Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 02-09-2015 00:20
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Dons présidentiels : une pratique à bannir de la gouvernance en RDC – Jean-Bosco Kongolo M.

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Une réunion dinatoire de la "kabilie" à Kingakati

Dons présidentiels : une pratique à bannir de la gouvernance en R.D.C.

Jean-Bosco Kongolo M.

On s’en souvient encore, lorsqu’à chacun de ses déplacements dans les Régions, actuellement provinces, le Président Fondateur du MPR (Mouvement populaire de la révolution) était accueilli par des foules nombreuses et envoûtées qui scandaient : « Papa aye, nzala esili » (Papa est arrivé, finie la famine). Qu’il voyage par bateau ou par avion, il ne manquait pas de distribuer des dons de différentes natures à de différentes catégories de bénéficiaires (écoles, établissements d’enseignement supérieur et universitaire, confessions religieuses, hôpitaux, orphelinats et même aux particuliers. On raconte même que sur son bateau comme dans ses résidences de Gbadolité et de Kawele, ceux qui avaient la chance d’y être reçus n’en sortaient pas mains vides. Ceux-là regrettent évidemment ce « beau vieux temps ».

Aujourd’hui, le contexte a certes changé mais la gouvernance par des dons est demeurée pratiquement la même bien que constitutionnellement, c’est l’institution gouvernement qui conduit la politique de la Nation. Qu’est- ce qui justifie alors la persistance de cette pratique? C’est ce que nous nous proposons de décortiquer dans cette analyse, en comparant les règnes des trois derniers présidents.

Les dons présidentiels dans le contexte de la deuxième République

Pour permettre aux générations actuelles de mieux comprendre le sens et la pratique des dons présidentiels sous cette période et aux générations précédentes de se rafraîchir la mémoire, il est utile de replonger dans les racines de l’institutionnalisation du Mouvement Populaire de la Révolution (M.P.R.).

Déjà hissé au rang d’institution depuis 1971, c’est avec la révision constitutionnelle de 1974 que le MPR devint l’unique institution de la République, avec comme conséquence que toutes les autres institutions classiques devenaient de simples organes subordonnés ayant pour rôle de concourir à l’exercice du pouvoir, dont la plénitude était incarnée par le Président Fondateur du Mouvement Populaire de la Révolution, Président de la République.

Article 28
« En République du Zaïre, il n’existe qu’une seule institution, le Mouvement Populaire de la Révolution, qu’incarne son Président. »
Article 29
« Le Mouvement Populaire de la Révolution est la nation zaïroise organisée politiquement. »
Article 30
« Le Président du Mouvement Populaire de la Révolution est de droit Président de la République et détient la plénitude de l’exercice du pouvoir. Il préside le Bureau politique, le Congrès, le Conseil Législatif, le Conseil Exécutif et le Conseil Judiciaire. »

Les modifications ultérieures de cette constitution, notamment celle de 1982 qui avait introduit le Comité central comme nouvel organe du parti ne changèrent pratiquement rien quant à la conception personnalisée du pouvoir qui faisait de Mobutu le « père de la nation ».                                                                                                                                      

La doctrine du MPR était le mobutisme, défini par les idéologues du parti (Mpinga Kasenda, Kangafu, Kihtima Bin Ramazani, Sakombi Inongo…) comme étant les actions, la parole et les enseignements du Guide.

Pour toutes ces raisons et surtout pour avoir « pacifié et réunifié » le pays après les troubles et les guerres civiles des cinq premières années de l’indépendance, Mobutu se croyait et était considéré par ses adulateurs comme un petit dieu. Il était le Pacificateur, l’Unificateur, le Guide, le Sauveur, le Timonier, etc.

Avec des pouvoirs quasi-illimités, il gérait le pays comme une concession familiale héritée de ses ancêtres. Il pouvait ainsi se permettre de distribuer aux plus fidèles de ses partisans et aux cadres du parti des dons en espèces ou en nature pouvant aller jusqu’à l’octroi des concessions foncières et autres entreprises privées appartenant à des étrangers dépossédés. Tel fut le cas de la zaïrianisation, opération de nationalisation des entreprises privées étrangères qui furent octroyées aux cadres du parti non préparés à la gestion des affaires. D’après l’ancien intendant de Mobutu, le colonel Tembosschhe : « Mobutu distribuait énormément! A des Chefs d’État étrangers, pour les aider, et qui étaient de « pauvres occidentaux ». Et tout autour de lui, dans les différentes provinces, évidemment, dans sa famille ». (Cfr http : //w.w.w.maliweb.net/histoire-politque/mobutu-et-les-sacrifices-humains-12184.html).

