Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 25-04-2017 09:25
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De l’assassinat à la succession de Kamuina Nsapu : la loi complètement violée – JB Kongolo M.

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

De l’assassinat à la succession de Kamuina Nsapu : la loi complètement violée

 Par Jean-Bosco Kongolo Mulangaluend

L’État de droit et la santé démocratique d’un pays se mesurent par la manière dont les lois sont respectées. C’est pourquoi nous n’avons jamais cessé de rappeler que les lois ne valent que ce qu’en font les personnes chargées de les appliquer ou de les faire respecter.

Le successeur de Jean-Pierre Pandi à la tête du groupement des Bashila Kasanga étant désigné, peut-on s’attendre à ce que le calme et la paix reviennent enfin dans le grand Kasaï, en proie à l’expansion du phénomène Kamuina Nsapu? Superstitieux par culture, nombreux sont les Congolais qui n’ont retenu de ce phénomène que ses aspects mystiques de la résistance de cette population jusque-là ignorée du grand public. Et pourtant, à l’origine de l’assassinat de ce chef de groupement, tout comme à la désignation très médiatisée de son successeur, les pouvoirs publics (provincial et central) se sont obstinés à se mêler de ce qui ne relève pas de leurs compétences. Le cas Kamuina Nsapu n’étant que la pointe de l’iceberg, la présente analyse constitue une dénonciation de la déstabilisation de l’autorité traditionnelle (coutumière) et, partant, de toute la société congolaise, par l’immixtion à des fins politiciennes du pouvoir central dans la gestion du pouvoir coutumier.

1. Le rôle de l’autorité coutumière dans la gouvernance et le développement

A l’heure actuelle, la majorité de la population congolaise vit encore dans les milieux ruraux sous l’autorité des chefs traditionnels, considérés comme de véritables et naturelles « autorités morales » et dépositaires sacrés des valeurs et traditions ancestrales. . Désignés selon les us et coutumes de chaque communauté concernée, ces chefs sont censés détenir les secrets de la protection de leur population contre l’intrusion des forces maléfiques et, à ce titre, ils sont obéis sans qu’ils cherchent à s’imposer. Considérés comme sages, c’est auprès d’eux et de leurs notables que des conseils sont recueillis en cas de différends et, en tant que gardiens de la tradition, ils sont les ressources privilégiées pour tout ce qui concerne la retransmission orale de l’histoire, les mythes ancestraux, les croyances et les pratiques qui se transmettent de génération en génération. De nos jours encore, même les « citadins » recourent à ceux qui, comme nous autres, avons eu ce privilège de passer une bonne partie de notre jeunesse au village et d’avoir côtoyé ces personnages charismatiques, pour obtenir autrement que par la science et la religion importée, des solutions à certains problèmes de la vie.

Pour ne prendre que l’exemple du mariage, même le code de la famille, censé avoir coulé en un seul moule juridique toutes les coutumes du Congo, parle abondamment de la coutume des mariés tant en ce qui concerne la dot que la célébration du mariage en famille, communément appelé « mariage coutumier ». A ce sujet, deux articles disent notamment ce qui suit :

Article 394

« L’union violant les conditions de mariage telles que définies par la présente loi ou par la coutume ne peut être enregistrée ni célébrée par l’officier de l’état civil ».

Article 369

« La célébration du mariage en famille se déroule conformément aux coutumes des parties pour autant que ces coutumes soient conformes à l’ordre public.

En cas de conflit des coutumes, la coutume de la femme sera d’application ».

C’est ainsi qu’à défaut de maîtriser ce genre de règles coutumières, nombreux sont les Congolais partout où ils sont établis, dans les villes du pays ou dans la diaspora, qui préfèrent obtenir du terroir des explications ou précisions avant de marier leurs enfants loin de la terre natale. Ceux qui, au pays comme dans la diaspora, cherchent à investir dans différents domaines, recourent davantage et même parfois abusivement aux autorités coutumières pour l’obtention des concessions situées sur les terres rurales destinées aux projets agricoles, miniers ou d’élevage.

