Rendez-vous incontournable des professionnels et experts de la défense et sécurité, l’édition 2021 de ShieldAfrica a tenu ses promesses dans la capitale ivoirienne, malgré la crise du coronavirus.

La sixième édition du salon international africain consacré la sécurité et à la défense s’est déroulée du 8 au 10 juin 2021 à Abidjan. Il a rassemblé 95 stands d’exposants et de professionnels de la sécurité venus des 25 pays de tous les continents du monde, couvrant un spectre varié des aspects de la défense et de la sécurité. ShieldAfrica était également le carrefour de réseautage professionnel inédit et indispensable dans le cadre de la mutualisation et du partage des connaissances, des expertises et des expériences dans les domaines de la sécurité globale. Plus d’une trentaine de délégations officielles ont répondu présentes à cette plate-forme de collaboration et d’échanges pour la sécurisation et la recherche des solutions aux besoins de sécurité des États africains.

Le thème du salon 2021 était consacré aux enjeux de sécurité dans les métropoles africaines d’une Afrique de plus en plus confrontée à la criminalité urbaine compte tenu de la transformation sociétale de sa démographie. Cependant, la question des menaces terroristes jihadistes n’a pas été éludée dans les différents forums et panels de discussions qui se sont tenus parallèlement aux expositions.

L’Afrique subit une urbanisation accélérée qui devient un facteur de fragilité publique, sociale, environnementale, sécuritaire, humanitaire et socio-économique. Les conditions de vie de plus en plus vulnérables dans les zones rurales, liées notamment aux conflits de divers ordres et aux pressions environnementales dans ces zones dépourvues d’infrastructures, entraînent un changement démographique croissant et un développement urbain rapide. Au début des années 90, deux tiers de l’ensemble de la population africaine vivaient en zone rurale, les experts estiment que d’ici 2025, cette proportion va se réduire à un plus de la moitié. Dans deux décennies, la population urbaine africaine croîtra à un rythme presque deux fois plus rapide que celui de l’ensemble de la population, augmentant de plus d’un demi-milliard par rapport aux niveaux de 1990.

Les artères des villes africaines sont confrontées au phénomène des enfants de rue. Dans les capitales africaines, plus de la moitié des populations vivent quasiment dans des bidonvilles où les conditions sanitaires de base laissent à désirer car n’ayant pas accès à l’eau potable, à l’électricité et au système de santé adéquat.

Le taux de chômage est élevé dans les centres urbains et touche particulièrement une population jeune, désœuvrée et indigente. Ce cocktail explosif entraîne une augmentation d’une nouvelle forme de criminalité violente. Les activités des gangs (shegués ou kulunas à Kinshasa), les attaques à mains armées, les cambriolages, les trafics illicites, les liens avec les réseaux de crime organisé transnational et l’instabilité socio politique deviennent des fléaux auxquels sont confrontés des politiques publiques dans des pays où l’autorité de l’Etat est de plus en plus liquéfiée.

A cela, il faut ajouter la montée progressive de l’expansionnisme jihadisme qui n’épargnent plus les capitales africaines. C’est le cas de l’attaque terroristedes islamistes somaliens qui avaient pris d’assaut le centre commercial Westgate de Nairobi, le 21 septembre 2013, faisant au moins 68 morts. Une attaque jihadiste du restaurant Cappuccino et de l’hôtel Splendid de Ouagadougou, le 25 janvier 2016, avait causé 30 victimes, dont vingt-deux de nationalité étrangère. Deux mois plus tard, c’est l’attentat de Grand-Bassam, dans la périphérie abidjanaise, le 13 mars 2016, a ciblé ce magnifique site de la station balnéaire ivoirienne très prisé par les touristes cosmopolites.

Depuis 2017, au Mozambique, la riche province gazière et balnéaire de Cabo Delgado fait les frais d’une insurrection jihadiste locale alliée à l’Etat islamique.

Toutes ces attaques ont illustré la fragilité des structures de défense et de sécurité des pays concernés et ont montré l’importance de conceptualiser de nouvelles formes de réponses face à cette menace qui n’épargne plus les milieux urbains.

La population africaine (1,2 milliard d’habitants) pourrait doubler d’ici à 2050. Lagos est sans doute une bonne illustration de ld’un continent qui s’urbanise et connaît une croissance démographique exponentielle. La capitale économique du Nigeria compterait environ 20 millions d’habitants. Une estimation. Lagos au Nigéria et Johannesburg en Afrique du Sud sont devenues des mégapoles où la police et les forces de sécurité ont quasiment perdu le contrôle de la situation sécuritaire à cause d’une criminalité urbaine galopante.

Par ailleurs, au Burkina-Faso par exemple, le boom minier entraîne le développement rapide du secteur bancaire et tertiaire. Le Burkina Faso est devenu en quelques années le quatrième exportateur d’or au niveau mondial. Le taux de croissance du secteur minier y a été de 11,4% en 2017, contre 6,7% pour l’ensemble de l’activité économique du pays. La production industrielle d’or est passée de 38,5 tonnes en 2016 à 45,6 tonnes en 2017. Cela s’accompagne également de la montée d’un nouveau type de criminalité violente dans certaines villes. C’est le cas de l’attaque d’un convoi de travailleurs de la mine Semafo, appartenant à une firme canadienne de Montréal, survenue à 40 kilomètres du site minier de Boungou, dans l’est du Burkina Faso, ayant fait 40 morts le 23 janvier 2019.

Ce même phénomène est également constaté dans des zones minières de la République démocratique du Congo, particulièrement à Lubumbashi dans le Haut-Katanga et à Kolwezi au Lualaba. À Kinshasa, les cas de braquages de banques deviennent réguliers.

Le salon 2021 a exposé les derniers développements technologiques et numériques dans les domaines de la sécurité, défense, cyberdéfense, cybercriminalité, cybersécurité, sécurité des moyens de transport, sécurité des réseaux (électricité, eaux, Internet), sécurité sanitaire, sécurité bancaire et fiduciaire, guerre numérique, de C4ISTAR (Command, Control, Communications, Computer, Intelligence, Surveillance, Target, Acquisition, Reconnaissance) et de protection civile sous forme de présentations de matériel aux stands et par le biais de présentations de grandeur nature et démonstrations tactiques dynamiques impressionnantes.

ShieldAfrica a connu la présence de visiteurs de haut niveau, tels que des représentants des médias et think-tanks spécialisés importants, dont AFRIDESK, des délégations ministérielles de la défense et de Sécurité de plusieurs pays d’Afrique et leurs experts en uniformes respectifs, donnant à cet événement une réputation et une dimension dépassant largement les frontières de l’Afrique.

ShieldAfrica est un événement organisé tous les deux ans par COGES Africa

Cocody Bonoumin – BP 387 CIDEX 03 Abidjan, Côte d’Ivoire

Informations : https://www.shieldafrica.com

Twitter : @shield_africa

Depuis le site de l’Ecole de police d’Abidjan

Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Criminologue pratiquant / Consultant et Expert des questions de sécurité et de défense d’Afrique Subsaharienne.