Comment résoudre la crise congolaise avant
les élections justes et apaisées en RDC
Jean Denis Ndelengo
Les êtres humains de toutes les nations désirent vivre en paix. Celle-ci se gagne souvent au prix de sacrifices . S’il faut en croire les Romains « si vis pacem para bellum » celui qui veut la paix, doit se préparer à la guerre. Regardons donc la manière dont les budgets militaires des États sont alloués pour renouveler les arsenaux militaires afin de parer à toute éventualité guerrière. À tout point de vue, l’armée, que les États soient développés ou émergents, est devenue une nécessité .Mais, malgré l’investissement souvent colossal, la paix se fait toujours désirer, elle est devenue une réalité insaisissable. Le monde contemporain fonctionne désormais aux sons des guerres fratricides, du terrorisme, de la conspiration, de la confusion, des mensonges et du chaos orchestré souvent par les grandes puissances. Si jadis, les guerres furent le choix cornélien par lequel les États sont parvenus à régler certains de leurs différends à travers l’histoire, aujourd’hui, la guerre prend une nouvelle dimension, car ce sont les États émergents qui paient le lourd tribut d’une bataille dont ils ne sont que la périphérie, chacune des grandes puissances surveillant jalousement ses zones d’influence. Il s’agit d’une part de la pérennisation de l’hégémonie d’un monde unipolaire (autour des USA) et de la contestation des autres puissances Chine et Russie, et d’autre part, la recherche d’un autre monde qui serait assis sur plus de liberté, de justice et d’équité. Parmi les pays victimes de la lutte perpétuelle pour le contrôle des ressources naturelles , la RD Congo endure plus que jamais les affres de la stratégie du chaos qui remonte bien au-delà de la réalité actuelle. Face à une telle évidence, comment le peuple congolais pourrait-il espérer une paix durable ? Comment devrait-il entrevoir une solution pacifique devant la crise de légitimité légendaire déclenchée au lendemain de la conquête de sa souveraineté ?
En effet, depuis son accession à l’indépendance en 1960, la République Démocratique du Congo a connu plusieurs crises politico-militaires. La plupart d’entre elles ont abouti aux guerres civiles dont le bilan se chiffre à plus de dizaines de millions d’âmes fauchées. Il s’ajoute à cela, le viol systématique des femmes sources de la vie, de centaines de milliers de déplacés et d’une dégradation sans précèdent de l’écosystème à l’Est de la RDC.
Pourtant, sept mois après la chute du mur de Berlin (le 16 novembre 1989), il se tint à Baule (France), le 16ème Sommet France-Afrique. Lors de ces assises, François Mitterrand, Président de la République Française, va prononcer un discours qui marquera un tournant historique dans les relations entre la France et l’Afrique. Selon les déclarations de Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères : « Le vent de la liberté qui a soufflé à l’Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud (…) Il n’y a pas de développement sans démocratie et il n’y a pas de démocratie sans développement ». Cette déclaration sonne comme un ultimatum adressé aux « caïds » africains, qui trônent alors à la tête de leurs États depuis des décennies sans vouloir envisager d’ alternative politique. Désormais, toute l’Afrique devait donc se conformer à la démocratie européenne. Plus rien ne devrait être comme avant, par exemple il fallait instaurer le pluralisme qui se substituera au monopartisme. Ainsi l’Occident a imposé la démocratisation d’une partie de l’Afrique sans tenir compte de l’identité culturelle africaine. Il restait en fait dans la logique de l’hégémonie après celle de la colonisation.
Plusieurs pays africains subsahariens vont vibrer au rythme des Conférences nationales dont l’objectif est de s’insérer dans la vision « droit de l’hommiste » du monde occidental. Il s’agira en quelque sorte d’un « remake » des années soixante avec la soif populaire de la liberté qui ne verra jamais le jour ! Le Bénin de Mathieu Kerekou au pouvoir depuis 1972, va ouvrir le bal, mais son origine témoigne un peu de son caractère paradoxal. Si on lui reconnaît, le géniteur de la formule institutionnelle, il s’est inspiré probablement de l’idée qu’il avait déjà expérimentée en 1979 en organisant à l’improviste une Conférence des cadres durant dix jours. Il fut question de débattre sur la conduite des affaires de l’État. En ce sens, il serait inopportun de croire que la Conférence nationale n’était, en revanche pas souveraine dans son projet originel. Elle fut un succès et devient, au fil du temps, l’une des principales revendications dans presque tous les États de l’Afrique subsaharienne francophone, notamment au Gabon, Niger, Mali, Congo, Togo, Tchad, Zaïre, etc.. Elle a constitué de ce fait un mécanisme spécifique africain. Cela sous-entend que la Conférence nationale était perçue comme l’instrument de réussite de la transition démocratique. Cette réussite revêt un caractère de vœu sincère des gouvernants ou ,hélas souvent, le moyen, de ne rien changer en gagnant du temps face à la grogne populaire pressante.
