Contexte
Dans le cadre de sa contribution aux efforts coordonnés au titre des mécanismes de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) pour atteindre zéro émission d’ici 2050, la République démocratique du Congo (RDC) a présenté sa Contribution Prévue Déterminée au niveau National (CPDN). Il s’agit d’accords internationaux historiques sur le climat ; financièrement contraignants ou non tels qu’adoptés par les parties à la Conférence des Parties (COP)-21 de la CCNUCC à Paris en décembre 2015, qui identifient les objectifs climatiques nationaux volontaires pour l’après-2020, y compris l’atténuation et l’adaptation auxquelles s’engagent les pays, et qui deviendraient une Contribution Déterminée Nationale (CDN) obligatoire une fois qu’un pays aura ratifié l’Accord de Paris. Le CPDN soumis avec un coût financier total estimé à 21 Milliards de dollars est censé être une réflexion sur ce que la RDC devra mettre en œuvre au cours de la période allant de 2021-2030 dans le cadre de son engagement juridique à réduire ses émissions ; la même période au cours de laquelle les dirigeants actuels du Pays aspirent à le transformer en économie émergente à l’instar du Brésil.
Les actions climatiques communiquées dans les CPDN déterminent en grande partie si l’humanité atteindra les objectifs à long terme de l’Accord de Paris, à savoir maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2 ° C; la poursuite des efforts pour limiter l’augmentation à 1,5 ° C; et l’atteinte des émissions nettes ‘nulles’ dans la seconde moitié de ce siècle (Levin, 2019). Ces objectifs ont été développés pour aider à résoudre l’un des principaux points de friction de la procédure à ce jour, et la principale raison de la non-efficacité des négociations précédentes. Les CDN serviront alors également les pays sous-développés possédant une grande quantité de ressources naturelles en tant que stratégie efficace faisant partie de leurs « politiques environnementales » contribuant à leurs efforts et aspirations pour le développement, de la même manière que les stratégies d’échanges commerciales dans le cadre des États les plus riches ont été primordiales dans la consolidation de leurs « politiques économiques ».
Malheureusement, le CPDN de la RDC a été développé en 2015 à la hâte par des consultants ‘étrangers’ commissionnés par le Ministère de l’Environnement et du Développement (MED) pour s’aligner sur le calendrier de l’accord de Paris. Clairement, sans coordination avec tous les autres secteurs vitaux de l’économie national (Agriculture, Mines, Energie, etc.). À ce jour, alors que le CPDN aurait dû être rédigé pour soumission à la CoP-26 en 2021, le processus montre très peu de progrès, le CPDN n’a pas connus d’importantes mis à jour jusqu’à présent et reste sous la seule autorité du MED alors que ces engagements environnementaux sont dus par l’ensemble de l’économie et de la société. Même si le MED maintient formellement la relation formelle avec le processus de la CCNUCC, le CPDN n’est pas et ne devrait pas être un instrument de travail ou document autonome du MED.
Au cours des cinq dernières décennies, plus de 1 billion de dollars américains d’aide au développement ont été transférés des pays riches vers l’Afrique. Cette assistance a-t-elle amélioré la vie des Africains ? Non. En fait, à travers le continent, les bénéficiaires prévus ne se portent pas mieux qu’ils ne l’étaient ; bien au contraire, c’est encore pire (Moyo, 2009). Il y a donc une nécessité de faire progresser le document du CPDN, mais surtout de diffuser les engagements environnementaux du Pays à travers tous les secteurs vitaux de l’économie nationale ; clarifier les mécanismes et canaux de financement, ainsi que les politiques et acteurs contraignants, y compris la société civile.
Outre une forte dépendance à l’aide au développement, tant multilatérale que bilatérale, la plupart des économies des Pays en développement, en particulier en Afrique, demeurent fortement extraverties. La RDC est particulièrement dépendante du cobalt et du cuivre qui représentent plus de 80% des exportations du Pays, mais en raison d’une baisse des prix mondiaux des matières premières, un taux de croissance économique de 5,8% atteint en 2018 a ralenti à 4,4% en 2019. En outre, la pandémie de coronavirus (COVID-19) a entrainé une nouvelle baisse du taux de croissance de -2,2% en 2020, entraînant une récession économique résultant de la faiblesse des exportations causée par le ralentissement économique mondial. Néanmoins, la reprise progressive de l’activité économique mondiale et le démarrage de la production à la mine Kamoa-Kakula (classée indépendamment comme la plus grande mine à ciel ouvert de cuivre à haute teneur non développée au monde par le consultant minier international Wood Mackenzie) devraient ouvrir la voie à un rebond de la croissance économique à 4,5% en 2022. Selon l’Atlas mondial des ressources naturelles 2009, les ressources naturelles du Brésil, estimées à plus de 21,8 billions de dollars, y compris l’exploitation en cours, se classent au sixième rang mondial, alors que la RDC en neuvième position a été estimée avoir plus de 24 billions de dollars de gisements minéraux « non-exploités ».
Dans le même ordre d’idées, le Brésil et la RDC possèdent respectivement les première et deuxième plus grandes zones forestières du monde. Ces similitudes de ressources et de caractéristiques naturelles ont servi de base au cours des dernières décennies pour inciter plusieurs Politiques, Chercheurs et Experts du développement à théoriser l’émergence de la RDC en tant que puissance politique et économique calquée sur le modèle Brésilien. Cependant ; il n’y a pas eu d’alchimie tropicale ou d’économie vaudou au Pays de Lula : le secret du succès actuel du Brésil réside dans la continuité de sa saine gestion économique et politique environnementale (de Onis, J. 2008) ; une omission apparente et volontaire au Pays de Lumumba et exacerbée par le manque d’un leadership visionnaire et civique déjà identifié comme un facteur crucial entravant son développement économique et son émergence au fil des décennies passées. Additionellement ; malgré la position géostratégique de la RDC, ainsi que son capital humain jeune et dynamique, ses vastes ressources naturelles et ses richesses environnementales, elle n’est pas à l’abri des menaces mondiales dont le changement climatique.
Le rôle d’une société civile forte & pluraliste
La RDC a fait d’énormes progrès dans la compréhension et l’adhésion aux programmes REDD +. L’un des résultats positifs que ce mécanisme a obtenus jusqu’à présent est d’avoir suscité beaucoup de sensibilisation à l’environnement et de coordination d’une société civile environnementale forte.
Donner de l’espace à ces organisations en tenant compte de leurs revendications et conseils concernant la gouvernance des ressources naturelles est une tendance prometteuse vers une consolidation de la politique environnementale. Nul besoin de démontrer que la société civile qui a été soutenue et renforcée autour des mécanismes REDD + est efficace. Cela constitue des signaux positifs et des initiatives intéressantes pour déclencher une dynamique de la consolidation d’une politique environnementale efficace en RDC. Il serait également intéressant de clarifier et de comprendre la place de ces organisations (à la fois civiles et politiques) dans les plans intégrés du gouvernement pour l’avenir et de leur attribuer un rôle de coordination entre les différents services inter-gouvernementaux et les secteurs vitaux de l’économie. Il s’agira d’une solution palliative au problème lié au manque de collaboration interministérielle, et qui pourrait également fournir un mécanisme d’appui à une consolidation de la volonté politique requise discutée plus tôt.
Le secteur privé et son rôle salutaire
Comment la RDC apportera-t-elle une CDN crédible qui attirera les investissements et donnera confiance aux investisseurs potentiels, et de sorte qu’elle ne dépende plus uniquement des fonds publics ?
Des fonds publics tels que les fonds verts pour le climat, les mécanismes de financement de la CCNUCC et d’autres sont déjà disponibles, mais les principales sources de financement ne sont disponibles que dans le secteur privé. Il reste encore beaucoup à faire pour attirer ces fonds et la conception d’un CDN solide qui sera présenté à la prochaine COP-26 est une première étape nécessaire.
Cela devra se concentrer sur l’amélioration de l’environnement d’investissement en termes de sécurité, d’institutions politiques, de développement du leadership politique, de société civile et d’institutions, d’infrastructures physiques, d’infrastructures bancaires, financières et commerciales, ainsi que des méthodes de financement outres que l’aide au développement et qui fourniront une base solide sur laquelle construire et réaliser une politique environnementale durable et changer le bien-être social du peuple congolais.
Au-delà de la crise sanitaire mondiale actuelle et de l’amélioration d’un environnement propice aux affaires, il reste un besoin urgent d’une CDN solide avec des conditions claires pour les investisseurs privés. Il s’agirait ici d’un document tandem énonçant clairement les ambitions et les contraintes susceptibles de résulter de l’engagement environnemental dans le cadre de la COP-26. Une trajectoire de croissance entraînera inévitablement une augmentation des émissions car la RDC est un marché en croissance et continue de se construire Etat-nation économique. Le NDC devrait refléter la réalisation de bénéfice la plus concevable possible, et ce au taux d’émission le plus bas possible ainsi que les motivations et récompenses incluses dans l’amélioration du score de facilitation des affaires. Sinon, l’enthousiasme des investisseurs privés sera freiné.
Avant l’explosion de la COVID-19, certains secteurs tels que les énergies renouvelables ont réussi à attirer quelques investisseurs privés, mais cela doit être adopté à une échelle beaucoup plus grande. L’investissement étranger, ou son absence, a peu à voir avec les engagements environnementaux et la limitation des émissions, mais davantage avec l’environnement des affaires et le sentiment de risque que les investisseurs étrangers ressentent lorsqu’ils entrent dans un pays comme la RDC. Ils n’ont pas la certitude que leurs biens ou leurs intérêts sont protégés, que leurs investissements seront sécurisés et ils sont préoccupés par les conflits armés. De plus, les investisseurs sont inquiets de devoir payer des pots-de-vin et de faire face à la bureaucratie interne. Tous ces facteurs signifient que l’investissement devient très risqué et le facteur critique pour résoudre ces problèmes est de rendre l’environnement d’investissement général beaucoup plus sûr.
