Le général major en retraite Fernand Kabeya Nkongolo est décédé dans la nuit du 26 au 27 avril 2021 à Kinshasa de suite de longue maladie. Né en 1945, il était originaire du district de Tshilenge dans la province du Kasai-Oriental.
Le général Fernand Kabeya a été admis à l’Ecole militaire belge (ERM) en 1967 à la 105ème promotion de la section Toutes Armes avec notamment le général Kisermpia, l’ancien chef d’état-major général des FARDC. Il a été le parrain des feux général Moya et colonel BEM Pierre Fwamba Lumpungu[1]. Après ses deux premières années de formation à l’ERM, il ira suivre une licence (master) en criminologie à l’Université d’État de Liège qui était un point de passage obligé pour tous les futurs officiers (francophones de Belgique) de gendarmerie ; les néerlandophones (flamands) étaient orientés vers l’Université de Gand. Sa licence en criminologie acquise, c’est à l’École d’Application de l’École royale de gendarmerie (ERGd) qu’il va enfin décrocher son diplôme d’officier. Il obtiendra également un Brevet Commando B du Centre Commando de Marche-les-Dames (Belgique).
A son retour au Zaïre après sa formation militaire, il suivra une formation à l’Ecole de commandement de l’Etat-Major à Kinshasa, 7ème promotion. Il alternera ensuite les fonctions opérationnelles, de technicien d’état-major au sein des Forces armées Zaïroises (FAZ) et d’expert dans le ministère de la Défense. Le général Kabeya a également été officier d’ordonnance du président Mobutu de 1972 à 1973. En 1996, il est Commandant des opérations à l’est (axe Walikale-Kisangani) et au centre (axe Kabinda-Lubao-Mbuji-Mayi) de la RDC lors de l’invasion rwando-ougandaise de la RDC par l’AFDL interposée.
Officier très brillant, intelligent et rigoureux, il a poursuivi sa carrière militaire au sein des FARDC après la chute de Mobutu mais en exerçant souvent les fonctions de second plan. Il sera encadreur, responsable de l’intégration de 12000 gendarmes et Gardes civils au sein de la Police nationale congolaise en gestation à Kitona entre juillet 2007 et avril 2008. Membre de l’état-major opérationnel pour la défense de la ville de Kinshasa en 1998 au début de la rébellion du RCD-Goma, il sera blessé à la suite d’un crash d’un hélicoptère en cours des opérations. Il sera évacué en Afrique du Sud. A son retour au pays, le général Kabeya exercera la fonction de conseiller au ministère de la Défense entre 1999 et 2002).
Il a été attaché à l’état-major général des FARDC comme Coordonnateur de la Cellule de Planification de la Structure Militaire d’Intégration (SMI)[2]. Une structure créée le 28 janvier 2004 en vue de mettre en œuvre le processus de brassage des FARDC en collaboration avec le ministère de la Défense et la Commission nationale de démobilisation et de réinsertion (CONADER) créée le 18 décembre 2003, dans le but de désarmer, démobiliser et réinsérer dans la vie civile les combattants excédentaires[3]. La CONADER était chargée en particulier d’exécuter un Programme national de désarmement, démobilisation et de réinsertion (PNDDR), dont la mise en œuvre débutera en 2004 et s’étalera sur sept années. Grâce à ce programme, financé par la Banque mondiale, plus de 105 000 combattants adultes et près de 28 000 enfants soldats ont été désarmés et démobilisés, puis réinsérés dans la vie civile[4].
C’est la Structure Militaire d’Intégration (SMI), dirigée par le général Kabeya, qui se chargera de l’identification, de la sélection, du « brassage » et du recyclage des éléments éligibles dans le cadre de la mise sur pied de la nouvelle armée nationale. Elle bénéficie d’un appui de la MONUC et du Comité international d’accompagnement de la transition (CIAT), composé des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, de l’Afrique du Sud, de l’Angola et de la Belgique[5]. Une fois que cette étape d’identification et de sélection de militaires franchie, en mai 2005, le gouvernement de transition 1+4 élabore son Plan stratégique de réforme de l’armée congolaise basé sur les actions réalisées depuis juillet 2003. Cette réforme visait la mise sur pied des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration des ex-combattants (DDR), de « brassage » des unités et de redéploiement des brigades intégrées. La SMI[6] a été dissoute en 2011 par le ministre de la Défense de l’époque, Mwando Nsimba[7].
