DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 07-11-2022 08:00
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FARDC – Décryptage du récent remaniement du commandement des FARDC

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Le Président Tshisekedi remet l'étendard de commandement au Chef d'état-majot Général des FARDC, Christian Tshiwewe Songesha

Attendue depuis 2021 après la mise en place du gouvernement de l’Union sacrée pour la Nation, c’est finalement le 3 octobre 2022 que les ordonnances nommant les principaux animateurs des FARDC ont été rendues publiques à la RTNC, la télévision congolaise. C’est uniquement sur cette première vague de nominations que la présente analyse va se consacrer.

Comme premiers enseignements de ces changements, on peut d’abord constater, contrairement à la restructuration du commandement de l’armée de 2020 qui consacrait en quelque sorte la continuité de l’ancien régime, que les récentes nominations, après la fuite du général John Numbi, semblent marquer un point d’inflexion avec l’ancien establishment militaire de Joseph Kabila, dominé jadis par l’ex-Grand Katanga. La récente arrestation de Philémon Yav, le commandant de la Troisième région militaire – couvrant les provinces de l’est de la RDC – et les remplacements des généraux ultra-kabilistes comme Célestin Mbala Munsense et Jean-Claude Yav Kabej, ancien chef d’état-major adjoint en charge des renseignements et opérations, en sont des signes.

Le deuxième constat est qu’à l’instar de l’Union pour la nation où il contrôle désormais l’espace politique congolais, le président Tshisekedi semble progressivement imprimer sa main mise sur une armée qui reste encore à réformer en profondeur. C’est ce qu’il a essayé de faire en mettant en place un inner circle militaire qui s’articule autour de deux généraux clés qui ne cessent de gagner ses faveurs. Il s’agit du Lieutenant-Général Christian Tshiwewe Songesha, le nouveau chef d’état-major général des FARDC et du Général Major Franck Ntumba Buamunda, le chef d’état-major particulier du Président et chef de la maison militaire du chef de l’Etat, maintenu à son poste.

La troisième lecture est que c’est autour des officiers qui ont assuré sa protection au sein de la Garde républicaine (GR) que le président Félix Tshisekedi forme l’ossature de son nouvel establishment militaire par les transferts de Tshiwewe, Chico Tshitambwe vers l’état-major général des FARDC. Une façon de placer des généraux loyaux et de confiance qui l’ont côtoyé au quotidien dans le commandement d’une armée hétéroclite.

Le Lieutenant-Général Christian Tshiwewe, le chef EMG des FARDC
Un état-major général restructuré, dirigé par le Lieutenant-Général Christian Tshiwewe

Élevé le 3 août 2022 au grade de lieutenant-général (trois  étoiles), Christian Tshiwewe Songesha, ancien commandant de la GR devient le nouveau Chef d’état-major général de l’armée. Il remplace le Général d’armée Célestin Mbala Munsense.

Christian Tshiwewe Songesha est né le 27 octobre 1968 à Lubumbashi, dans l’actuelle province du Haut-Katanga. Son père était un Songye de Lubao (Province de Lomami) et sa mère est une Tchokwe de Dilolo (Province du Lualaba). Après le décès de son père, il sera élevé par son beau-père katangais. C’est ce qui explique sa filiation sociologique katangaise.

C’est en avril 1997, peu après la prise de la ville de Lubumbashi par l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila, que Tshiwewe est recruté dans les rangs de cette rébellion. Il ira suivra d’août 1997 à juin 1999 une formation de deux ans en sciences militaires à l’Ecole militaire soudanaise. A son retour au Congo en 1999, il est affecté au Centre d’instruction de Mura à Likasi dans l’actuelle province du Haut-Katanga. Un centre où Laurent-Désiré Kabila a fait appel aux instructeurs militaires Nord-Coréens pour former entre 3000 à 4000 jeunes recrues censés former le noyau du Groupe Spécial de Sécurité Présidentielle (GSSP), pour succéder à l’ancienne unité de protection présidentielle dénommée Presidential Protection Unity (PPU). Christian Tshiwewe en sera un des officiers instructeurs et encadreurs. Il y suivra, lui-même, de 1999 à 2000, les cours de commandement d’état-major dispensés par les Nord-Coréens. Il deviendra ensuite commandant du centre d’instruction de Mura. Il exercera l’essentiel de sa carrière militaire au sein de la garde présidentielle en suivant d’autres formations complémentaires à Kinshasa et en Angola.