Grâce au charisme qu’ils incarnent naturellement, les chefs traditionnels sont les seuls capables de mobiliser leurs sujets pour les travaux communautaires ou pour tout autre enjeu d’intérêt local, mieux que ne le feraient les politiciens, de manière démagogique ou par achat des consciences. Communiant aisément avec la population qu’ils dirigent, ils sont des agents naturels du recensement administratif, il ne suffit que de les utiliser judicieusement. C’est pourquoi, un peu partout, plusieurs acteurs politiques se battent pour les avoir de leur côté ou dans leurs boutiques politiques.

2. Assassinat et succession de Kamuina Nsapu : un cas typique de déstabilisation de la société congolaise

Comme démontré ci-dessus à travers quelques exemples, les autorités coutumières ont encore un grand rôle à jouer dans la société congolaise. Lorsque, pour des raisons privées ou officielles, un chef coutumiers débarque dans la capitale Kinshasa ou au Chef-lieu de province, les originaires du coin se mobilisent pour le recevoir, l’écouter, lui soumettre leurs projets et même le prendre en charge matériellement ou financièrement pour son logement, son alimentation et ses déplacements pour ses démarches et visites.

A cause du multipartisme mal compris, des leaders politiques se les disputent pour compenser leur déficit de popularité afin de pouvoir compter sur eux pour le recrutement des membres de leurs partis (boutiques) politiques ainsi que lors des consultations électorales. «Ça serait une grave erreur que de vouloir singulariser le phénomène Kamuina Nsapu en omettant de le placer dans le contexte global des réalités sociopolitiques congolaises. Quiconque a eu le privilège de vivre au village et de côtoyer les autorités traditionnelles, se rendrait compte que depuis plusieurs années déjà, le pouvoir coutumier est malmené, déstabilisé et inféodé au pouvoir politique. À partir de Kinshasa et pour des raisons électoralistes, des politiciens impopulaires dans leurs circonscriptions s’arrangent avec des fonctionnaires du Ministère central de l’Intérieur pour s’immiscer, contre les us et coutumes et même contre la loi, dans la désignation et l’investiture des autorités traditionnelles »[1].

L’on se souviendra entre autres des conflits sanglants signalés maintes fois dans le Sankuru où, pour le contrôle de l’électorat, certains acteurs politiques ont cyniquement instrumentalisé des chefs traditionnels en les opposant les uns contre les autres sous-couverts de conflits de terre. « Le secteur de Konde Tshumbe, à une centaine de kilomètres de la cité de Lodja, dans le district de Sankuru, au Kasaï-Oriental, est à nouveau en proie à un conflit d’intérêts entre deux partis politiques, le MSDD du député national Christophe Lutundula et la CCU du ministre de la Communication et Médias, Lambert Mende Omalanga, tous membres de la Majorité présidentielle (MP).  Des sources locales font état, ce jeudi 2 juin, d’une vingtaine de cases incendiées. Le bilan fait aussi état de nombreuses victimes, des blessés et de plusieurs personnes qui se seraient retranchées dans la brousse »[2].

