Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 06-08-2013 19:18
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Dossier spécial : Les élections zimbabwéennes sur les traces de la RDC ? JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Les élections zimbabwéennes sur les traces de la RDC ?

Le Zimbabwe au bord du précipice!

Présentation livre 13La poudre explosive s’installe au Zimbabwe à mesure que les contestations des résultats électoraux s’amplifient un peu partout après que le président sortant, Robert Mugabe, ait été réélu pour la huitième fois dans un tourbillon de soupçons de fraude électorale. Le chef du principal parti d’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), Morgan Tsvangirai, décrit la situation de très grave. La société civile veut des réponses. L’Afrique du Sud a abaissé son évaluation de l’élection à la norme internationale de «juste». Pendant ce temps, plusieurs personnes sont mécontentes, faisant monter la tension avec le risque de voir ce pays s’enliser à nouveau dans un nouveau cycle de violence et une crise sociopolitique profonde comme il y a cinq ans.

Pourtant, les élections présidentielles qui ont eu lieu le mercredi 31 juillet 2013 au Zimbabwe se sont déroulées, de l’avis du chef de la mission d’observateurs de l’Union africaine, l’ancien président nigérian Olusegun Obasandjo, de manière «libre, honnête et crédible». Selon les résultats de ce scrutin fournis, samedi dernier, par la présidente de la commission électorale du Zimbabwe, c’est le président sortant, Robert Mugabe, leader de la Zanu-PF (l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique), qui est élu avec 61% des voix. Son rival et Premier ministre, Morgan Tsvangirai, a de son côté obtenu 34% des voix.

Election validée naturellement par l’Union Africaine et contestée par l’Occident

Une élection qui été validée par l’organisation de l’UA. Pouvait-il en être autrement avec cette organisation anachronique devenue le syndicat des dictateurs à vie ? Ainsi, des chefs d’Etat d’Afrique n’ont pas attendu de voir clair et ont directement commencé à adresser leurs félicitations au président élu, Robert Mugabe. Comme pour mettre le monde devant le fait accompli. Une stratégie inspirée de la réélection contestée de Joseph Kabila en 2011, où pendant qu’il y avait tergiversation à la suite de la publication des résultats par le pasteur méthodiste Ngoy Mulunda, certains chefs de la région, soutenant Kabila se sont précipités à lui adresser des félicitations.

Parmi les chefs d’Etat africains qui ont félicité Mugabe, il y a naturellement, Jacob Zuma, le président sud-africain. Jacob Zuma presse tous les partis politiques du Zimbabwe d’accepter l’issue des élections, puisque les observateurs ont jugé qu’elles reflétaient la volonté du peuple, dit le communiqué du chef d’Etat sud-africain. Pour Zuma, que « le candidat malheureux (Ndlr : Tsvangirai) dénonce des «irrégularités», il n’y a rien de plus normal. D’ailleurs, il le dit mollement et compte saisir la justice, plus pour sauver la face que pour changer le cours des événements. Donc les Zimbabwéens ont désigné leur président de la République pour les 5 années à venir. »

Les observateurs du Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ont estimé que le scrutin, qui regroupait des élections législatives et présidentielle, avait été libre, et ont souligné qu’il s’était déroulé de façon pacifique contrairement à ce qui s’était produit en 2008.

Un communiqué du gouvernement du Botswana a déclaré lundi que ses observateurs ont noté le vote ordonné, mais ne pouvait pas appeler les élections libres et équitables. « Il ne fait aucun doute que ce qui a été révélé à ce jour par nos observateurs ne peut pas être considérée comme une norme acceptable pour des élections libres et équitables dans la SADC. La Communauté, la SADC, ne doit jamais créer un précédent indésirable d’autoriser des exceptions à ses propres règles« , notait la déclaration. Le Botswana a appelé à une vérification indépendante pour identifier les «insuffisances et irrégularités ».

Le scepticisme du Botswana était en contraste avec les propos du président Jacob Zuma de l’Afrique du Sud. Zuma a félicité Mugabe, le dimanche et dit selon des observateurs du vote était «réussie» et une «expression de la volonté du peuple ». L’Afrique du Sud et le Botswana sont membres de la SADC. Un autre membre, la Tanzanie, a également félicité Mugabe pour sa victoire. En Afrique du sud, l’Alliance démocratique a publié un communiqué de presse le lundi affirmant que le gouvernement sud-africain est confus sur la question, en précisant que, dans une interview à la radio du Vice-ministre des Relations internationales et de la coopération, M. Ebrahim a infirmé l’information selon laquele l’Afrique du Sud a qualifié l’élection de juste ou crédible, mais la RSA considère plutôt que le vote  a été «libre».