En 2004, le GSSP devient la GR (Garde républicaine), Tshiwewe y gravit progressivement les échelons tout en évoluant dans l’ombre des commandants successifs de la GR. En 2014, le président Joseph Kabila le nomme commandant adjoint de la GR en charge des renseignements et des opérations, soit le numéro deux de cette unité. Il gardera cette fonction jusqu’en avril 2020 lorsqu’il sera promu commandant de la GR et élevé au grade de général major. Le 3 août 2021, sa loyauté envers Tshisekedi lui vaudra l’élévation au grade de lieutenant-général qui préfigurait sa nomination à la tête des FARDC. Nous détaillerons ultérieurement son parcours militaire.

Le Lieutenant-Général Christian Tshiwewe est décrit par ses anciens collègues de promotion et de service que nous avons contactés comme étant un officier loyal, patriote et républicain avec plein de qualités d’humanisme. « C’est un bon chef de troupes, courtois, très professionnel, discipliné et concentré sur son métier ». Les défis à relever seront très énormes avec une armée composite, désorganisée, mal équipée et mal réformée. Par ailleurs, au regard de son cursus, assez limité, il y a lieu de se poser des questions sur ses qualités de commandement d’une armée.

Le Général Major Franck Ntumba, le Chef de la Maison militaire du Président
Franck Buamunda Ntumba, le Chef d’état-major particulier du Président maintient son poste convoité

Si la nomination du Général Tshiwewe au poste de Chef d’état-major général des FARDC n’a pas vraiment surpris les observateurs avisés, après sa promotion au grade de Lieutenant-général, d’autant que les rumeurs faisant état du remplacement du Général d’armée Mbala devenaient récurrentes, c’est plutôt le maintien du Général Major Franck Buamunda Ntumba au poste de Chef d’état-major particulier du Président et Chef de la Maison Militaire du Chef de l’Etat qui reste une information très importante que très peu d’observateurs ont remarquée. Pourtant, le numéro deux de la Maison militaire du Président a été remplacé par le Général Major Jules Banza Mwilambwe.  Le maintien de ce général Luba du Kasaï, ex-Garde civile sous Mobutu et ancien des renseignements militaires, est la résultante de sa loyauté au Président, selon une source de la Maison militaire, malgré les attaques dont il a fait part de ses détracteurs dans l’armée [1].

Dans l’entourage militaire du Président, le général Franck Ntumba et le général en retraite Gilbert Kabanda, ministre de la Défense nationale, se présentent comme faisant partie du courant des réformateurs qui s’opposent aux généraux partisans de la continuité du système Kabila dans l’armée. D’ailleurs, c’est un secret de Polichinelle que le ministre Kabanda entretenait des relations exécrables avec le Général Célestin Mbala, un kabiliste pur et dur qui bloquait plusieurs dossiers importants de la Défense exigeant sa signature. Mais d’autres observateurs y voient plutôt des nominations à caractère népotique. Ntumba étant de l’ethnie lulua du Kasaï tandis que Kabanda ets le beau-père de Madame Denis Nyakeru, l’épouse du président Tshisekedi, tous deux de l’ethnie Bashi du Sud-Kivu. C’est un ancien Garde civile, sous Mobutu, qui a suivi une formation complémentaire anti-terroriste en Egypte au début des années 1990. Il a évolué au sein du CNS (Conseil national de sécurité) en tant que chef de département opérationnel.

