Jean-Jacques Wondo Omanyundu
GÉOPOLITIQUE | 20-06-2013 13:05
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Bozizé en quête de soutien chez Zuma pour attaquer la RCA à partir du Congo ? – Note de Jean-Jacques Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Centrafrique : Bozizé décidé à reconquérir Bangui…


Les couples « Kabila » et Bozizé. Photo d’archives

Par Congoindepndant.com

Depuis son renversement, le 24 mars dernier, François Bozizé serait « hanté » par une seule ambition : reconquérir le pouvoir qui lui a été arraché par «des musulmans» du Nord. L’homme consulte. Il voyage beaucoup. Il serait à la recherche des appuis extérieurs. La province congolaise de l’Equateur va-t-elle servir de base de lancement de ce que d’aucuns appellent déjà un «contre-coup d’Etat» ?

Dès le lendemain de la chute de François Bozizé, des observateurs avaient signalé la présence inhabituelle des troupes sud-africaines à Gemena, district du Sud Ubangi. Les mêmes observateurs s’étaient inquiétés du regroupement, à Zongo, l’autre localité congolaise, des soldats centrafricains, fidèles au régime déchu.

Dans une déclaration, faite le jeudi 13 juin à l’Assemblée nationale congolaise, le député José Makila Sumanda (opposition), natif de cette partie du pays, a fait état de la «présence massive» des militaires «au nord» de la province de l’Equateur. Il a demandé des explications au ministre de l’Intérieur, le PPRD Richard Muyej. «La partie nord de l’Équateur est fortement militarisée, a-t-il affirmé. Les militaires sont partout, à partir de Yakoma jusqu’à Zongo. La population ne comprend plus rien. Elle se sent en insécurité, parce qu’il n’y a pas de guerre chez nous». Et d’ajouter : «En tant que députés nationaux, nous devons savoir ce qui se passe chez nous pour informer la population. Nous demandons que le ministre de l’Intérieur nous dise exactement ce qui ne va pas dans le coin». Au moment où ces lignes sont couchées, la réponse du ministre Muyej se faisait attendre. Embarras?

Confronté au mouvement insurrectionnel du Séléka, Bozizé avait fait appel à la «coopération militaire» sud-africaine pour garantir la pérennité de son pouvoir. L’homme s’apprêtait à tripatouiller la Constitution pour faire sauter le
«verrou» qui l’empêchait de prétendre à un troisième mandat. Son «ami» Jacob Zuma, le très affairiste chef d’Etat sud-africain, avait dépêché 300 soldats de son pays à Bangui. «Les Sud-Africains sont ici dans le cadre d’un accord de coopération bilatérale conclu avant le déclenchement de la rébellion, avait déclaré un Bozizé revigoré, dans un entretien avec J.A. n°2724 du 24-30 mars 2013. (…), ils n’en repartiront qu’une fois les conditions sécuritaires réunies, ce qui n’est pas le cas». Le général-président s’était trompé. Lors de la prise de la capitale centrafricaine, fin mars, les «Sudaf’» seront hachés menu par les «soudards» de Michel Djotodia. Inutile de dire que Zuma rumine la « vengeance ».

Des sources indiquent que Bozize voyage beaucoup. Il serait absent de son
«refuge provisoire» au Cameroun. Il aurait été aperçu récemment à Kampala chez Yoweri Kaguta Museveni. Question : l’ex-président centrafricain serait-il tenté d’organiser une «contre-insurrection» ? «(…). J’apprends ça et là qu’il se prépare militairement à revenir (…)», a déclaré Anicet Dologuélé, ancien Premier ministre d’Ange-Félix Patassé (voir J.A. n°2735 du 9-15 juin 2013). Dans la précédente édition de cette même publication, l’ancien ministre centrafricain des Finances, Sylvain Ndoutingaï, assure avoir parlé au téléphone avec son ancien patron de président et oncle qui l’avait «viré» en juin 2012. «(…). J’ai constaté qu’il n’a pas pris conscience de ce qui est arrivé à notre pays et des erreurs qu’il a commises. Je lui ai dit qu’il vivait dans un monde irréel. (…)».

