Égalité, équité et parité salariale pour tous. (Réflexion sur le cinquantenaire de la RDC) Par Albert R. Teuwen
Publié le 1er mai 2010 sur Congoforum.be
1er mai 2010, fête des travailleurs partout dans le monde. À l’aube des 50 ans d’indépendance du Congo, est-ce que les conditions de vie des travailleurs au Congo se sont-elles améliorées depuis? En toute honnêteté, je crois que nous pouvons nous poser cette question pour toutes les professions et métiers qui existent au Congo (enseignants du primaire et du secondaire, fonctionnaires de l’État, militaires des FARDC, professeurs d’université, médecins, juges et magistrats, etc.? Est-ce le cas pour nos dirigeants (ministres) et nos élus (députés et sénateurs)? Sont-ils donc les seuls qui jouissent de la vie? Nous ne parlons pas dans cet article des employés de l’entreprise privée car nous n’avons aucune information mais plutôt des employés de l’État.
Dans mon dernier article intitulé «Se tenir debout – Dressons nos fronts longtemps courbé», je vous ai parlé de ce Québécois Michel Chartrand. Syndicaliste et défenseur acharné des travailleurs, il a défendu durant toute sa vie les droits de la classe ouvrière. Je suis convaincu que nous avons nos «Michel Chartrand» Congolais, ils sont nombreux ses héros courageux et méconnus. Congolais et Congolaise de bonne volonté est-ce que nous n’avons pas ce devoir de soutenir ces défenseurs du peuple et de les accompagner pour marteler sans cesse le même message que nous tous voulons mettre fin aux injustices subies quotidiennement par la population.
Que dit la Constitution de la RDC
Cet extrait de l’article 36 de la Constitution de la RDC mentionne que «l’État garantit le droit au travail, la protection contre le chômage et une rémunération équitable et satisfaisante assurant au travailleur ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine, complétée par tous les autres moyens de protection sociale, notamment, la pension de retraite et la rente viagère». Il y a certains mots qui ont retenu mon attention tel que «rémunération équitable» et «dignité humaine». Est-ce qu’il y a vraiment un effort réel de la part de notre gouvernement de faire respecter la substance de cet article?
Est-ce que nous continuons à vivre encore et encore les mêmes manigances qui ont permis et qui permettent encore aujourd’hui à nos dirigeants et à nos élus de se préoccuper en premier lieu de leur situation personnelle tout en entretenant des relations privilégiés avec leurs partenaires d’affaires? Est-ce que nos dirigeants se préoccupent-ils vraiment du sort de leurs compatriotes? Très souvent ils ne leur restent que très peu de temps à consacrer aux problèmes du peuple, le simple citoyen est donc abandonné à lui-même.
Voici quelques définitions tirées de certains sites canadiens qui discutent de ces notions d’égalité, d’équité et de parité. L’égalité est ce principe qui dit que les hommes et les femmes doivent être traités de la même manière, avec la même dignité, qu’ils ou qu’elles disposent des mêmes droits et sont soumis aux mêmes devoirs. L’équité ou la parité est ce principe qui conduit à corriger les inégalités que subissent des personnes ou des groupes défavorisés, tant dans le domaine de la représentativité dans les institutions ainsi que dans le domaine des salaires.
Depuis le début de cette année 2010, il y a de nombreux articles intéressants qui ont retenus mon attention car ils donnaient des chiffres concrets sur les salaires des employés de l’État. Il y en a un en particulier, c’est cette interview du Premier Ministre Adolphe Muzito au Journal Le Potentiel en date du 8 février 2010. J’ai donc appris que le budget de l’État est de 6 milliard de dollars US, que le salaire du huissier est de 35,000 Fc soit moins de 50 dollars US, que celui du médecin est de 700 dollars US et finalement que celui du magistrats est de 1,600 dollars US. Ces chiffres m’ont motivé à préparer un tableau comparatif entre les salaires des employés de l’État tant au Congo qu’au Canada.
