Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 03-03-2014 07:42
4606 | 0

Bosco Ntaganda tremble et fait trembler

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Bosco Ntaganda tremble et fait trembler

Bosco NtagandaLa Chambre préliminaire de la CPI a clos, vendredi 14 février 2014, la série des audiences de confirmation des charges retenues par l’accusation contre Bosco Ntaganda, ex-général des FARDC,  ancien homme fort de l’UPC (Union des Patriotes Congolais), poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Ituri entre 2002 et 2003 et du CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple), coupable du même type de crimes au Nord-Kivu de 2006 à 2009, mais non encore inculpé pour cette seconde page noire de l’histoire du Congo. Dans le but d’échapper aux poursuites judiciaires, le prévenu et ses avocats ont choisi comme ligne de défense le rejet en bloc de tous les griefs épinglés par la Procureure de la CPI, la Gambienne Bensouda.

Mais le fait qui a le plus indigné les Congolais, c’est celui d’apprendre, de la bouche de Bosco Ntaganda qu’il était Rwandais et non Congolais. C’était pour détruire l’accusation selon laquelle il était mêlé aux conflits interethniques entre les communautés Lendu et Hema, caractérisés par des tueries massives entre frères ennemis. Selon son avocat, cet ancien seigneur de guerre avait joué le rôle de sapeur-pompier entre les deux camps, et qu’il n’était derrière les Hema comme consigné dans le dossier de la Procureure de la CPI. La défense du prévenu a également rejeté les préventions relatives au recrutement d’enfants-soldats à leur utilisation par l’UPC dans un conflit armé, aux viols des femmes et filles et à leur exploitation comme esclaves sexuelles, aux pillages des biens, etc.

Rendez-vous au mois de mars

C’est dans le courant du mois de mars que les juges de la Chambre Préliminaire de la CPI vont se prononcer sur la confirmation ou non des crimes de guerre et crimes contre l’humanité mis par l’accusation à charge de Bosco Ntaganda. Mais au regard du rôle joué par le prévenu en Ituri, en sa qualité de commandant des troupes, de donneur d’ordres et même d’exécutant, mais surtout de son refus de répondre au mandat d’arrêt international lancé contre lui depuis 2006, suivi d’un second en 2012, il est difficile d’imaginer l’abandon des poursuites judiciaires. L’hypothèse la plus probable serait que les juges demandent à l’accusation de réunir davantage de preuves et de témoins à charge, comme c’était le cas lors des procès d’autres chefs de guerre congolais, notamment Thomas Lubanga (déjà condamné à 14 ans de prison), Matthieu Ngudjolo (acquitté au bénéfice du doute), Germain Katanga (encore en jugement), Jean-Pierre Bemba (encore en jugement).

Si les juges de la Chambre Préliminaire de la CPI s’alignent sur la position de l’accusation et décident d’inculper formellement Bosco Ntaganda, cela pourrait faire des dégâts, dans les semaines et mois à venir, dans le cercle d’anciens compagnons politiques et militaires de ce criminel en Ituri, dont certains ont réussi à se faire caser dans les institutions nationales et provinciales de la République, dans l’armée, dans la police nationale, dans les entreprises publiques, dans la diplomatie… à la faveur du Dialogue Intercongolais, organisée en Afrique du Sud en 2002-2003.

Dans sa cellule de La Haye, Bosco Ntaganda tremble et fait trembler tous ceux qui craignent d’être embarqués dans son procès, comme on l’a vécu dernièrement avec les rafles intervenues dans les rangs des proches de Jean-Pierre Bemba (Fidèle Babala, les avocats Kilolo et Kabongo, des témoins) actuellement en détention à la CPI. Mais à la différence du numéro un du MLC qui persiste à nier sa présence à Bangui entre 2002 et 2003 ainsi que son rôle de commandant des troupes, Bosco Ntaganda risque d’être rapidement à court d’arguments. Car, à l’époque où il faisait la pluie et le beau temps en Ituri, beaucoup de monde l’avait vu tuer et faire tuer,  violer et faire violer,  piller et faire piller.

Et, comme si cela ne suffisait, il a récidivé au Nord-Kivu, à la tête du CNDP, de 2006 à 2012, avant de se rendre de lui-même à la CPI, via l’ambassade des USA à Kigali. L’aveu d’impuissance de ce seigneur de guerre n’efface pour autant ses crimes dans la partie Est de la RDC, que l’accusation se fera sans doute le devoir, on l’espère, de consigner dans un autre dossier, à traiter plus tard par la même juridiction. Les co-auteurs et parrains des crimes de Bosco Ntaganda en Ituri comme au Nord-Kivu ne perdent rien à attendre. Leur tour ne manquera pas de venir.

Kimp / Le Phare

0

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 25 Déc 2025 19:21:33| 364 0
République démocratique du Congo. Atouts et faiblesses des Forces armées dans les opérations contre le M23 et ses soutiens
La chute de Goma, le 26 janvier 2025, a mis en lumière le conflit dans l’est de la République démocratique du… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 25 Déc 2025 19:21:33| 256 0
Le M23 ou le remake de l’AFDL ? -Tribune de Jean-Jacques Wondo-
Jean Jacques Wondo, expert sur des questions militaires et ancien conseiller en charge de la réforme en profondeur de l’ANR… Lire la suite
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 25 Déc 2025 19:21:33| 4325 1
Vers la bataille décisive M23 – FARDC à Uvira ?
Uvira, verrou stratégique du Sud-Kivu À l’instar de Goma, Uvira semble constituer un verrou stratégique majeur dans le dispositif sécuritaire… Lire la suite
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 25 Déc 2025 19:21:33| 574 0
RDC : selon un rapport de la Fondation Bill Clinton pour la Paix, 21 généraux des FARDC sont détenus à la prison militaire de Ndolo, dont seulement deux sont condamnés
La Fondation Bill Clinton pour la Paix (FBCP) a publié un nouveau rapport dénonçant les mauvaises conditions de détention dans… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK