays, de consolider leurs bases électorales et de se préparer à affronter l’électorat. Le Coordonateur de DESC, Boniface Musavuli, n’a pas tort de parler des opposants/kabilistes et d’affirmer que « Tous les observateurs avisés s’accordent sur le fait que les hommes/femmes politiques au Congo n’ont jamais été aussi bien payés et enrichis que sous Kabila. »[11]

Il risque d’être tard pour les uns et les autres d’assister à un mouvement spontané, interne ou chapeauté par les puissances extérieures, qui viendrait balayer tout le monde et procédant à une recomposition à fond de la classe politique. C’est cette peur de ne pas être associé à la direction de la transition et à la préparation des élections réellement transparentes qui fait le dénominateur commun des deux camps antagonistes. Mais tous oublient qu’aucun peuple n’a pour vocation de demeurer dans la servitude et qu’il faut se méfier d’un peuple longtemps frustré. A ce propos, le sage et très respecté doyen Gilbert Kiakwama ferait mieux de prêcher par l’exemple, à l’instar de l’honorable Martin Fayulu (In Kivu-Avenir, du 21 octobre 2017),  en prenant congé de l’Assemblée nationale où il siège sans mandat ni légitimité. Témoin privilégié de l’histoire politique du Congo, il a raison d’informer Joseph Kabila qu’avant lui, Mobutu avait aussi recouru au « glissement » mais n’y avait pas survécu. « Se référant à l’ancien président haïtien Michel Martelly, l’élu de Mbanza-Ngungu propose au chef de l’Etat soit de démissionner pour ainsi ouvrir la voie à un gouvernement de transition neutre, soit de créer un choc de confiance, en prononçant la grâce immédiate et sans condition, de tous les prisonniers et exilés politiques et d’opinion quel que soit le prétexte dans lequel ils ont été emprisonnés. À l’Opposition congolaise, l’élu de Mbanza-Ngungu, province du Kongo-Central, reconnaît également qu’elle a perdu le bénéfice de l’adhésion spontanée du peuple congolais, que les mots d’ordre et les appels ne suffisent plus. »[12]

Kabila ayant intentionnellement fermé toutes les portes de sortie menant à la passation civilisée du pouvoir, il ne reste plus au souverain primaire, bien encadré, qu’à lui montrer la fenêtre par où il était entré, tel un loup dans une bergerie. Là encore, le sage Kiakwama s’adresse au peuple congolais en ces termes : « Nous sommes bien plus nombreux à vouloir le changement qu’il n’y parait. Malheureusement, nous sommes isolés les uns des autres et désorganisés. A nous maintenant de savoir nous mettre ensemble pour exprimer nos exigences à ces dirigeants qui viennent nous voir. A défaut, suscitons nos propres dirigeants, chargeons-les de faire le boulot. »[13] 

4. Attitude ambiguë de la communauté internationale

Il est vrai que dans le monde moderne aucun État ne peut vivre et se développer en autarcie, mais sur la scène internationale, les intérêts priment sur toutes autres considérations, soient-elles humanitaires. La crise congolaise, prévisible et évitable révèle chaque jour un peu plus le rôle ambigu de la communauté internationale. Cette dernière donne l’impression d’agir en géométrie variable et émet parfois des signaux contradictoires à l’égard des Congolais qui pensent qu’elle peut l’accompagner dans sa détermination à obtenir une alternance d’ici au 31 décembre 2017. L’octroi d’un visa à Lambert Mende, pourtant sous le coup des sanctions de l’Union européenne, est un indice qui remet en cause la bonne foi de cette communauté internationale.

Lorsque chez elles tous les médias et tous les mécanismes de répression sont mobilisés pour condamner des attentats qui emportent quelques uns de leurs citoyens, les puissances occidentales, avec en tête les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité laissent pourrir la situation au Congo d’où elles tirent l’essentiel des minerais stratégiques nécessaires à l’industrie de haute technologie. N’osant pas désigner le principal agent déstabilisateur, elles se contentent d’exhorter du bout des lèvres les Congolais à s’entendre pour organiser les élections de manière consensuelle sachant que les armes qu’elles fabriquent et vendent à leur protégé servent à déstabiliser le pays, à massacrer les populations civiles et à mâter les manifestations pacifiques.

