Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 17-11-2025 08:15
735 | 1

17 novembre 2014 – 17 novembre 2025 : cri de détresse du Lt-Col Birotsho depuis la prison de Ndolo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Je suis le Lieutenant-Colonel Birotsho Nzanzu Kossi. Officier des FARDC, expert en renseignements militaires au sein de la 34ᵉ région militaire au Nord‑Kivu et particulièrement spécialisé dans le suivi des opérations contre les ADF. J’ai consacré ma carrière à la sécurité nationale. Formé à la Kaweweta Military Training School en Ouganda, complété par un encadrement belge à Kinshasa en 2005, diplômé en sciences politiques et administratives de l’Université de Goma, j’ai toujours servi la République avec loyauté. Pourtant, depuis onze ans, je suis enfermé dans une injustice qui détruit ma vie.

Le 22 octobre 2014, j’ai été arrêté à Beni par le général Munkutu Kiyana Thim, décédé entretemps., dans le cadre de l’affaire de l’assassinat du Colonel Mamadou Ndala. Le 17 novembre 2014, la Cour militaire opérationnelle du Nord‑Kivu m’a condamné à mort, sur la base d’accusations affirmant que j’aurais fourni des uniformes militaires et l’itinéraire du Colonel Ndala à des membres de la rébellion ADF. Cependant, aucune preuve matérielle n’a été présentée au procès. Les seuls éléments retenus étaient des témoignages fabriqués et des allégations mensongères.

Comme le rapportait Afrikarabia, qui dénonçait le rôle de “bouc émissaire” qu’on me faisait endosser : « Aucun élément et aucune preuve n’ont été présentés devant la Cour, sinon les allégations calomnieuses du fameux témoin, fabriquées de toute pièce pour trouver un bouc émissaire et dédouaner certains de la vérité des faits. » Les témoins à décharge ont été intimidés ou arrêtés. (https://afrikarabia.com/wordpress/mamadou-ndala-le-lieutenant-colonel-bichoro-veut-faire-eclater-la-verite/)

Les informations d’Afridesk ont également montré que les militaires de l’unité commandée par le Général Akili Muhindo, dit “Mundos”, proche de l’ancien Président Joseph Kabila, étaient présents dans la région en 2014, envoyés comme renforts auprès du Colonel Ndala, et avaient été aperçus autour du véhicule en flammes du Colonel. (https://afridesk.org/ndala-complement-denquete-arret-sur-images-desc/).

Plusieurs sources citées par Afrikarabia mentionnaient aussi une rivalité entre les deux hommes, tandis que des rapports du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) indiquaient que Mundos était potentiellement impliqué dans certains massacres attribués aux ADF.

Le Lieutenant-Colonel Birotsho Nzazu et son avocat – Photo Afridesk

Le même jour que ma condamnation, j’ai été transféré clandestinement à Kinshasa, non pas dans une prison — comme l’impose pourtant la loi pour un condamné — mais à la direction générale de l’Agence nationale de renseignements (ANR), dans le bureau de son Administrateur général de l’époque, Kalev Mutondo. J’y ai été enfermé dans un cachot pendant quatre ans et trois mois, du 17 novembre 2014 au 29 janvier 2019, dans des conditions inhumaines, totalement coupé de mes proches. Cette détention secrète et illégale n’a jamais fait l’objet d’une alerte publique de la part d’aucune organisation de défense des droits humains.

Depuis le 29 janvier 2019, après la passation de pouvoir entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, je suis détenu à la prison militaire de Ndolo, toujours sous l’effet d’un arrêt inconstitutionnel. J’ai pourtant introduit des demandes répétées pour que mes droits fondamentaux, notamment celui d’interjeter appel, soient rétablis.

La base légale de la Cour militaire opérationnelle se trouve à l’article 18 de la loi n°02/2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, avec une particularité : l’article 87 stipule que « les arrêts rendus par les cours militaires opérationnelles ne sont susceptibles d’aucun recours ». Or cette juridiction a continué de fonctionner après la promulgation de la Constitution du 18 février 2006, qui garantit explicitement le droit de la défense, le droit à un procès équitable et le droit au recours, conformément aux articles 61 et 156. Le double degré de juridiction est désormais constitutionnellement obligatoire.

Ainsi, la contradiction manifeste entre l’article 87 du Code judiciaire militaire et l’article 61 alinéa 5 de la Constitution constitue une violation grave de l’ordre juridique, rendant ma condamnation nulle de plein droit selon l’article 162 de la Constitution, qui stipule que tout acte non conforme à la Constitution est nul.

