Le chef de l’Etat de la République du Congo (Brazzaville), Denis Sassou Nguesso, vient de publier ce 3 janvier une série de décrets présidentiels visant la restructuration des Forces armées congolaises (FAC) et des services de sécurité.
La Garde républicaine, chargée de la protection présidentielle, la Gendarmerie nationale et la direction générale de la sécurité présidentielle sont les organes particulièrement concernés dans cette restructuration. Ce remaniement s’opère à une période où la question de la succession du Président à la tête de l’Etat est dans tous les débats publics et politiques. Ce qui hante certains esprits dans les milieux sécurocrates où certaines rivalités se font de plus en plus transparaitre. Ce remaniement conforte le caractère ethnique de l’armée fortement dominée par les Mbochi, l’ethnie du président. Depuis la fin de la guerre civile en juin 1997, la configuration des forces de défense et de sécurité reste très largement dominée par les ressortissants de l’ethnie présidentielle Mbochi d’Oyo de la partie nord du pays – Département de la Cuvette – district d’origine du président Sassou Nguesso. Les nordistes constituent occupent plus de 70 % des postes de haut-commandement dans l’armée et les services de sécurité. Cependant, ces nominations se font également sur base d’un solide critère de compétence. Les promus sont presque tous issus de grandes écoles militaires françaises.

Le président Denis Sassou Nguesso tient à garder la main forte sur l’armée et les services de sécurité du pays en y plaçant des personnes jugées à la fois compétentes, loyales et en majorité proches sur le plan ethnique, comme dans la plupart des pays de l’Afrique médiane. C’est ainsi qu’il nomme le Mbochi, le Colonel Basile Boka à la super fonction de commandant de la Garde républicaine (GR), l’unité d’élite en charge de la protection présidentielle. Cet ex-chef du Régiment blindé des FAC était jusqu’à sa nouvelle promotion commandant de la 8ème zone de défense, Kinkala, dans le département trouble du Pool au sud du pays. Il a également dirigé le premier régiment blindé et le sous-groupement opérationnel de Mindouli, dans le Pool, dans le cadre de l’opération « kimia » qui était destinée à ramener la quiétude dans cette partie du pays à la suite des troubles sociopolitiques[1]. Il succède à ce poste au général de brigade Gervais Akouangué, qui dirigeait la GR depuis 2018.
Le général de brigade Gervais Akouangué, ancien commandant de la GR prend le commandement de la Gendarmerie Nationale. Cette force hybride de police à statut militaire chargée d’assurer les missions de sécurité publique, de maintien de l’ordre public et de la surveillance du territoire, accomplissant ainsi des missions de police administrative et judiciaire, de protection des personnes et des biens, ainsi que de défense en cas de menacé armée. Il remplace le général de division Paul Victor Moigny (Mbochi), parti à la retraite. Il est secondé par le colonel Patrick Immath Mouyoki en tant que chef d’état-major de la gendarmerie, jusque-là directeur général de l’Ecole de génie travaux (EGT) des FAC. Ce dernier est chargé de réactiver ce corps stratégique un peu endormi. Il est diplômé de Saint-Cyr, formé à l’Ecole des officiers de la Gendarmerie national (EOGN) de Melun (France), et proche de Guy Blanchard Okoï, chef d’état-major général des FAC. Immath succède à un autre saint-cyrien, Bellarmin Ndongui. Originaire comme lui du département de la Bouenza (Sud), Immath Muyoki a aussi été membre du comité d’études stratégiques de Géopolitique africaine, la revue de lobbying du chef de l’Etat congolais. Celle-ci a longtemps été présidée par le professeur Patrick Wajsman, directeur de la Politique internationale.[2]
Au niveau des « services », le tout-puissant indéboulonnable, fidèle parmi les fidèles, Jean-Dominique Okemba (JDO) maintient son poste à la tête du Conseil national de sécurité (CNS), la superstructure qui coordonne tous les services de sécurité et de renseignement au sein de la présidence de la République. La Direction Générale de la sécurité présidentielle (DGSP), second pilier de la sécurité du chef de l’Etat, sera désormais assurée par le Général Serge Oboa, un fidèle de Jean-Jacques Bouya, l’influent ministre d’Etat en charge des grands travaux[3].