Depuis sa nomination à ce poste stratégique en juillet 2020, le Général-major Franck Ntumba, selon une source du CNS (Conseil national de sécurité), a progressivement gagné la confiance du « Chef ». Il fait désormais partie des hommes-clés du dispositif militaire et sécuritaire de Tshisekedi. « Il est systématiquement consulté par le Président Tshisekedi sur les questions d’ordre militaire et sécuritaire, voire sur d’autres questions stratégiques qui dépassent les domaines militaires et sécuritaires ». En tant que Chef d’état-major particulier du Président, la mission du général Ntumba est d’assister le Président de la République dans sa tâche de commandant suprême des forces armées[2], sans pour autant s’immiscer dans le commandement ni la gestion journalière de l’armée et de la défense.

Pour rappel, c’est le Général Ntumba que le Président Tshisekedi a confié la mission de concevoir et piloter l’état de siège. C’est en outre le Général Major Franck Ntumba qui est à la base d’une enquête menée contre certains généraux suspectés de détournements de fonds alloués aux opérations militaires à l’est du pays. Ce sont ses services qui sont également à la base de récentes interpellations et arrestations au sein de l’armée après avoir suspecté des actes d’atteinte à la sureté de l’Etat dans le chef de certains hauts gradés de l’armée dans la guerre contre le M23. Une source qui le connait bien met en doute sa loyauté envers Tsisekedi. Il le décrit comme un officier caméléon qui a fait partie de la rébellion du MLC de Jean-Pierre Bemba avant de rejoindre par la suite la rébellion pro-rwandaise du RCD-Goma. De ce fait, on le soupçonne d’avoir encore des relais au Rwanda. Déjà à la DEMIAP (Renseignements militaires), il était impliqué dans des dossiers de biens mal acquis et d’extorsions de biens immobiliers, nous dit notre source. C’est un officier malhonnête et inconstant.

D’autres Généraux promus qui forment la nouvelle charpente militaire des FARDC et de la GR
Le Général Major Jacques Itshangoliza Nduru, le chef d’état-major adjoint chargé des opérations et renseignements

Le cas du Général Major Jacques Itshaligonza Nduru, le nouveau Chef d’état-major adjoint chargé des opérations et renseignements pose problème alors que le Président Tshisekedi avait dénoncé la présence dans l’armée de certains officiers au passé obscur.  Ce Hema de l’Ituri est un ancien rebelle du RCD-K/ML de Mbusa Nyamwisi. Jacques Nduru a exercé les fonctions de chef d’état-major du RCD-K/ML, puis de l’Union des patriotes congolais (UPC) et de sa branche militaire, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), dirigée par Thomas Lubanga  qui  fut condamné par la CPI en juillet 2012. L’UPC a été à la base de l’activation des conflits intercommunautaires qui embrasent actuellement la province de l’Ituri. De 2017 à 2018, le général Itshangoliza a successivement été commandant adjoint chargé des opérations et renseignements de la 3ème Zone de Défense[3], puis commandant des opérations Sukola 2 qui traque sans succès les rebelles rwandais des FDLR dans le petit nord de la province du Nord Kivu en 2018 avec son poste de commandement basé à Rutshuru. En octobre 2019, le président Tshisekedi le nomme comme Commandant du secteur opérationnel Sukola 1 contre les rebelles ADF dans le Grand Nord et en Ituri, avec son QG installé à Bunia dans une zone qu’il connait bien pour y a voir évolué en tant que rebelle[4]. Mais cela n’a pas permis de juguler l’insécurité qui règne dans cette partie du pays. Au contraire, la situation sécuritaire s’y est davantage détériorée, malgré l’état de siège décrété en mai 2021 et l’opération militaire Shuja menée par l’UPDF, l’armée ougandaise depuis novembre 2021, selon un rapport publié en août 2022 par le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et Ebuteli, son partenaire de recherche[5].

