Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 27-11-2018 14:45
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Campagne électorale sur fond des clivages ethniques : la nation congolaise menacée – JB Kongolo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Campagne électorale sur fond des clivages ethniques : la nation congolaise menacée

Par Jean-Bosco Kongolo

Craignant que l’expiration du dernier mandat de leur autorité morale sonne le glas de leurs privilèges indus, les membres de l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP) se mirent à élaborer des plans, les uns plus machiavéliques que les autres, consistant à conserver le pouvoir le plus longtemps possible, en violation de la Constitution. Avec la complicité ou le concours inconscient de l’opposition, qui ne vit rien venir, c’est d’abord le scrutin présidentiel qui fut ramené de deux à un seul tour pour assurer au Raïs une victoire à la présidentielle de 2011.

Après 2011, face à cette opposition toujours infiltrée et incapable de s’entendre sur une stratégie gagnante, la Majorité présidentielle (MP) fut réconfortée à expérimenter un autre plan, appelé glissement et qui fonctionne jusqu’à ce jour. Comme si le rendez-vous manqué de l’alternance en 2011 n’avait pas inspiré suffisamment de leçons à l’opposition, aucun parti politique ne se pencha, en solo ou en alliance avec les autres, sur l’examen sans complaisance des causes de cet échec. Pendant les cinq années du dernier mandat de Joseph Kabila (2011-2016), le conglomérat politique dont le siège s’est établi à Kingakati a continué de marauder dans le verger de l’opposition pour élargir la mangeoire nationale, toujours prête à accueillir de nouveaux convives. Nul n’a oublié comment et dans quelles conditions les Bruno Tshibala, Samy Badibanga, Tharcisse Loseke, Jean-Lucien Busa, Kapika, José Makila, Joseph Olenghankoy, Justin Bitakwira, Thomas Luhaka, Lisanga Bonganga, Emery Okundji, Pierre Kangudia, et autres comme le professeur Elikya Mbokolo sont devenus membres actifs et propagandistes de la kabilie.

Sourde aux complaintes de l’opposition, toujours plurielle, la MP, devenue FCC, n’a rien voulu entendre des timides revendications de l’opposition concernant la recomposition de la centrale électorale, de l’introduction illégale de la machine à voter et du nettoyage du fichier électoral[1]. Alors que le processus électoral, visiblement mal parti, bute à de nombreux obstacles d’organisation et risque de déboucher sur un chaos généralisé et planifié, les internautes s’en sont mêlés pour enflammer les réseaux sociaux où, plus pour des raisons d’affinité tribalo-ethnique qu’idéologique, ils se sont rangés derrière chacun des candidats pour lui témoigner leur soutien.

En lieu et place du projet de société à promouvoir, cadres et autres fanatiques se confondent dans une même base, en quête d’un moindre propos discordant pour étiqueter, diaboliser et qualifier de traître tout originaire de la province ou tout membre de l’ethnie du candidat osant émettre une critique même objective et constructive. Dans ces interminables échanges qui se succèdent à longueur des journées sans proposer des solutions aux problèmes de fond, les insultes ont pris le dessus sur le raisonnement lucide de sorte que, sans considération de toutes sortes d’affinités antérieures et de conviviabilité, des coups se donnent désormais au bas de la ceinture pour faire mal à quiconque est soupçonné de ne pas faire partie de la base[2].

Ainsi est née parmi les internautes une nouvelle vocation, celle d’archéologues politiques[3] à la recherche des fossiles susceptibles de compromettre la campagne d’un candidat qui fait ombrage à leur idole. Si ce n’est pas pour s’en prendre à Félix Tshilombo Tshisekedi en fouillant même dans le passé de son père, c’est Matin Fayulu, Vital Kamhere ou Jean-Pierre Bemba à qui l’on attribue des déclarations contre Moïse Katumbi ou encore ce dernier qui aurait juré par le passé de ne jamais trahir Joseph Kabila, ainsi de suite. Les victimes de cette intolérance et de ces clivages se comptent également parmi les analystes et observateurs qui s’efforcent de ramener le débat au centre de la problématique de l’alternance, avec ses conséquences sur la cohésion nationale.