Onze ans se sont écoulés. Je lance un appel solennel pour dénoncer le caractère arbitraire, inéquitable et inconstitutionnel de mon procès. Je lance un appel de détresse au Président de la République, Son Excellence Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo ; au Ministre de la Justice, Son Excellence Guillaume Ngefa, qui a lui-même expérimenté les violations des droits humains ; aux autorités judiciaires congolaises ; aux défenseurs des droits humains ; ainsi qu’à l’opinion nationale et internationale.

Comme l’écrivait Afrikarabia, il est temps d’établir « la vérité des faits et mon innocence ».

J’ai toujours dénoncé, avec loyauté et patriotisme, l’existence d’un réseau interne et externe des ADF infiltré dans l’armée. Si je suis encore en vie aujourd’hui, je reste capable d’apporter mon expertise et mon expérience dans la lutte contre ces groupes armés.

Le Lieutenant-Colonel Birotsho Nzazu et son avocat – Photo Afridesk

La restauration de l’État de droit sous l’autorité du Président Tshisekedi exige que la vérité soit pleinement rétablie sur les événements qui se sont déroulés à Beni et que mon procès soit réexaminé avec impartialité, ou à défaut que soit envisagée une grâce présidentielle.

Je demande qu’on regarde mon dossier.
Qu’on reconnaisse la vérité.
Qu’on corrige l’injustice.
Qu’on me rende mon droit d’appel.
Qu’on me rende ma dignité.
Qu’on me rende ma vie.

Je suis un homme, un père, un citoyen, un officier de la République patriote, loyaliste et intègre.
Je ne demande pas un privilège. Je demande la justice, celle que la Constitution garantit à chaque Congolais.

« Que mon cas soit réexaminé avant que le pire n’arrive. » Je ne veux pas mourir en prison pour un crime que je n’ai pas commis. Je ne veux pas que ma famille porte indéfiniment le poids d’un mensonge d’État. Il est temps de réformer un Code judiciaire militaire congolais qui détruit tant de vies, et de réparer les injustices commises par la Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu sous l’ancien régime.

Dans le cadre des réformes annoncées par le Gouvernement, mon dossier, comme celui de tous les justiciables condamnés par cette juridiction exceptionnelle, doit être revu par les autorités compétentes. Seul le rétablissement de la justice et le respect de la Constitution permettront que je retrouve, avec dignité, la liberté et la reconnaissance de mon innocence.

Je suis le Lieutenant-Colonel Birotsho Nzanzu Kossi,
et ceci est mon appel de détresse.
Mon cri à la Nation congolaise..
Mon dernier espoir.


Pour le Lieutenant-Colonel Birotsho Nzanzu Kossi
Par sa fille, Adèle Birotsho
Texte relu et adapté par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
1

One Comment “17 novembre 2014 – 17 novembre 2025 : cri de détresse du Lt-Col Birotsho depuis la prison de Ndolo”

  • Adèle Birotsho

    says:

    Que la justice soit rendu

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 25 Nov 2025 07:12:41| 98 0
RDC : selon un rapport de la Fondation Bill Clinton pour la Paix, 21 généraux des FARDC sont détenus à la prison militaire de Ndolo, dont seulement deux sont condamnés
La Fondation Bill Clinton pour la Paix (FBCP) a publié un nouveau rapport dénonçant les mauvaises conditions de détention dans… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 25 Nov 2025 07:12:41| 1304 0
ATHENA Briefing – L’Afrique des Grands Lacs : Les raisons d’une crise régionale sans fin – JJ Wondo
ATHENA BRIEFING Le 13 octobre 2025, 17:00-19:00 - Royal Military School (Brussels) Evénement destiné à un cercle fermé Contexte Depuis… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DROIT & JUSTICE | 25 Nov 2025 07:12:41| 5162 4
Justice militaire en RDC : l’urgence de suspendre les procès en cours et de réexaminer les dossiers
Il est urgent de réexaminer les dossiers de certains généraux actuellement détenus à la prison de Ndolo, dont je considère… Lire la suite
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 25 Nov 2025 07:12:41| 940 2
Deuxième Forum Scientifique RDC-Angola
REGISTER Invités d’honneur: Ambassadeur B. Dombele Mbala, Ambassadeur J. Smets, Ambassadeur R. Nijskens Programme : Introduction par M. Jean-Jacques Wondo, Afridesk… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK