De bonnes raisons de réviser la Constitution sans la violer
Par Jean-Bosco Kongolo
Introduction
Comme un enfant malmené par ses parents qui l’accusent de sorcellerie, la Constitution du Congo-Kinshasa, malgré le bonheur et les privilèges qu’elle a pu procurer à une catégorie de citoyens en dix ans d’expérience démocratique, est constamment la cible d’attaques et de violation de la part de ceux-là mêmes qui devraient la protéger et la défendre. Tous(le Président de la République, le Gouvernement, le Parlement, le Pouvoir judiciaire et même la CENI) semblent avoir pris la résolution commune de nier tout lien avec elle au point de vouloir carrément la remplacer par une autre qui leur ouvrir la voie à un règne sans limites. Et pourtant, il suffit de la lire sans passion et sans égoïsme pour découvrir qu’il existe bel et bien des dispositions qui permettent de la réviser en l’améliorant et en la consolidant sans la violer.
A travers ces lignes, il sera désormais clair, même pour les profanes du Droit, que c’est par mauvaise foi et pur égoïsme que les révisionnistes ne s’attaquent qu’aux dispositions susceptibles de consolider la démocratie laissant de côté celles qui peuvent être revisitées pour améliorer la gouvernance, renforcer l’État de droit et repousser davantage la récurrence des crises de légitimité qui caractérisent l’histoire politique de notre pays depuis son accession à l’indépendance.
1. La Constitution du Congo-Kinshasa est-elle révisable ?
Comme dans presque toutes les Constitutions du monde, le Constituant de la Troisième République avait prévu un titre exclusivement réservé aux mécanismes de la révision. Étant donné que l’usure du pouvoir s’accompagne, généralement et humainement parlant, des abus et des dérives totalitaires, il avait été prévu des garde-fous empêchant de procéder à des révisions tendant à satisfaire uniquement aux caprices des individus. « Pour préserver les principes démocratiques contenus dans la présente Constitution contre les aléas de la vie politique et les révisions intempestives, les dispositions relatives à la forme républicaine de l’État, au principe du suffrage universel, à la forme représentative du Gouvernement, au nombre et à la durée des mandats du Président de la République, à l’indépendance du pouvoir judiciaire, au pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle.
Telles sont les lignes maîtresses qui caractérisent la présente Constitution. »[1] C’est pourquoi, quiconque lit cette Constitution avec un esprit patriotique, découvre à la fois l’inutilité du débat autour du maintien ou non du Président Joseph Kabila au-delà de son mandat constitutionnel et l’incapacité de ce dernier de jouer son rôle de garant du fonctionnement harmonieux des institutions de la République.
TITRE VII : DE LA REVISION CONSTITUTIONNELLE
Article 218
« L’initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment:
- au Président de la République;
- au Gouvernement après délibération en Conseil des ministres;
- à chacune des Chambres du Parlement à l’initiative de la moitié de ses membres;
- à une fraction du peuple congolais, en l’occurrence 100.000 personnes, s’exprimant par une pétition adressée à l’une des deux Chambres. Chacune de ces initiatives est soumise à l’Assemblée nationale et au Sénat qui décident, à la majorité absolue de chaque Chambre, du bien fondé du projet, de la proposition ou de la pétition de révision.
La révision n’est définitive que si le projet, la proposition ou la pétition est approuvée par référendum.
Toutefois, le projet, la proposition ou la pétition n’est pas soumis au référendum lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès l’approuvent à la majorité des trois cinquième des membres les composant. »
Article 219
« Aucune révision ne peut intervenir pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim à la Présidence de la République ni lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat se trouvent empêchés de se réunir librement. »
Article 220
« La forme républicaine de l’État, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle.
Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées. »
La Constitution étant une œuvre humaine, donc perfectible, le Constituant avait vu juste de laisser une ouverture aux générations futures de la réviser en tenant compte de l’évolution et des besoins réels liés non seulement à l’exercice du pouvoir mais aussi à la bonne gouvernance. Comme on peut le constater, la première disposition (art. 218) de ce titre se limite à donner des orientations sur les modalités d’exercice de l’initiative de la révision, tandis que les deux dernières (art. 219 et 220), empêchent des apprentis sorciers, en mal des privilèges sans fin, de prendre la nation en otage par des révisions anarchiques qui ne tiendrait aucunement compte de la démocratie et des aspirations réelles du peuple. C’est ainsi qu’à l’instar du Bon Dieu présentant le Jardin d’Éden à Adam et Ève en leur interdisant la consommation des fruits d’un seul arbre, ces deux dispositions protègent toute l’architecture constitutionnelle et démocratique du pays en excluant du champ de la révision, sous quelle que forme que ce soit, les matières (fruits interdits) énumérées à l’article 220 :
C’est depuis son accession à l’indépendance que le Congo-Kinshasa a pris la forme républicaine. Pour éviter qu’un illuminé comme Jean Bedel Bokassa en République Centrafricaine surgisse pour se proclamer empereur ou roi, c’est logique et conséquent d’en interdire formellement la révision.Le suffrage universel, tout en étant la conséquence de la forme républicaine, est étroitement lié à la souveraineté détenu par le peuple et conforme, dans le cas du Congo-Kinshasa, à sa diversité ethnique. « Le suffrage universel est un suffrage où le droit de vote est accordé à tous les citoyens qui ont la capacité électorale, c’est-à-dire sous certaines conditions minimales d’âge, de nationalité, de capacité morale et d’inscription sur les listes électorales. Il n’est fait aucune distinction de sexe, de race, de fortune, de religion, de profession…
Le suffrage universel cherche à associer le plus grand nombre possible de citoyens au fonctionnement du système politique et au choix de leurs dirigeants. Dans un régime démocratique, le suffrage universel est le fondement de la souveraineté populaire dont il est le moyen d’expression, et de l’égalité entre tous les citoyens dont chacun détient une parcelle du pouvoir. »[2] C’est ce caractère universel qui confère aux élus, en l’occurrence le Président de la République, une légitimité incontestable.
- La forme représentative du Gouvernement permet de maintenir la cohésion nationale et l’équilibre entre les provinces qui composent la République. La première partie de l’alinéa 3 de l’article 90 l’affirme en ces termes: « La composition du Gouvernement tient compte de la représentativité nationale. » Malheureusement dans les faits, certaines provinces sont surreprésentées au Gouvernement central par rapport à d’autres. Si le Président de la République était respectueux de la Constitution et garant du bon fonctionnement des institutions, il aurait démis de ses fonctions le Premier Ministre dès le lendemain du démembrement des provinces qui a fait passer le nombre de celles-ci de onze à vingt-six afin de composer un autre gouvernement plus représentatif. Du fait de ce démembrement, ce principe constitutionnel est manifestement violé dans le silence absolu.[3]
- Le nombre et la durée des mandats du Président de la République constituent une rupture avec la Deuxième République dont la Constitution, taillée sur mesure, ne laissait aucune chance à l’alternance démocratique. En excluant du champ de la révision constitutionnelle le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’article 220 s’harmonise avec l’exposé des motifs tout en complétant et en renforçant les autres dispositions de la Constitution relatives à l’institution « Président de la République ».
Extrait de l’exposé des motifs :
« Les préoccupations majeures qui président à l’organisation de ces
Institutions sont les suivantes:
- assurer le fonctionnement harmonieux des Institutions de l’État;
- éviter les conflits;
- instaurer un Etat de droit;
- contrer toute tentative de dérive dictatoriale;
- garantir la bonne gouvernance ;
- lutter contre l’impunité;
- assurer l’alternance démocratique.
C’est pourquoi, non seulement le mandat du Président de la République n’est renouvelable qu’une seule fois, mais aussi, il exerce ses prérogatives de garant de la Constitution, de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale, de la souveraineté nationale, du respect des accords et traités internationaux ainsi que celles de régulateur et d’arbitre du fonctionnement normal des Institutions de la République avec l’implication du Gouvernement sous le contrôle du Parlement. »
L’indépendance du pouvoir judiciaire, affirmée sans équivoque dans la Constitution et dans les autres textes de lois (statut des magistrats, loi portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature) est curieusement violée par celui-là même qui se fait appeler « Magistrat suprême ».