Selon des sources, les activités des partisans de Bozizé, vivant au pays de Mandela, seraient sous la surveillance des «services» sud-africains. Au motif que ces exilés seraient sur le point de mettre sur pied une «organisation révolutionnaire». But : évincer Michel Djotodia. D’où tout l’intérêt de cerner la raison profonde de la «militarisation» de la partie boréale de la province de l’Equateur. Est-ce pour désarmer les soldats centrafricains refugiés, avec armes et bagages, de l’autre côté de la rivière Ubangi ? Est-ce pour préparer un « blitzkrieg » – guerre éclair – pour «venger» les soldats sud-africains et réinstaller Bozizé au pouvoir? Quel rôle jouerait «Joseph Kabila» dans ce micmac militaro-diplomatique ? L’avenir le dira…

Madeleine Wassembinya
© Congoindépendant 2003-2013

Note de Jean-Jacques Wondo

La semaine écoulée, le ministre ougandais de la Défense, Katumba Wamala, avait fait état de l’échec de la traque du chef rebelle de la LRA Kony du fait de la non coopération de nouvelles autorités centrafricaines qui seraient soutenues par le président soudanais Omar Bashir, inculpé par la CPI. Selon certaines sources locales contactées à Gemena, des militaires ougandais et sud africains, s’exprimant tous en anglais, ont été aperçus dans la région ces derniers jours, s’ajoutant aux soldats loyaux de Bozizé réfugiés au Congo après leur débandade en mars dernier.

Il y a lieu de rappeler que lors de la prise de Bangui le 24 mars 2013, les présidents Yoweri Museveni, Paul Kagame, Joseph Kabila et Denis Sassou Nguessou se trouvaient à Oyo (ville natale de Sassou) pour un sommet sur la sécurité dans l’Est de la RD Congo afin de débattre de la paix dans la région des Grands Lacs, notamment dans l’Est de la RDC « à la suite des accords conclus à Addis-Abeba. A l’annonce de la chute de Bangui, Museveni a  précipitamment quitté Oyo pour Kampala. Quelques jours après, on apprenait que de gros engins de guerre sud-africains étaient débarqués à la base militaire d’Entebbe pour être acheminés vers Gemena. L’alerte lancée de la menace de la riposte sud-africaine contre Séléka a permis à ce mouvement, avec l’appui tacite d’une puissance occidentale bien présente à Bangui militairement, de déployer des unités de combat le long de la frontière congolo-centrafricaine. Un déploiement préventif qui découragea la velléité belliciste sud africaine de peur qu’un nouveau choc armé contre le Séléka alourdisse les pertes des soldats de la RANDF au moment où Zuma essuyait de sévères critiques dans son pays. En déclarant que certains responsables du Seleka ont bénéficié du soutien du wanted américain, le président soudanais Omar Bashir, dans le but de se servir du nouveau gouvernement de Bangui pour approvisionner en armes et en  logistique la LRA pour déstabiliser l’Ouganda, l’objectif de cette rhétorique diplomatique du ministre ougandais de la défense, Katumba Wamala, ne vise pas la LRA comme telle mais bien des enjeux économico-financiers mafieux qui échappent à l’Ouganda et ses alliés sudafricains.

La presse sudafricaine a rapporté que l’ex-dictateur centrafricain Bozizé avait quitté le Cameroun le dimanche 2 juin dans la soirée pour se rendre au Cap en Afrique du sud  via le Kenya. Mais le porte parole du ministère des Relations internationales et Coopération sudafricain , Nelson Kgwete, a refusé d’affirmer ni d’infirmer cette information. Il s’est contenté à une déclaration laconique : « Nous n’avons actuellement pas un commentaire officiel sur le sujet ». Le correspondant de la BBC en Afrique du sud, Jean-David Mihamle, a confirmé la même information (http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-22762608).

Au cours de ses 10 années de règne à la tête de la RCA, les forces armées loyales à Bozizé se sont illustrées par des exécutions sommaires, des exécutions extrajudiciaires, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants-soldats, ainsi que par de nombreuses autres violations des droits humains, selon un rapport de Human Rights Watch 2007. En Décembre 2012, l’UE a suspendu son programme de l’aide développement de plus de 200 millions de dollars en RCA, affirmant que les fonds seront suspendus jusqu’à ce que la règle de droit soit rétabli dans ce pays compté parmi les grands producteurs du diamant. Un secteur dans lequel sont impliqués les proches parents du président Zuma . Selon le quotidien français, Le Parisien du 20 avril 2013, : « A Bangui, des sources centrafricaines, proches de la présidence et des services sécuritaires, ont aussi affirmé que MM. Zuma et Bozizé avaient passé des accords, avec, à la clé, l’accès d’entreprises sud-africaines à des richesses pétrolières, diamantifères et aurifères. » Voilà le vrai nerf de la guerre que Zuma cherche à mener en RCA, au départ de l’Ubangi congolais aux côtés des ougandais, en échange de sa participation à la brigade internationale de la Monusco. La RCA sera-t-il le nouveau terrain africain de confrontation géostratégique directe par excellence que se livrent depuis quelques temps la France et l’Afrique du Sud? Tout porte à y croire!

Jean-Jacques Wondo

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