Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 11-08-2022 09:30
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21 juillet, fête nationale belge : exercice dynamique du Spécial Operations Regiment (SOR) – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Une première en Belgique

Ce 21 juillet 2022, Lors de la traditionnelle parade militaire marquant les festivités de la fête nationale Belge, à la Place des Palais, le Spécial Operations Regiment (SOR) a égayé le public présent par une démonstration d’un exercice dynamique commando grandeur nature.

Une unité d’élite pour les opérations hautement ciblées

Le Special Operations Regiment est l’unité d’intervention rapide par excellence de la Composante Terre de l’armée belge, de taille d’un régiment, constituée de militaires spécialement sélectionnés, hyper entraînés organisés, et équipés en utilisant des techniques et modes d’action particuliers. Cette unité est spécialisée dans les opérations hautement ciblées, la guerre expéditionnaire et non conventionnelle. Elle peut être déployée pour tout type d’opération à tout moment. Le régiment dispose de capacités tant parachutistes qu’ amphibies.

Les missions du SOR se répartissent en trois catégories. Tout d’abord, le SR (Special Recce ou Reconnaissance) consiste en la collecte de renseignements, l’observation d’une cible dans un environnement à haut risque ou de la reconnaissance. Ensuite, la DA (Direct Action) est une opération offensive de haute précision qui a une portée et une durée limitée. Menée sous forme de raid ou de mission de sabotage, elle peut consister à saisir ou détruire des équipements sensibles, perturber ou capturer l’ennemi, ou libérer du personnel. Enfin, le MA (Military Assistance) consiste en une large gamme d’activités visant à appuyer et influencer les forces amies à travers l’entraînement, le conseil, le mentorat ou la conduite d’opérations combinées.

Le SOR comprend six unités :

  • le Special Forces Group : reconnaissance, raid et sabotage, appui
  • le 2è Bataillon Commando de Flawinne.
  • le 3è Bataillon Para de Tielen.

Ces deux bataillons sont des unités de réaction rapide de première ligne ou d’appui au special Forces Group

  • le centre d’entrainement des parachutistes a Schaffen  (où j’ai obtenu mon Brevet B Para en 1991)
  • le centre d’entrainement des commandos
  • le 6è Groupe Systèmes de Communication et d’Information (CIS) qui assure le support des communications du SOR.

Le Special Operations Regiment dispose également de son propre détachement de génie : le Special Operations Engineer Detachment. Cette sous-unité comprend 42 hommes, un pour chaque bataillon para-commando. Ils proviennent des deux bataillons de génie: le 4 d’Amay et le 11 de Burcht. Sa mission est d’apporter l’appui organique Génie aux deux bataillons para-commandos dans le spectre des opérations spéciales.

Cette restructuration fait suite à la décision de la transformation de la Composante Terre en une capacité motorisée et une capacité de forces spéciales dans le cadre de la vision stratégique de 2016. « Les Rangers » (ou les deux bataillons para-commandos) sont constitués de manière interarmes sur le plan organique en tant que Special Forces Support Group.

Un bataillon (léger) Rangers comporte 359 hommes actifs de manœuvre, 42 Hommes de génie de combat, 60 hommes de la logistique et 16 Hommes de  liaison artillerie ».

 

Les forces spéciales comme résultante stratégique de la doctrine militaire occidentale de l’après Guerre froide

En effet, la conception et l’évolution de la menace en Europe après la guerre froide a amené les pays de l’OTAN à revoir ostensiblement leurs analyses des risques et des menaces sécuritaires. Les nouveaux paradigmes géopolitiques de détermination de la stratégie militaire et sécuritaire émergeaient concomitamment avec la mondialisation de la pensée sécuritaire. Francis Fukuyama parlait déjà à l’époque de « La Fin de l’Histoire » et invitait déjà les politiques et les stratégistes militaires à repenser un autre monde avec l’évolution géopolitique. Cependant, cette fin de l’histoire tant vantée par Fukuyama, marquée par le triomphe de l’Occident a surtout été celle des idées libérales et de Washington, son chef de file[1]. Elle devrait consacrer la fin des guerres de courte durée si l’on en croit Samuel Huntington apologiste du clash des civilisations, qui embrase actuellement le Moyen-Orient et des pans entiers du continent africain. Le nouvel ordre mondial, cher George W. Bush[2], né de l’effondrement des régimes communistes en Europe de l’Est, n’a pas a eu pour effet La Fin de l’Histoire tel qu’interprété par Francis Fukuyama. Mais sa conséquence géopolitique a engendré une nouvelle catastrophe historique, celle du « choc des civilisations » conceptualisé par Samuel Huntington. Dans un retentissant article, paru en 1994 dans Foreign Affairs, consacré au « Choc des civilisations », Huntington affirmait que, dans le nouvel ordre international, les oppositions s’exprimeraient entre les civilisations et que les adversaires de demain seraient les «islamo-confucéens », hypothèse qu’il développait dans un livre par la suite. Le paradigme le plus important pour comprendre le monde de l’après-guerre froide serait donc le choc des civilisations et, parmi celles-ci, Huntington en dégage deux, selon lui intensément hostiles à l’Occident, les « islamo-confucéens », c’est-à-dire les musulmans et les peuples où le confucianisme joue un rôle culturel déterminant : Chine, Viêt-nam, Corée[3].