Le pluralisme politique et syndical marque également une rupture avec la Deuxième République qui n’avait qu’un seul parti, le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) et un seul syndicat, l’Union Nationale des Travailleurs du Zaïre (UNTZA). Aucun Zaïrois, peu importe ses convictions, n’était autorisé à fonder un autre parti politique ou à créer un autre syndicat. Les aspirations et revendications des travailleurs étaient « discutées et résolues » loin d’eux par les membres du Comité central du parti. Sous la Troisième République, le monolithisme politique et syndical est incompatible avec la Constitution « qui érige, en infraction de haute trahison, l’institution d’un parti unique. »
Article 7
« Nul ne peut instituer, sous quelque forme que ce soit, de parti unique sur tout ou partie du territoire national.
L’institution d’un parti unique constitue une infraction imprescriptible de haute trahison punie par la loi. »
L’interdiction systématique des manifestations pacifiques des partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile qui revendiquent le respect de la Constitution procèdent des velléités de ramener le pays au système de parti unique, dont seul est valable le son de cloche du pouvoir en place.
C’est donc dans cet esprit que le Constituant avait jugé judicieux d’insérer l’article 220 qui ferme hermétiquement la porte à toute velléité de ramener le peuple congolais à l’exercice d’un pouvoir illimité sous quel que prétexte que ce soit, comme voudrait nous le faire gober le secrétaire général du PPRD, « Professeur d’université? » qui confond le mandat électif(la politique) avec la carrière dans la fonction publique. « Quant au candidat au prochain scrutin, Henri Mova Sakanyi n’a pas fait mystère du choix de son parti en ce jour où le président Joseph Kabila fêtait ses 45 ans d’âge. « Joseph Kabila est encore fort, son sang circule encore, ce n’est pas encore pour lui le moment de se reposer. A 45 ans, on ne va jamais en retraite« , a clamé le Secrétaire général du PPRD, soutenu par une foule qui scandait tout haut : « Wumela ! »… C’est-à-dire « Dure (au pouvoir) ! ». Pas étonnant qu’après ce discours très applaudi, on entende résonner, à travers les baffles du stade, le refrain électoral ’’Votez, votez, votez Kabila… Tokovotez biso nyonso Kabila Kabange mokonzi ’’ de la chanteuse Tshala Mwana, présente aussi sur le podium. » [4] Pourquoi Joseph Kabila, qui est arrivé au Congo-Kinshasa mains vides et sans aucune ambition connue, ne pourrait-il pas s’inspirer de l’exemple de Bill Gate, le patron de Microsoft, qui a pris sa retraite à 45 ans?
Avec toutes ces dispositions aussi claires et non susceptibles d’interprétation, il serait prétentieux d’avancer que les cadres de la MP ne lisent pas la Constitution, si ce n’est que la mauvaise foi manifeste et la malhonnêteté intellectuelle qui les poussent même à proposer la tenue d’un referendum ayant pour finalité de déverrouiller les dispositions qui les empêchent de s’éterniser au pouvoir. Pourtant, la lecture honnête et combinée des articles 218 et 220 permet de comprendre, sans être juriste, que le referendum dont il est fait allusion en ce qui concerne la révision constitutionnelle n’intervient que comme consultation du peuple, qui doit l’approuver, lorsque l’initiative en a été prise par le Président de la République, par le Gouvernement, par chacune des chambres du Parlement ou par pétition réunissant au moins 100.000 signatures, sur toutes les matières autres que celles énumérées à l’article 220. En dehors de cette procédure, il n’y a que l’article 214 qui parle expressément du référendum en ces termes :
Article 214
« Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans l’accord du peuple congolais consulté par voie de référendum. » Mais à entendre les « experts de la MP » s’exprimer sans scrupule sur cette question, l’on serait tenté de se demander si, comme la Bible, la Constitution du Congo-Kinshasa a été rédigée en plusieurs versions dont l’une serait jalousement détenue et exclusivement utilisée par le camp du pouvoir. Tout cela n’est rendu possible que parce qu’à la tête de l’État se trouve quelqu’un qui, tout en laissant sciemment pourrir la situation pour espérer en tirer profit, est intellectuellement peu inspiré à jouer son rôle de garant du respect de la Constitution et du fonctionnement normal des institutions.