L’une des solutions à court terme est la nécessité pour le gouvernement de lancer un programme de réforme financière, mais cela peut ne pas suffire. La RDC peut alors envisager d’adopter une approche de plus en plus proche de la ‘Blended Finance’ (parfois appelée Financement Mixte), c’est-à-dire utiliser stratégiquement l’argent du secteur public et/ou philanthropique pour aider à compenser une partie du risque pour les investisseurs privés, s’en servir d’appât aux capitaux privés. Cela revient à leur fournir un filet de sécurité car il agit comme une garantie ; un modèle utilisé avec succès dans d’autres pays pour attirer les investissements. Un dispositif très similaire ; le Fonds Vert pour le Climat (FVC), fonctionne déjà dans le secteur de l’environnement. Le Royaume-Uni investit dans quatre mini-réseaux énergétiques en RDC et le processus d’appel d’offres est déjà en cours pour un certain nombre d’offres de sociétés internationales qui construiront ces mini-réseaux en solo pour les petits centres urbains. L’idée ici est qu’une partie de l’argent par défaut tiré du fonds vert pour le climat est utilisée pour créer le bon environnement pour attirer les investisseurs privés. En fin de compte, le résultat est essentiellement un partenariat public-privé, et cela peut être le modèle pour les investissements futurs dans le pays.
Cette méthode présente des défis car les instruments multilatéraux tels que le fond vert pour le climat sont variés et complexes et les gouvernements et organisations locales ont souvent de grandes difficultés à accéder aux fonds disponibles. Invariablement, ils ont besoin de s’appuyer sur un intermédiaire comme l’ONU, la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement ou même les ONG internationales. Il s’agit d’un problème majeur car il s’agit des fonds publics, obtenus auprès des contribuables à travers le monde entier, et qui nécessitent d’abord des exigences strictes de diligence raisonnable, en particulier celles de bonne gouvernance, et c’est ce que les pays comme la RDC ne parviennent pas à réaliser jusqu’à présent.
Dans le cadre de la stratégie visant à atteindre un niveau durable de politique environnementale, le gouvernement de la RDC doit faire un effort considérable pour démontrer une amélioration radicale de la gestion des finances publiques. L’une des initiatives prometteuses à cet égard est le FONAREDD. Il est dirigé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Ministère des finances et a donc plus de crédibilité que s’il était dirigé par le Ministère de l’Environnement. Si le FONAREDD lui-même pouvait être suffisamment renforcé, il fournirait un mécanisme solide, comme le fond vert pour le climat, pour attirer des fonds et fournirait une initiative gouvernementale positive pour attirer davantage de fonds des investisseurs privés, mais offrirait également au gouvernement une indépendance financière supplémentaire par rapport aux donateurs.
En plus de ces sources d’investissement, il est important que les initiatives individuelles pour attirer les investissements et celles de la société civile ne soient pas ignorées. Des initiatives, telles que le Sultani Makutano, diffèrent de manière importante en ce qu’elles ciblent principalement le secteur privé africain, et pas seulement le financement privé occidental.
Conclusion
Quelle que soit la noblesse de la lutte contre le réchauffement climatique, les négociateurs climatiques du Sud ; principalement des pays comme la RDC devraient éviter l’erreur de considérer les problèmes environnementaux globaux tels que la déforestation, la perte de biodiversité et autres comme les seuls moteurs du changement climatique. Ils devraient également considérer ‘l’environnement physique’ comme un élément crucial pour les moyens de subsistance des populations locales, fournissant un écosystème et des services essentiels à la durabilité économique de nos Etats-Nations Économiques en gestation.
Au niveau mondial, la conférence de Tokyo et l’Accord de Paris sur le changement climatique ont considérablement ouvert la voie et ont constitué le tremplin pour les négociations climatiques contemporaines. Les initiatives internationales comme les programmes REDD + par lesquels le succès et l’efficacité ont été obtenus grâce à son approche de compensation financière plutôt qu’à la pratique autour de l’éthique climatique et de l’atténuation comportementale sont très encourageantes. Comme soutiennent certains déterministes géographiques : la richesse et le succès d’un pays dépendent de son environnement géographique et de sa topographie (Diamond, 2019).
Au niveau national, une partie du retard de développement en RDC peut s’expliquer par les diverses instabilités et guerres que le pays a connues depuis son accession à l’indépendance en 1960, et aux injustices de l’époque coloniale. Les modèles de développement occidentaux ayant prouvés leurs limites, la communauté internationale devrait reconnaître que les Congolais eux-mêmes sont les mieux placés pour décider de la meilleure façon de faire face à leur passé violent (Jason, 2009). Cela devrait également inclure de leur permettre de contrôler leurs propres ressources naturelles et la manière dont elles sont évaluées et gérées. Cela, pour commencer, serait un moyen pratique de briser le statu quo de la dépendance à l’aide.
Henry-Pacifique Mayala, Msc.
Social Scientist Analyst & Researcher (Statecraft)
2019 – Chevening Scholar Global Politics – Birkbeck University of London
2017- Mandela Washington YALI Fellow
Pro-Democratic & Non-Violent Activist (LUCHA-RDC)
Safety & Security GIS Analyst
Independant Consult MEAL Expert – Mwinda Research Hub
Environmentalist & GIS Practitioner
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