Parallèlement aux sanctions ciblées, officiellement infligées même à des personnalités sans influence, en coulisse des rencontres de haut niveau sont organisées au cours desquelles des marchés sont proposés en échange de la protection du régime décadent. Mais s’il arrive que le peuple congolais fasse preuve de résilience et décide de se prendre en charge conformément à l’article 64 de la Constitution, ces décideurs internationaux se précipiteront pour exiger le retour à la légitimité constitutionnelle, bafouée par Joseph Kabila durant tout son règne. Ce qui vient de se passer à l’ONU, avec l’élection du Congo-Kinshasa au Conseil des droits de l’homme de cette organisation mondiale constitue la preuve irréfutable du mépris qu’affiche la communauté internationale à l’égard des Congolais. « C’est déjà le cas dans l’essentiel des relations entre l’Occident  et les dictateurs africains, la différence avec ces derniers étant que les Occidentaux protègent leurs populations et font respecter les droits de l’homme dans leurs pays. »[14]

Au chapitre des droits de l’homme, les millions de morts, les massacres quotidiens au Nord-Kivu, ceux du Kasaï, les foyers de tensions allumés au Katanga et au Sud-Kivu, les évasions massives et spectaculaires organisées dans presque toutes les prisons du pays ainsi que le meurtre des deux experts de l’ONU au Kasaï n’ont pas encore suffi pour ébranler les consciences des grands décideurs internationaux. Et pourtant, chaque jour de plus accordé au régime sanguinaire de Joseph Kabila alourdit davantage le bilan des morts, des viols, des déplacements massifs de populations, d’arrestations arbitraires et de détentions illégales. En effet, malgré la dégradation de la situation sécuritaire, l’augmentation des cas de violations des droits humains et la restriction de l’espace politique, la communauté internationale se montre hésitante et suppliante face aux caprices des autorités congolaises. Les récentes résolutions plutôt favorables à la RDC au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, concernant l’envoi d’une équipe indépendante d’enquêteurs de l’ONU dans l’assassinat des enquêteurs de l’ONU et l’élection de la RDC au sein de ce même Conseil traduisent la difficulté, voire l’impuissance, éprouvée par cette communauté internationale à s’aligner sur une ligne diplomatique commune face à la crise congolaise. On constate non seulement une fracture Nord-Sud, mais aussi des divergences d’approches entre les États-Unis et l’Union Européenne sur la posture à adopter face à la crise congolaise. Même au sein de l’Union Européenne, sa diplomatie se montre incapable de dégager une ligne d’actions commune entre ses différents États membres qui poursuivent des objectifs géopolitiques et des enjeux géoéconomiques différents, parfois divergents.[15].

Conclusion

A ce jour et au regard de la Constitution, Joseph Kabila et ceux qui l’entêtent ou le flattent sont à considérer comme des rebelles faisant de la résistance.[16] Pour ceux qui rêvent encore d’élections d’ici le 31 décembre 2017 dans le cadre de l’accord de la St Sylvestre, il nous a paru utile de rappeler les circonstances d’accession de Joseph Kabila au pouvoir ainsi que les mécanismes mis en œuvre pour s’y maintenir. Il est désormais clair que le report des élections au-delà de 2018, sans un calendrier précis, signifie pour Joseph Kabila son intention de contourner les obstacles constitutionnels l’empêchant de briguer un troisième mandat auquel il n’a plus droit. Non seulement un mandat gratuit lui est gracieusement offert grâce à la manipulation et à la complicité de la justice et de la CENI, sa famille politique est prête à passer à l’ultime étape d’une présidence à vie qui passe par un referendum bientôt imposé au peuple congolais.