2. Incapacité du Chef de l’État à respecter la Constitution et à assurer le fonctionnement régulier des institutions
-Article 69
« Le Président de la République est le Chef de l’État. Il représente la nation et il est le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux. »
Des faits sont têtus, qui montrent que Joseph Kabila a failli à sa mission. Nous en voulons pour preuves quelques faits incontestables ci-après :
–Article 79
« Le Président de la République convoque et préside le Conseil des ministres. En cas d’empêchement, il délègue ce pouvoir au Premier ministre. »
Nous mettons au défi ceux qui soutiennent le pouvoir illimité de Joseph Kabila de nous dire qu’en 10 ans de règne sous la Troisième République (2006-2016), il a pu présider plus de trente conseils des ministres, lui qui n’est que très rarement à son bureau de travail. De la présidence de la République, une source crédible nous a affirmé, de bonne foi, que généralement le « Boss » n’arrive au Palais de la Nation que lorsqu’il doit y recevoir les ambassadeurs et autres plénipotentiaires. Pendant ce temps, les cadres et agents de son bureau se tournent les pousses ou vaquent à leurs occupations tout en demeurant constamment en alerte téléphonique pour éviter toute surprise. L’exemple venant d’en haut, c’est aussi rarement que se tiennent les réunions du gouvernement sous la direction du Premier Ministre. C’est authentique et vérifiable. A qui la faute ?
Depuis 2013 que les stratèges de la MP confectionnent, remettent à jour ou remodèlent leurs théories pour maintenir Joseph Kabila au pouvoir contre et malgré la Constitution, ce dernier n’a osé, aucune fois, ramener ses troupes dans les rangs. Comme conséquence de cela, le Gouvernement, censé débloquer les fonds pour les élections, s’en est délibérément abstenu étant assuré de ne pas être défait par l’Assemblée nationale pour incapacité à gérer la chose publique.[5]
C’est à quelques mois de la tenue des élections à échéances fixes que le Parlement congolais vient enfin d’adopter la loi relative à l’identification et à l’enrôlement des électeurs. Qui, autre que le Chef de l’État aurait pu le presser à le faire?
L’on s’est précipité à démembrer les provinces comme s’il y avait vraiment urgence. Mais au sein de la magistrature (pouvoir judiciaire), une mise en place générale vient d’être opérée le 9 mai 2016 qui étend illégalement le ressort de certaines anciennes Cours d’appel aux provinces nouvellement créées qui n’en ont toujours pas (il s’agit de toutes les nouvelles provinces issues du démembrement de Bandundu, de l’Équateur, des deux Kasaï, de la Province Orientale et du Katanga)[6]. Qui, par ailleurs, prendra la charge financière du déplacement de tous ces magistrats avec les membres de leurs familles au moment où le budget de l’État vient de subir une sévère cure d’amaigrissement?[7] Du fait de cette mise en place non budgétisée, plusieurs magistrats mutés ne sont pas en mesure de se déplacer pour rejoindre leurs nouveaux postes d’affectation. Par conséquent, plusieurs dossiers attendront longtemps avant que les parties connaissent leurs sorts tandis que des détenus meurent dans des prisons sans avoir été jugés.
La CENI, institution dite « d’appui à la démocratie », est devenue un organe-conseil de la MP en matière de glissement. Depuis 2011, les dirigeants qui s’y succèdent refusent d’élaborer un calendrier réaliste tenant compte des impératifs constitutionnels et des moyens financiers dont dispose l’État. A qui va profiter ce forfait (glissement)?
La conférence des Gouverneurs, instituée pour se tenir au moins deux fois par an sous la présidence du Chef de l’État, n’a eu lieu que quatre fois depuis 2006. « L’article 200 de la Constitution, promulguée le 18 février 2006, stipule qu’il est instituée une conférence des gouverneurs de province présidée par le Chef de l’État. Elle se tient au moins deux fois par an. Un petit calcul mental donne, de 2007 à 2016, un total d’au moins 20 réunions de ce genre. Ce n’est que la 4ème édition. Comment, dès lors, ne pas donner raison à ceux qui soutiennent que le Congo-Kinshasa est dirigé depuis quinze années par un « roi fainéant? »[8]
D’où, il est pertinent de nous demander comment ces adeptes de la révision de la Constitution n’ont d’yeux que sur les matières qui risquent d’engendrer et d’exacerber la crise, de fragiliser la cohésion nationale et d’hypothéquer l’avenir de la démocratie et de l’État de droit?