De l’avis de plusieurs observateurs et des récits des originaires de Dibaya et Tshimbulu, dans le Kasaï Central, Jean-Pierre alias Kamuina Nsapu a payé de sa vie son refus d’adhérer au petit parti politique du Gouverneur de province Alex Kande Mupompa, lui-même membre du PPRD et de MP. A cause de ce refus de se soumettre, tout a été mis en œuvre, y compris son assassinat, pour non seulement l’empêcher de régner mais aussi et surtout pour chercher à placer à la tête de son groupement quelqu’un facile à manipuler. Il existe pourtant une loi récente(2015) qui fixe le statut des chefs coutumiers et qui ne mérite que d’être appliquée pour éviter ce genre de désordre[3]. Pour cela, nous mettons au défi le Vice-Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur, docteur en droit, ainsi que son collègue chargé des Affaires coutumières d’indiquer une seule disposition de cette loi, sur les 37 qu’elle contient, qui autoriserait un ministre du gouvernement central de s’immiscer dans la désignation et l’installation d’un chef coutumier. Quelle est aussi cette disposition qui donne pouvoir au ministre, soit-il chargé des affaires coutumières, de prendre un arrêté de reconnaissance d’un chef coutumier? «Hier, Dimanche 16 avril, le corps du chef Kamuina Nsapu a été donné à la famille qui a procédé, selon les rites, à l’inhumation puis, un successeur a été désigné. Jacques Kabeya wa Ntumba a été choisi incontestablement par la famille. La semaine qui débutera devra voir son couronnement. Après être reconnu par un arrêté du Ministres des Affaires Coutumières, Venant Tshipasa, il va alors recevoir de l’aide du Gouvernement destinée aux populations paupérisées »[4]. Si une telle loi existe, pourquoi ne l’a-t-on jamais appliquée ailleurs?

Quelle est surtout la valeur juridique à accorder à un tel acte de désignation posé sous pression des autorités gouvernementales sur des villageois membres de famille de Kamuina Nsapu, déjà traumatisés par la manière barbare dont a été assassiné celui qui incarnait l’espoir de tout le groupement? Avaient-ils le choix de procéder autrement et selon leur coutume, après tant d’actes de représailles et d’intimidations sanglantes commis par l’armée et la police dans la région? La population du groupement de Bashila Kasanga est-elle la seule de toute la République qui vit dans la pauvreté et qui mérite l’aide du gouvernement? A l’intention de l’opinion publique, il y a trois paliers de pouvoir coutumier, que sont : le chef du village/localité, le chef de groupement et le chef de chefferie ou de secteur, selon les cas.

Les notions de chefferie et de secteur n’étant pas définies dans la loi fixant le statut des chefs coutumiers, c’est dans l’Ordonnance-Loi nº 82-006 du 25 février 1982 portant organisation territoriale, politique et administrative de la République du Zaïre qu’il convient de les trouver :

Article 124

La Collectivité-Chefferie est une entité administrative décentralisée qui comprend un ensemble généralement homogène des communautés traditionnelles organisées sur la base de la coutume et ayant à sa tête un chef coutumier reconnu et investi par les pouvoirs publics.

Elle est administrée conformément aux coutumes, sous réserve des dispositions de la présente Ordonnance-Loi, et pour autant que les coutumes ne soient ni contraires aux règles de droit public, ni aux dispositions législatives ou réglementaires qui ont pour but de leur substituer d’autres règles.

Article 125

La collectivité-Secteur est une entité administrative décentralisée qui comprend un ensemble généralement disparate de petites communautés traditionnelles indépendantes, organisées sur la base de la coutume[5], mais numériquement trop faibles pour se développer harmonieusement dans tous les domaines et ayant à sa tête un chef élu reconnu et investi par les pouvoir publics.

La Collectivité-Secteur est administrée conformément aux dispositions de la présente Ordonnance-Loi. Toutefois, les groupements coutumiers incorporés dans les secteurs, conservent leur organisation coutumière dans les limites et conditions prévues par la présente Ordonnance-Loi.

Article 160

Aux termes de la présente Ordonnance-Loi, est groupement, toute communauté traditionnelle organisée sur la base de la coutume et érigée en circonscription administrative sous l’autorité d’un Chef coutumier reconnu et investi par les pouvoirs publics.

Le Groupement comporte soit une grande localité, soit un ensemble de petites localités numériquement faibles.

Le Groupement est dépourvu de la personnalité juridique. Il est subdivisé en localités.

Dans la Loi fixant le statut des chefs coutumiers, le législateur a prévu pour chaque palier de pouvoir, la procédure à suivre pour l’investiture et d’installation. L’ordonnance-loi précitée ayant été abrogée, il est donc malhonnête de parler d’un arrêté qui viendrait reconnaître la désignation d’un chef de groupement, comme c’est le cas du Chef Kamuina Nsapu dans le groupement des Bashila Kasanga.

Pour chaque palier de pouvoir, le législateur a prévu la procédure à suivre pour l’investiture et d’installation que voici.

En cas de vacance de pouvoir dans une entité coutumière, l’agent administratif le plus gradé de l’entité avise, par écrit, selon le cas :

1.      le gouverneur de province ou son délégué pour la chefferie;
2.      le chef de chefferie ou de secteur pour le groupement;
3.      le chef de groupement pour le village.

Article 14 

En cas de vacance, le gouverneur de province ou son délégué pour la chefferie, le chef de chefferie ou de secteur pour le groupement, le chef de groupement pour le village, le bourgmestre pour le groupement incorporé, selon le cas, se rend sur le lieu et dresse le procès-verbal de constat de vacance de pouvoir coutumier.

Article 15 

Si le successeur est connu, l’autorité visée à l’article précédent autorise l’installation.  

Article 16   

Dans le cas où le successeur n’est pas connu, l’autorité visée à l’article 14 de la présente Loi organise l’intérim et ouvre la voie à la succession. L’intérim du chef défunt est assuré, en tant qu’autorité coutumière, conformément à la coutume locale et en tant qu’autorité administrative conformément à la législation particulière en la matière.  

Article 17   

Pour pourvoir à la vacance, l’autorité visée à l’article 14 de la présente Loi se rend sur le lieu et dresse les procès-verbaux ci-après :

4.      d’authenticité de l’arbre généalogique;
5.      d’audition des membres de la lignée du prétendant ayant droit à la succession;
6.      de témoignage, selon le cas, des chefs de groupement, des chefs de village et des notables voisins.

Il est dès lors inexplicable qu’avant comme après la mort du Chef Kamuina Nsapu, les autorités gouvernementales s’obstinent à s’immiscer dans la désignation du successeur au trône d’un groupement et ce, en dehors de la procédure si clairement prévue par la loi. Et pourtant cette loi est très récente, car votée en 2015 alors que le Ministre Ramazani Shadari était encore député et président du groupe parlementaire du PPRD. En dehors d’un examen par ADN, qu’est-ce qui prouve par ailleurs que les ossements humains qui ont été remis à la famille du Chef Kamuina Nsapu sont effectivement les siens?[6] Il n’est donc pas correct d’affirmer qu’« Une des réclamations des partisans de ce chef tué au cours d’une opération dite de rétablissement de l’ordre public dans son village, vient de trouver réponse. C’est l’exhumation et la remise à la famille de la dépouille du grand chef Kamuina Nsapu. La famille a enterré le chef dans son village, c’était le samedi 15 avril »[7].

D’où Ramazani Shadari et son collègue Venant Tshipasa tirent-t-ils le pouvoir leur permettant de faire signer à la famille du défunt une déclaration de désignation du successeur d’un chef coutumier et en vertu de quelle disposition légale ont-ils promis à la population du groupement des Bashila Kasanga un arrêté de reconnaissance du « nouveau chef »? Sont-ils en mesure d’affirmer que n’importe quel chercheur peut trouver dans les archives de leurs ministères autant d’arrêtés qu’il y a des villages, groupements et chefferies ou secteurs au Congo-Kinshasa? Après tant de maladresses dans la gestion politique de ce dossier ainsi que tant de bévues dans la répression policière, l’acharnement du pouvoir central dans la résolution de cette crise délibérément créée par lui-même, semble cacher le malaise qui a envahi ces autorités illégitimes et qui va certainement les poursuivre comme ce fut le cas avec Mobutu, accusé à tort ou à raison d’avoir ordonné le massacre des étudiants de l’Université de Lubumbashi en mai 1990. « Le Haut Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme a confirmé mercredi dans un communiqué ces nouvelles découvertes. «Cela porte à 40 le nombre total de fosses communes documentées par les Nations unies dans le provinces du Kasaï central et du Kasaï oriental» depuis le début des violences dans ces régions, indique le Haut Commissariat.