S’étant brouillé avec son ancien secrétaire particulier, le colonel Ilosono, Mobutu se permit d’exproprier ce dernier de sa parcelle située dans la commune de Kasa-Vubu pour l’attribuer, sur simple parole (la parole du Guide avait force de loi), à son ami Franco Luambo Makiadi qui y érigea le célèbre Bar Dancing Club 1- 2-3 dont se souviennent encore beaucoup d’ambianceurs des années 70. A la faveur du multipartisme et du début de démocratisation de la vie politique, la succession Luambo Makiadi fut surprise d’être assignée en déguerpissement au Tribunal de grande de Kinshasa/Kalamu pour occupation illégale. Devant des juges de la génération « acquise au changement », immunisés contre les intimidations et déterminés eux aussi à se libérer du mobutisme pour récupérer leur indépendance longtemps confisquée, les héritiers de Luambo Makiadi, n’ayant comme arguments que la parole du Guide et ne pouvant plus recourir à l’intervention de ce dernier, eurent du mal à se défendre. La solution amiable entre les deux parties fut pour eux l’unique voie de sortie. (Dossier vérifiable aux archives du Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Kalamu).

Les dons, Mobutu les faisaient également sous-forme de nominations dans les organes dirigeants du parti pour récompenser non pas de quelconques mérites scientifiques ou technocratiques mais plutôt des communautés tribales ou ethniques qui lui témoignaient d’une allégeance sans faille ou dans l’administration publique au profit des danseurs et danseuses qui, sans compétence ni qualification avérée, contribuaient à la propagande de sa gloire. Nous nous souvenons d’un oncle qui avait été nommé Dirigeant sous-régional (de district) de la mobilisation, propagande et animation politique(MOPAP) pour avoir composé une chanson retenue dans le répertoire national. On peut aussi citer ce cas qui énerva beaucoup d’officiers des FAZ : M. Matumbu Moonga Ya Nzawi, ancien dirigeant de la JMPR-Shaba et grand danseur et animateur politique fut nommé au grade de général dans l’armée sans aucune formation militaire. Sa mission était d’inculquer aux militaires l’idéologie politique du Parti unique et d’instaurer le culte de la personnalité du Président du MPR. (Lire J.J. Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa…, Avril 2013, pp. 95-97). Grâce aux coups de hanches, à la limite de l’obscénité, des hommes et des femmes plus chanceux furent même nommés Commissaires de Région (Gouverneurs de province).

Les dons présidentiels sous le régime de l’AFDL

A la différence de la période qui précède, le régime de l’AFDL fut caractérisé par l’orgueil et le triomphalisme des vainqueurs, se manifestant par le règne de l’arbitraire, consécutif à l’absence de texte constitutionnel organisant la répartition et l’exercice du pouvoir.

Du règne très court de Laurent-Désiré Kabila nous n’avons retenu que deux dons sensationnels qui firent couler beaucoup de salive à Kinshasa à l’époque, à mettre sur le compte de l’amateurisme dans la gouvernance de l’État. Il s’agit de la somme de 500.000$ US remise respectivement à la chanteuse Tshala Mwana et à Agathe Mulimbi, deux dames rivales selon les rumeurs kinoises, pour soit disant leur permettre d’exploiter le Domaine présidentiel de la N’sele afin d’approvisionner la ville de Kinshasa en produits vivriers (poulets, œufs, manioc, arachides, etc.). Il convient de relever que de leur vivant, ces deux dames ne s’étaient jamais distinguées comme entrepreneures dans ce domaine. Rien d’étonnant que cet argent du contribuable congolais se soit volatilisé sans que personne ne songe à leur demander de rendre compte.