3. Opportunités de réviser la Constitution sans la violer
A l’exception des matières énumérées à l’article 220 qui protège la jeune et fragile Troisième République des hors-la-loi habitués à mettre le pays à feu et à sang pour en tirer profit, la Constitution laisse le champ libre à l’ingéniosité et au patriotisme de tous ceux et celles qui veulent ou peuvent apporter leur pierre à l’édification de la démocratie et de l’État de droit ou simplement à la gestion de la chose publique. Bien évidemment, il ne s’agit pas de réviser la Constitution pour le plaisir de le faire, mais uniquement quand cela est nécessaire et dans l’intérêt supérieur de la nation. A titre d’exemple :
Dans un pays qui veut performer en matière démocratique, le scrutin présidentiel à un seul tour est considéré comme de nature à favoriser la tricherie au profit du pouvoir organisateur en même temps qu’il ne confère pas au vainqueur une légitimité suffisante, s’il n’a pas recueilli la majorité absolue (50%+1) des suffrages exprimés[9]. Tel a été le cas de Joseph Kabila, « élu » avec seulement 48,9% des voix en 2011, peine à rallier la majorité silencieuse tantôt avec les concertations nationales, tantôt avec l’hypothétique dialogue national. Il est plus qu’urgent que la Constitution soit révisée permettant le retour au scrutin à deux tours qui va garantir au gagnant une réelle et confortable légitimité.
Dans le même sens que ci-dessus, afin d’éviter que les plus hautes charges de l’État soient confiées à n’importe quel parvenu qui surprendrait le souverain primaire avec toutes sortes d’artifices, il est nécessaire d’introduire dans la Constitution un débat radiodiffusé et télévisé entre « les deux candidats qui ont recueilli le plus grand nombre des suffrages exprimés au premier tour. »(Art. 71)
Ce débat, à insérer sur les listes des matières qui ne peuvent faire l’objet d’aucune révision de la Constitution, aurait l’avantage d’éliminer les aventuriers et autres opportunistes qui tentent ou parviennent à diriger le pays sans aucun projet de société, ceux qui ne sont pas en mesure de défendre leur projet ou dont le projet de société ne correspond nullement aux préoccupations des électeurs. Pour des raisons faciles à deviner, le peuple congolais avait été désagréablement surpris en 2006 par l’annulation, en toute dernière minute, du débat qui lui aurait pourtant permis de goûter aux délices de la conquête démocratique du pouvoir pour apprécier et départager Joseph Kabila et Jean- Pierre Bemba.
Tout observateur neutre est d’avis que toutes les grandes crises que connaît le Congo-Kinshasa depuis 1960 ont pour cause le non respect des textes et de la parole donnée. Pour pallier cette difficulté, nous suggérons que soit constitutionnellement instituée une commission (d’appui à la démocratie et à l’État de droit) permanente de vulgarisation de la Constitution et des textes des lois et ce, aussi bien en Français que dans nos différentes langues. S’agissant plus précisément de la Constitution, cette commission aurait en amont la tâche d’expliquer aux candidats éligibles (tous postes confondus) leurs droits et devoirs afin qu’ils sachent à quoi ils s’engagent et, en aval, de les recycler régulièrement pour éviter les dérapages. On éviterait ainsi le spectacle qu’est entrain d’offrir notre pays, perpétuellement sous tutelle de la communauté internationale.
Il n’est un secret pour personne qu’en Afrique en général et au Congo-Kinshasa, en particulier, la plupart des Chefs de l’État dirigent leurs pays comme des concessions héritées de leurs ancêtres et confondent souvent leur comptes personnels avec les caisses de l’État. C’est pourquoi, la déclaration de patrimoine que le Président élu dépose devant la Cour constitutionnelle avant son entrée en fonction et à l’expiration de celle-ci devrait être rendue accessible, grâce à la révision de la Constitution, à tous les députés, en tant que représentants du peuple.
Conclusion
Loin d’être un bilan exhaustif, qu’aurait dû dresser la classe politique tous les cinq pour évaluer la vie des institutions de la Troisième République, cette analyse dévoile clairement que les difficultés rencontrées dans le fonctionnement des institutions au cours de ces dix premières années d’existence de la Troisième République sont plutôt le fait des hommes qui se veulent plus forts que les institutions. A cause de leur incapacité d’évoluer dans un environnement démocratique et respectueux du contrat social accepté par toute la nation par référendum, ces hommes ne trouvent mieux que de s’attaquer aux fondements mêmes de la démocratie et de l’État de droit.
