Jean-Jacques Wondo Omanyundu
ÉCONOMIE & DÉVELOPPEMENT | 20-08-2017 06:23
8164 | 0

103 ONG congolaises jouent la carte des activistes-opposants au projet de barrage Grand Inga – S. Tshibwabwa

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

103 ONG congolaises jouent la carte des activistes-opposants au projet de barrage Grand Inga

Par Sinaseli Tshibwabwa

Introduction

C’est avec stupéfaction que nous avons lu dans l’édition en ligne du Journal Actualite.cd du mardi 15 août 2015 un article intitulé : «RDC : 103 ONG demandent au parlement d’initier une enquête sur la gestion «opaque» du projet Inga III». Nous avons été frappé d’abord par leur nombre, ensuite par leur objet social et enfin par leur démarche et leur conclusion. Ce sont 103 organisations «œuvrant dans le secteur de la gouvernance des ressources naturelles, de la promotion et protection des droits humains en République Démocratique du Congo». Comme dit dans le titre de leur communiqué, «elles demandent au Parlement d’initier une enquête sur la gestion «opaque» du projet Inga III» car elles se disent «très préoccupées par les obstacles liés à l’accès à l’information publique et à la gestion qualifiée d’opaque du projet de construction du barrage d’Inga III. En plus, elles se posent plusieurs questions liées aux enjeux et à la gestion dudit projet pour lequel, aucun mécanisme officiel d’accès à l’information publique n’est disponible et la redevabilité non définie». Elles demandent au Président Kabila de :

ordonner la publication par l’Agence pour la Promotion et Développement du projet Grand Inga (ADPI) de toutes les données disponibles en rapport avec le projet Inga (ex. le traité signé avec l’Afrique du Sud et les accords financiers) ;

placer l’Agence pour la Promotion et Développement du projet Grand Inga sous l’autorité du Premier Ministre et du Ministre de l’Énergie et Ressources Hydrauliques.

Enfin, elles terminent leur communiqué par une étonnante et surprenante conclusion : «…dans un contexte caractérisé par la mauvaise gouvernance ici traduite par l’absence de la transparence dans le développement du barrage Inga III, il n’est pas opportun de développer un grand projet tel que Grand Inga» !

Quoi de plus normal que de voir les filles et les fils d’un pays se soucier de la gestion d’un projet aussi important pour le développement de leur pays. Nous présumons que ces 103 ONG sont toutes représentées sur le terrain et qu’elles observent au quotidien les nombreuses violations des lois du pays par ceux-là mêmes qui sont appelés à bien gérer la chose publique. Pourquoi, connaissant cette situation, déclarent-elles qu’il n’est pas opportun de développer le Projet de Barrage Grand Inga ? Œuvrant dans le secteur de la gouvernance des ressources naturelles, ont-elles déjà évalué les coûts réels de «non-Inga» sur nos ressources naturelles et sur la santé humaine ? Pourquoi jouent-elles la carte des activistes-opposants au Projet de Barrage Grand Inga ? Pourquoi investir tant d’énergie pour soigner les symptômes au lieu de s’attaquer aux causes ?

 RDC, un pays hors-normes

Les 103 ONG ont donc surpris plus d’un Congolais par leur sortie avec leurs multiples demandes qui viennent de contribuer à renforcer l’illégitimité des institutions chargées de gouverner le pays. On pourrait même se demander pour qui ces 103 ONG roulent. Pourquoi ? Les membres de ces 103 ONG savent comme tous les Congolais que le Président de la République, le Parlement, le Senat, le Gouvernement Tshibala, les Gouverneurs des provinces, les Assemblées provinciales sont tous hors-mandat. Aucune de ces instances n’a de légitimité dans le pays. Leurs membres gèrent par défi la R.D.C. qu’ils ont réussi par un terrible exploit à transformer en un véritable «Far West». C’est à ce parlement hors-mandat que ces ONG s’adressent pour demander une enquête sur la gestion du barrage Inga III. Sur quelle base légale un député hors-mandat va-t-il exiger de la transparence à un président hors-mandat ? Quelle démonstration faut-il encore faire pour que certains Congolais comprennent qu’on ne peut plus demander la transparence à «des gens qui entretiennent la non-transparence» pour leurs intérêts propres et qui ont atteint leurs limites ?

Nos analystes politiques ont démontré que ce Parlement (pouvoir comme opposition) est, dans son état actuel, devenu un des piliers du pouvoir de Kabila, il bénéficie des largesses de celui-ci et il est un soutien stratégique à son maintien au pouvoir. Tous les députés sont aujourd’hui des agents du statu quo politique. Ils ne peuvent pas scier la branche sur laquelle ils sont tous assis ni cracher dans la main qui les nourrit[1].

Donc, en déposant des demandes auprès des institutions hors-mandat, ces 103 ONG leur reconnaissent une certaine légitimité et contribuent de ce fait à la confusion générale qui règne dans le pays.

À notre humble avis, ces 103 ONG devraient plutôt se joindre aux groupes de pression et à la majorité du peuple congolais qui militent pour le changement de régime politique dans notre pays. C’est ça la priorité citoyenne en ce moment. Prétendre corriger les symptômes au lieu de s’attaquer à la cause n’apportera aucune solution à l’objet de leurs inquiétudes à savoir la transparence dans la gestion et la bonne gouvernance en R.D.C., aujourd’hui pays hors-norme.