Le caractère propagandiste des dons présidentiels sous le règne de J. Kabila

Kabila et les léopards

Il y a lieu de noter que la pratique des dons présidentiels est parvenue au nouveau régime telle une maladie génétique transmise aux politiciens opportunistes par d’anciens mobutistes, présents dans toutes les institutions et identifiables aussi bien par leur vagabondage que par leur zèle à défendre l’indéfendable, uniquement pour leurs seuls intérêts.

Avec l’avènement de la Troisième République, dont la Constitution répartit clairement le pouvoir entre les institutions et définit sans équivoque les attributions des animateurs de ces institutions, le peuple congolais était et est toujours en droit de se demander pourquoi les dons présidentiels font toujours partie de la gouvernance. Nous assistons, chaque jour, à la réalisation de la prophétie de l’ancien politicien Mungul Diaka, philosophe à sa manière, qui ironisait sur l’AFDL en disant : « Le véhicule est toujours le même, avec ses pannes, il n’y a que le chauffeur qu’on a changé », ce qui signifie que les mentalités et les méthodes de gouvernance n’ont pas changé malgré l’accession des nouveaux maîtres au pouvoir. A quelle institution la Constitution de la Troisième République accorde-t-elle la gestion quotidienne du pays et quelles sont les attributions du Chef de l’État dans cette gestion? Le président en exercice respecte-il ses attributions constitutionnelles?

Article 69

« Le Président de la République est le Chef de l’État.

Il représente la nation et il est le symbole de l’unité nationale.

Il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux. »

Article 91

« Le Gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République, la politique de la Nation et en assume la responsabilité.                                                              
Le Gouvernement conduit la politique de la Nation.                                                                        
La défense, la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement.                                                                                
Le Gouvernement dispose de l’administration publique, des Forces armées, de la Police nationale et des services de sécurité.                                                                                        
Le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues aux articles 90, 100, 146 et 147.                                                                              
Une ordonnance délibérée en Conseil des ministres fixe l’organisation, le fonctionnement du Gouvernement et les modalités de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les membres du Gouvernement. »

A voir les champs et la consistance d’interventions, par des dons, du le Président de la République, l’on peut se demander à juste titre si, dans la conduite de la politique de la Nation, il existe réellement une concertation permanente entre lui et le gouvernement. On se demande surtout si le gouvernement n’est pas une extension du bureau du Chef de l’État. Quelques exemples stupéfiants, parmi tant d’autres, l’attestent :                                                                    

– Un chèque de 10 millions de dollars américains pour la relance de la Minière de Bakwanga(MIBA) en août 2010 et la même année, un montant de 300.000 dollars américains débloqués pour soulager la souffrance des victimes de la pluie diluvienne qui avait frappé la ville de Kindu le 31 octobre;[1]. Ce chèque, présenté par la presse du pouvoir comme un don présidentiel est pourtant contredit par les informations trouvées sur le site de la Miba, selon lequel les 10 millions de dollars provenaient du gouvernement de la République. Nous en reproduisons largement l’extrait ci-dessous : «L’état général de la Société est très préoccupant et caractérisé par une baisse généralisées de la production de diamant qui est tombé au plus bas niveau depuis sa création et son endettement a atteint des chiffres records.                                                                                                  

Cette situation est due en général aux difficultés économiques et aux différents évènements intervenus dans le pays depuis 1990 et qui ont conduit à la détérioration du tissu économique et industriel et à la faillite de plusieurs entreprises.                                

Pendant cette période, la Miba a été contrainte à des sacrifices importants qui ont entamé sa trésorerie et qui l’ont conduite à reporter la réalisation de ses investissements essentiels pour la maintenance et le renouvellement de son outil de production.                          

Pour sortir de cette impasse, de nouveaux dirigeants ont été nommés à la Direction de la Miba en novembre 2010, avec objectif la reprise des activités de la Miba à l’arrêt depuis 2008.                                                                                                                               

C’est dans ce cadre qu’un programme dit de survie a été mis en place en vue de réhabiliter particulièrement les unités de traitement des gisements détritiques qui fournissent 70% de la production.                                                                                      

Pour réaliser ce programme, la Miba a absolument besoin des capitaux frais : les besoins exprimés dans les premiers temps se chiffrent à 20.000.000 USD (vingt millions de dollars américains) destinés à réhabiliter les unités de traitement détritiques, à acquérir des engins miniers et des moyens de transport ainsi qu’à acheter des pièces de rechange de première nécessité.                                                                                                          