La présente analyse tente d’inviter tous ceux qui croient s’élever au-dessus des sentiments ethnocentriques et ethno-régionalistes à rechercher froidement et à expliquer objectivement à l’opinion publique nationale les causes de l’échec du processus électoral afin de proposer une alternative crédible, à même de sauver la cohésion nationale menacée par des projets de balkanisation du pays.

Les opposants congolais en conférence de presse après leur conclave à Genève, 11 novembre 2018

1. La diversité ethnique, une richesse pour le Congo

Notre pays, le Congo-Kinshasa, n’est pas que géographiquement immense. Sur ses 2.345.410 km2 cohabitent, par concours des facteurs historiques, 450 ethnies qui partagent plusieurs affinités généalogiques, linguistiques, culturelles, alimentaires…De toutes ces ethnies, aucune n’est démographiquement plus majoritaire que toutes les autres réunies pour prétendre les soumettre politiquement ou culturellement. Malgré tout ce qu’on peut reprocher à la gouvernance du Maréchal Mobutu et au MPR, Parti-État, il a eu au moins le mérite d’inculquer aux Zaïrois la fierté et la conscience d’appartenir à une même nation. Sous son règne, il a été possible pour les cadres de la territoriale de se retrouver et d’être acceptés dans d’autres régions (provinces) comme Gouverneurs de province, Administrateurs de territoire, Magistrats ou Officiers de l’armée et de la gendarmerie. Parmi les retombées positives de cette politique de «  brassage » on peut citer l’élection du doyen Konde Vila-Kikanda, originaire de la province lointaine du Kongo Central (Ex-Bas-Congo), comme député au Nord-Kivu où il avait été gouverneur de province sous le régime du MPR.

De cette diversité démographique sont nées plusieurs affinités professionnelles, culturelles, matrimoniales et amicales indélébiles qui permettent encore de nos jours aux Congolais de défendre l’intégrité du territoire national et, par conséquent, de résister aux multiples plans de balkanisation.

– A titre personnel, c’est grâce à un vieil ami et ancien condisciple de l’université, originaire de l’Équateur, qu’il avait été possible d’obtenir notre premier emploi après un long chômage à l’époque où déjà il fallait compter sur un parrain politique pour être recommandé. Après plusieurs années passées à l’étranger, la première personne à nous rendre visite, avant tout autre membre de famille, fut le même ami, qui vint briser, en compagnie de son épouse, la nostalgie de nos enfants et de nous-mêmes parents.

– En dépit de l’énigme du « massacre » des étudiants sur le campus de l’Université de Lubumbashi en 1990, qui vint assombrir sa réputation, Louis Koyagialo fut le gouverneur le plus apprécié de la province du Katanga Shaba (1986-1990), après avoir été Commissaire urbain (maire) de la ville de Lubumbashi de 1982 à 1985.

– En août 1998, ce sont les civils Kinois, toutes origines ethno-tribales confondues, qui sauvèrent la ville en affrontant à mains nues les rebelles du RCD-Goma, dont certains dirigeants (Mende, Thambwe Mwamba, Ruberwa, Nyarugabo, Déogratias Rugwiza) trônent encore dans des institutions sans légitimité, en violation de la Constitution[4].

-En réaction au hold-up électoral de 2011, la diaspora congolaise de toutes les origines ethno-tribales avait fait bouger les grandes villes du monde entier pour réclamer la vérité des urnes, sans considération de la qualité de membre ou non de l’UDPS, parti cher au regretté Etienne Tshisekedi.

D’où quelques questions ci-après adressées à ceux qui veulent ramener le Congo de 2018 à son état de 1960, avec des partis politiques à coloration tribale qui avaient fini par endeuiller le pays en opposant des ethnies et tribus les unes contre les autres[5] :

– Est-il politiquement et démocratiquement acceptable que chaque ethnie ou tribu aligne son candidat Président de la République?

– Si la réponse à cette question est négative, y a-t-il au Congo d’ethnies ou de tribus plus qualifiées que d’autres pour présenter un candidat Président de la République?

