Jean-Jacques Wondo Omanyundu
ÉCONOMIE & DÉVELOPPEMENT | 05-08-2019 23:27
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Fonds clandestins: La banque secrète d’investissement de la famille Kabila – The Sentry

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Initialement publié dans thesentry.org

Synthèse de l’enquête

Un garage commercial quelconque sans panneau indicateur dans le quartier d’affaires de Kinshasa : voilà où se cache le siège de Kwanza Capital, qui a brassé plus de cent millions de dollars provenant de comptes placés auprès d’une banque liée à l’ex-président congolais Joseph Kabila (président en fonctions entre 2001 et janvier 2019). Mais cette discrétion permet également de dissimuler le fait que la famille de l’ex-président et ses alliés les plus proches contrôlaient la société. Des individus ayant connaissance des activités de l’entreprise ont indiqué à The Sentry qu’elle s’est montrée discrète à dessein et que ses acteurs principaux ont cherché à minimiser leurs rôles en public. Kwanza Capital, désormais placé en liquidation selon certaines informations, n’a retenu que brièvement l’attention du public à cause de ses manœuvres inhabituelles dans le secteur bancaire. Cette enquête approfondie révèle un historique bien plus complexe.L’enquête menée par The Sentry porte un nouveau regard sur les démarches commerciales de la famille Kabila et de son cercle intime. Les opérations de Kwanza Capital, son financement, ses bénéficiaires présumés, ses associés ainsi que ses relations avec des agences gouvernementales et des officiels du gouvernement révèlent que la société a tenté de procéder à des achats dans le secteur bancaire congolais, tout en maintenant des liens renforcés avec une banque gérée par le frère de Kabila et des proches de l’ancien président. Ces efforts impliquent un réseau important d’individus et d’entreprises, notamment un financier suisse-angolais, un conglomérat chinois et un avocat auparavant associé à la branche française d’un cabinet d’avocat basé aux États-Unis. Bien que les efforts de Kwanza Capital pour mettre la main sur la banque principale du pays aient échoués, une analyse des dossiers financiers de la société et de son actionnaire minoritaire révèle des activités de blanchiment d’argent et suggère que les compagnies ont reçu des millions de dollars détournés du trésor public congolais. Ces dossiers indiquent en effet qu’un montant élevé ne dépassant pas 140 millions de dollars a circulé dans les comptes bancaires de ces sociétés. Les proches de l’ancien président congolais ont ensuite utilisé ces fonds comme source d’argent liquide.L’enquête révèle que les membres de la famille Kabila et son cercle intime ont misé sur un contrôle du secteur bancaire et financier de la République démocratique du Congo(RDC). Selon des documents examinés et des entretiens menés par The Sentry,l’objectif de Kwanza Capital et de ses alliés était de contrôler des banques afin de saisir plus d’un quart du secteur bancaire d’environ cinq milliards de dollars du pays. Bien qu’aucune loi n’empêche des hommes politiques d’exercer un tel contrôle — qui permettrait de blanchir les fonds tirés de la corruption endémique du pays — cela demeure une question compliquée, comme le soulignent ce présent rapport et d’autres révélations sur l’ampleur des affaires de la famille Kabila.  Les risques détaillés ici ont des échos bien au-delà de la RDC. Selon le Groupe d’action financière (GAFI/FATF), la stabilité des secteurs bancaire et financier sont menacés, ainsi que le système mondial contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme, lorsque des fonctionnaires de haut niveau, ainsi que leur famille et leurs associés—identifiés dans leur ensemble comme des personnes politiquement exposées —contrôlent des institutions financières. Lorsque ces individus contrôlent de telles institutions, que ce soit directement ou indirectement, elles tentent de compliquer les efforts des banques étrangères et des régulateurs, les empêchant d’identifier la source et la destination des fonds passant par ces entités. En effet, ces personnes utilisent leur accès aux fonds publics, aux données budgétaires, ainsi que leur savoir sur les entreprises et les contrats publics entre autres pour blanchir des revenus obtenus de manière corrompue. Ces conclusions démontrent également combien les institutions financières devraient mieux vérifier au préalable les transactions concernant des personnes politiquement exposées, leurs associés et leurs entreprises par le biais d’un processus de