A cet égard, la Miba a sollicité et obtenu le concours et le soutien de l’État congolais qui a accepté de lui concéder la première tranche de 10.000.000 USD (dix millions de dollars américains) pour la réalisation dudit programme. »[2]

A moins que le Président de la République se confonde à l’État, faire croire à l’opinion nationale que cette cagnotte colossale provenait de sa poche n’est en rien différent de la magnanimité du Guide sous le régime du parti unique. En réalité, il s’agissait d’une stratégie politique consistant à courtiser, à une année de la fin de son premier mandat, la population du Kasaï en général et celle de Mbuji-Mayi en particulier, majoritairement hostile au pouvoir en place.

-Don en vivres et non vivres fait par le Chef de l’État aux familles déplacées par l’avancée des insurgés Enyele, dans l’ex-province de l’Équateur en 2010.[3] Où est donc passé le Ministère en charge des Affaires sociales, Action humanitaire et Solidarité nationale du gouvernement que dirigeait à l’époque Adolphe Muzito?

– De temps en temps, on est ahuri de voir le Chef de l’État intervenir personnellement et en dernière minute pour le déplacement des joueurs de l’équipe nationale de football ou autre, en lieu et place du Ministère des sports et des structures sportives spécialisées.  « Une enveloppe qu’on dit de 100 mille$ US leur a été remise assortie de la promesse présidentielle de s’occuper désormais de manière efficiente de leur préparation aux éliminatoires de la phase finale prévue du 20 janvier au 10 février 2008 au Ghana. »[4] Ici encore, le Président de la République s’est confondu à la FECOFA, seule structure chargée de l’organisation des compétitions nationales et des matchs internationaux de la sélection de la République.

Lors de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations) disputée en janvier de cette année (2015) en Guinée Équatoriale, le Président de la République s’est déplacé lui-même pour aller assister non pas à une quelconque finale comme le font la plupart des Chefs d’État mais plutôt à l’entraînement pour les demi-finales afin d’y distribuer les primes aux joueurs. «  La priorité aujourd’hui, c’est l’encouragement des joueurs avant les deux matches qui leur restent à jouer, a déclaré à l’AFP Jean-Marie Kassamba, l’un des membres de la délégation du chef de l’État congolais. Il y a de fortes chances qu’il assiste, mercredi soir, à la demi-finale devant opposer les Léopards aux Éléphants de la Côte-d’Ivoire, a-t-il ajouté. Kassamba a précisé que l’encouragement des joueurs, que le président doit rencontrer mardi, passerait par la distribution d’une prime dont il n’a pas précisé le montant. »[5] N’y avait-il rien d’autre à faire au Palais de la Nation ou alors c’était une façon de distraire la population focalisée sur les évènements sanglants engendrés par la loi électorale dite « Loi Boshab? »                                                                                                                                  

Il y a lieu de signaler également un don de nature politicienne offert à la population de Tshikapa qui avait bien accueilli le candidat Joseph Kabila en 2011 alors qu’à Kananga et ses environs, la population était majoritairement acquise à l’opposition incarnée par l’UDPS et Étienne Tshisekedi. «  Le candidat no3, Joseph Kabila Kabange a annoncé lundi à Tshikapa (Kasaï Occidental), où il a été accueilli par une foule enthousiaste qui l’a accompagné à pieds avec son épouse Olive Lembe Kabila de l’aérodrome au lieu aménagé pour son message à la population, l’asphaltage de la route reliant cette ville à Kikwit. Après avoir salué les habitants de Tshikapa, en tshiluba et en lingala, et présenté la première dame, il a rappelé ses promesses dont il a entamé la réalisation. Il s’agit notamment du pont sur la rivière Loange déjà ouvert à la circulation, des travaux de la voirie du chef-lieu de la future province du Kasaï qui seront accélérés et de l’usine de traitement d’eau qui est en construction, rapporte la presse officielle. Pour le désenclavement de cette partie du pays, Joseph Kabila a également évoqué l’exécution des travaux d’asphaltage de la route Tshikapa-Kikwit en 2011, puis celle de Tshikapa-Kananga. Par ailleurs, la grande école technique construite par la première dame de la République sera bientôt inaugurée, a-t-il signalé avant d’inviter la population à voter, le 28 novembre 2011 dans le calme et la paix, pour le no3 afin de lui donner 100% des voix. »[6]