Après la dissolution de la SMI, le général Fernand Kabeya sera nommé Commandant en second de Région militaire au Bas-Congo (Kongo-Central) entre 2005 et 2006, puis au Kasaï-Oriental entre 2006 et 2007.
Lorsque le M23 a commencé sa rébellion en 2012, le général Kabeya a mené une mission d’identification des militaires et des unités des FARDC opérant à l’est du Congo. Cette enquête a recensé un taux anormalement très élevé (35%) des officiers supérieurs et généraux Tutsi dans le Nord et le Sud-Kivu par rapport à leurs collègues de toutes les autres ethnies réunies du Kivu[8]. L’enquête avait également décrit une région hyper militarisée avec environ 30.000 militaires recensés et un nombre mai important d’‘absents justifiés’ du côté de la rébellion du CNDP.
Le général Kabeya a été décoré, le 16 mai 2017, du titre honorifique de Commandeur dans l’ « Ordre National « Héros Nationaux Kabila-Lumumba ». Il sera promu au grade de général major (deux étoiles) en juillet 20 18 avant de prendra sa retraite.
DESC présente ses sincères condoléances à la famille et aux proches de l’illustre disparu qui a servi son pays avec bravoure, patriotisme et un esprit républicain.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Diplômé de l’ERM
Nous adressons nos remerciements à Bern Fwamba, fils du feu Colonel Pierre Fwamba, pour sa contribution à l’élaboration de cette présentation.
Références
[1] https://afridesk.org/retro-le-colonel-bem-pierre-fwamba-et-la-gendarmerie-nationale-zairoise/.
[2] La SMI était chargée d’élaborer les critères de désarmement, de démobilisation et de proposer des mécanismes de réinsertion, de planifier les activités en rapport avec le processus du DDR, d’exécuter le PNDDR. Les militaires éligibles pour (ré)-intégrer les FARDC étaient transférés vers l’un des six centres de brassage pour y suivre un recyclage de 45 jours.
[3] « Décret n° 03/042 du 18 décembre 2003 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale désarmement, démobilisation et réinsertion, en sigle CONADER », Leganet.cd. Lire aussi Berghezan, G., 2014, « Forces armées de RDC : Le chaos institutionnalisé ? », GRIP, n°1, 9 Janvier.
[4] Yvan Conoir, « Mettre fin à la guerre, construire la paix. La contribution du programme national de DDR en RDC à la paix dans la région des Grands Lacs africains », Programme transitionnel de démobilisation et réintégration (TDRP), mai 2012. Lire aussi Berghezan, G., 2014, op. cit.
[5] Pamphile Sebahara, « La réforme du secteur de la sécurité en RDC », Rapport du GRIP, 13/03/06.
[6] La SMI était chargée d’élaborer les critères de désarmement, de démobilisation et de proposer des mécanismes de réinsertion, de planifier les activités en rapport avec le processus du DDR, d’exécuter le PNDDR. Les militaires éligibles pour (ré)-intégrer les FARDC étaient transférés vers l’un des six centres de brassage pour y suivre un recyclage de 45 jours.
[7] Fin mai 2011, le ministre de la Défense et des Anciens combattants, Charles Mwando Nsimba, a décidé de l’arrêt des activités de la SMI (Le Potentiel, 8/06/2011).
[8] Jean-Jacques Wondo Omanyundu, Les Forces armées de la RD Congo : une armée irréformable ? 2015, p.193 disponible sur Amazon : https://www.amazon.fr/Forces-arm%C3%A9es-Congo-irr%C3%A9formable-Prospective-ebook/dp/B07W14G1QL.
2 Comments on “Décès du Général en retraite Fernand Kabeya, ancien officier d’ordonnance de Mobutu – JJ Wondo”
André MATUTEZULWA
says:Des corrections doivent être apportées à la biographie du Général-Major Kabeya Fernand. Il est de 105e promotion « Toutes Armes «
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
says:Merci cher ancien.
Meilleures salutations.