Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 21-09-2021 15:00
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RD Congo : A quoi risque de ressembler la campagne électorale de 2023 ? – JB Kongolo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Chaque jour qui passe, nous rapproche un peu plus de 2023, l’année au cours de laquelle sont censées se tenir les élections, présidentielle et législatives au Congo-Kinshasa. Comme à chaque échéance électorale depuis l’avènement de la Troisième République, les acteurs politiques se méfient les uns des autres au point que la structure de la Centrale électorale et la loi électorale continuent de subir des modifications reflétant cette méfiance réciproque. Loin des aspirations du souverain primaire, les acteurs politiques se livrent, comme à l’accoutumée, à des batailles où aucune règle démocratique n’est observée, pourvu qu’au point d’arrivée chacun se retrouve autour de la mangeoire, même côte à côte avec des adversaires de la veille.

L’agitation qui s’observe sur la scène politique à travers les réseaux sociaux indique que durant la prochaine campagne électorale, les vrais débats de société seront éclipsés au profit du déballage, arme de destruction massive et collective disproportionnellement détenue par toutes les composantes les unes contre les autres, n’épargnera que très peu de candidats pris individuellement. Commenter ou analyser les évènements politiques du Congo sans tenir compte de l’impact des réseaux sociaux sur les luttes politique serait par conséquent une erreur grave. L’influence manipulatrice sur la conception que chacun se fait des élections ainsi que le choix à porter sur tel ou tel candidat dépendront en bonne partie de l’usage et des effets de l’internet et des réseaux sociaux, qui n’offrent malheureusement aucune garantie d’authenticité et de véracité.

1.      La ruée vers la politique et son incidence sur la conception des élections 

A la faveur des facteurs endogènes et exogènes de la fin de la décennie 80, le multipartisme politique a été obtenu presque de la même manière que l’indépendance en 1960, sans que les nouveaux acteurs aient été suffisamment préparés à assumer le rôle de leaders à l’échelle nationale. L’histoire s’est répétée après le glas qui avait sonné sur le puissant MPR, Parti-État considéré comme « la nation zaïroise politiquement organisée ». Les instincts politiques longtemps étouffés ayant été brusquement libérés, ces nouveaux leaders et les leaders reconvertis n’avaient qu’une alternative : se mesurer dans l’opposition ou se ranger du côté du détenteur du pouvoir réel pour espérer se retrouver autour de la mangeoire. Depuis lors, et malgré tous les régimes qui se sont succédé, la stratégie des politiciens congolais pour accéder au pouvoir ou pour s’y maintenir est demeurée la même : la manipulation de l’opinion et des électeurs en général. C’est ce qui explique la déstructuration-restructuration, au grand dam des partisans et des électeurs, des regroupements et des partis politiques toutes les fois qu’on est en présence des enjeux électoraux ou qu’est annoncée la formation d’un nouveau gouvernement.

Le directoire de l’AFDC-A (ex)parti kabiliste) de Bahati Lukwebo, Président du Sénat, fait allégeance au Président Tshisekedi

L’exemple le plus récent et le plus illustratif est à trouver dans la composition hétéroclite de l’actuelle majorité parlementaire, non issue des urnes comme l’exige la Constitution, abusivement appelée « Union sacrée de la nation » (USN). Cette majorité, purement arithmétiquement, n’a fait en réalité servi qu’à résoudre momentanément les obstacles de légitimité engendrées par la parodie des élections de décembre 2018.

En effet, les dernières élections ont davantage emporté la conviction des observateurs attentifs et objectifs que très peu de compatriotes arrivent en politique pour la bonne cause : servir la nation. D’où les cas récurrents de transhumance ou de vagabondage politiques, de même qu’on note rarement très peu de cas de démission pour conflit d’intérêts ou incompatibilité de convictions et de visions. Les intérêts personnels au détriment de l’intérêt général expliquent également pourquoi il y a tant de détournements, toujours en termes de millions. Comme s’approchent les échéances électorales, la plupart des dirigeants seront préoccupés à amasser l’argent pour leur campagne électorale, les élections ne servant qu’à abuser des électeurs pour atteindre des objectifs égoïstes.

2. Le recours aux pratiques illégales en lieu et place des débats d’idées

Les élections « multipartites » qui ont eu lieu en 2006, 2011 et 2018 se caractérisent toutes notamment par l’absence de débats d’idées et de confrontation sur les projets de société, le non-respect des textes qui régissent le processus électoral, la médiocrité presque généralisée de la classe politique, toutes tendances confondues, la démagogie et la tendance à la tricherie. A cause de tout cela, le recours à la force physique et même aux affrontements sanglants risquent de se raviver et de s’étendre à travers plusieurs fiefs électoraux comme ce fut le cas au Sankuru durant la campagne électorale de 2018.

– Absence de débats démocratiques  

C’est grâce aux débats, surtout lorsqu’ils sont radiodiffusés ou télévisés, que les électeurs acquièrent au fur et en mesure la maturité politique et découvrent mieux les différents candidats lorsque ceux-ci défendent leurs projets de société ainsi que leurs programmes de gouvernance. Malheureusement, ni la Constitution ni encore la loi électorale n’ont introduit ce genre de débat ne serait-ce que pour l’élection présidentielle. Pour des raisons faciles à deviner, le débat qui avait été programmé en 2006 entre Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila avait été annulé en dernière minute privant ainsi le souverain primaire d’apprécier objectivement ce que proposait chacun des candidats restés en lisse. Les frustrations causées par cette décision de l’autorité de régulation des médias, dirigée à l’époque par Modeste Mutinga (membre de la Majorité présidentielle), furent source d’affrontements sanglants dans la capitale congolaise. En 2011 et en 2018, personne ne songea à réclamer un débat contradictoire pour les candidats. Comme conséquence, les électeurs votent en s’appuyant sur des critères d’appartenance tribale, ethnique ou régionale qui ne favorisent guère la cohésion nationale.

– Le non-respect des textes régissant le processus électoral

A chaque échéance électorale, on observe un réaménagement des textes législatifs pour rendre le processus électoral plus transparent ainsi que la CENI plus indépendante. Mais à chaque fois, curieusement, il subsiste cette velléité à travestir la loi et qui prépare le lit à des contentieux électoraux consécutifs aux multiples contestations. La machine à voter, non prévue par aucune disposition législative, a ainsi été imposée à la fois comme un piège tendu à ceux qui exigeaient les élections libres et transparentes et surtout comme moyen ultime de fabriquer une majorité parlementaire au profit du pouvoir de l’époque. Selon des informations à notre possession, certains candidats avaient été surpris détenant à leur domicile ces machines censées se trouver uniquement dans des bureaux de vote.

Nul n’ignore encore ce que nous réserve la prochaine campagne électorale mais au regard de l’impréparation généralisée des partis politiques et de leurs futurs candidats, il y a fort à parier que les électeurs, majoritairement pauvres et non instruits, payeront les frais des pratiques non autorisées par la loi : la tricherie, la corruption des agents de la CENI, la distribution des billets des banques et des biens matériels, l’obstruction faite aux concurrents de battre librement leur campagne, l’utilisation des milices privées déguisées en combattants pour semer la terreur, avec pour risque d’exacerber des clivages claniques, tribaux et ethniques.

– Le déballage : une arme de destruction massive et collective

Depuis la Conférence nationale souveraine (CNS), le déballage est devenu au fil des temps l’arme la plus utilisée pour attaquer et détruire des concurrents. Désormais donc, plus aucun politicien ni regroupement politique ne peut prétendre en avoir le monopole ni en être à l’abri. Tout dépend de quel côté l’on se retrouvera lorsque sera sonné le début de la campagne électorale. Comme on peut déjà le présager, le menu de cette campagne et de ce déballage sera essentiellement composé des mets authentiquement congolais : vie privée des candidats, faux diplômes, relations extraconjugales et querelles de ménage, participation à des mouvements rebelles, compromissions dans la gestion de l’État, sextapes, détournements des deniers publics non judiciarisés, preuves de corruption non révélées, enrichissements scandaleux appuyés par des indices extérieurs d’aisance matérielle, des promotions non méritées à caractère tribal et clientéliste, des bavures et des gaffes administratives ou comportementales des autorités politiques et des mandataires publics, des propos ou de vieilles images embarrassants enregistrés ou captées à l’insu de certaines personnalités, des actes de dérives autoritaires, manipulation de l’opinion sur les origines des adversaires politiques, etc.

Avec l’aide de nouvelles technologies de l’information et de la communication (non encore règlementées), rien ne sera laissé au hasard. C’est tout ceci qui sera servi aux électeurs, sans indicateurs objectifs d’appréciation et momentanément détournés de leurs préoccupations quotidiennes, n’y trouvant qu’une occasion de se délecter, au rythme des promesses démagogiques et irréalisables.

Les ex-président de la coalition Lumuka originelle, clivée après la formation de l’Union sacrée pour la nation

3. Qu’est ce qui guide finalement le choix des électeurs Congolais ?

La disparition du MPR et de son président fondateur ont remis en cause le projet de bâtir au cœur de l’Afrique « une nation politiquement organisée » dont avait rêvé Le Marechal Mobutu. Les instincts du pouvoir, longtemps étouffés par de longues années du pouvoir sans partage, se sont libérés obligeant la plupart des politiciens congolais à se replier sur le clan, la tribu ou l’ethnie comme tremplin pour accéder à la mangeoire.