Si son action dans l’est de la RDC s’est montrée contre-performante, comment pourrait-il réussir dans une fonction de commandement aussi stratégique que celle du Chef d’état-major général adjoint en charge des opérations et renseignements, avancent certains officiers supérieurs et généraux congolais s’exprimant sous anonymat ? Le général Itshangoliza devient le numéro deux des FARDC après Tshiwewe. En tant qu’adjoint en charge des opérations et renseignements, Itshangoliza Nduru est le véritable chef des opérations des FARDC. Que pourrait-on en attendre concrètement au vu de ses contreperformances ci-haut mentionnées ? Est-ce une nomination à connotation politique pour séduire les Hema de l’Ituri et à l’Ouganda qui a parrainé la rébellion dans laquelle il a évolué et qui a déployé son armée au Nord-Est du Congo alors qu’en même temps ses troupes appuient les attaques du M23 dans le territoire de Rutshuru ?

Le Général-Major Léon Richard Kasonga, Chef d’état-major adjoint chargé de l’Administration et Logistique

Le Général major Léon Richard Kasonga Cibangu, ancien porte-parole de l’armée, devient Chef d’état-major adjoint des FARDC en charge de l’Administration et Logistique. Après sa licence en journalisme à l’ISTI, il est volontaire pour l’armée, en août 1985, dans la même Promotion Spéciale des Universitaires pour la formation militaire de base à la 31ème Brigade para commando du CETA, casernée à l’époque près de l’aéroport de Ndjili. Il passera l’essentiel de sa carrière militaire dans le service de presse de l’Armée[6] jusqu’à sa récente nomination.

Le général Kasonga est docteur en sciences de communication à l’IFASIC. Comme la majorité des officiers congolais, peu importe leurs aptitudes militaires, il est diplômé du CHESD.  Cet officier général Luba, particulièrement connu pour ses déclarations ubuesques et surréalistes en porte-à-faux avec les situations opérationnelles du terrain, ne cesse de devenir un homme clé du dispositif militaire présidentiel depuis trois ans. Il est appelé à gérer l’administration, les finances et la logistique d’une armée gangrenée par la corruption, le détournement de fonds et la cannibalisation des moyens logistiques destinés aux troupes au combat sans présenter objectivement un profil de fonction adapté à ce poste très stratégique qui requiert des compétences spécifiques en gestion logistique et administrative de l’armée. Le fait de passer au CHESD, ce collège français censé au départ offrir des formations en stratégie à un public soigneusement sélectionné sur base de plusieurs pré requis objectifs, mais devenu un machin de distribution automatique des diplômes à tous les recommandés de la République, est la seule référence que nous détenons de sa formation militaire.

Le Général Major Christian Ndaywel, Sous-chef EM chargé des renseignements (ex-Démiap)

Le Général-Major Christian Ndaywel Okura est le nouveau chef des renseignements militaires (ex-Démiap) en qualité de Sous-chef d’état-major général en charge des renseignements. Fils de l’éminent historien Isidore Ndyawel, ce général a d’abord vécu en Belgique où il a côtoyé le Président Tshisekedi, avant d’être incorporé au sein des FARDC au milieu des années 2000, sans avoir suivi une formation de base d’officier. Ila a entrepris un début d’études universitaires en droit aux Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles, sans succès. Il a souvent été aux côtés de l’opposant Zahidi Ngoma au début des années 2000. Ce dernier qui a inscrit son nom sur la liste des personnes appartenant à son équipe de sécurité personnelle. C’est à ce titre que Ndaywel a incorporé les FA5RDC en 2003 dans le cadre du processus bâclé de brassage, avec le grade de major.  Il a notamment suivi une formation à l’Ecole d’état-major (ECEM) avec la 21ème promotion. Il est également breveté de l’Ecole de guerre à Paris avec la 19ème promotion. Il a fait partie du contingent congolais de la MINUSCA déployé en Centrafrique  dans le cadre de la MINUSCA en tant que chef de cabinet du commandant de cette force de la mission de consolidation de la paix en RCA. Il a été pendant huit ans conseiller de différents ministres de la Défense. Le Général Ndaywel a été le coordonnateur de la cellule de veille et anticipation stratégique. Breveté de la 3ème promotion du CHESD, il a tour à tour été le commandant adjoint chargé des opérations et renseignements de la Première Zone de Défense (Ouest de la RDC), puis Commandant ad interim de la Première Zone de Défense avant sa nomination en tant que responsable des renseignements militaires des FARDC.