– Sinon, faut-il alors recourir aux clivages claniques là où deux ou plusieurs candidats d’une même ethnie ou d’une même province ont présenté leur candidature à la présidentielle?

– Faut-il enfin laisser les ethnies dont sont issus ces candidats Président de la République participer seules aux élections ou comment doivent se comporter tous les autres électeurs congolais à l’égard des candidats dont ils n’ont aucune affinité ethnique ou tribale?

Au regard du comportement de certains acteurs, et de certains internautes diversement instruits, toutes ces questions et tant d’autres que l’on pourrait se poser à l’infini nous amènent à suggérer une profonde réforme de notre système d’éducation nationale.

2. Nécessité de réformer le système d’éducation nationale

Non seulement que le niveau de l’enseignement, à tous les niveaux (primaire, secondaire, supérieur et universitaire), a beaucoup baissé, il n’a jamais été profondément réformé depuis l’accession du pays à l’indépendance pour répondre aux besoins et aspirations de la population. Demeuré archaïque, notre système d’enseignement ne permet pas du tout à préparer les Congolais à la citoyenneté et au patriotisme. En plus de ce qu’auraient déjà proposé les spécialistes et praticiens de l’enseignement, nous pensons que certaines matières devraient faire l’objet d’une attention particulière des décideurs. Il s’agit entre autres des cours de géographie et d’histoire.

A. Cours de géographie et de sociologie

Tel qu’enseigné au Congo encore de nos jours, le cours de géographie n’apporte surtout que des connaissances générales sur le monde et l’univers, laissant les Congolais ignorer beaucoup de réalités et de merveilles de leur pays. C’est pourtant ce qui se constate aujourd’hui lorsque même des adultes et des diplômés d’université ne se réfèrent qu’aux quatre langues nationales pour croire qu’il existe une ethnie appelée Baswahili englobant tout le grand Katanga et toutes les provinces de l’Est, que tous les peuples du Grand Kasaï (Kasai Oriental, Kasai, Kasai Central, Lomami et Sankuru) sont tous des Baluba, que ceux de Bandundu (Kwango, Kwilu, Mai-Ndombe) et du Kongo-Central sont tous des Bakongo ou encore que ceux du Grand Équateur sont tous des Bangala. Même si au niveau national l’accent devrait être mis sur de grands ensembles, il est absolument nécessaire que les limites administratives ainsi que les ressources naturelles de chaque province soient apprises aux enfants, de même que leurs particularités culturelles, notamment les us et coutumes en matière de mariage, du respect dû aux morts, des funérailles, etc. A l’instar du programme académique européen Erasmus[6], c’est dans le même sens qu’en 2016, Sinaseli Tshibwabwa suggérait d’inclure dans ce cours un programme (financé par le gouvernement) de mobilité des étudiants à travers toutes nos provinces afin de leur permettre de s’approprier notre territoire et de renforcer la cohésion nationale de ces futurs cadres du pays[7].

B. Cours d’histoire

L’histoire ancienne ou récente du Congo est tellement riche en évènements que nos Historiens ont abondamment de la matière pour remplir des ouvrages et garnir nos bibliothèques. En commençant par se mettre d’abord eux-mêmes à jour, ils pourraient ensuite mettre à jour les livres d’histoire pour l’enseignement et pour la lecture. Malheureusement, dans nos universités, des recherches sont encore orientées ou financées pour parler de l’histoire de l’Empire romain, de la France, du Portugal, de la Belgique, etc. Dans chaque province, la population et les historiens devraient identifier des personnalités qui ont marqué de leur emprunte l’histoire générale du pays ou de leurs provinces sur les plans politique, social, économique, culturel ou religieux. L’on découvrirait ainsi ceux qui, comme Lumumba, méritent réellement d’être appelés héros nationaux, ceux qui, comme Etienne Tshisekedi, auront consacré une grande partie de leur vie à lutter pour la démocratie et l’État de droit et, tout récemment Docteur Dénis Mukwege, notre premier prix Nobel de la Paix du pays et de l’Afrique centrale. Dans le domaine sportif, on enseignerait des grands noms tels que Ndaye Mulamba (Mutumbula), meilleur buteur de football jusque-là inégalé en coupe d’Afrique des nations. A travers le cours et les livres d’histoire, il serait également important pour les futures générations de savoir qui de leurs ancêtres auront pactisé avec l’ennemie et mis en péril la cohésion nationale ainsi que ceux qui, comme le colonel Mamadou Ndala, auront payé de leur sang pour sauver la patrie. Ce n’est qu’en connaissant mieux le pays, en respectant toutes les composantes ethniques qui le peuplent et en se souvenant de l’apport de tous dans la solidarité nationale que l’on arrivera petit à petit mais sûrement, à faire tomber les clivages observés aujourd’hui dans la campagne électorale qui ne fait que commencer. Tout cela devrait être encadré par de bonnes lois, appliquées avec rigueur par des gens ayant à cœur l’amour du pays.

