L’ultime offensive diplomatique de Kabila: sa rencontre secrète avec le Général John Kelly, le Secrétaire général de la Maison Blanche
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Selon des sources présidentielles, une importante réunion confidentielle a eu lieu en marge de l’Assemblée générale de l’ONU entre le président Joseph Kabila et le général américain John Kelly, le Secrétaire général de la Maison Blanche. Cette réunion s’est déroulée à la demande de Joseph Kabila qui voulait rencontrer le président Donald Trump. Ce dernier avait alors dépêché l’un de ses proches collaborateurs pour aller rencontrer en toute discrétion le président Kabila à New-York. Le général Kelly est décrit par un sénateur républicain américain comme étant l’un des hommes les plus puissants de l’Administration Trump et un de ses confidents. Le fait de l’avoir dépêché, en son nom, à l’hôtel où résidait Kabila à New-York revêt tout de même un caractère important que Trump voulait accorder à cet échange, lui qui a l’habitude de tweeter tout haut ce qu’il pense.
Quelles ont été les raisons de cette rencontre que l’Administration Trump a cachée au public ? Pourquoi un mystère autour de cette rencontre? Quel a été le message de Kabila, l’initiateur de la rencontre ? Quelle a été la réaction de Kelly ou le message de Trump qu’il devrait transmettre à son interlocuteur ? Quelle a été la ligne de conduite que Trump a tracée pour son délégué ? Ce sont là toute une série d’interrogations que suscite cette rencontre atypique. Selon les sources présidentielles congolaises, aucune information n’a filtré de cet entretien en tête-à-tête. Aucune autre personne n’a assisté à la rencontre, ni aucun conseiller ni aucun garde du corps n’a été autorisé à assister à cet entretien confidentiel. La rencontre s’est déroulée à l’hôtel où logeait Joseph Kabila à New-York. La rencontre a eu lieu le 23 septembre 2017. C’est ce que nous rapporte notre source, présente sur les lieux du rendez-vous.
Une rencontre après le tête-à-tête Kabila – Charles Michel, le Premier ministre belge
Cette rencontre fait suite à une autre rencontre que Joseph Kabila a eu en tête-à-tête avec le Premier ministre belge, Charles Michel, à New-York dont très peu d’informations semblent filtrer. Toutefois, il s’agit vraisemblablement d’un forcing diplomatique[skpoy_banda_zipa] opéré par Joseph Kabila, au banc des accusés diplomatiques ces derniers temps, pour qui le fait de rencontrer ces hautes personnalités politiques constituent en soi une demie victoire diplomatique[skpoy_suka_zipa].
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Concernant la rencontre avec le Premier ministre belge, il s’agit pour l’entourage Kabila d’exploiter la guerre des clans qui couve au sein du Mouvement réformateur belge (MR), le parti libéral francophone belge divisé en deux factions autour du clan des Michel (père et fils) et de Reynders[1]. Selon certaines sources internes du MR les deux groupes n’accordent pas leurs violons sur la gestion de l’après 31 décembre 2017, notamment en ce qui concerne les acteurs devant jouer un rôle clé. Ainsi, Pour Kabila, cette rencontre était l’occasion de contourner le verrou Reynders, le ministre belge des Affaires étrangères, jugé par une experte du Congo de rouler pour le camp du « Rassemblement ».
Une offensive diplomatique tous azimuts de la dernière chance de Kabila aux Etats-Unis
La rencontre avec le général en retraite John Kelly, l’un des hommes les plus influents dans l’entourage de Trump, laisse planer quelques interrogations sur ses motivations.
C’est le cas par exemple du fait que cette réunion se soit déroulée quelques mois après la signature d’un contrat de lobbying entre les collaborateurs de Joseph Kabila et James Woolsey, un ancien directeur de la CIA et conseil de Donald Trump[2].
Pour rappel, James Woosley était l’ancien directeur de la CIA durant la présidence de Bill Clinton. Il était le chef de station de la CIA en Afrique, notamment à Lusaka en Zambie et à Ndjamena au Tchad. C’est un ancien démocrate qui fut également le directeur de campagne de Bill Clinton lors de présidentielle de 1992, avant de diriger la CIA. La proximité du clan Clinton avec Kagame, le seul soutien régional de taille de Kabila et son rôle dans le dispositif géopolitique régional actuel dans les Grands-Lacs ne sont plus à démontrer sur les intentions de ce choix bien ciblé. Reste à savoir quel est le degré d’influence de Woosley sur l’administration Trump et son chef imprévisible (Donald Trump) qui tarde à clarifier sa politique dans les Grands Lacs.