L’ONU a haussé le ton suite à ces nouvelles découvertes. Elle exige des autorités de Kinshasa une «enquête immédiate, transparente et indépendante, qui établisse les faits et les circonstances des violations et atteintes aux droits de l’Homme et à la justice», au risque de «demander à la communauté internationale de soutenir une enquête menée par un mécanisme international, y compris par la Cour pénale internationale[8]

3. Conséquences de la déstabilisation du pouvoir coutumier

Comme nous venons de le démontrer ci-dessus, autant les chefs coutumiers sont encore indispensables dans la gouvernance et le développement du pays, autant la déstabilisation de leur pouvoir est susceptible d’entraîner plusieurs conséquences sur le plan politique, social et économique. De nos jours, des chefs coutumiers détiennent des cartes d’adhésion à des partis politiques bien connus et lors des élections, ils deviennent des agents électoraux par qui les fraudes sont organisées au détriment de la transparence et de la vérité des urnes.

En effet, lorsqu’un chef coutumier est désigné en dehors des us et coutumes, il est difficile que la population reconnaisse son autorité et lui obéisse. Dans le contexte du multipartisme, les contestations qui vont s’en suivre risquent de porter sérieusement atteinte à la cohésion sociale par le fait de la naissance des camps antagonistes constitués de ceux qui soutiennent le chef d’un côté et, de l’autre côté, des dissidents. En cas d’exacerbation, le conflit peut faire couler le sang ou déboucher sur des actes de vandalisme tels que l’incendie d’habitations ou la destruction des champs et des récoltes. Les vainqueurs cherchant à afficher leur triomphalisme, surtout s’ils sont soutenus par une autorité politique provinciale ou centrale, les représailles contre les vaincus vont pousser ces derniers à la scissiparité ou à l’exode rural vidant ainsi les campagnes de leur main-d’œuvre précieuse pour l’agriculture et toutes autres activités d’intérêt local. Le chef coutumier étant généralement considéré comme le gardien naturel et incontesté des us et coutumes, sa déstabilisation risque également d’avoir pour conséquences le relâchement par les jeunes des mœurs et tabous grâce auxquels la moralité a été observée durant des siècles. Cette perte des repères moraux risque elle aussi de laisser grandement ouverte, dans les communautés rurales, la porte aux antivaleurs comme la prostitution avec son cortège des maladies sexuellement transmissibles, le banditisme et l’alcoolisme, le manque de respect envers les aînés, les femmes, les biens publics et les vestiges du patrimoine culturel et ancestral.

Ce qui s’est passé dans le groupement Bashila Kasanga et qui se passe sous silence un peu partout à travers le reste du pays est tout simplement contraire à l’exposé des motifs de la Loi fixant le statut des chefs coutumiers, dont voici un extrait : « La crise des valeurs traditionnelles compte parmi les principaux maux qui, non seulement minent l’unité et la cohésion nationales, mais aussi hypothèquent le développement intégral, harmonieux et durable de la République Démocratique du Congo. Face à cette situation, la Constitution du 18 février 2006 reconnaît, en son article 207, l’autorité coutumière comme socle des valeurs traditionnelles.[9] La présente Loi est donc la mise en œuvre de cette exigence constitutionnelle. Elle vient s’ajouter à l’arsenal juridique sur l’organisation territoriale, administrative et politique en République Démocratique du Congo qui confère au chef coutumier, en plus des responsabilités coutumières, des charges administratives.

