Jean-Jacques Wondo Omanyundu
GÉOPOLITIQUE | 07-08-2013 09:37
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Concertations politiques : le brutal rappel à l’ordre du Secrétaire Général des Nations Unies à Naïrobi

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Concertations politiques : le brutal rappel à l’ordre du Secrétaire Général des Nations Unies à Naïrobi

La Majorité Présidentielle et l’Opposition, ainsi que les « sociétés civiles » et les « diasporas » rangées sous le label de l’une et l’autre, continuent de s’entredéchirer autour de la modération des concertations politiques convoquées il y a un mois par le Chef de l’Etat. Ceux qui ne sont pas d’accord avec la procédure de convocation et d’organisation de ce forum proposent tantôt un présidium tripartite Pouvoir-Opposition-Civile, tantôt une modération africaine francophone ou carrément onusienne. Les uns reconnaissent au Président de la République seul les prérogatives de convoquer, organiser et fixer les termes de référence tandis que d’autres estiment qu’il n’en a pas qualité et que cela devrait se faire de manière consensuelle.
Pendant que la controverse bat son plein, le Secrétaire Général des Nations Unies, a fait un rappel brutal à l’ordre en marge du dernier Sommet extraordinaire de la CIRGL (Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs) organisé le 31 juillet 2013 à Nairobi. Sans mâcher ses mots, il a martelé que pour résoudre la crise congolaise, il faut impérativement un processus politique crédible.
On croit savoir qu’il a voulu rappeler, à sa manière, à la classe politique congolaise que les concertations politiques sont incontournables mais aussi que celles-ci devraient s’inscrire dans la droite ligne des dispositions de la Résolution 2098 adoptée le 28 mars 2013 au Conseil de Sécurité de l’ONU. A ce propos, on peut lire au point 4 de ce texte que le Conseil de Sécurité « invite l’Envoyée spéciale pour la région des Grands Lacs, nouvellement nommée, en coordination avec le Représentant spécial pour la République Démocratique du Congo et avec le concours voulu de celui-ci, à diriger, coordonner et évaluer la mise en œuvre des engagements nationaux et régionaux pris au titre de l’Accord-Cadre, tel qu’énoncés dans l’Annexe A, y compris l’établissement dans les meilleurs délais, de critères et mesures de suivi appropriés et, se fondant sur l’Accord-cadre, invite l’Envoyé spéciale à conduire un processus politique global ouvert à toutes les parties prenantes, en vue de remédier aux causes profondes du conflit ».
Lorsque l’on jette un regard sur le point 5 de la même résolution, l’on note que le Conseil de Sécurité « demande au Représentant spécial pour la République Démocratique du Congo, en collaboration avec l’Envoyée spéciale pour la région des Grands Lacs, de soutenir, coordonner et évaluer l’application en République Démocratique du Congo, des engagements nationaux pris dans l’Accord-cadre, comme énoncés dans l’annexe B ».
Annexe A
Les observateurs constatent que si l’on devait s’en tenir à l’esprit et à la lettre des points sous examen, le débat autour de la tenue et de la direction des concertations politiques entre Congolais aurait dû être clos avant d’avoir commencé. Car le Conseil de Sécurité a expressément confiée cette charge à deux personnalités, à savoir l’Envoyée Spéciale du Secrétaire général de l’ONU pour le Grands Lacs et son Représentant spécial pour notre pays.
Lorsque l’on consulte l’Annexe A de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, on relève qu’il fait état des « engagements pris par les pays de la région au titre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en République Démocratique du Congo et dans la région ». Ces engagements s’articulent autour de l’impératif de « ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures des pays voisins ; ne tolérer aucun type de groupe armé ni fournir d’aider ou d’appui à ces groupes ; respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des pays voisins ; renforcer la coopération régionale, notamment en promouvant l’intégration économique compte dûment tenu de l’exploitation des ressources naturelles ; respecter les préoccupations et les intérêts légitimes des pays voisins, en particulier pour ce qui est des questions de sécurité ; ne pas offrir de refuge ou de protection de quelque type que ce soit aux personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’actes de génocide ou de crimes d’agression ou aux personnes relevant du régime des sanctions des Nations Unies ; et faciliter l’administration de la justice par le biais de la coopération judiciaire au sein de la région ».
Annexe B
On peut lire, dans l’Annexe B, que l’ « Engagement pris par le Gouvernement de la République Démocratique du Congo, au titre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en République Démocratique du Congo et dans la région » consiste à « promouvoir et approfondir la réforme du secteur de la sécurité, en particulier s’agissant de l’armée et de la police ; consolider l’autorité de l’Etat, en particulier dans l’Est de la RDC, notamment pour empêcher les groupes armées de déstabiliser les pays voisins ; progresser sur la voie de la décentralisation ; aller de l’avant en matière de développement économique, s’agissant notamment du développement des infrastructures et de la prestation des services sociaux de base ; poursuivre la réforme structurelle des institutions de l’Etat, notamment la réforme financière ; et promouvoir la réconciliation, la tolérance et la démocratisation ».
Puisqu’il en est ainsi, l’on est en droit de se demander pourquoi l’Envoyée Spéciale pour la Région des Grands et le Représentant spécial pour la RDC n’ont-ils pas pris les choses en mains et appelé les Congolais au dialogue, conformément à la mission leur confiée par le Conseil de Sécurité. Certains pensent que l’ONU attend d’abord voir Kinshasa vider son contentieux politico-militaire avec le M23 à Kampala avant de passer à l’étape supérieure. Faut-il croire par là que tant que les négociations de la capitale ougandaise n’auraient pas clarifié la situation sécuritaire sur le terrain, la Majorité Présidentielle et l’Opposition devraient attendre le signal onusien ? Si c’est cela la réalité, que les officiels onusiens le fassent savoir aux décideurs et acteurs politiques congolais, de manière à faire baisser les tensions qui s’observent dans différents états-majors politiques. Sinon, les Congolais risquent de faire fausse route, les uns croyant qu’ils pourraient dialoguer sans témoins et d’autres sortir d’un chapeau le médiateur de leur choix.

Kimp – Le Phare, 6 août 2013

 

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