Il faut noter que ce remaniement intervient dans un climat politique que d’aucuns qualifient de fin de règne de Denis Sassou Nguesso. Ses détracteurs le soupçonnent de préparer son fils, Denis Christel Sassou Nguesso, ministre de la Coopération internationale et de la Promotion du partenariat pubic-privé, à sa succession. Cela suscite depuis quelques années des oppositions et des luttes d’influence entre ses proches collaborateurs, civils comme militaires. Certains d’entr’eux ont été neutralisés. C’est le cas du général Norbert Dabira, ancien inspecteur des Forces armées congolaises (FAC). La justice congolaise l’a condamné en mai 2018 le à cinq ans de prison ferme pour atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat. Il en est de même de l’ancien chef d’état-major général des FAC et ex-conseiller du chef de l’Etat congolais, le général en retraite Jean-Marie Mokoko. Cet ancien candidat à la présidentielle congolaise de 2016 est condamné à 20 ans de prison pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’État ». On peut enfin citer André Okombi Salissa, un ancien fidèle du président congolais Sassou Nguesso. Candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2016 et plusieurs fois ministre, il est passé à l’opposition à l’approche du référendum constitutionnel de 2015. Okombi Salissa a été condamné le 6 mars 2019 par la cour criminelle de Brazzaville à 20 ans de travaux forcés. Détenu depuis janvier 2017, il est accusé d’« atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat et détention illégale d’armes et munitions de guerre » en vue de renverser les institutions du pays ».
Structure des FAC
Les Forces armées congolaises sont constituées de trois composantes, à savoir l’Armée de Terre, la Marine Nationale et l’Armée de l’Air auxquelles il faut ajouter la Gendarmerie Nationale. En République du Congo, il n’existe pas de ministre de la Défense, mais bien le ministre à la Présidence de la République chargé de la défense nationale, Charles Richard Mondjo. Le président Sassou Nguesso, cumule également la fonction du ministre de la Défense. Le Ministère de la Défense assure la gestion des Forces Armées Congolaises et de la Gendarmerie nationale.
Pour rappel, la République du Congo dispose d’environ 1 370 km de frontières fluviales communes avec son voisin la RDC et 200 km de frontières maritimes sur la côte Atlantique.
Le général de Division Guy Blanchard Okoi est le chef d’État-major général des FAC. Il est également originaire du département de la Cuvette de l’ethnie Mbochi.
Le budget des FAC s’élève à 317 millions de dollars US. Les effectifs des FAC sont estimés à 12.000 hommes dont 8000 pour la force terrestre répartis dans un bataillon para-commandos, deux bataillons blindés, trois bataillons d’infanterie, un bataillon d’infanterie aéroportée, un bataillon du génie et un groupement d’artillerie ; 1200 hommes pour la force aérienne, 800 hommes pour la force navale[4] et un bataillon de la Garde républicaine. La gendarmerie est constituée de 20 escadrons de 2000 hommes[5].
Selon l’article 170 de la Constitution de la république du Congo :
« La force publique est composée de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des forces armées congolaises ». L’article 171 de cette constitution stipule notamment que « la force publique est apolitique. Elle est soumise aux lois et règlements de la République. Elle est instituée dans l’intérêt général. Nul ne doit l’utiliser à des fins personnelles. »
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Diplômé de l’Ecole Royale Militaire (Belgique)
Breveté des Hautes études de défense et sécurité de l’Institut Royal Supérieur de Défense (Belgique) – Master en criminologie de l’Université de Liège – Détenteur d’un postgraduate en science politique/Relations Internationales de l’Université Libre de Bruxelles.
Expert et Consultant pour les questions de défense et sécurité de l’Afrique médiane.
Références
[1] https://www.adiac-congo.com/content/forces-de-securite-la-garde-republicaine-un-nouveau-commandant-144481.
[2] Africa Intelligence, 09/01/2023.
[3] Africa Intelligence, 09/01/2023.
[4] The Military Balance 2022.
[5] http://forum.aviationsmilitaires.net/viewtopic.php?nomobile=1&f=6&t=1714.
2 Comments on “Denis Sassou Nguesso resserre les rangs de son armée sur fond de guerre de succession ?”
passy
says:Bonjour, votre parcours m’incite à échanger avec vous si vous le voulez bien.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
says:Bonjour,
Vous pouvez m’envoyer vos coordonnées et une petite présentation sur jjwondo@yahoo.fr.
Merci