Tableau comparatif des salaires au Congo et des salaires au Canada (Salaires des employés de l’État)
Comparaison salaires en RD CONGO |
| Comparaison salaires au CANADA |
| |||
Catégories d’employés | Salaire annuel $US | % salaire |
| Catégories d’employés | Salaire annuel $CA | % salaire |
Premier Ministre | 180 000 $ | 100% |
| Premier Ministre | 315 462 $ | 100% |
Député | 72 000 $ | 40% |
| Juge Chef Cour Suprême | 342 740$ | 108% |
Magistrat | 19 200 $ | 11% |
| Médecin | 225 000 $ | 71% |
Médecin | 8 400 $ | 5% |
| Député fédéral | 157 731 $ | 50% |
Prof université | 7 200 $ | 4% |
| Prof université | 100 000 $ | 32% |
Huissier | 840 $ | 0,47% |
| Soldat – FC (3 ans) | 46 236 $ | 15% |
Soldat – FARDC | 600 $ | 0,33% |
| Commis – Gouv | 34 232 $ | 11% |
Comment pouvons-nous concevoir qu’il existe encore aujourd’hui une si grande disparité entre les salaires des employés du même employeur soit l’État? Le salaire du soldat de la FARDC ne correspond même pas à un pourcent (1%) du salaire de son Premier Ministre. Est-ce que ce soldat dont les responsabilités sont à la fois risquée et critique ne mérite pas d’être mieux traité? Alors pourquoi cette injustice si flagrante à l’égard de nos militaires mais aussi de leur famille?
Un commis du Gouvernement du Canada touche un salaire de 34,232 $CA soit l’équivalent de onze pourcent (11%) du salaire de son Premier Ministre? Malgré cet écart salariale, ce commis peut grâce à son salaire emprunter dans une banque une somme pour s’acheter une auto, se louer un appart et même épargner et grâce à ses épargnes et il peut envisager un jour de s’acheter une maison. Est-ce que notre huissier au Congo peut-il rêver un jour de s’acheter une auto ou une maison? Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve disait Antoine de Saint-Exupéry. Est-ce que notre huissier au Congo vivra durant toute sa vie dans le désespoir?
Pour comprendre l’importance qu’un pays accorde à ses institutions, à l’enseignement, à la santé, etc. les données du tableau comparatif peuvent servir d’indicateurs très primaires. Prenez le cas du Juge en Chef de la Cour Suprême du Canada qui touche un salaire de huit pourcent (8%) plus élevé que celui de son Premier Ministre. Prenez aussi le cas du médecin, du député fédéral et du professeur d’université au Canada. Est-ce nous verrons ce jour où un individu aura un salaire plus élevé que le Premier Ministre en raison de ses compétences et de son rôle important dans la société?
Est-ce que les professionnels au Congo sont-ils vraiment motivés à travailler pour un employeur qui ne favorise qu’une infime classe d’employés? Ce qui choque le plus c’est que cette infime classe d’employés de l’État (Ministres et Députés) en plus de leur salaire, ces derniers ont de nombreux autres avantages que le petit salarié de l’État n’a même pas le privilège d’avoir. Si le peuple ne peut se faire soigner à l’étranger au frais de l’État pourquoi offrir ce privilège à cette petite minorité. L’État n’a pas à payer les frais médicaux pour cette minorité, d’ailleurs déjà bien nantie, si elle désire se faire soigner à l’étranger et bien qu’elle le fasse à ses propres frais.
Le but de notre exercice n’était pas de comparer les salaires des employés de l’État au Congo par rapport aux employés de l’État au Canada. Cette comparaison est caduque et ne s’applique tout simplement pas en raison de la disproportion des budgets des deux États (Congo – 6 milliard de dollars US versus le Canada 300 milliard de dollars CA). Par contre quels enseignements pouvons-nous tirer de ce tableau comparatif? Quelles actions pouvons-nous envisager en analysant ce tableau? Est-ce qu’il ne serait pas à l’avantage pour le Gouvernement du Congo de trouver une «juste mesure» ou un «équilibre» qui permettra de rendre justice à ses propres employés.
Congolais et Congolaises de bonne volonté, est-ce que ces chiffres vous laissent-ils complètement indifférents? Est-ce que ces injustices vous laissent-ils totalement apathiques? Si ce genre d’institution n’existe pas encore au Congo et bien je propose au Gouvernement à l’occasion du Cinquantenaire la création d’une Commission sur l’équité salariale. Cette Commission sera composée de deux entités distinctes et indépendantes, soit le Bureau de l’équité salariale et d’un le Tribunal administratif sur l’équité salariale. Cette commission aura pour mandat de lutter contre les inégalités salariales (au bas de l’échelle et au sommet de l’échelle) au sein de l’État et de l’entreprise privée.
Bonne lecture et bonne réflexion.
Albert Teuwen