Exposé introductif : composition et compétences de la Cour constitutionnelle de la RDC
Par Marc Bossuit
Cet article a été initialement publié dans popups.uliege.be
Table des matières
1. Sa composition
2. Ses compétences
2.1. Le contrôle de la constitutionnalité d’actes avant leur adoption
2.2. Le contrôle de la constitutionnalité d’actes après leur adoption
2.3. Autres compétences de la Cour constitutionnelle
L’article 157 de la Constitution de la République Démocratique du Congo (RDC) dispose qu’«il est institué une Cour constitutionnelle». Une institution judiciaire importante pour l’équilibre des institutions est ainsi créée. La mise en œuvre de cet article de la Constitution constitue une étape majeure du processus de démocratisation. Elle requiert l’élaboration d’une législation organique qui permettra à la Cour de fonctionner et de contribuer à la bonne marche du nouveau système institutionnel. Avant d’étudier, dans les différentes contributions, les questions du contrôle de constitutionnalité, des compétences pénales de la Cour à l’égard du Président de la République et du Premier ministre ou du règlement de l’attribution des litiges en droit congolais, il convient de présenter brièvement la composition et les compétences de la Cour constitutionnelle de la RDC.
1. Sa composition1
La Cour constitutionnelle comporte neuf membres nommés par le Président de la République. Trois membres sont nommés sur l’initiative du Président ; trois membres sont désignés par le Parlement réuni en Congrès2 ; trois membres sont désignés par le Conseil supérieur de la magistrature.3
Les membres de la Cour constitutionnelle doivent justifier d’une expérience éprouvée de quinze ans dans les domaines juridique ou politique.4 En outre, les deux tiers des membres doivent être des juristes (provenant de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire). Leur mandat est de neuf ans et n’est pas renouvelable.5 Le président de la Cour constitutionnelle est élu par ses pairs pour une dΟurée de trois ans renouvelable une fois.6
2. Ses compétences
L’article 168 de la Constitution dispose :
«Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires et aux particuliers.
Tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit.»
Il convient de distinguer le contrôle de la constitutionnalité d’actes avant ou après leur adoption des autres compétences de la Cour constitutionnelle.
2.1. Le contrôle de la constitutionnalité d’actes avant leur adoption7
La Cour constitutionnelle est compétente pour le contrôle de constitutionnalité de certains actes avant leur adoption. Les actes suivants relèvent de ce contrôle de constitutionnalité a priori :
1. Toutes les lois organiques8: le contrôle constitutionnalité s’exerce d’office, avant la promulgation des lois organiques ;9
2. Les règlements intérieurs10 des Chambres parlementaires et du Congrès, de la Commission électorale nationale indépendante11 et du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de communication12 : le contrôle de constitutionnalité s’exerce d’office, avant la mise en application des règlements intérieurs ;
3. Les lois : le contrôle de constitutionnalité s’exerce uniquement sur initiative du Président de la République, du Premier ministre, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat ou du dixième des députés ou des sénateurs, avant leur promulgation ;13
4. Les traités ou accords internationaux : le contrôle de constitutionnalité s’exerce uniquement sur initiative du Président de la République, du Gouvernement, du dixième des députés ou des sénateurs, avant la ratification ou l’approbation de ces traités ou accords ;14
5. Les déclarations portant sur le caractère réglementaire d’une matière (dans laquelle un texte à caractère législatif est intervenu) permettant une modification par décret : le contrôle de constitutionnalité s’exerce dans ce cas à la demande du Gouvernement.15
2.2. Le contrôle de la constitutionnalité d’actes après leur adoption
La Cour constitutionnelle est également compétente pour le contrôle de constitutionnalité de certains actes après leur adoption.
Les recours en interprétation de la Constitution16 relèvent de l’initiative du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des chambres parlementaires, des gouverneurs de Province et des présidents des Assemblées provinciales.
Les recours d’inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire17 ne relèvent pas de l’initiative d’acteurs limitativement énumérés. Ils peuvent être déposés par toute personne. La Cour constitutionnelle est le juge de l’exception d’inconstitutionnalité18, soulevée par ou devant une juridiction à la demande de toute personne qui l’invoque dans une affaire qui la concerne devant cette juridiction. Elle est également compétente pour le règlement des conflits de compétences19 : entre le Pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif20 ; entre l’État et les Provinces.21
Enfin, en cas d’état d’urgence ou d’état de siège, dès la signature des ordonnances délibérées en Conseil des Ministres et prises par le Président de la République, la Cour constitutionnelle doit déclarer, toutes affaires cessantes, si celles-ci dérogent ou non à la Constitution.22
2.3. Autres compétences de la Cour constitutionnelle
Les compétences de la Cour constitutionnelle ne se limitent pas au contrôle de constitutionnalité a priori et a posteriori. La Cour est également :
1. Le Juge d’attribution des litiges aux juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif23 soulevés par ou devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État.
2. Le Juge du contentieux électoral24 dans le cadre des élections présidentielles, des élections législatives et du référendum.
3. La Juridiction pénale du Chef de l’État et du Premier ministre25 (ainsi que de leurs co-auteurs et complices) :
pour des infractions politiques (haute trahison,26 outrage au Parlement,27 atteinte à l’honneur ou à la probité,28 délits d’initié29), ainsi que
pour les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
4. Compétente pour la déclaration de vacance de la présidence de la République30 (pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif) et la prolongation du délai (de soixante jours au moins et de quatre-vingt-deux jours au plus) à cent vingt jour au plus pour la convocation de l’élection du nouveau Président de la République par la Commission électorale nationale indépendante.
5. Communication à l’administration fiscale de la déclaration écrite de leur patrimoine familial déposée par le Président de la République et des membres du Gouvernement31 ; faute de (nouvelle) déclaration dans les trente jours suivant la fin des fonctions de Président de la République ou de Premier ministre, en cas de déclaration frauduleuse ou de soupçon d’enrichissement sans cause, la Cour constitutionnelle est saisie.32
Notes
Pour citer cet article
A propos de : Marc Bossuyt
Professeur extraordinaire à l’Université d’Anvers, Président de la Cour constitutionnelle de Belgique