Jean-Jacques Wondo Omanyundu
GÉOPOLITIQUE | 25-11-2016 15:00
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DESC Confidentiel : Kabila gronde les délégués du Conseil de sécurité de l’ONU

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

DESC Confidentiel : Joseph Kabila ridiculise les délégués du Conseil de sécurité de l’ONU

L’arrogance de Kabila envers les membres du Conseil de Sécurité de l’ONU

DESC a pu recueillir des informations assez précises de l’entretien entre le président Joseph et les membres du Conseil de sécurité des Nations unies, dépêchés en RDC pour tenter de désescalader la tension politique qui ne cesse de monter à l’approche de la fin du mandat du président congolais. L’entretien s’est déroulé au Palais de la nation le samedi 12 novembre 2016.

Photo des délégués du CS de l'ONU lors de la rencontre avec Kabila. Source : Présidence RDC
Photo des délégués du Conseil de sécurité de l’ONU lors de la rencontre avec Kabila le 12 nov 2016. Source : Présidence RDC

 

Dans son entrevue avec les membres du Conseil de sécurité de l’ONU, le président Kabila a déclaré que le compromis politique issu du dialogue sous la médiation d’Edem Kodjo reste le socle et la base de toutes les négociations politiques. Le Rassemblement n’a pas d’autre choix que d’y adhérer en apportant des amendements constructifs qui seront examinés par le Comité de mise en œuvre de l’accord de l’UA et intégrés à l’Accord sous la forme d’avenant. Il l’a d’ailleurs rappelé à ses interlocuteurs qu’il n’y a pas d’autre option que celle-là. Pour Kabila, il n’est plus question d’un deuxième dialogue qu’il qualifie de dialogue perte temps. « Il y a déjà un accord et il faut le mettre en œuvre, le plus vite possible », a-t-il dit à ses interlocuteurs.

Et selon nos différentes sources congolaises et internationales, le président Kabila a tenu un discours musclé, fustigeant l’ambiguïté de l’ONU. Il a évoqué le cas de Patrice Lumumba qui a été kidnappé à Mweka devant une unité des casques bleus Ghanéens. Il a ensuite été embarqué dans un avion  pour Kinshasa, débarqué et maltraité à l’aéroport de Ndjili pourtant gardé par des casques bleus tunisiens qui n’ont pas réagi. Puis, Lumumba a été retenu prisonnier à Mbanza-Ngungu au Bas-Congo où était stationné un bataillon des casques bleus marocains qui n’ont rien fait. Et enfin, Lumumba a été expédié à Lubumbashi comme un malfrat à l’aéroport de Luano pourtant gardé par des casques bleus suédois lourdement armés pour y être assassiné.

Dans son diatribe, Joseph Kabila leur a aussi rappelé le génocide du Rwanda qui s’est déroulé à la barbe d’une ONU indolente ; les massacres de Srebrenica en ex-Yougoslavie sous l’œil indifférent de l’ONU. Dans son cours d’histoire aux émissaires onusiens, le président Kabila a évoqué la prise de Goma en novembre 2012 par la rébellion M23 et les patrouilles mixtes MONUSCO – terroristes du M23 montrées dans toutes les télévisions du monde.

Enfin, sur ce chapitre des insuffisances de l’ONU, le président congolais a rafraîchi la mémoire de ses hôtes en évoquant le massacre de Sabra et Chatila — deux camps de réfugiés palestiniens de Beyrouth-Ouest perpétré du 16 au 18 septembre 1982 lors de la Guerre civile du Liban[1]. Les deux camps des réfugiés de Sabra et Chatila au Liban étaient pourtant protégés par les troupes de la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) qui sont restées l’arme aux pieds sans brocher pendant les trois jours de massacres, a martelé Joseph Kabila.

Bref, selon nos différentes sources, Joseph Kabila a démontré à l’ONU son inefficacité et son impuissance à ramener la paix dans plusieurs endroits du globe terrestre. Et cette fois-ci, a)t-il demandé à ses visiteurs, « les Nations unies doivent faire montre de sérieux et de crédibilité pour ramener toutes les filles et tous les fils de la RDC à regarder dans la bonne direction, celle de la paix et de la stabilité politique », sans parti pris. Selon une source, Joseph Kabila a tenu un discours de la plus grande fermeté envers la délégation de l’ONU.

Dans un ton menaçant, empreint d’une arrogance ostentatoire sans précédent, Joseph Kabila s’est permis de conclure sa rencontre en disant à ses hôtes de ne plus jamais revenir en RDC. C’était la dernière fois qu’il les rencontrait. S’il l’avait fait, c’était par respect à la présence des délégués de la Russie, de la Chine, de l’Egypte et de l’Angola. Il s’en est enorgueilli par la suite auprès de ses collaborateurs au sortir de l’entrevue.

Voilà comment un monstre fabriqué de toutes pièces échappe au contrôle total de ses créateurs. Honte et infamie à cette communauté internationale occidentale!