Au Zaïre de Mobutu, ce désir s’est manifesté malgré la dictature . Près de vingt-cinq ans au pouvoir sans partage, Mobutu a fini par céder à la pression de la vague démocratique, avec un semblant d’ouverture (multipartisme) à la date du 24 avril 1990. La démocratie naissante zaïroise se heurtera au manque de la volonté politique du clan Mobutiste et de certains opposants véreux. On assistera à une transition politique rectiligne émaillée d’ anathèmes, de coups bas (l’intérêt supérieur de la nation est sacrifié au profit des intérêts partisans) jusqu’au déclenchement de la rébellion de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo) de Laurent Désiré Kabila. L’irrationalité politique du nouvel homme fort de Kinshasa a inexorablement conduit la RD Congo à une énième crise dont les conséquences sont innommables. Ce qui montre que les crises congolaises, bien que multiformes et multidimensionnelles, ont toutes abouti aux pseudo-conciliabules autour desquelles la réalité de la crise est reléguée au second plan, exceptée la Conférence nationale souveraine (CNS) qui, aux yeux de certains observateurs, fut au moins un vrai dialogue entre les Congolais . Par contre les autres dialogues ont été des sortes de négociations entre imposteurs de tous les horizons, en se retranchant derrière les fausses rébellions armées et le pouvoir de Kinshasa.
Au demeurant, l’irresponsabilité de la classe politique congolaise et les échecs à répétition ont finalement étalé au grand jour l’amateurisme des politiciens. Cette erreur a fini par engendrer une seconde crise entre Laurent Désiré Kabila et ses alliés rwando-ougandais. La RD Congo sombre alors dans le cycle infernal de guerres qui impliqua plusieurs armées africaines à l’Est du pays : une première dans l’histoire de la guerre conventionnelle post-moderne en Afrique. Pour sortir de ce chaos institutionnalisé, plusieurs tentatives de réconciliations sous l’égide d’instances internationales vont être organisées, comme celles de Lusaka I et II, en passant par Pretoria, Durban, Port Louis, Naïrobi, Windhoek, Dodoma, Syrte et Gaborone. Les accords conclus à l’issue de ces assises ont principalement été tous au profit des intérêts étrangers représentés par les belligérants. Donc, ils n’ont jamais mis fin à la crise sanglante qui endeuille le pays. Il n’existe pas un autre mot pour parler de l’occupation rwando-burundo-ougandaise en RD Congo suivie de l’infiltration de ses institutions.
Au regard de ce qui précède, les élections sont-elles le remède pour espérer une paix durable en RD Congo ? L’histoire de la RD Congo est tellement récente qu’elle ne pourra jamais échapper à son peuple. Elle renseigne beaucoup et il est de notre devoir de se l’ approprier en vue d’envisager une paix globale et régionale. Les deux dernières élections (2006 et 2011) organisées en RD Congo en constituent la preuve éloquente avec seulement un effleurement des vrais problèmes auxquels les Congolais sont confrontés. En 2006, Joseph Kabila avait été déclaré vainqueur et son challenger Jean-Pierre Bemba avait accepté l’inacceptable. Mais, selon les observateurs internationaux, ces résultats n’ont jamais reflété la réalité des urnes. Donc, le peuple fut floué. Et dans la précipitation sans avoir corrigé les erreurs du passé, on embarque le peuple de nouveau dans une voie périlleuse électorale en 2011. Comme conséquence, on élargit le fossé entre le pouvoir et les congolais qui s’était déjà élargi cinq ans auparavant. En plus de l’occupation, de l’imposture et de l’étiolement de la classe politique congolaise, la R D Congo plonge dans une crise de légitimité au sein des institutions républicaines.
Après les élections présidentielles et législatives tenues au mois de novembre 2011 dans une indescriptible confusion, entachées de violences parfois meurtrières, d’ irrégularités et de fraudes avérées. Le Chef de l’État sortant Joseph Kabila a été déclaré encore vainqueur par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), mais les résultats publiés ont été jugés non crédibles à la lumière des nombreuses irrégularités et fraudes constatées lors du processus électoral, selon plusieurs observateurs nationaux et internationaux.
Le bilan de ces élections contestées de 2006 et 2011 continue à affaiblir toutes les institutions républicaines en RDC. Le bilan de cette situation comprend, notamment :
- Le transfert du candidat malheureux de 2006, Jean Pierre Bemba, à la CPI
- L’auto-proclamation de Monsieur Étienne Tshisekedi comme vainqueur des élections et Président de la RDC, ainsi que l’annulation des élections législatives par ce dernier en 2011.
- Le refus de certains élus de siéger dans les institutions de l’État issues de ces élections.
- Une rupture des relations entre les gouvernants congolais et une frange de sa diaspora qui se définit comme des « combattants » et dont les actions vont jusqu’à des règlements des comptes.
- L’aggravation de l’intolérance, de la méfiance réciproque, et des accusations mutuelles entre les forces politiques.
- La régression de la démocratie manifestée par un climat de répression, de violation et de brutalité du pouvoir, des violations des droits humains, des exécutions extrajudiciaires.
- L’enlisement de la situation sociale, politique et économique du pays.