diligence raisonnée. Les banques doivent pouvoir documenter clairement si leurs clients bénéficient de leurs parts afin de déterminer qui sont les bénéficiaires—financiers ou autres—d’une société ou d’une transaction. Les documents financiers et autres données consultés par The Sentry indiquent que les proches de Kabila s’appuyaient sur Kwanza Capital pour obscurcir leurs liens afin d’échapper à un tel examen, même si certains acteurs internationaux s’en sont rendu compte. Le gouvernement congolais devrait assurer une transparence en ce qui concerne les bénéficiaires afin d’éviter de tels risques. Les banques internationales devraient également prendre en compte l’éventualité que des entreprises et des individus qui leur demandent de réaliser des transactions en RDC servent de mandataires aux personnes politiquement exposées afin d’échapper à une diligence raisonnée conforme. Le gouvernement congolais devrait donner la priorité à une amélioration des normes de conformité bancaires et instaurer des précautions contre la corruption auprès des agences gouvernementales et des régulateurs qui gèrent le secteur financier. Suivant les recommandations The Sentry d’août 2018, le gouvernement congolais devrait émettre des directives pour lutter contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme, ainsi qu’encourager les banques à fournir des rapports sur toute transaction suspecte. Le gouvernement congolais devrait également créer des directives sur les personnes politiquement exposées et les typologies du blanchiment d’argent dans les industries minière et du pétrole. Bien que la scène politique changeante du pays présente une occasion de faire passer des réformes importantes, les enjeux vont au-delà de la politique. L’accès au système financier international sera sûrement réduit si les problèmes chroniques du secteur financier ne sont pas résolus, ce qui aurait de fortes conséquences pour l’ensemble de l’économie. La RDC peine déjà à assurer l’accès aux services bancaires pour ses citoyens. Selon une étude de 2017, seulement 6% de la population avait accès à ces services —moins du quart de la moyenne pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. Recommandations principales : Suite à son enquête, The Sentry propose plusieurs mesures à mettre en œuvre. Le texte intégral de ces recommandations figure à la fin de ce rapport. Mesures contre le blanchiment des capitaux : Le Trésor américain et les cellules européennes de renseignement financier devraient examiner les relations bancaires décrites dans ce rapport et avertir les banques et d’autres institutions concernées par ce dossier. Ces entités doivent surtout considérer s’il faut souligner les actions précédentes du groupe BGFI Bank —dont l’ampleur fait l’objet d’une grande partie de ce dossier —ainsi que les risques de blanchiment de capitaux au sein du secteur bancaire congolais. Sanctions ciblées : Les États-Unis et l’Union Européenne devraient passer en revue les membres du réseau de l’ex-président Kabila ainsi que les autres personnes impliquées dans les transactions décrites dans ce rapport, et envisager l’application de nouvelles sanctions ciblées conformément aux régimes de sanctions actuels. Diligence raisonnée bancaire :Les institutions financières internationales, y compris aux États-Unis, doivent prendre des mesures pour mieux vérifier les transactions impliquant des entreprises ou des personnes politiquement exposées de nationalité congolaise, ou des personnes fondé de pouvoir. The Sentry propose à ces institutions d’effectuer un suivi si elles ont traité des transactions liées aux individus ou aux autres acteurs identifiés dans le présent rapport. Dans tous les cas possibles, ces institutions doivent souligner l’importance d’une diligence raisonnée améliorée de la part de leurs homologues congolais.Réformes et transparence : The Sentry propose au gouvernement congolais et à ses partenaires de mener des réformes. Le gouvernement actuel doit habiliter la Cellule Nationale des Renseignements Financiers (CENAREF), enquêter sur toute malversation éventuelle de la Banque centrale du Congo et des entreprises nationales, imposer une déclaration publique des biens des fonctionnaires publics et améliorer la transparence en utilisant un registre commercial intégral auquel le public aurait accès. The Sentry propose également au gouvernement américain d’encourager le gouvernement congolais à saisir le Fonds monétaire international (FMI) pour relancer la facilité élargie de crédit en RDC afin d’améliorer la transparence financière.

