Jean-Jacques Wondo Omanyundu
SOCIÉTÉ | 02-07-2022 10:30
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30 juin 2022 : Le Congo de Lumumba pour l’Afrique de demain – soirée-débat à Bruxelles avec JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Ce 30 juin 2022, à l’occasion de la commémoration du 62ème anniversaire de la République démocratique du Congo, j’ai participé à une soirée-débat de haute envolée intellectuelle en hommage au tout premier Premier ministre du Congo Indépendant, Patrice Emery Lumumba, aux côtés de la politologue Louise Ngandu, du militant lumumbiste panafricaniste togolais Kalvin Soiresse Njall et du sociologue belge Ludo de Witte, l’auteur du livre-référence : L’assassinat de Lumumba.

Ce débat, co-organisé par Le Collectif Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations  et La Ligue Panafricaine Umoja, s’est déroulé à Bruxelles à L’Horloge du Sud – Rue du Trône 141, 1050 Ixelles.

Sous  la thématique : « Le Congo de Lumumba pour l’Afrique de demain », partant du cheminement idéologique et de l’engagement politique de Patrice Lumumba marqué notamment par la Conférence d’Accra (1958) et la Conférence panafricaine des peuples à Conakry (1959) qui précéderont l’indépendance du Congo en 1960, les orateurs, dans le cadre d’un débat ouvert direct avec le public, ont démontré selon sous leurs approches scientifiques variées et complémentaires comment le projet politique de Patrice Lumumba pour le Congo reste résolument d’actualité et constitue une base incontournable pour la refondation d’un Congo/Afrique digne, indépendant et ancrée dans le 21ème.

Presque tout a été décortiqué sur la vie, le parcours intellectuel, l’engagement et le projet politique visionnaire de Lumumba que d’aucuns n’ont pas hésité à qualifier du plus grand homme d’Etat du vingtième siècle qui a marqué à jamais l’histoire.

Le débat a également porté sur la question « pourquoi le Congo, en raison de sa position géostratégique, est aussi important pour la souveraineté de l’Afrique de demain ? Comment comprendre les enjeux (et crises) actuels du Congo et de la région des Grands-Lacs au regard de l’évolution sociopolitique du Congo et géopolitique du monde ? »

Ce que nous avons tenté de décrypter par une brève analyse géopolitique transversale qui remonte avant la Conférence de Berlin (1885) voire bien avant lorsque Léopold II mit en place l’Association Internationale du Congo (AIC) dont le principal objectif était d’ouvrir le bassin du Congo au commerce international et à la ruée sur l’exploitation de ses riches ressources du sol et du sous-sol. Cette internationalisation du dossier congolais a été actée par la Conférence de Berlin dont l’objet principal était la liberté de commerce et de navigation dans le bassin du fleuve Congo. Dès cet instant, malgré les évolutions des conjonctures géopolitiques du monde, le Congo entrait au centre des enjeux géostratégiques des puissances du monde dont il subit les conséquences néfastes jusqu’à ce jour.

Cette évolution géopolitique, pour l’Afrique des Grands-Lacs, a donné lieu au néocolonialisme juste après l’Indépendance et l’assassinat de Lumumba et à une série d’actions d’ingérence des grandes  puissances qui ont sapé la stabilité, l’indépendance et l’émergence économique de l’Afrique.

1945  Fin de la deuxième guerre mondiale et début de la guerre froide

La Belgique sort de la Deuxième Guerre mondiale exsangue. En offrant aux alliés l’uranium qui était à la base de la fabrication des deux bombes atomiques larguées  à Hiroshima et Nagasaki, ultimes bombardements stratégiques américains au Japon, les 6 août et 9 août 1945, le Congo devenait un pays névralgique qui ne devrait pas échapper au bloc occidental et surtout à l’OTAN. Ainsi, dans un contexte géopolitique international de guerre froide entre les blocs Est et Ouest, qui a succédé à la deuxième guerre mondiale, autant pour l’OTAN, que pour la Belgique, par sa position géographique, le Congo était considéré comme une zone stratégique de « containment » contre le Communisme. Cela donnera lieu à la construction des deux bases stratégiques pour l’OTAN et la Belgique. La base de Kamina (Katanga), dont la construction a commencé en 1950 sous la direction du major Emile Janssens, sera achevé en 1954 (Kestergat 1985 : 190). La construction de la base de Kitona et Banana (Kongo-Central), située dans l’estuaire du fleuve Congo, a commencé en 1953 et s’est achevé en 1954.

1960–1990 : le Congo/Zaïre bastion régional du containment communiste

Mobutu, le watch-dog des Occidentaux, va jouer un rôle central dans la déstabilisation de Etats voisins, notamment en Angola, au Burundi, en Ouganda, en Centrafrique et dans le soutien du régime rwandais d’Habyarimana.

1990–2010 : Après l’effondrement de l’URSS, un Nouvel ordre mondial unipolaire s’impose

Ce que le chercheur en sciences politiques américain Francis Fukuyama va qualifier de la Fin de l’Histoire. Celle-ci est marquée par la fin de la guerre froide, et des confrontations entre des idéologies et le début d’un nouvel ordre géopolitique mondial basé sur la démocratie libérale , dominé par les Etats-Unis d’Amérique et les pays anglo-saxons, qui  va se mettre  en place. Ces pays vont se lancer  dans le New Scramble For Africa »(Nouvelle ruée sur l’Afrique utile et rentable).