Le Zimbabwe n’a pas autorisé la présence d’observateurs occidentaux, mais les réactions américaines et européennes font écho aux propos d’examinateurs zimbabwéens indépendants, selon qui des problèmes d’inscription sur les listes électorales ont empêché de voter jusqu’à un million de personnes.

Par contre, c’est en Occident – comme souvent le cas lorsque la tête de la personne élue ne rencontre pas leurs intérêts, que l’on enregistre la vague de contestation. A tout seigneur tout honneur, c’est la Grande Bretagne, l’ancienne puissance coloniale au Zimbabwe, qui a ouvert le bal d’indignation qui, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, William Hague, juge que des «enquêtes soient menées sur les allégations de fraudes». Emboîtant naturellement le pas, les Etats-Unis sont plus «royalistes». Dans un communiqué, le secrétaire d’Etat, John Kerry, «ne pense pas que les résultats annoncés représentent l’expression crédible de la volonté du peuple zimbabwéen». En bon mouton suiviste, L’Union européenne, par un communiqué de sa ministre des Affaires étrangères, la britannique Catherine Asthon,  «s’inquiète des irrégularités présumées». L’Ambassadeur d’Australie au Zimbabwe, Mathew Neuhaus, aurait déclaré qu’il a vu des électeurs transportés par des autobus détournés vers les bureaux de vote pour s’y faire assister durant le vote par des personnes proches du pouvoir.

Pour comprendre pourquoi l’Afrique valide des élections dans un pays africain alors que l’Occident les conteste, un rapide coup d’œil sur le rétroviseur, de ce pays ravagé par des années d’instabilité politique pré et postcoloniale, qui se veut le modèle de l’émancipation de l’Afrique de la tutelle colonialiste de l’Occident, suffirait à comprendre des enjeux.

La société civile dénonce également les irrégularités massives et se dit inquiète pour l’avenir

Global Witness, une ONG britannique de lutte contre la corruption, a quant à elle accusé le gouvernement et la Zanu-PF d’avoir profité de leurs liens avec des compagnies minières pour utiliser de l’argent issu de l’exploitation du diamant pour assurer la victoire de Robert Mugabe.

Pour Thabani Nyoni, porte-parole de Crisis in Zimbabwe Coalition (qui comprend plus de 350 organisations de la société civile), le pays pourrait s’engouffrer dans le chaos et dans une crise politique et de légitimité du pouvoir vu qu’il reste profondément divisé sur la validité de la réélection de Robert Mugabe. Craignant le rejet par les partis d’opposition de reconnaître le résultat des élections, comme presque toujours en Afrique, certaines personnes se préparent pour le pire, déclare-t-il. Elles retirent leur argent des banques et achetent des produits alimentaires dans les magasins pour s’approvisionner à la maison, déclarait Nyoni au quotidien sudafricain Daily Maverick et qui dit ne pas exclure un basculement vers la violence.

A l’instar des élections congolaises, les partis d’opposition ont enregistré des irrégularités à la liste électorale et durant tout le processus électoral, Les organisations de la société civile ont qualifié les résultats électoraux d’imposture. Selon Nyoni, les membres du parti de l’opposition et des défenseurs des droits humains pourraient être en danger à cause de la la pression qu’ils pourraient subir des milices de Zanu-PF et des forces de sécurité faisant allégence à Mugabe. Déjà 42 familles de membres du MDC ont été agressées par des partisans de la ZANU-PF et contraints à quitter la capitale, a affirmé le porte-parole du MDC Douglas Mwonzora. En réponse, Rugare Gumbo de la Zanu-PF a rejeté l’accusation de mensonge.

Sur le marché financier, le Zimbabwe Stock Exchange a enregistré une baisse de 11% sur son premier jour de cotation depuis l’annonce des résultats, l’attribuant à la crise postéloctorale en gestation.

Le MDC a refusé de faire toute concession et a encouragé les Zimbabwéens de contester autant que faire se peut les résultats de la honte. «Nous savons que le régime brutal Zanu-PF a une fois de plus sans vergogne et sans pitié subverti la volonté du peuple« , a déclaré le parti dans un communiqué publié le lundi 5 août. A l’image l’UDPS de Tshisekedi au Congo, « Le MDC résiste totalement les tentatives d’imposer un gouvernement illégitime sur le peuple du Zimbabwe … Le MDC exhorte la population à demeurer ferme et résistant dans leur lutte pour la justice et une vie meilleure pour tous et à continuer à lutter et se battre pour une cause juste.  » C’est un air du déjà entendu en RDC.

On est porté à croire que les élections téléguidées en Afrique et décidées en avance n’ont pour sens, dans la majorité des cas, que d’assurer autrement le statu quo du pouvoir sortant plutôt que privilégier la consolidation des pratiques démocratiques par la prise en compte de la volonté populaire.