Le Général-Major Ndaywel est très proche du Général Franck Ntumba qu’il appelle « masuwa », c’est-à-dire son filleul. Ce dernier a probablement pesé dans sa nomination à la tête des renseignements militaires. Les défis qui l’attendent seront très énormes avec une armée infiltrée de toutes parts et les renseignements militaires qui sont souvent perçus comme étant la police politique militaire du régime.

Le Général Major Jérôme Chico Tshitambwe, ancien chef d’état-major adjoint en charge des opérations et renseignements de la GR devient Sous-chef d’état-major adjoint chargé des opérations des FARDC. Tshitambwe est un Luba, originaire du territoire de Miabi dans le Kasaï-Oriental, la province d’origine du président Tshisekedi. Il se rapproche de ce dernier en 2018 durant la campagne électorale lorsque Joseph Kabila, qui l’appréciait personnellement, lui confie la mission de sécuriser le passage de Tshisekedi et Kamerhe au Nord-Kivu. Depuis, il connait une ascension fulgurante. Tshitambwe intègre l’armée, les FAC de Laurent-Désiré Kabila, dans le lot des étudiants de l’Université de Lubumbashi qui se sont fait enrôler dans l’armée après la prise de pouvoir de l’AFDL.  Il était en première licence en science politique. Il suit son instruction militaire au centre de formation de Mura, dispensée par les Tanzaniens. Il sera ensuite affecté à Kisangani où il profitera pour poursuivre ses études à l’université de Kisangani. C’est là que son unité sera brassée lorsque les instructeurs belges vont commencer à mettre en place les brigades organiques (5ème, 13ème, 14ème et 18ème  Brigades).

 

Général Major Chico Tshitambwe, Sous-Chef EMG chargé des opérations

Le général Tshitambwe était nommé commandant adjoint chargé des opérations et renseignements de la 32ème Brigade de l’unité de réaction rapide (URR) basée à Kindu, sans y avoir suivie la formation de base dispensée par les instructeurs belges. Il est ensuite devenu commandant de cette 32ème  Brigade URR lorsque son chef a été relevé. Cette brigade a été déployée à Beni au Nord-Kivu en 2020 dans le Nord-Kivu. Tshitambwe commandait les opérations dans l’axe nord (Erengeti – rivière Semuliki) de l’opération Sukola 1 contre les présumés rebelles des ADF avant de rejoindre la GR. En avril 2020, Tshisekedi le nomme au poste de chef d’état-major adjoint en charge des opérations et renseignements de la GR. Avant sa nomination, il a commandé une unité spéciale de la GR envoyée en appui aux opérations de l’est. Mais l’unité s’est désintégrée en moins de quelques jours dès le premier engagement contre l’ennemi au front, selon une source de la 34ème région militaire à Goma. Son unité a également pris part aux combats qui ont conduit à la prise de Bunagana par le M23.

Général Major Ephraïm Kabi Kiriza, Commandant de la Garde républicaine

Le Général Major Ephraïm Kabi Kiriza remplace Tshiwewe comme Commandant de la Garde Républicaine. Il est originaire du groupement d’Izege dans chefferie de Ngweshe dans le territoire de Walungu dans le Sud-Kivu dont sont originaires Vital Kamerhe et Denise Nyakeru, l’épouse du président. Le général Kabi fait partie des premiers «Kadogos», ces jeunes soldats recrutés par Laurent Désiré Kabila dans l’AFDL à Bukavu en septembre 1996. Il fera ensuite partie des PPU, du GSSP et de la GR où il a gravi progressivement les échelons militaires. En 2015, Joseph Kabila le nomme colonel et il prend le commandement du 11ème Régiment d’Infanterie Spéciale de la GR, basé à l’aéroport de Ndjili. En avril 2020, il est élevé au grade de Général de Brigade et nommé en même temps Chef d’état-major de la GR en charge de la Logistique (T4). Il sera promu Général Major le 3 octobre 2022.  On le décrit comme un officier discipliné, discret et avec un fort caractère. Ayant principalement évolué dans la GR, il connait bien ses troupes. Ses compagnons d’armes le décrivent comme un « guerrier », loyal et digne de confiance.