Pour atteindre leur boulimie du pouvoir, ils n’hésitent point de recourir à toutes sortes d’artifices politiques, juridiques et judiciaires (Cas des arrêts honteux de la Cour constitutionnelle) pour obtenir subtilement la démolition des obstacles qui se dressent devant eux et qui les empêchent de régner en maîtres absolus. Ces « hommes forts » ayant montré leurs limites à respecter la Constitution et à garantir le fonctionnement harmonieux des institutions, nous avons proposé des pistes de réflexion pouvant permettre de réviser la Constitution, sans la violer, de manière à protéger davantage la démocratie et l’État de droit.
Il revient au peuple de recourir au seul moyen constitutionnel à sa disposition, l’article 64, pour défendre jalousement cette Constitution contre ceux qui, manifestement veulent renverser le régime constitutionnel pour leurs intérêts égoïstes.[10] Ils n’étaient ni fous ni encore moins subversifs, le constituant qui avait prévu cette disposition et le peuple qui l’avait massivement adopté par référendum, mais simplement visionnaires.
Jean-Bosco Kongolo M.
Juriste &Criminologue
Références
[1] Extrait de l’exposé des motifs de la Constitution de la Troisième République
[2] La Toupie, In http://www.toupie.org/Dictionnaire/Suffrage_universel.htm.
[3] A chacun de faire le décompte des ministres qui composent le gouvernement et de les répartir à l’échelle nationale pour savoir si sa provincette est représentée et dans quelle proportion.
[4] FORUM DES AS, 6 Juin 2016, http://www.forumdesas.org/spip.php?article7764.
[5] Article 91
« Le Gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République, la politique de la Nation et en assume la responsabilité.
Le Gouvernement conduit la politique de la Nation.
La défense, la sécurité et e les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement.
Le Gouvernement dispose de l’administration publique, des Forces armées, de la Police nationale et des services de sécurité.
Le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues aux articles 90, 100, 146 et 147.
Une ordonnance délibérée en Conseil des ministres fixe l’organisation, le fonctionnement du Gouvernement et les modalités de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les membres du Gouvernement. »
[6] Voir la liste de tous les magistrats affectés dans Forum des AS, 12 mai 2016, In http://7sur7.cd/new/de-nouvelles-affectations-au-sein-de-la-magistrature/.
[7] Radio Okapi, 02/06 juin 2016, « Les députés nationaux ont adopté mercredi 1er juin le projet de loi des finances rectifiée de l’exercice 2016. Un texte de loi qui réduit le budget de la RDC d’environ 2 milliards de dollars américains cette année. Le budget adopté en décembre 2015 était d’environ 8 milliards dollars américains. Il va passer à 6 milliards de dollars. Le Premier ministre Matata Ponyo avait sollicité cette réduction, évoquant notamment la baisse du prix des matières premières. A en croire le président de la Commission économique et financière de l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mutokambali, les deux milliards de dollars ont été ponctionnés sur le budget alloué au fonctionnement des institutions de la République. », In http://www.radiookapi.net/2016/06/02/actualite/politique/lassemblee-nationale-approuve-la-baisse-du-budget-2016.
[8] Congo indépendant, 14 juin 2016, In http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=10894.
[9] Jeune Afrique, 9 décembre 2011, Joseph Kabila a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), par la Commission électorale indépendante (Ceni), ce vendredi lors d’une conférence de presse vers 14 heures locales. Avec 48,95% des voix sur 94,60% des bureaux de vote compilés, il devance son rival Étienne Tshisekedi qui n’obtient que 32,33 % des suffrages, selon les résultats provisoires annoncés par le président de la Ceni Daniel Ngoy Mulunda. In http://www.jeuneafrique.com/178177/politique/pr-sidentielle-en-rdc-kabila-d-clar-vainqueur-par-la-ceni-tshisekedi-s-autoproclame-pr-sident/.
[10] Article 64
Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution.
Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’État. Elle est punie conformément à la loi.