C. Application rigoureuse de la loi

Déçus de tout ce qui s’observe et se raconte, plusieurs profanes du droit nous posent ou se posent souvent la question de savoir si dans ce pays il existe vraiment des lois et s’il y a encore d’hommes et de femmes intègres pour les appliquer. Concernant les textes, l’opinion peut être rassurée que la Constitution et les lois du Congo-Kinshasa contiennent suffisamment de dispositions qui ne demandent qu’à être bien appliquées pour éviter les dérapages déjà observés en ce début de la campagne électorale et qui vont certainement s’aggraver au fur et en mesure qu’on s’approchera de la date du 23 décembre 2018.

1°) Au niveau de la Constitution

L’al. 3 de l’article 6 : « Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage, au renforcement de la conscience nationale et à l’éducation civique. Ils forment et exercent librement leurs activités dans le respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs. »

L’article 51 : « L’État a le devoir d’assurer et de promouvoir la coexistence pacifique et harmonieuse de tous les groupes ethniques du pays.

Il assure également la protection et la promotion des groupes vulnérables et de toutes les minorités.

Il veille à leur épanouissement.» 

L’article 66 : « Tout Congolais a le devoir de respecter et de traiter ses concitoyens sans discrimination aucune et d’entretenir avec eux des relations qui permettent de sauvegarder, de promouvoir et de renforcer l’unité nationale, le respect et la tolérance réciproques.

Il a, en outre, le devoir de préserver et de renforcer la solidarité nationale, singulièrement lorsque celle-ci est menacée

2°) Les autres lois de la République

2.1. Loi sur les partis politiques[8]

Article 5 :

« Dans leurs création, organisation et fonctionnement, les partis politiques veillent:

  1. à leur caractère national et ne peuvent ni s’identifier à une famille, à un clan, à une tribu, à une ethnie, à une province, à un sous-ensemble du pays, à une race, à une religion, à une langue, à un sexe ou à une quelconque origine, ni instituer toutes discriminations fondées sur les éléments ci-dessus ;»

Article 21 :

« Chaque parti politique est tenu de :

  1. déposer, chaque année, auprès du Ministre ayant les Affaires Intérieures dans ses attributions, au plus tard le 31 mars, le compte financier de l’exercice écoulé.

Ce compte doit faire apparaître que le parti ne bénéficie pas d’autres ressources que celles provenant des subventions éventuelles de l’État, des cotisations, dons et legs de ses adhérents et sympathisants, des opérations mobilières et immobilières et des recettes réalisées à l’occasion des manifestations ou publications.

Lorsqu’un parti politique ne se conforme pas aux prescrits du présent article, le Ministre ayant les Affaires Intérieures dans ses attributions le rappelle à l’ordre. A défaut d’obtempérer, le parti politique est suspendu jusqu’à ce qu’il se conforme aux dispositions du présent article. »

Article 26 :

« Tout parti politique doit tenir une comptabilité et un inventaire de ses biens meubles et immeubles conformément à la législation en

vigueur.