Quatre ans après l’annonce de toutes ces promesses de nature propagandiste, il revient à la population de Tshikapa de faire le bilan et de nous dire si elles ont été entièrement tenues. Néanmoins, le peuple congolais a le droit de savoir que sur les 15 nouvelles provinces issues du démembrement, 14 ont pour chefs-lieux leurs anciens districts, à l’exception de Tshikapa qui le devient comme don présidentiel sur base des promesses électorales au détriment de Luebo, chef-lieu de l’ancien district du Kasaï dont dépendait le territoire de Tshikapa. Ce qui est politiquement incorrect et juridiquement déloyal dans ce genre de dons, c’est que le Président de la République abuse de sa position pour être en campagne électorale permanente en empiétant sur les prérogatives du gouvernement pour aller inaugurer partout, même de petits chantiers financés par des partenaires extérieurs, afin de se présenter ou de se faire présenter comme le seul capable d’amener le Congo et son peuple au développement et à la modernité.

C’est ce qu’a laissé entendre récemment, sur le plateau de France/24, un des ministres du gouvernement, professeur de son état, qui confond ses désirs propres (lui-même sait lesquels) avec ceux du peuple Congolais tout entier, en déclarant sans scrupule que la Constitution doit être modifiée pour permettre au Président Kabila de briquer un autre mandat parce qu’il n’y aurait pas, selon lui, un réservoir d’hommes compétents au Congo. Ces propos irresponsables de la part d’un professeur d’université constituent une grave insulte publique à l’endroit de l’élite intellectuelle dont nous faisons partie et prouvent également, si besoin en était, qu’au cours de toute sa carrière d’enseignant, ce monsieur n’a jamais été lui-même capable de former une élite digne de prendre la relève. Au corps professoral et au corps électoral de Masimanimba d’en tirer toutes les conséquences.

Les exemples de dons et des interventions présidentielles dans le champ de compétences du gouvernement sont multiples et souvent applaudies candidement par la population qui ne s’est jamais interrogée ni sur les motivations exactes de ce bon Samaritain ni encore moins sur la provenance des fonds brandis comme étant tirés de sa poche. Et pourtant, sous d’autres cieux, cela aurait suscité la curiosité aussi bien des citoyens que de l’opposition pour amener la justice à vérifier les mouvements des comptes(entrées et sorties) en banque du Chef de l’État conformément aux dispositions de l’article 99 de la Constitution qui dit :

Article 99                                                                                                                            

« Avant leur entrée en fonction et à l’expiration de celle-ci, le Président de la République et les membres du Gouvernement sont tenus de déposer devant la Cour constitutionnelle, la déclaration écrite de leur patrimoine familial, énumérant leurs biens meubles, y compris actions, parts sociales, obligations, autres valeurs, comptes en banque, leurs biens immeubles, y compris terrains non bâtis, forêts, plantations et terres agricoles, mines et tous autres immeubles, avec indication des titres pertinents. Le patrimoine familial inclut les biens du conjoint selon le régime matrimonial, des enfants mineurs et des enfants, mêmes majeurs, à charge du couple.                                                                          
La Cour constitutionnelle communique cette déclaration à l’administration fiscale. Faute de cette déclaration, endéans les trente jours, la personne concernée est réputée démissionnaire. Dans les trente jours suivant la fin des fonctions, faute de cette déclaration, en cas de déclaration frauduleuse ou de soupçon d’enrichissement sans cause, la Cour constitutionnelle ou la Cour de cassation est saisie selon le cas. »                                                                                                            

En effet, comment un chef de l’État dont le salaire officiel déclaré, selon le magazine Jeune Afrique, est juste l’équivalent de 4000 euros(2015)[7], peut se permettre de faire des libéralités faramineuses à des sociétés d’État, à des entités politico-administratives ou à de franges de population en lieu et place du gouvernement?