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Fonds-clandestins_TheSentry_2019
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2 Comments on “Fonds clandestins: La banque secrète d’investissement de la famille Kabila – The Sentry”

  • etienne karumba

    says:

    Cette infos me fait la frousse et me fait monter la glycémie.
    J’ai souvent dit que joseph kanambe est un obstacle au progrès du congo,et il n’est pas congolais parceque,s’il l’était,il pourrait au moins avoir pitié des congolais

  • Nsumbu

    says:

    Après avoir révélé les relations du clan Kabila et certains groupes terroristes internationaux, The Sentry’ revient à la charge contre lui et l’accuse de Fonds clandestins ayant infiltré le secteur avec une banque secrète d’investissement. Avec lui d’autres investigateurs occidentaux (et nationaux) tel Bloomberg ont documenté noir sur blanc comment le clan Kabila a fait main basse sur l’économie Congolaise s’accaparant au moins 70 sociétés couvrant tous les secteurs leur rapportant très gros: les mines, la banque, l’agriculture, la distribution de carburant, mais aussi le transport aérien, la construction de routes, l’hôtellerie, des agences de voyages, des boutiques ou des boîtes de nuit. ‘JK’ qui avait pour la première fois foulé notre sol il y’a 23 ans pauvre comme Job se retrouve aujourd’hui avec une immense fortune que Forbes estimait à 15 milliards de dollars pillés sur le dos du pays et planqués en dehors notamment dans des paradis fiscaux pendant que près de 80 % des Congolais vivent sous le seuil de pauvreté…

    La question pour le Congolais ainsi spolié mais aussi pour tous ces investigateurs est de savoir que faisons-nous de ses révélations notamment comment nous rendre justice, comment obtenir réparation ? Jusque-là enquêtes et révélations n’ont abouti ni à des instructions ni à des condamnations sur le terrain au profit du pays : ‘JK’ l’un des principaux fossoyeurs non seulement revient en force via des deals frauduleux restant ‘maître du jeu mais aussi non inquiété à l’avenir s’étant confectionné des immunités diverses, protégé par un statut spécial d’ancien président et de sénateur à vie, on n’aura difficile à lui faire rendre un jour des comptes pour toutes ses forfaitures. Cerise sur leur gâteau, le nouveau PR en a fait son partenaire…

    Que devrions-nous faire de ‘JK’, de sa famille et de tous ses ‘complices’ ?
    Les recommandations de The Sentry ici consistent en mesures contre le blanchiment des capitaux à prendre par le Trésor américain et les cellules européennes de renseignement financier en interrelation avec les autres banques et autres institutions jusqu’au Congo même, en sanctions ciblées sur les coupables individuels et institutionnels et en conseils des reformes et d’enquêtes auprès des autorités publiques Congolaises. Mais rien de tout cela n’est effectif et aura difficile à l’être demain…
    Personnellement je constate que nous Congolais ne parlons pas comme nous l’aurions dû de ‘JK’ alors que sa présence encombrante indue nécessite que nous le dénoncions encore et encore pour bien nommer les causes de nos errements et ainsi pouvoir les combattre. Contrairement au nouveau PR donc qui en a fait son partenaire et semble minimiser sa nocivité, parlons-en pour que tous les Congolais comprennent que le meilleur avenir de notre pays ne sera vraiment possible que lorsque ‘JK’ sera complètement en dehors de notre champ politique. Les coupables doivent rendre des comptes d’une façon ou d’une autre, ainsi forces politiques et sociales devraient prendre la balle au bon de ces révélations en activant à leur tour des actions judiciaires à tous les niveaux accessibles…

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