Il présente ses comptes annuels à l’administration compétente et justifie, le cas échéant, la provenance de ses ressources financières. »

Article 29 (al. 1er):

« Lorsque l’activité d’un parti politique menace ou porte atteinte à l’unité et à l’indépendance nationales, à l’intégrité du territoire de la

République, à la souveraineté de l’État congolais et à l’ordre institutionnel démocratique ou trouble gravement l’ordre public, l’autorité territoriale du ressort décide la suspension immédiate des activités du parti incriminé dans sa juridiction par décision motivée pour une durée qui ne peut excéder 15 jours. EIle saisit, sans délai, l’Officier du Ministère public. »

Comme si tous ces textes de loi ne servaient qu’à embellir et à remplir les pages du Journal Officiel, douze ans viennent de s’écouler depuis le lancement de la Troisième République sans que les acteurs politiques de tous bords ne parviennent à s’y conformer pour mettre effectivement en place un nouvel ordre politique permettant aux Congolais de se choisir souverainement et sereinement leurs dirigeants.

Pour raison d’arithmétique politique, l’on a cessé d’enregistrer de nouveaux partis politiques allant de quelques dizaines à plusieurs centaines. De tous ces partis, moins de cinq sont effectivement implantés partout au pays et la plupart sont sans idéologie définie ni projet de société élaboré.[9] Confinés à Kinshasa où se mène la lutte de positionnement, la plupart des fondateurs de ces partis ne se préoccupent guère d’assurer à leur base une formation civique axée sur la vulgarisation de la Constitution, des lois de la République notamment le pouvoir de sanction que détient le souverain primaire sur les dirigeants dont le bilan n’a pas rencontré ses aspirations. Comme conséquences, c’est toujours au nom de ce peuple oublié, que se font et se défont des alliances, même contre nature, qui ne dévoilent rien des intentions cachées des politiciens.

Pour impressionner ce peuple, chaque candidat Président de la République a présenté un programme de gouvernance de quelques dizaines, voire quelques centaines de milliards de dollars américains. À quelques semaines de ces élections, des alliances continuent de se nouer tandis que plus personne ne parle de ses milliards de dollars. Du côté des opposants, les « candidats uniques » se sont multipliés et vont désormais se battre d’abord entre eux pour rallier le plus possible d’ethnies et de tribus, ensuite contre le candidat unique du FCC, bien structuré sur fond de la conservation des privilèges acquis. Face à ce spectacle présenté par les opposants, se comportant comme des orphelins affamés qui se disputent un gâteau, Emmanuel Ramazani Shadary, est dispensé de cibler un adversaire durant sa campagne. Avec tous les moyens et personnels de l’État déjà mis illégalement à sa disposition et grâce à la propagande menée en sa faveur par l’éuro-député Louis Michel, il lui suffira d’utiliser des artistes musiciens et comédiens, eux-mêmes candidats députés provinciaux pour le compte du FCC, pour faire danser et rire les électeurs, consolés de voir gratuitement et de près ces vedettes. Dans cette ambiance théâtralisée par l’égoïsme et l’opportunisme des politiciens, la cohésion nationale, plus que jamais menacée et fragilisée par les clivages ethniques, les démons de la balkanisation peuvent aisément remettre sur la table leurs plans.

Conclusion

Longtemps, par ignorance ou distraction, la politique a été abandonnée entre les mains de quelques individus qui, pour leurs intérêts égoïstes, ont conduit le pays à des guerres fratricides (1960-1965), au règne de la pensée unique (1965-1997) et finalement à l’humiliation et à l’occupation, depuis 1997, dont souffre encore le pays à ce jour. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les acteurs politiques de la Troisième République ne sont pas parvenus à procurer aux Congolais la démocratie et l’État de droit pour lesquels nombreux compatriotes ont payé de leur vie. Trahissant le peuple, qu’ils n’invoquent que par hypocrisie, c’est en dehors de ce peuple que ces politiciens, toutes tendances confondues, ont toujours négocié le partage du pouvoir à l’occasion de chaque enjeu majeur, faisant et défaisant les cartels politiques au gré de leurs intérêts et de leur positionnement.