Le général Kabi est assisté de deux généraux Luba :
  • le Général de Brigade Herikson Inyengeli Bakati qui commandait le 11ème Régiment d’Infanterie Spéciale, comme Commandant Adjoint chargé des opérations et renseignements et
  • le Général de Brigade Désiré Mulumba Kabanangi, comme Commandant Adjoint chargé de l’administration et logistique.

Le Général major Jules Banza Mwilambwe  devient Chef d’état-major adjoint de la Maison Militaire. Ce général Mulubakat, autrefois proche de John Numbi, était précédemment Chef d’état-major adjoint chargé de l’administration et de la logistique de la GR. Jules Banza est un ancien officier du 16ème Régiment blindé de la GR commandé à l’époque par Ilunga Kampete, l’ancien commandant de la GR avant Tshiwewe et l’actuel commandant de la base de Kitona au Kongo Central.

Le puissant Général d’Armée Gabriel Amisi, dit Tango Four, au passé rebelle sulfureux, jadis proche de Joseph Kabila et de Kigali, est maintenu dans sa fonction d’Inspecteur Général des FARDC. Tango Four porte le grade le plus élevé de l’armée en violation de la législation militaire congolaise alors que légalement, c’est le chef d’état-major général des FARDC qui doit porter le grade le plus élevé de tous les militaires actifs dans l’armée.

Le  Général Major François Kabamba wa Kasanda, un polytechnicien diplômé de l’Ecole royale militaire belge, conserve son poste de Conseiller militaire privé du Président, qui lui confie régulièrement plusieurs missions internationales et régionales en lien avec la crise sécuritaire à l’est du pays.

Conclusion

Les récentes restructurations de la haute hiérarchie des FARDC, de la GR et de la Maison Militaire du Président renseignent que les généraux Franck Tumba et Christian Tshiwewe forment désormais le premier noyau militaire des fidèles du Président Tshisekedi. Il s’agit d’un premier changement significatif opéré par le président congolais dans la hiérarchie militaire qui jusque-là était encore largement commandée par les officiers loyaux à son prédécesseur Joseph Kabila. Cependant, quelques Katangais et anciens fidèles de Kabila restent encore aux postes de commandement de l’armée.

Ces remaniements consacrent également la montée en puissance des officiers Luba du Grand Kasaï dans l’armée. Cela se fait subtilement suivant une logique népotique prétorienne – à l’instar des swahilophones sous Kabila ou des ressortissants de l’Equateur sous Mobutu[7] – au détriment de la logique républicaine visant à promouvoir la compétence et à renforcer l’efficacité des forces armées. Le Président Tshisekedi veut visiblement s’entourer d’une ceinture des militaires fidèles pour affronter l’année électorale 2023 en toute sérénité. En effet, de tous les temps, l’armée reste une ressource du pouvoir indispensable en Afrique.

Enfin, les profils militaires de plusieurs généraux promus questionnent plus d’un analyste militaire sur leurs aptitudes à être des vecteurs capables d’amorcer de bonnes réformes de l’appareil militaire congolais. Certains d’entre eux ont évolué dans des rébellions soutenues par les pays voisins qui déstabilisent la RDC depuis 1996. C’est le cas notamment des généraux Itshangoliza Nduru et Amisi Tango Four.

Ces nominations intervenues pratiquement vers la fin du mandat présidentiel de Tshisekedi suffiront-elles à insuffler un nouveau courant dans les réformes des FARDC pour leur montée en puissance au moment où une partie du territoire est occupé par les rebelles du M23 appuyés par l’armée rwandaise ?


Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Expert des questions de défense et de sécurité
Diplômé de l’Ecole Royale Militaire
Breveté des Hautes Etudes de Sécurité et Défense de l’Institut Royal Supérieur de Défense

Références

[1] https://afridesk.org/que-cachent-les-attaques-mediatiques-contre-le-general-franck-ntumba-le-chef-de-la-maison-militaire-du-president-jj-wondo/.