Conclusion

Pour que la démocratie existe et soit réellement vécue, il ne suffit pas d’accumuler des textes de lois. Celles-ci doivent plutôt permettre aux différents acteurs, à tous les niveaux, de jouer chacun son rôle dans la transparence et le respect des attributions des autres. Dans cette analyse, nous avons voulu démontrer, à partir des exemples tirés du règne des trois derniers Présidents de la République, que le fossé demeure profond entre les textes de lois et la réalité politique. Du règne du parti unique à la Troisième République, les Chefs de l’État congolais continuent de confondre les biens publics avec leurs patrimoines propres et c’est pourquoi, malgré le budget voté chaque année au parlement, ils empiètent sur les prérogatives gouvernementales en intervenant personnellement, par des dons dits « présidentiels » sur les domaines qui ne relèvent pas de leurs compétences. Ce genre de dons, plus propagandistes qu’humanistes, les place ainsi en position permanente de campagne électorale déloyale vis-à-vis des lois de la République et de leurs concurrents politiques. C’est pourquoi, il est souhaitable que désormais ceux qui ont l’ambition de diriger le pays au plus haut sommet de l’État lisent préalablement la Constitution afin de bannir de la gouvernance la pratique des dons présidentiels dans les champs de compétence du gouvernement. Cela fait partie de la transparence et de la démocratie.

Jean-Bosco Kongolo M.

Juriste&Criminologue

[1] Dons présidentiels : Un fléau à combattre à tout prix, Congo-Vision, 25 octobre 2010, http://www.congovision.com/nouvelles2/dons_presidentiels1.html

[2] Miba/Société minière de Bakwanga, http://www.mibardc.net/miba/programmerelance.html

[3] Radio Okapi, 15 avril 2010, http://www.radiookapi.net/actualite/2010/04/15/un-don-de-joseph-kabila-divise-humanitaires-et-sinistres-a-mbandaka/

[4] Football/Can 2008 : Joseph Kabila sauve les Léopards du naufrage, Digitalcongo, 18/06/2007, http://www.digitalcongo.net/article/44481

[5] Le chef de l’État en Guinée Équatoriale, ACP, 3 février 2015, http://acpcongo.com/acp/le-chef-de-letat-joseph-kabila-en-guinee-equatoriale/

[6] Digitalcongo, 23/11/2011, http://www.digitalcongo.net/article/79816

[7] Salaires officiels dirigeants africains, Jeune Afrique, 13 juillet 2015, http://www.jeuneafrique.com/165276/politique/bouteflika-ouattara-kabila-quels-sont-les-salaires-officiels-des-dirigeants-africains/

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4 Comments on “Dons présidentiels : une pratique à bannir de la gouvernance en RDC – Jean-Bosco Kongolo M.”

  • Makutu Lidjo

    says:

    Nous sommes toujours dans ce que nomme le politologue français Jean-François Bayart l’état patrimonial qui touche un nombre important d’états africains.

  • sulutani la passion du Congo

    says:

    Encore une analyse pertinente frappée du sceau Desc, merci de tout coeur compatriote Jean-Bosco en te lisant j’ai envie de voir cet oiseau rare qui fait tant defaut à notre cher et beaux pays paraître dès l’horizon 2016. Mais nous laissons le temps au temps, toutefois parmis vos fidèls lecteurs, beaucoup sont cela qui approuvent l’envie de mettre en pratique vos conseils ne vous lassez surtout pas car c’est de vos analyses qu’une nouvelle classe politique émergera.

    • Jean-Bosco Kongolo

      says:

      Merci beaucoup pour les encouragements et les compliments. En ce qui me concerne,je considère ce que je fais comme un devoir civique en même temps que l,accomplissement de ma part dans la construction de l’État de droit dans notre chère patrie. Personne et rien ne me détourneront de ce devoir.
      Salutations patriotiques.

  • Kilimasimba

    says:

    Excellent article ! Dans le même ordre d’idée, au Congo-Kinshasa, il faut également que cesse les bouffonneries chez ceux-là qui ont une parcelle de pouvoir ou un poste dans l’appareil d’Etat. Qu’ils cessent de s’appeler « honorable », « excellence » alors que la très grande majorité sont des opportunistes, des incultes, des parasites. Le président de la RDC, lui même analphabète, en est l’exemple pattant.
     » Apprenez que tout flatteur, Vit aux dépens de celui qui l’écoute.  » Jean de la Fontaine

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