Une telle stratégie n’étant pas possible au niveau national, du fait de la constellation de tribus, d’ethnies et de partis ou regroupements politiques, des clivages géographiques et linguistiques (Est-Ouest, Nord-Sud et Centre, Bangala-Baswahili, Baluba-Bakongo) se créent et deviennent des critères les plus déterminants du choix des électeurs tant en faveur de ceux qui cherchent à se maintenir au pouvoir qu’en faveur de ceux qui cherchent à y accéder. C’est ici qu’apparaît au grand jour le déficit d’implantation des partis politiques à l’échelle nationale ainsi que l’absence d’éducation civique et politique de la population forçant les électeurs à sacrifier leurs aspirations profondes au profit du candidat plus proche géographiquement et/ou linguistiquement même si son profil ne fait pas le poids face à ceux des autres candidats qui pourraient objectivement mieux servir la nation.

Lors de ce choix qui concerne l’avenir de toute la nation, hommes et femmes instruits sont logés à la même enseigne que les analphabètes, ce qui compte, c’est avant tout la fierté de voir à la tête ou au sein des institutions (Président de la République, sénat, assemblée nationales et assemblées provinciales) des « frères et des sœurs » du terroir, peu importe son background ou si cela peut occasionner la rupture de certaines vieilles relations sociales devenues presque parentales.

A ce rythme et sans une prise de conscience collective, comment ne pas s’inquiéter pour l’avenir de la nation (encore à construire) lorsque même de géants diplômés d’université ne jurent que par leur ethnie ou leur tribu? Quant aux politiciens, généralement sans scrupule ni éthique, la stratégie consiste à créer des alliances contre nature et à composer des équipes circonstancielles de campagne électorale sans aucun lien avec la vision du candidat ou le projet de société de son parti. Sans vouloir revenir sur les incidents qui ont émaillé le dernier processus électoral, il y a lieu de craindre le pire pour les prochaines élections dans la mesure où la tolérance risque de manquer au rendez-vous entre les camps qui se trouveront opposés.

Le cortège électoral de Martin Fayulu attaqué par des grenades lacrymogène à Lubumbashi en 2018

Sans être prophète du malheur, il ne serait pas exagéré de prédire qu’à défaut des débats d’idées, la prochaine campagne électorale, qu’elle soit présidentielle, législative ou provinciale, risque d’exacerber les clivages et de déboucher sur des affrontements sanglants si rien n’est fait au niveau légal et sécuritaire pour garantir des élections libres et transparentes.

Conclusion   

Encore quelques mois, l’on sera dans l’année pré-électorale. Durant les trois premières années de la mandature en cours, les acteurs politiques ont passé le clair de leur temps à discuter de la légitimité des animateurs des institutions, de la dénonciation des alliances électorales et de gouvernance, suivie de la restructuration de la majorité parlementaire comme si les élections n’avaient pas eu lieu et enfin de la formation d’un nouveau gouvernement hétéroclite n’ayant ni tendance idéologique ni plan commun de gouvernance. Dans ce jeu où seuls les plus rusés se positionnent, c’est le peuple qui est toujours perdant, abandonné à son sort par ceux qui, sans aucune conviction idéologique, se sont majoritairement réfugiés dans « l’union sacrée » d’où ils guettent discrètement de quel côté pourrait se pencher la balance du pouvoir lors des prochaines élections.                                                                                                                                                Sans idéologie connue ni projet de société à proposer ou à confronter aux autres, inexistants par ailleurs, nos acteurs politiques ne se soucient guère d’implanter leurs partis politiques à travers toutes les provinces et de procéder à l’éducation citoyenne de leurs électeurs. Comme conséquence, la prochaine campagne électorale ne permettra qu’aux mêmes acteurs de se positionner comme le ton en est donné par les présidents des deux chambres du Parlement jouant déjà le rôle de propagandistes en pleine session parlementaire, deux ans avant les élections. Pas non plus étonnant que plusieurs membres des mêmes familles se trouvent au Sénat et à l’Assemblée nationale ou encore qu’un député ignore que le code de la famille comporte des dispositions pertinentes qui règlent les questions relatives à la dot lorsque des parents cupides considèrent leurs filles comme des valeurs marchandes. Peuple congolais jusqu’à quand laisserez les politiciens égoïstes et des « intellectuels » fanatiques vous distraire ?


Jean-Bosco Kongolo Mulangaluend
Exclusivité AFRIDESK
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