Du point de vue spécifiquement militaire, l’évaluation des risques et menaces qui pesaient sur la sécurité européenne dépendait fortement de la conception d’une politique de sécurité et de défense commune imposée par les Etats-Unis d’Amérique via  l’OTAN. La guerre n’est plus conceptualisée dans sa configuration classique symétrique clausewitzienne, mais bien dans une perspective globale et de dépassement de l’État, hors des schémas homogènes et réducteurs de la guerre froide. On assiste à un nouveau paradigme que Martin van Creveld appelle « La Transformation de la Guerre » (van Creveld : 2011), qui consiste par la perte par les Etats de leur monopole de la violence légitime.

Ces nouvelles guerres de la décennie 1990 étaient  essentiellement nationalistes, intraétatiques, régionalistes et terroristes, n’affectant pas directement les intérêts vitaux des pays européens et de l’OTAN. Ces guerres, se manifestant particulièrement sous forme de guerre civile ou de rébellion, se déroulent au sein des Etats dits faibles ou faillis (Holsti : 1996). Sur le plan stratégique militaire, plusieurs pays européens (Belgique, France,…)  adoptent un certain nombre de mesures majeures visant la réduction linéaire drastique des effectifs de l’armée et des budget de la défense (Dumoulin & Resteigne 2007), tout en mettant en place des unités des forces spéciales capables de se projeter dans des zones de conflit non européennes.

La prolifération des menaces asymétriques et hybrides un peu partout dans le monde, a amené les armées modernes à revoir la doctrine de déploiement et d’emploi des forces en opérations militaires. Le recours à des forces réduites et très mobiles, capables de s’intégrer à tous types de terrain, d’évoluer dans des milieux hostiles, de pénétrer au cœur des populations locales est la nouvelle stratégie en vogue actuellement partout dans le monde. Ce genre de boulot est l’œuvre des forces spéciales qui agissent en équipes réduites et autonomes, font des actions commandos dans la profondeur des lignes ennemies, du renseignement au sein des populations civiles et du captage des transmissions de l’ennemi. Elles ont un rôle ponctuel mais à portée stratégique : la célérité et la surprise dans l’action étant primordiales. L’approche de ces unités d’élite insiste sur le renseignement (collecte, analyse et traitement des informations recueillies) pour mieux connaitre les réseaux adverses, et sur la détection et l’élimination ciblée des membres au sein de la population ainsi que des chefs militaires.

Il est vrai que ces pratiques ne s’improvisent pas et exigent des hommes soigneusement sélectionnés aux nerfs d’acier (véritables cyborgs), aussi intelligents que physiques, afin de contrer l’adversaire sur son propre terrain avec des techniques de combats similaires aux siennes. C’est bien dans ce cadre que le Special Operations Regiment sera mis en place  en Belgique.


Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Références

[1] http://desc-wondo.org/fr/opinion-lutopie-dune-guerre-entre-la-russie-et-les-etats-unis-en-ukraine-jj-wondo/#sthash.CQNAfX5Z.dpuf. Lire aussi Barthélémy Courmont et Darko Ribnikar, Les guerres asymétriques. Conflits d’hier et d’aujourd’hui, terrorismes et nouvelles menaces, IRIS, Paris, 2002, p.79.

[2] En effet, lorsque George Bush est devenu, le 20 janvier 1989, le 41ème président des Etats-Unis d’Amérique, il était conscient qu’un « gigantesque travail l’attendait » sur la scène internationale mais il ne pouvait pas prévoir qu’un nouvel ordre mondial émergerait aussi rapidement. Ce n’est que deux ans plus tard, le 6 mars 1991, devant les deux chambres du Congrès réunies, qu’il prononce pour la première fois l’expression « nouvel ordre mondial », consécutif à l’effondrement du bloc communiste et à la guerre du Golfe.

[3] Zbigniew Brzezinski, Le grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde, Fayard/Pluriel, Paris, 1997, p.16.

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