Il en est de même de la rencontre entre Kabila et Herman Cohen, l’ancien Sous-secrétaire américain aux Affaires africaines de George Bush père, reconverti dans les affaires et la consultance au sein de Cohen & Wood International (CWI). CWI est une société de lobbying privée ayant pour mission de « pénétrer et stabiliser » les marchés de leurs clients à l’international, particulièrement en Afrique. La société basée à Washington mène des actions au profit travaille des sociétés privées, des ONG, des personnalités politiques internationales ou des organismes gouvernementaux américains sur le continent africain. A travers son réseau très étoffé et ramifié d’avocats, d’anciens diplomates et hommes politiques et d’experts (même militaires), CWI offre des services de counseling[3] en stratégie sur des questions dans des pays représentant un enjeu géopolitique, géoéconomique, politique ou sécuritaire important.
En Afrique CWI s’appuie sur le savoir-faire du MPRI[4] en matière de formation, d’équipement, de conception et de gestion de force, d’appui contractuel et d’aide militaire professionnelle. Par exemple, Robert Mugabe a versé 5 millions de dollars en 2001 au cabinet CWI pour améliorer son image aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. La société a été invitée à parer aux « malentendus » et « récriminations » dont Mugabe s’estimait victime, par l’isolement international croissant de son pays.
De la même manière, Herman Cohen, habitué des Palais présidentiels africains compte parmi ses clients les présidents Blaise Compaoré du Burkina Faso, Joseph Kabila du Congo, Tanja du Niger et surtout José Edouardo d’Angola.
En Angola, durant la guerre civile, contre la rébellion de l’UNITA de Savimbi, après s’être aidé au début des années 1990 par la firme militaire privée sud-africaine Executive Outcomes (EO), pour libérer les installations pétrolières angolaises (Petrangol et Sonangol) de Soyo (extrême nord-ouest de l’Angola) tombées aux mains de la rébellion de l’UNITA, le gouvernement loyaliste dirigé par le MPLA, a conclu, par l’intermédiaire du gouvernement américain, un contrat avec la firme militaire américaine privée MPRI[5] en vue de remplacer Executive Outcomes en 1995. Ce contrat visait l’entraînement des troupes angolaises du MPLA et la réforme des FAPLA[6]. C’est durant cette période que l’Angola amorce sa reconversion géostratégique en basculant dans le giron américain.
Au Zaïre, le Blietzkrieg minier planifié par des officiers de MPRI a emporté en quelques semaines le pouvoir effondré de Mobutu. Sans l’appui technique des mercenaires américains présents aux abords des lignes de feu, l’artillerie, le support logistique d’avions géants Galaxie, Kabila n’aurait pu lancer son action victorieuse sur Kisangani et Kinshasa. La reconquête du nouveau Congo a permis aux grandes compagnies minières de prendre le contrôle d’immenses richesses du sous-sol zaïrois : diamants, or cuivre, cobalt, manganèse, uranium, coltan etc. Des contrats d’exploitation exclusive ont été signés avant même la chute de Kinshasa entre Laurent-Désiré Kabila et les consortiums miniers. En 2010, le MPRI a participé à la formation des commandos du 391ème bataillon d’infanterie des FARDC basé en Ituri, dans la Province Orientale dans le camp BASE situé à dix kilomètres de Kisangani. Cette formation, dispensée par MPRI, a coûté 34 millions de dollars[7].
Ainsi, pour revenir à la rencontre entre Joseph Kabila et John Kelly, un autre fait troublant est le fait qu’elle a eu lieu juste après l’annonce officielle de Donald Trump d’envoyer l’ambassadrice américaine aux Nations Unies, Nikki Haley en RDC[8], pour le 21 octobre 2017 afin de prendre langue avec les différents acteurs congolais impliqués dans la crise actuelle. En effet, selon certaines indiscrétions de l’entourage présidentiel, Donald Trump ne peut pas se permettre d’envoyer en catimini son bras droit aller rencontrer Joseph Kabila, le principal acteur et responsable désigné de cette crise, si c’était pour lui rappeler le réquisitoire qu’il a tenu contre lui deux jours auparavant. L’entourage présidentiel voit en cette rencontre mystérieuse un signal positif à leur égard, même si Nikki Haley a toujours traité les autorités congolaises avec une extrême virulence. Ainsi, la rencontre entre Okitundu et Nikki Haley à New York, un peu plus d’une semaine avant la visite de l’Américaine, à Kinshasa, conforte le camp Kabila qui parle de « renforcement du dialogue entre la RDC et les États-Unis »[9]. Est-ce que les lignes diplomatiques sont en train de bouger ?
L’opposition congolaise aussi n’en démord pas
Les prochaines semaines seront cruciales d’autant que de son côté, Moïse Katumbi, un des principaux opposants de Joseph Kabila, a également fait recours aux services d’un bureau de lobbying américain, Ballard Partner basé à Washington. Les deux parties ont conclu un contrat annuel d’une valeur de 600.000 dollars américains, par l’entremise d’Olivier Kamitatu, le porte-parole de Moïse Katumbi.