Elle prend en effet en compte les valeurs traditionnelles immuables et saines dans une société fondée sur le droit écrit, la démocratie, la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme. Elle vise notamment à :

-affirmer le rôle protecteur du chef coutumier en ce qui concerne l’identité culturelle ainsi que les valeurs traditionnelles morales;

-réaffirmer le caractère apolitique du chef coutumier;

-réaffirmer l’implication du chef coutumier dans la sauvegarde de l’unité et de la cohésion nationale;

-réserver aux seules structures reconnues par la coutume le droit de désigner le chef coutumier;

-confirmer le droit des pouvoirs publics de reconnaître ou de prendre acte de la désignation du chef coutumier;

-reconnaître à l’autorité coutumière le droit d’être consulté par les pouvoirs publics;

-ouvrir la possibilité de mise en place des commissions consultatives locales, provinciales et nationales pour le règlement des conflits coutumiers;

-définir les voies de recours pour le chef coutumier lésé par les décisions et actes des autorités administratives hiérarchiques ».

Conclusion

Il n’est pas exagéré d’affirmer que du sommet à la base de la pyramide du pouvoir, le Congo-Kinshasa est dirigé par des gens qui ont juré d’ignorer les lois et d’imposer à toute la nation leur seule volonté. Il en est ainsi de la Constitution que des autres lois votées et règlements édictés par eux-mêmes. Comme si après eux on ne devrait plus parler du Congo et des Congolais, ils ravagent tout sur leur passage ne s’inquiétant même pas de leur propre sort ni de celui de leurs progénitures. Ce qui se passe dans le groupement des Bashila Kasanga n’est que la goute d’eau qui a fait déborder le vase et qui montre comment, depuis des années, les chefs coutumiers sont déstabilisés et instrumentalisés dans le seul dessein de satisfaire la boulimie du pouvoir d’un groupe d’individus.

Le temps n’est-il pas arrivé pour les Congolais de se ressaisir et d’interroger Kabila et ses « collabos, » comme l’avait fait Cicéron s’adressant à Catilina : « Jusqu’à quand abuserez-vous de notre patience ? »[10] La réponse est consignée dans l’article 64 de la Constitution, qui dispose : «Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ».

Par Jean-Bosco Kongolo M.

Juriste &Criminologue

Références

[1] Kongolo, JB, 2017, Le nébuleux phénomène Kamuina Nsapu : réflexion d’un intellectuel, In http://afridesk.org/fr/le-nebuleux-phenomene-kamuina-nsapu-reflexion-dun-intellectuel/.

[2] Radio Okapi, 02/06/2011, In http://www.radiookapi.net/actualite/2011/06/02/sankuru-tensions-politiques-msdd-et-ccu-a-couteaux-tires-a-konde-tshumbe/.

[3] Il s’agit de la Loi n° 15/015 du 25 août 2015 fixant le statut des chefs coutumiers.

[4] Journal La Prospérité, 16 avril 2017, In http://www.laprosperiteonline.com/index.php/actualites/78-a-chaud/6789-kamuina-nsapu-inhume-le-successeur-devoile-kasai-le-vpm-ramazani-shadary-appelle-a-la-demobilisation-generale.

[5] C’est le cas de Bena Kalambayi, Bena Lukusa, Bakwa Bowa… chez les Baluba.

[6] Après tant de mois écoulés depuis son assassinat, au mois d’août, il est méchant de parler de corps de Kamuina Nsapu.

[7] Le Potentiel, 17 avril 2017, In https://7sur7.cd/new/2017/04/kananga-la-depouille-de-kamuina-nsapu-exhumee-et-remise-a-sa-famille/.

[8] Agence Afrique, In http://www.agenceafrique.com/10287-rdc-lonu-decouvre-17-nouvelles-fosses-communes-kasai-central.html.

[9] Article 207

L’autorité coutumière est reconnue.

Elle est dévolue conformément à la coutume locale, pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à la Constitution, à la loi, à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

Tout chef coutumier désireux d’exercer un mandat public électif doit se soumettre à l’élection, sauf application des dispositions de l’article 197 alinéa 3 de la présente Constitution.

L’autorité coutumière a le devoir de promouvoir l’unité et la cohésion nationales. Une loi fixe le/statut des chefs coutumiers.

[10] Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra? ».

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