Plutôt que de compter sur la nébuleuse communauté internationale, qui observe sans rien dire, ni encore moins sur l’opposition sans stratégies, le souverain primaire est invité à se prendre en charge en dégageant Joseph Kabila par toutes les voies de droit notamment en recourant aux dispositions de l’article 64 de la Constitution. Ce n’est pas de la subversion. Agir autrement, c’est accepter la servitude et devenir victime consentante de cette forfaiture. C’est pourquoi les hommes en armes, qui sont l’émanation de ce peuple martyrisé, sont invités à faire bloc avec leurs frères et sœurs civils en refusant d’obéir aux ordres illégaux émanant des autorités ayant perdu leur légitimité. L’alinéa 2 de l’article 28 de la Constitution est clair : « Nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. Tout individu, tout agent de l’État est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés et des bonnes mœurs. »

Jean-Bosco Kongolo

Juriste & Criminologue

Références

[1]  JB Kongolo, 2016. Majorité présidentielle-CENI-Cour constitutionnelle : le triangle de la haute trahison, In http://afridesk.org/fr/alerte-desc-majorite-presidentielle-ceni-cour-constitutionnelle-le-triangle-de-la-haute-trahison/.

[2] Wikipédia, consulté sur internet, In https://fr.wikipedia.org/wiki/Machiav%C3%A9lisme.

[3] Kongolo, JB. 2017, Statut d’anciens Chefs de l’État : gare à une loi taillée sur mesure In http://afridesk.org/fr/statut-danciens-chefs-de-letat-gare-a-une-loi-taillee-sur-mesure/.

[4] Voir Kongolo JB, 2014. Quel avenir pour les partis politiques du Congo-Kinshasa?, In https://afridesk.org/fr/alerte-desc-majorite-presidentielle-ceni-cour-constitutionnelle-le-triangle-de-la-haute-trahison/.

[5] Kongolo JB, 2015. Loi électorale de la RDC : La fraude corrompt tout, In http://afridesk.org/fr/loi-electorale-de-la-rdc-la-fraude-corrompt-tout-jb-kongolo/.

[6] B. Musavuli, 23 octobre 2017. La RDC au Conseil des droits de l’homme : Une victoire encombrante, In htpps://afridesk.org/fr/rdc-conseil-droits-de-lhomme-victoire-encombrante-b-musavuli/.

[7] In https://desc-wondo..org/fr/les-pieges-dune-transition-politique-au-processus-electoral-en-rd-congo-apres-le-dialogue-aj-lomandja/.

[8] Onewovision.com, In http://www.onewovision.com/actu-rdc/Une-etrange-et-inopportune-proposition-de-loi-sur-le-referendum,i-20150929-ce6c.

[9] CONGO MIKILI, 16 octobre 2017, In http://congomikili.com/congomikili-le-dircab-du-president-kabila-joue-avec-le-feu-en-plaidant-pour-lavenement-de-la-4e-republique/.

[10] In http://www.aufeminin.com/therapies/resilience-s637867.html.

[11] B. Musavuli, 15 août 2017. Qui veut vraiment le départ de Joseph Kabila ?, In http://afridesk.org/fr/rd-congo-qui-veut-vraiment-le-depart-de-joseph-kabila/.

[12] Voir lettre ouverte adressée par le député Glibert Kiakwama au Président Kabila le 15 octobre 2017, In http://times.cd/2017/10/16/kiakwama-departs-de-kabila-tshibala-nangaa/.

[13] Idem.

[14] B. Musavuli, 23 octobre 2017. Idem.

[15] JJ Wondo, La Françafrique newlook de Macron au chevet de Joseph Kabila ? – DESC – http://afridesk.org/fr/diplomatie_francafrique_newlook_de_macron_au_chevet_de_j_kabila_doc_special/.

[16] Lire Jean-Jacques Wondo, 20 octobre 2017. La guerre, ce sera certainement la continuation du glissement de Kabila par d’autres moyens, In http://afridesk.org/fr/guerre-sera-certainement-continuation-glissement-de-kabila-dautres-moyens-jj-wondo/.

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