Quand les Etats-Unis et l’ONU pressent un régime intraverti et autiste

C’est une sorte de guerre de tranchées, à visage découvert, que se livrent depuis 2014 le régime de Kabila et la Communauté internationale. En effet, la « guerre de tranchées » est l’expression appropriée pour décrire les relations tendues entre les Nations Unies et le régime Kabila dans une sorte d’escalade diplomatique à l’issue incertaine, quoique prévisible pour certains analystes.[2]

Nous écrivions en 2014 que constatant les limites d’un régime illégitime qu’ils ont soutenu depuis 2001, voire à partir de la guerre de la libération de l’AFDL en 1996, pour sauver leur face, les Etats-Unis pressent Joseph Kabila à respecter la Constitution et à ne plus se représenter en 2016, au terme de ses deux mandats électifs. Ainsi, tous ce que les Etats-Unis coptent comme émissaires nationaux et internationaux directs, indirects ou officieux[3] ne cessent d’être mis à contribution pour relayer haut et fort la position officielle des Etats-Unis. Celle d’exhorter et de faire pression sur le président Joseph Kabila pour qu’il quitte le pouvoir le 19 décembre 2016, comme le prévoit la Constitution. Une position inflexible qui transcende les résultats de la dernière élection présidentielle américaine[4].

Evidemment cette prise de position diplomatique est mal digérée par les « flatteurs » qui entourent Joseph Kabila et le poussent dans une posture autiste suicidaire à faire recourir à une rhétorique souverainiste creuse et anachronique, sans pour autant comprendre que la souveraineté d’un Etat se mesure à l’aune de sa capacité réelle de disposer du monopole de la violence légitime censée assurer à l’Etat l’intégrité territoriale.

Sur le point relatif aux échéances électorales liées à la fin de son mandat, les membres du conseil de sécurité ont exigé à Kabila de leur fournir une date précise de l’organisation de la présidentielle. Ils voulaient également que Kabila leur déclare officiellement qu’il ne sera pas candidat à un troisième mandat présidentiel. Dans une langue de bois le chef del ‘Etat congolais a renvoyé ses interlocuteurs poliment vers Corneille Naanga, le président de la CENI – que le régime qualifie de dispositif stratégique somnifère[5] – qui organise les élections, pas lui. Mais pour le reste, Kabila a dit être toujours disposé et ouvert aux discussions avec tout le monde, mais uniquement sur la base de l’accord obtenu par Edem Kodjo et rien d’autre. C’est le même message que Kabila a répété à la tentative de médiation menée par la CENCO, l’épiscopat congolais.

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À la question de savoir s’il compte briguer un troisième mandat, le président Kabila a déclaré vouloir se conformer à la Constitution qui était explicite sur la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. Mais il a glissé une phrase qui laissait clairement entendre que la Constitution pouvait également faire l’objet d’une révision ou d’un changement par référendum.

Un peu agacé par l’insistance de ses interlocuteurs, Kabila s’est étonné de voir le Conseil de sécurité de l’ONU se préoccuper sur une violation de la Constitution en RDC pendant qu’il ferme les yeux sur d’autres violations de la constitution dans les pays voisins de la RDC.

Devant ses collaborateurs, Kabila a déclaré qu’il ne faut pas être distrait par les négociations en trompe-l’œil avec le Rassemblement alors que le « juif »[6] (lire Katumbi) et son réseau se préparent à mettre le pays à feu et à sang en préparant une guerre civile.

Armes saisies au Kenya pour une rébellion en RDC ?

Les différents responsables des services de renseignements congolais se sont rendu au port de Mombasa au Kenya depuis le weekend du 12 novembre où les services de sécurité du Kenya ont découvert une importante cargaison d’armes repartie en plusieurs containers avec pour destination finale l’est et le sud-est (ex-Katanga) de la RDC. Ces armes, selon les indiscrétions de nos sources, auraient été achetées en Bulgarie par le réseau proche d’un opposant congolais non autrement identifié. Ces armes ont été achetées avec de fausses licences d’importations.

Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC

Références

[1] Les deux camps étaient encerclés par l’armée israélienne, qui y envoya une milice libanaise chrétienne, les phalangistes, afin d’en extraire des combattants palestiniens présumés présents2,3,4. Selon les rapports, entre 700 et 3 000 civils palestiniens y furent assassinés alors que ce massacre était évitable si la FINUL avait correctement agi conformément au mandat qui lui a été assigné.

[2] See more at: http://afridesk.org/fr/vers-une-guerre-de-tranchees-entre-lonu-et-kabila-jj-wondo/#sthash.EeTSp5up.dpuf.

[3] Le secrétaire d’Etat américain John Kerry, L’Envoyé spécial du président Obama dans les Grands-Lacs Russ Feingold, la Sous-secrétaire américaine aux Affaires africaines Linda Thomas Greenfield, l’ambassadeur des Etats-Unis à Kinshasa James C. Swan, le nouvel Envoyé spécial du président américain, Tom Perriello et les Nations Unies.

[4] RDC. Pas d’effet Trump pour Joseph Kabila, Paris Match, 15/11/2016. http://www.parismatch.com/Actu/International/RDC-Victoire-de-Trump-fausse-bonne-nouvelle-pour-Joseph-Kabila-1118456.

[5] Selon une source présidentielle, la CENI fait partie du dispositif stratégique et opérationnel de glissement qui permet au régime Kabila de développer de prétextes techniques fallacieux dans le but de retarder le plus tard possible les élections hypothétiques.

[6] C’est le sobriquet donné à M. Katumbi par le cercle présidentiel congolais.

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