Comme on peut le constater, on se trouve avec un Kabila à court de stratégie politique et une opposition démunie face à la répression de Kabila, qui éprouve du mal à se structurer[10] et à proposer une stratégie et un mode opératoire efficaces de mettre en application son plan d’une transition sans Kabila, conçu avec le soutien d’une frange de la société civile pour mobiliser massivement la population. C’est sur le plan diplomatique que l’avenir de la RDC risque une fois de plus de se conjuguer. Ce, à défaut d’une solution militaire, à ne plus sous-estimer, qui risque de surprendre tout le monde et renvoyer dos-à-dos les deux parties susmentionnées. Les efforts diplomatiques de la dernière chance de Kabila risquent-ils de prolonger sa survie politique en RDC ?
Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC
Références
[1] Jean-Jacques Wondo, Reynders – Kagame : La guerre des clans du Mouvement Réformateur belge s’exporte-t-elle dans les Grands Lacs ?, 22 février 2014, http://afridesk.org/fr/reynders-kagame-la-guerre-des-clans-du-mr-belge-dans-les-grands-lacs-wondo/.
[2] https://www.buzzfeed.com/johnhudson/former-trump-adviser-woolsey-denies-lobbying-for-congolese?utm_term=.jaNP7JkR6#.nfNe3wypx.
[3] Le counseling est une pratique appliquée couramment dans les états anglo-saxons, basée sur la confiance et la confidentialité, qui permet à une personne confrontée à une problématique particulière de bénéficier d’un accompagnement spécifique pour l’aider à trouver une solution efficace et individualisée à son problème.
[4] Military Professional Resources Inc. (MPRI) est une des plus importantes sociétés militaires privées du monde. Le MPRI a été fondé en 1988 par huit officiers généraux de l’armée américaine afin de proposer au gouvernement américain une aide privée dans le développement de sa politique intérieure et internationale en matière de défense et de sécurité. Les services du MPRI reposent sur l’expérience et l’expertise d’anciens militaires et policiers de haut rang. Ils englobent le conseil et la formation aux affaires militaires et de police, et au « développement de l’application de la loi ». Il est dirigé par des anciens officiers supérieurs américains et emploie des anciens militaires. Elle est basée en Virginie et conseillée à l’époque par, entre autres, Herman Cohen, ex-Sous-secrétaire d’Etat aux Affaires africaines sous Georges Bush. « Private US Companies Train Armies Around the World », US News and World Report, 8 February.
[5] Lors d’une interview, le vice-Président du MRPI, Ed Soyster, a déclaré qu’il avait informé les autorités angolaises sur la société et ses capacités. Il a souligné les contributions que l’entreprise pourrait apporter à un Angola libéré de la guerre civile face à la tâche de reconstruire ses forces armées dans une démocratie. Il a relevé l’évidence qu’une force armée nationale bien formée, stable et motivée jouerait un rôle de renforcement de la confiance très fort dans les premières phases de la reconstruction post-conflit. http://www.issafrica.org/uploads/PEACECHAP6.PDF.
[6] Une des exigences de l’US Department of Defense et du Pentagone dans ce contrat d’aide à la formation de l’armée angolaise (FAA) était l’intégration de neuf généraux de l’UNITA dans les FAA.
[7] Tanguy Struye de Swielande, La Chine et les grandes puissances en Afrique: Une approche géostratégique et géoéconomique, PU de Louvain, 2010, pp.82-83.
[8] Trump avait d’abord annoncé son souhait d’envoi de Nikki Haley au Soudan du sud et en RDC, lors d’un diner avec les dirigeants africainsi le 21 septembre 2017 sans donner une date précise : The president said Haley would « discuss avenues of conflict resolution and, most importantly, prevention. » « We’re closely monitoring and deeply disturbed by the ongoing violence in South Sudan and in the Congo, » Trump said in a lunch meeting Wednesday with African leaders on the sidelines of the U.N. General Assembly
https://eblnews.com/video/us-president-says-he-deeply-disturbed-s-sudan-congo-violence-213340. https://www.ezega.com/News/NewsDetails/4726/Donald-Trump-to-Send-Nikki-Haley-to-South-Sudan-and-DRC.
[9] http://cas-info.ca/she-okitundu-rencontre-nikki-haley-a-new-york-un-peu-plus-dune-semaine-avant-la-visite-de-lamericaine-a-kinshasa/.
[10] https://www.dailymaverick.co.za/article/2017-10-04-op-ed-is-the-congolese-opposition-ready-to-govern/.
One Comment “DESC Confidentiel – La rencontre secrète entre Kabila et le Gen John Kelly, SG de la Maison Blanche”
Samba Ndongo
says:Très i
nstructif