Étalée sur deux années, au lieu d’une année pour cause de la crise du Covid, la 16ème session 2020-2021 des Hautes Etudes de Sécurité et Défense (HESD) de l’Institut Royal Supérieur de Défense (IRSD) de Belgique a clôturé son année académique ce 25 juin 2022 dans ses installations situées à l’Ecole Royale Militaire (ERM).
En Belgique, le département des Hautes études de défense a pour mission principale d’organiser ou de contribuer à l’organisation de formations dans le domaine de la sécurité et de la défense destinées aux cadres supérieurs – belges ou étrangers – de la Défense, des administrations publiques et de la société civile. Cette formation qui traite principalement des questions de sécurité, de défense et de géostratégie poursuit un double objectif : d’une part, développer l’esprit de défense et sensibiliser aux défis sécuritaires et aux problématiques géopolitiques actuelles ; d’autre part, constituer au fil des années un large réseau des professionnels et des experts de haut niveau entre les secteurs concernés par les questions de sécurité et de défense.
Une formation de haute intensité suivant une approche pluridisciplinaire
Ces dernières années, la nécessité d’une approche multidisciplinaire en matière de sécurité et défense s’est affirmée de plus en plus face aux diverses crises éclatant aux quatre coins de notre planète. La globalisation n’est pas qu’un phénomène économique mais a des répercussions sécuritaires. La montée du terrorisme international ne fait, par exemple, que renforcer la nécessité d’une approche globale. Gérer sécurité et défense de façon efficiente, mais surtout rationnelle et responsable, passe d’abord par une bonne compréhension des phénomènes en présence. Une analyse multidisciplinaire correcte permet d’éviter que des sentiments subjectifs, corporatifs ou individuels ne prennent le pas sur la raison. Voilà l’objectif et le défi poursuivis dans le cadre des Hautes Etudes de Sécurité et Défense.
L’éclatement de la notion de sécurité et l’évolution vers la sécurité globale
En effet, dans un monde où les distinctions classiques entre temps de paix et temps de guerre, public et privé, armée et police, terrorisme et grand banditisme (comme au Nigeria ou en Afrique du sud) deviennent difficiles à distinguer et paraissent obsolètes, la nécessité de penser la sécurité globale devient urgente. Cela en appelle à la prise en compte de nouvelles approches conceptuelles permettant de mieux cerner la complexité inhérente à certains phénomènes générateurs de crises et de conflits, l’actuelle crise russo-ukrainienne étant une triste illustration de cet état de réalité. L’hybridation croissante des menaces et l’éclatement de la guerre appellent l’émergence d’un nouveau continuum de sécurité qui brasse plusieurs domaines, telle que conceptualisée par Barry Buzan et Susan Strange. Cette dernière suggère la notion de sécurité globale comme manière de ne plus penser la sécurité en termes compartimentés et figés, réduite à sa dimension militaire/conflictuelle. Elle propose une conception relationnelle interactive, élargie et holistique de la sécurité (globale), comprise comme overall security governance, qui prend en compte les dimensions économiques, politiques, environnementales, culturelles et sociologiques de la sécurité.
C’est cette dimension d’analyse transversale et pluridisciplinaire de la sécurité qui est mise en avant et abordée sous la forme de dix séminaires résidentiels des HESD de deux jours, organisés mensuellement de septembre à juin et consacrés chacun à un thème particulier. Les participants suivent d’abord des conférences présentées par des professeurs de renom ou des experts académiques, politiques ou diplomatiques en charge de dossiers en rapport avec le thème du séminaire. Ces exposés sont suivis d’un débat avec l’orateur, puis les participants forment des groupes de discussion où expertises, expériences et réflexions personnelles sont échangées, permettant de mieux cerner la globalité des questions abordées. Une dizaine de visites à des institutions actives dans le secteur de la sécurité et de la défense sont également prévues.

Des auditeurs mixtes triés sur le volet
En Belgique, les HESD s’adressent tant à des officiers supérieurs ou civils de la Défense qu’à des cadres supérieurs ou hauts responsables civils, dont l’activité professionnelle a un lien explicite avec la sécurité ou la défense. La sélection des candidats est une prérogative du ministre de la Défense : elle se fait sur proposition du Comité directeur des HESD pour les candidats externes au ministère de la Défense et sur proposition du Chef de la Défense pour les candidats de la Défense. Pour la 16ème session, les participants brassaient un public mixte composée de 12 officiers militaires supérieurs et 18 cadres supérieurs (magistrats, diplomates, académiques, hauts cadres des Affaires étrangères, de l’Intérieur, des renseignements, de la police, de la commission européenne et du Parlement fédéral). Et nous avions eu l’immense privilège de présenter un séminaire consacrée aux processus de la réforme du secteur de la sécurité (RSS) et du désarmement – démobilisation – réinsertion (DDR) en Afrique des Grands-Lacs. Nous avons également co-participé à un débat autour de la décolonisation, du néocolonialisme et de l’indépendance effective des pays de l’Afrique des Grands-Lacs.
La RDC au cœur de la séance de clôture académique
Cette année, la leçon de clôture de la séance académique a été dispensée par le journaliste d’investigation Erik Bruyland, sous le thème « Pourquoi avons-nous perdu la main sur des minerais cruciaux ? ». Son exposé s’est basé sur son livre Cobalt blues qui présente une rétrospective de l’histoire postcoloniale du Congo dont sa ville natale, Kolwezi, est un centre minier de première importance pour l’économie de ce pays. L’orateur a dressé un tableau descriptif panoramique alarmant des enjeux/défis mondiaux et de la gouvernance congolaise autour des minerais stratégiques : Cobalt, Cuivre, Lithium… et de la problématique de la transition énergétique.
Dans leurs retours d’expérience, les participants sont unanimes à souligner le grand intérêt de cette approche didactique. L’enrichissement retiré leur permet d’être encore plus performant dans leur fonction. Le but de ces Hautes Études de Sécurité et Défense est en effet de mieux armer des responsables de différents secteurs du vaste domaine de la sécurité et de la défense et non de dispenser une simple formation académique.

La cérémonie de clôture était aussi l’occasion pour le Directeur des HESD, le Lieutenant-Colonel BEM Christophe de Hemptinne, d’annoncer sa retraite qui interviendra à partir d’octobre 2022. Je tenais personnellement à lui faire part de ma profonde gratitude pour la confiance qu’il m’a témoignée en m’invitant régulièrement à partager mes analyses et réflexions avec les auditeurs des HESD.
Après la remise des diplômes, un standing lunch a été offert aux participants.