Comme si l’amnésie avait paralysé tous les cerveaux, tout le monde s’apprête, conditionnellement ou non, à participer à une élection présidentielle à un seul tour, organisée par un groupe d’individus sans aucun mandat d’engager la nation. Faute de respecter la Constitution et les lois de la République, la passion du pouvoir et l’égo des uns et des autres désorientent totalement les électeurs, dont la majorité est tenue à l’écart des combines politiciennes. Dans ce désordre organisé dont seuls les politiciens détiennent les secrets, des clivages ethniques réapparaissent, dans le seul intérêt des politiciens, qui risquent de replonger la nation dans un chaos indescriptible et de l’exposer à la matérialisation de plusieurs projets de balkanisation du pays. Selon notre compatriote, le professeur Iluju Kiringa[10], le multipartisme cède désormais la place au « multitribalisme ». Les prélats catholiques ont compris cela et en ont appelé à la conscience de tous pour sauver le patrimoine commun de nos ancêtres.[11]

Plutôt que de nous laisser distraire et détourner du bilan négatif du régime de Joseph Kabila ou de mettre de l’huile sur le feu via les réseaux sociaux en nous rangeant aveuglement derrière tel ou tel camp, nous pensons qu’il est temps que les Congolais se ressaisissent et se réapproprient le processus électoral pour éviter la récurrence des contestations de la légitimité des institutions et de leurs futurs animateurs. A défaut pour les politiciens de le comprendre, un seul schéma reste possible pour les mettre tous en congé « technique » afin de rétablir la légalité et l’autorité de l’État[12]. Ce schéma est enchâssé dans la Constitution (article 64) et ne demande qu’à être appliqué avant que ça ne soit trop tard. La nation est en péril et le temps presse.

Jean-Bosco Kongolo

Juriste & Criminologue/Administrateur adjoint de DESC

Références

[1] L’article 64 de la loi électorale en vigueur parle des bulletins de vote et non de la machine à voter.

[2] Du temps du MPR, Parti-État, on parlait des membres tièdes, ayant un pied dedans et un pied dehors.

[3] L’expression vient de nous.

[4] JJ Wondo, « Joseph Kabila, agent des néolibéraux et cheval de Troie du Rwanda en RDC », in Les congolais rejettent le régime de Kabila, Éditions Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, Suisse, 2015, p.66.

[5] L’importance de la donne tribale sur la scène politique fut telle qu’«il est très symptomatique qu’en Afrique, les seuls partis qui portaient des noms d’ethnies soient les partis congolais : on ne trouve pas autre part des équivalents de l’ABAKO, l’UNIMO et la BALUBAKAT ». In http://www.mbokamosika.com/article-partis-politiques-congolais-coquilles-vides-electoralistes-53582214.html

[6] Le programme Erasmus consiste en un échange d’étudiants entre les différents pays ayant signé l’accord. Cela comprend les 25 pays européens, ainsi que l’Islande, la Suisse, le Liechtenstein la Norvège, la Bulgarie, la Turquie et la Roumanie.

[7] Tshibwabwa, Sinaseli, 2016. Les Scientifiques congolais et «la Remise en question : Base de la décolonisation mentale » de Mabika Kalanda (1965). In José Tshisungu wa Tshisungu : De la Décolonisation mentale, Mabika Kalanda et le XXIe siècle congolais, Éd. Glopro, Canada.

[8]Loi 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques.

[9] Kongolo, JB. 2014. Quel avenir pour les partis politiques du Congo/Kinshasa?, In http://afridesk.org/fr/rdc-radioscopie-des-partis-politiques-mode-demploi-et-prospective-jb-kongolo/.

[10] A lire sur sa page Facebook

[11] Dans leur dernière lettre pastorale, du 22 novembre 2018, ils ont dit : « Filles et fils de la RD Congo, les élections ne sont pas une fin en soi. Elles ne nous seront utiles que si nous sommes conscients de ce qui doit être changé pour l’avènement d’un Congo plus beau qu’avant. Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est l’unité de notre pays, l’intégrité de notre territoire national, la justice, la paix et l’amélioration des conditions de vie de la population. », In http://cenco.org/message-de-lassemblee-pleniere-extraordinaire-de-la-cenco/.

[12] Kongolo, JB. 2018, Article 64 de la Constitution : moyen par excellence pour restaurer la légalité et l’autorité de l’État, In https://afridesk.org/fr/article-64-de-la-constitution-moyen-par-excellence-pour-restaurer-la-legalite-et-lautorite-de-letat-en-rdc/.

 

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