Une liste de problèmes assez longue et non exhaustive d’ailleurs nous montre combien le chemin est encore parsemé d’embuches pour arriver là où nous devrions être.
De la chute du mur de Berlin jusqu’ aux deux dernières élections (2006 et 2011), en passant par la conférence de la Baule, la Conférence nationale souveraine (CNS), de la guerre de l’AFDL et du dialogue inter congolais et d’autres pourparlers, on constate que les problèmes, de fond, notamment celui de la paix et de l’intangibilité des frontières, n’ont jamais été réglés. Cette situation a comme résultat le constat que la mission d’organiser des vraies élections crédibles, transparentes est périlleuse, surtout si l’on voulait que le résultat soit acceptable par tous.
L’organisation des élections justes et apaisées en RD Congo exige, si besoin est encore de le dire, surtout l’application pure et simple des cinq préalables adoptés et signés par tous les belligérants, lors des accords de Sun City(21 Décembre 2002). On comprend bien que si l’instabilité règne en RD Congo et dans la région des Grands Lacs, c’est qu’il y a quelque part une volonté délibérée d’entretien du chaos. Abordant la relation de cause à effet, il appartient désormais aux Congolais de déterminer les causes endogènes et exogènes de ce chaos, c’est-à-dire déterminer les acteurs intérieurs et extérieurs de cette instabilité politique. L’organisation de vraies élections justes, transparentes et apaisées répond impérativement à la conquête de la souveraineté du peuple congolais. Il s’agit d’un gage dégagé de toute surenchère de la main étrangère. Il y a donc lieu de pacifier le territoire de tous les vautours et ensuite passer à une transition qui devra impérativement mettre sur pieds avec obligation de résultat ce qui suit :
- Organiser un dialogue qui réunira les représentants de toutes les couches de la société congolaise. Ce dialogue doit être différent des précédents. Il s’agira ici de se parler profondément et sérieusement avec un seul objectif : réconcilier les cœurs. Chacun devra prendre conscience que ce pays est le seul que les Congolais ont. Les gens devront se parler avec franchise en laissant de côté l’égoïsme, les avantages personnels. Il faudra au cours de ce dialogue, scruter et poser le bon diagnostic pour dégager des solutions durables et pérennes pour le pays.
- La question identitaire qui reste un épineux problème a résoudre, sans se voiler la face, la nationalité de ceux qui la désirent et la bi- nationalité pour les congolais de l’étranger, la RDC dispose d’élites extraordinaires à l’étranger prêtes à apporter leur concours à un changement et un développement de tous les secteurs. Les cas de L’Inde, de la Chine, du Pakistan et de la Corée du Sud qui connaissent un superbe développement tend à prouver que l’on ne peut pas , que l’on ne doit se priver de ces hommes et femmes de double nationalité .
L’opposant congolais Vital Kamerhe dont l’ identité a été dénoncée comme douteuse vient de faire le frais de cette folie lors de son passage à Washington récemment.
- Dans ce dialogue il faudra bien mettre en place une nouvelle Constitution ! Les animateurs de la transition devront aussi aborder la question militaire, comment avoir une armée capable de défendre le Congo ? On devra refuser par exemple la transformation de la victoire militaire en victoire politique, la conservation et la consolidation du pouvoir par tout moyen, la dynastique du pouvoir, le respect de mandats présidentiels, etc.
- Le rétablissement de l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire national afin de permettre aux observateurs nationaux et internationaux le libre accès dans tous les coins du Pays
- La formation d’une armée nationale, patriotique, apolitique, restructurée et intégrée
- La réorganisation de la CENI afin qu’elle soit l’institution capable d’organiser les vraies élections que le Congo mérite, loin de l’esprit tribal .
En somme, il appartient désormais au peuple congolais et à son élite consciencieuse de transcender la peur pour parvenir à vaincre tous les obstacles qui se dressent devant lui. Il doit être optimiste, car l’optimisme est une sorte d’hygiène d’un combattant-patriote. Ensuite, le peuple doit aussi penser à soigner son langage vis-à-vis d’autrui. Nous bâtirons un pays plus beau qu’avant avec le savoir des autres peuples du monde. La conjugaison de ces efforts de manière respectueuse fera en sorte que la RD Congo devienne le moteur du développement de la région des Grands Lacs. Comme le mal est très profond , chaque Congolais devra assumer la responsabilité historique qui est la sienne. La lourde responsabilité de celui qui pourra incarner ce sous-continent pour réinventer la fierté congolaise est immense car il faudra rendre à chacun un sentiment d’appartenance à une grande nation au cœur de l’Afrique.
Si tel n’est le cas, la République démocratique du Congo restera un volcan en ébullition prêt à s’embraser avec les répercussions qui s’étendront au-delà de ses frontières…
One Comment “Comment résoudre la crise congolaise avant les élections à venir – JD Ndelengo”
documentaire sur l'ile maurice port
says:félicitations bienfaisant articles passionné mais génial !. J’ai énormément aimé alors n’hésiterai jamais à le partager , c’est pas mal du tout!