A l’approche de la fin de l’ultimatum de l’ONU, la rhétorique guerrière du M23 : coup de bluff ou menace?
Par Jean-Jacques Wondo
La Monusco a lancé le 30 juillet dernier un ultimatum de 48 heures aux groupes rebelles actifs aux alentours de la ville de Goma dans le Nord-Kivu, dont le M23, pour déposer les armes, au cas contraires ils feront face à « l’usage de la force ». Une nouvelle brigade d’intervention de l’ONU va être utilisée pour la première fois afin de venir en aide à l’armée de la RDC pour instaurer une « zone de sécurité » dans la ville, de nouveau menacée par le M23 ces dernières semaines, selon un communiqué de la force de l’ONU en RDC, la Monusco.
A la veille de l’expiration de l’ultimatum de l’ONU, ce jeudi 1er août à 16 heures, le M23 menace à son tour d’attaquer la Brigade d’intervention de l’ONU. Dans sa déclaration du mercredi 31 juillet 2013, le groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda s’est dit être «en attente et prêt à riposter» à l’application de la menace de brigade de l’ONU. Bertrand Bisimwa, président du M23, a affirmé ce mercredi 31 juillet sur RFI que ses troupes ne bougeront pas et que son bmouvement se défendra si leurs positions sont attaquées par la brigade d’intervention, car ils se trouvent sur des positions fixées et acceptées par les chefs d’Etat de la conférence des Grands Lacs, le 24 novembre 2012. « Nous considérons que cette mesure ne nous concerne pas car nous ne sommes ni à Goma, ni sur l’axe Goma-Sake », signale Bertrand Bisimwa. Les rebelles du M23 ont réagi à l’ultimatum de la Monusco en estimant qu’ils ne bougeront pas,
Cette nouvelle dialectique guerrière dénote-t-elle une nouvelle étape dans le conflit qui ravage cette partie orientale du Congo. Lorsque la Monusco déclare qu’elle considère les individus qui ne sont pas membres des forces de sécurité nationale et qui détiennnt une arme à feu dans la ville et sa banlieue nord « Une menace imminente pour les civils, » cela traduit-il un signal de la mise en œuvre des actions offensives tant attendues de cette brigade qui jusque là n’est que l’ombre d’elle-même ou juste une simple menace dissuasive pour calmer l’agacement des congolais face à l’inaction et l’inefficacité de la Monusco ?
D’une part, comment la brigade d’intervention pense-t-elle effectivement mener des actions offensives contre ces personnes dont certaines ont infiltré Goma et se confondent avec les populations ? La Monusco est-elle réellement décidée à lier ses paroles aux actes ou s’agit-il d’une énième coup de bluff visant à baisser la polarisation de la déception des populations congolaises à son égard ?
D’autre part, comment le M23, affaibli pour des raisons expliquées dans nos précédentes analyses, parviendra-t-il à contenir les actions de la brigade d’intervention, mieux outillée que les FARDC alors que ces dernières viennent récemment de lui infliger quelques revers symboliques, récupérant même quelques kilomètres carrés de terrain sous leur contrôle au nord de Goma ? N’est-ce pas une déclaration suicidaire de la part de ce mouvement aux abois qui, à défaut de disposer d’un effectif suffisant pour se défendre, n’a plus que la langue de bois pour mener sa campagne de dissuasion.
Que se passera-t-il effectivement si la Monusco met en action sa menace ? Devrait-on assister à une escalade de plus de violence, avec un possible soutien de l’armée rwandaise ou sera-ce le début de la pacification, tant attendue, de l’enfer oriental du Congo ? D’autant que la société civile du Nord-Kivu, par la voie de son porte-parole, Omar Kavota, signale un déploiement massif des troupes rwandaises le long de la frontière rwando-congolaise. D’autres sources nous ont fait état des nouveaux recrutements dans le rang du M23 et du conditionnement de leurs troupes, profitant de cette période de trêve inexpliquée dans la tactique des FARDC, pour aiguiser leurs stratégies de combat, en y intégrant la composante Monusco comme force ennemie. Et il nous revient d’autres sources encore que dans une stratégie de choc psychologique d’une cause désespérée, il n’est pas exclus que le M23 applique face à une force militaire qui lui est techniquement supérieure, la même stratégie ( de la guerre dite asymétrique) que celle utilisée par les islamistes somaliens contre les américains à Modadiscio durant les années 1990. Leur maîtrise du terrain où ils évoluent depuis 1996 sous l’AFDL est l’argument que les stratèges du M23 mettent en avant.
Quant à la Monusco, pourquoi d’un côté brandir la menace de l’usage des moyens coercitifs et de l’autre encourager un dialogue (à Kampala) avec ce même groupe négatif qui ne cesse de commettre de graves violations des droits humains dans le Kivu ? N’est-ce pas un langage diplomatique bipolaire qui sème plus de doute quant à la volonté de la Monusco que rassurer sur sa détermination ?
Une chose est certaine, en lançant une déclaration aussi tonitruante, la Monusco n’est plus que jamais placée devant ses responsabilités et sa crédibilité, si elle veut être prise au sérieux. Une marche en arrière ou une attitude passive, serait peut-être la goutte de trop qui suscitera cette fois-ci une mobilisation populaire générale, à défaut d’une prise de position ferme de la diplomatie passive congolaise, pour revoir une fois pour toutes l’opportunité du maintien de cet éléphant aux pieds d’argile dans le safari congolais.
Notons que le ministre de l’Information congolais, M. Lambert Mende, a déclaré que l’intervention de la Monusco va renforcer l’armée nationale déjà «forte» dans sa position offensive : « Nous sommes parvenus jusqu’à présent, avec nos propres moyens à repousser les rebelles du M23 loin de Goma, le soutien de la brigade est le bienvenu », a déclaré M. Mende.
Plus que quelques heures pour juger chacun (La Monusco et le M23) sur parole. A moins que cet épisode de la guerre de communiqués soit une nouvelle tempête dans un verre d’eau dans le ciel kivutien qui n’émeut plus ses populations. Res non verba, dit-on.
Jean-Jacques Wondo – Desc-Wondo.org , 1er Août 2013