Désormais, Les États-Unis ciblent des pays africains en fonction de leurs intérêts économiques, géopolitiques et stratégiques sur le continent et non pas en fonction de leur qualité démocratique : « L’Afrique utile et rentable[1] ». En conséquence, l’Afrique du Sud, l’Ouganda et le Rwanda, trois pays anglophones, ainsi que l’Angola sont désignés comme étant des Etats-pivots de la nouvelle géopolitique régionale et nouveaux partenaires stratégiques des néolibéraux Anglo-Saxons. Le centre de gravité géopolitique régional qui autrefois était situé logiquement et géographiquement en RDC, s’excentre à l’est[2].

En Afrique du Sud, l’Apartheid tombe. Au Rwanda, le génocide rwandais change la donne régionale. La particularité de ce nouveau leadership était qu’il était constitué par les pays anglophones dont les leaders s’étaient connus dans des maquis et avaient pactisé d’être solidaires si l’un d’eux arrive le premier au pouvoir dans son pays. Museveni aidera Kagame à s’installer militairement au pouvoir au Rwanda. Les deux pays, avec le soutien de l’Afrique du Sud, vont être les petites mains de l’exécution du plan de la déstabilisation du Congo orchestré depuis les Etats-Unis avec le soutien des multinationales anglo-saxonnes. Depuis, le Congo est plongé dans une situation géopolitique d’un pays militairement vaincu par ses voisins. Ces derniers continuent, par des subterfuges subtils, à vouloir maintenir cette domination, notamment en poussant naïvement les autorités congolaises à accepter l’adhésion du Congo dans l’EAC. C’est cela qui explique la guerre menée contre le Congo et les Congolais depuis 1996 et qui perdurent jusqu’à ce jour via notamment l’instrumentalisation du M23 par le Rwanda et l’Ouganda.

2010: Mondialisation/ Multipolarité

La mondialisation de l’économie et l’émergence des nouveaux Etats (BRICS) consacrent la multipolarité des rapports internationaux qui se tournent vers l’Afrique pour s’approvisionner en matières premières. Après la Françafrique, l’Afrique/RDC, toujours aux marges des relations internationales, expérimente à ses dépens, le mirage realeconomik désuhamnisant de la ChinAfrique et de nouveaux acteurs du marché économique de la guerre comme le groupe mercenaire russe Wagner. Des nouveaux acteurs (Chine, Russie, Turquie…) dont la ruée sur cette Afrique utile et rentable, mais de plus en plus paupérisée, affectent la stabilité et le développement humain de l’Afrique, aux côtés des Occidentaux.

  • 2020 : Défis de la transition énergétique. Le Congo qui dispose de 60% des réserves mondiales du Cobalt sera encore au centre de futurs enjeux géopolitiques.

Dans notre exposé, pour faire écho au thème du jour « Le Congo de Lumumba pour l’Afrique de demain », nous nous sommes référé au projet de rédaction de son premier ouvrage, alors qu’il est en détention à Stanleyville (Kisangani). Dans ce livre, il se donne l’objectif de traduire la pensée et les aspirations des Congolais sur les différents problèmes d’ordre économique, social et politique qui leur tiennent au cœur et dont la solution conditionne le l’avenir du Congo. Eclairer les autorités belges en particulier, et les coloniaux en général, sur la façon dont les Noirs du Congo  envisagent leur avenir dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Suggérer aux Responsables de la politique africaine certaines réformes qu’il juge indispensables si la Belgique désire réellement éviter la crise et la perte de confiance des populations africaines qu’elle administre. Attirer l’attention des Congolais sur les mauvaises  qui guettent le Congo, surtout sur la mauvaise propagande (anti belge) qui s’effectue déjà sournoisement au Congo dont le but direct est de diviser les Congolais des Belges[3].

Dans son intervention, Madame Louise Ngandu a vanté les qualités éthiques de Lumumba qui en faiasait un véritable homme d’Etat. Elle a également mis en lumière la dimension féministe de Lumumba et son combat pour l’égalité de genre. Le militant Kalvin Soiresse a rappelé la dimension internationaliste panafricaine de Lumumba par son adhésion au courant panafricain du Groupe de Casablanca. Il a aussi évoqué la passion de Lumumba, autodidacte, pour la lecture et l’écriture qui lui permettait d’être visionnaire et en avance par rapport à son époque. Le sociologue Ludo de Witte a pour sa part insisté sur le caractère incorruptible de Lumumba qui doit inspirer les acteurs politiques congolais/africains actuels, son combat pour l’unité nationale et son génie politique, via notamment une verve oratoire hors pair, qui ne laissait ses interlocuteurs indépendants. Il a enfin évoqué les responsabilités belge et américaine, mais aussi des Nations-Unies, dans l’assassinat de Lumumba.


Information sur les organisateurs : https://www.memoirecoloniale.be

Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Références

[1] Jean-Jacques Wondo Omanyundu, Les Armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, 2013, pp. 203-204

[2] Colette Braeckman, Les Nouveaux prédateurs-Politique des puissances en Afrique centrale, 2009

[3] Jean Omasombo et Benoît Verhaegen, Patrice Lumumba, acteur politique. De la prison aux portes du pouvoir Juillet 1956 – février 1960. L’Harmattan, Paris, 2005.

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