[2] Selon l’article 75 de la Loi organique sur les FARDC  de 2011 : L’Etat-Major Particulier du Président de la République a pour missions de :

assister le Chef de l’Etat dans la conception et l’élaboration de la politique de défense et de sécurité ;

aider le Chef de l’Etat dans la conduite et la coordination de toutes les activités relatives à l’organisation, à l’instruction et l’équipement des Forces Armées.

[3] La 3ème Zone de défense comprend l’espace territorial composé de provinces administratives du Maniema, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’ancienne Province Orientale.

[4] Jean-Jacques Wondo, Qui est l’ex-rebelle UPC et général Jacques Itshalingoza Nduru, le nouveau commandant de Sokola 1 à Béni ? AFRIDESK, 14 octobre 2019. https://afridesk.org/qui-est-lex-rebelle-upc-et-general-jacques-itshalingoza-nduru-le-nouveau-commandant-de-sokola-1-a-beni-jj-wondo/.

[5] file:///C:/Users/wondje01/Downloads/note-thematique-etat-siege.docx.pdf.

[6] D’abord comme Attaché de Presse au Cabinet du Général Norbert Likulia, alors Secrétaire d’Etat à la Défense nationale jusqu’en 1990. Il va ensuite devenir responsable de la Presse militaire à l’état-major général des FAZ jusqu’à l’avènement de l’AFDL.

[7] https://afridesk.org/kabila-renforce-le-caractere-regional-et-ethnique-de-larmee-et-des-services-de-securite-jj-wondo/ ou https://afridesk.org/joseph-kabila-prepare-t-il-une-armee-separatiste-swahilophone-jj-wondo/.

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One Comment “FARDC – Décryptage du récent remaniement du commandement des FARDC”

  • GHOST

    says:

    GENERAL FRANCK NTUMBA DE LA GARDE CIVILE
    Comme John Nyakeru, ambassadeur de la RD Congo au Kenya… le général Franck Ntumba est aussi un ex membre de la Garde Civile.
    Neveu du fameux major Ngoy Meta de la DSP qui commandait le centre de Kibomango, Franck Ntumba va se retrouver sur la liste des stratgiaires de la 3ème promotion en route pour l´Egypte où il va faire des études dans une académie de la police sous l´ombre de son oncle, formateur indispensable de la DSP á Kibomango.
    John Nyakeru est issue de la seconde promotion de la Garde Civile qu´il va quitter pour travailler au sein du service de protocole de Mobutu.
    REFORMER L´ARMÉE Á 13 MOIS DES ELECTIONS?
    Malheureusement pour les nouveaux généraux du président Félix, le M23 est le plus grand test grandeur nature. Cette guerre va démontrer leurs capacités á non seulement maîtriser les troupes, mais surtout trouver une approche intélligente où ils peuvent définir un « format » idéal pour contrôler le nombre des membres de l´armée.
    Ce que depuis Kabila qui avait saboté involontairement les programmes EUSEC et EUPOL qui devaient en principe apporter une identification biométrique en introduisant la gestion informatisée des forces de sécurité, l´actuel président ne connait pas le nombre exact des membres des FARDC.
    Sans cette information capitale, impossible de mettre au d´acquerir une supériorité logistique pendant la guerre de l´Est.
    IMPROVISER ET COMPTER SUR LA GARDE REPUBLICAINE
    Cette guerre de l´Est impose un tempo qui n´était pas dans le plan initial. Ce que le président Félix souhaite se faire réelire á tout prix et la GR est un outil precieux sur lequel repose le contrôle de la capitale.
    Tous ces généraux ont pour mission primordiale le contrôle de l´armée en vue des élections. Le M23 impose un autre tempo et le président sera contraint d´envoyer sa GR á l´Est pour faire face á Kagame et ainsi perdre un nombre considerable des hommes dont il aura besoin l´an prochain.

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