La Fédération des syndicats d’Afrique du Sud (Fedusa) s’est également montré très critique à l’égard de ces résultats et a relevé que « beaucoup d’électeurs ne figurant pas sur les listes électorales ont été autorisés à s’inscrire sur un registre distinct puis à voter, tandis que d’autres n’ont pas, suivant les régions favorables ou non à Mugabe», a déclaré Elias Bila de Fedusa, qui faisait partie de la mission d’observation de l’Afrique australe pour la Coordination syndicale du Conseil. «La plupart des bureaux de vote n’avaient pas des services de base comme l’électricité et beaucoup ont dû compter bulletins de vote au cours de la nuit à la chandelle. Cela se sentait presque comme si nous étions dans le siècle précédent. Encore plus inquiétant, c’est le cas où le dépouillement n’a pas été fait par la ZEC [Commission Electorale Zimbabwéenne], mais par les services de police du Zimbabwe, qui comme la plupart le savent, sont politiquement partisans de la ZANU-PF ». A l’exemple du Congo où le pouvoir a utilisé l’ANR (le service de renseignement civil) à mettre en place un dispositif d’infiltration des états-majors des partis et des chancelleries occidentales (dont la Belgique) pour assurer la réélection du candidat Kabila. De même que le pouvoir sortant a utilisé la Garde républicaine et les forces de sécurité à réprimer sévèrement, souvent dans le sang, des militants manifestant leur opposition au candidat-président Kabila. Il n’est pas exclus que la même recette soit réutilisée pour amener la population à se résigner et à accepter une éventuelle prolongation de M. Kabila à la tête du pays, après son dernier mandat finissant en décembre 2016, si l’on en croit aux agitations déjà ressenties dans certains milieux politiques et diplomatiques congolais.

Malheureusement à l’heure actuelle, l’opposition zimbabwéenne n’a pas d’autres options légales ni alternatives que de contester le vote par la voie judiciaire. Une cause quasi perdue d’avance et, à l’instar du scénario surréaliste vécu au Congo avec la Cour suprême de justice remplie de diplômés de grandes universités occidentales, notamment la fameuse université de Paris-Sorbonne, où ces minables hauts magistrats ont été incapables de dire le droit, qu’ils enseignent parfois à l’élite de demain, les carottes semblent également cuites pour la MDC. Ce, pour la simple raison que le pouvoir judiciaire, qui est perçu comme étant inféodé et affidé à la Zanu-PF de Mugabe, est considéré comme responsable de la situation.

On dit de cette élection zimbabwéenne qu’elle a été manipulée avec une telle subtilité sophistiquée  mettant à jour des irrégularités flagrantes mais difficile à prouver. «La façon dont cette élection a été truquée est, juridiquement très difficile d’amener des preuves tangibles», a déclaré Nyoni. Voilà un laboratoire à idées pour une émulation négative dont pourrait se servir vraisemblablement Malu-Malu dont certaines sources diplomatiques viennent de nous confirmer qu’il joue actuellement un rôle d’éminent stratège très influent dans le pré-carré de Kabila où il travaille au cœur du Think Tank COST (Comité de Stratégie dirigée autrefois par Katumba Mwanke). C’est dans cette optique que des sources des négociateurs à Kampala disent que c’est lui, et non le figurant François Mwamba, qui décide de tout et c’est pour assurer la « ‘mugabêtisation’ » du régime qu’il a été imposé à la tête de la CENI, où son npassage en 2006 n’a pas laissé de bons souvenirs.

Enfin, il y a lieu de signaler qu’vant les élections, le MDC a dit qu’il avait mis en place un plan d’action qui envisageait tous les scénarii possibles. Pour l’instant, il n’a pas encore annoncé une campagne de protestation bien que son trésorier Roy Bennett ait encouragé la «résistance passive». De l’autre côté et comme souvent le cas dans pareille situation en Afrique après les élections, la police a averti que les manifestations de contestation des résultats des élections ne seront pas tolérés. Là aussi, elle peut demander conseil au Gouverneur de Kinshasa André Kimbuta et aux Généraux Charles Bisengimana et Kanyama (dit esprit de mort) qui arrivent jusque là à contenir, par la répression, toute velléité de contestation populaire du régime de Kabila par la rue !

D’ici là, il ne reste plus qu’à Kabila d’aller honorer chaleureuesemnt son parrain électoral de 2011, Mugabe, le seul dictateur et président africain et mondial présent à Kinshasa lors de son investiture en décembre 2011.

 Jean-Jacques wondo – Desc-Wondo.org (6 août 2013)

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