Les sous-entendus du communiqué des 103 ONG

Pour prétendre œuvrer dans un secteur quelconque, il faut en maîtriser les connaissances de base. On ne s’improvise pas défenseur des ressources naturelles de notre pays si on ne connait pas sa grande diversité et son importance. À titre d’exemple, aujourd’hui que la même équipe dirigeante du pays ne s’occupe ni de l’élevage bovin et de la volaille, ni de la pisciculture, ni de la pêche, etc., la population exploite en désordre tout ce qu’elle peut tirer de nos forêts comme source de protéines animales ou végétales. Visitez le marché central de Kinshasa pour vous en rendre compte : crabes, escargots, grillons, criquets, chenilles, serpents, tortues, crocodiles, oiseaux, singes, rats, chauve-souris, etc. Il en est de même pour les espèces végétales. Si on ne fournit pas de l’électricité à la population pour lui permettre de revoir les méthodes de production des protéines animales, ces ressources naturelles vont disparaître comme ont disparu déjà certaines espèces de poissons qui ont été surexploitées[2].

Nous donnons cet exemple pour forcer ces ONG à évaluer l’impact et les coûts réels de «non-Inga» sur notre environnement et sur notre population. Dans la série d’analyses que nous avons publiées, nous donnons toujours beaucoup de références pour permettre aux compatriotes de vérifier ce que nous disons et surtout de mettre à jour leurs connaissances sur différents sujets traités. Hélas, ce genre de communiqué nous montre que très peu prennent la peine de lire, donnant ainsi raison à ceux qui se plaisent à dénigrer les Peuples Noirs en déclarant que «si vous voulez cacher une information à un Noir, mettez-la par écrit, car ils ne lisent pas».

Nous vous invitons à lire ou relire sur le site www.afridesk.org notre analyse intitulée : «Barrage Grand Inga : son avenir est-il menacé ? Partie 3 – 5e argument : Déplacements des communautés locales – Notre vision»[3] Dans cette analyse, nous y avons non seulement donné notre vision sur les avantages pour les communautés locales de développer tout le «Trigone de la Puissance Énergétique du Congo» (le site d’Inga) mais aussi, encore une fois, dénoncé les campagnes des activistes-opposants au Projet de Barrage Grand Inga, plus particulièrement celles de l’ONG américaine «International Rivers». Cette dernière avait publié un guide destiné à nos compatriotes du Congo-Central et intitulé : «Les barrages africains, les fleuves et vos droits – Guide pour les communautés affectées par le barrage Inga 3»[4]. Nous avons formulé à l’époque des critiques justifiées sur ce guide. Le présent communiqué des 103 ONG est malheureusement inspiré de ce guide de l’ONG «International Rivers». Il n’est pas étonnant de les voir aboutir à une conclusion rejoignant l’objectif poursuivi par cette ONG à savoir : «il n’est pas opportun de développer un grand projet tel que Grand Inga». Comme d’habitude, nous nous posons naïvement les questions suivantes : Pourquoi certains de nos compatriotes soutiennent-ils des campagnes dirigées contre le développement de notre pays ? Pourquoi refusent-ils de voir les véritables enjeux derrière ces campagnes ? Quelles relations ces 103 ONG entretiennent-elles avec l’ONG «International Rivers» ? Ces questions ne sont pas aussi naïves que ça. Elles sont plutôt inquiétantes. Pourquoi ?

Nous vous invitons encore une fois de lire sur le site www.afridesk.org notre dernière analyse intitulée : «RDC – Projet Grand Inga : Les solutions alternatives des activistes opposants – Limites et inconvénients des microcentrales pour la RDC». En plus d’y avoir démontré que la solution des microcentrales hydroélectriques comme alternatives au Projet de Barrage Grand Inga ne présentait d’intérêt que comme infrastructure complémentaire à Grand Inga, nous y avons aussi dénoncé une sortie des organisations de la société civile congolaise qui, dans une conférence de presse organisée le jeudi 6 juillet 2017[5], s’était encore une fois référée aux résultats de l’enquête de l’ONG américaine «International Rivers». Cette enquête intitulée «Endettement à l’aveuglette : analyse économique du projet d’Inga 3 en RDC»[6] a permis à ces organisations d’aboutir à la conclusion que le Projet de Barrage Grand Inga est un «projet financièrement à hauts risques pour le contribuable congolais». Le type de conclusion attendue par l’ONG «International Rivers» qui ne va pas manquer dans un proche avenir de s’en servir dans ses campagnes. Que pensent les économistes congolais des résultats de cette enquête quand on connait l’objectif poursuivi par l’ONG «International Rivers» dans ses virulentes campagnes ? Scientifiquement parlant, les résultats de ce genre d’enquête non neutre devraient être tout simplement rejetés car fortement orientés par l’objectif poursuivi par «International Rivers», commanditaire de l’enquête. Qu’est-ce qui se cache derrière l’acharnement de cette ONG étrangère ? Rappelons encore une fois qu’aucune de ces 103 ONG ne pourrait engager, avec acharnement, le même type d’actions contre un projet de développement sur le sol des États-Unis d’Amérique.

Plus de 50 ans après l’indépendance, les Congolais devraient se libérer mentalement et faire confiance à leurs experts plutôt qu’adopter naïvement et aveuglement des études effectuées sur leur pays par des étrangers. Nous leur recommandons le livre d’un de nos grands penseurs, le feu Mabika Kalanda (1965) : «La remise en question – Base de la décolonisation mentale». S’il n’y a pas décolonisation mentale, nous continuerons à consommer les productions scientifiques des autres[7] et, plus graves, nous leur céderons notre droit à l’autodétermination, notre droit à organiser notre territoire selon notre propre vision.

Véritables enjeux du projet de barrage Grand Inga

Nous avons été aussi surpris par une déclaration de ces 103 ONG : «elles se posent plusieurs questions liées aux enjeux…du projet Inga 3». Si elles ne connaissent pas les enjeux du Projet de Barrage Grand Inga, pourquoi dès lors déclarer qu’«…il n’est pas opportun de développer un grand projet tel que Grand Inga» ?

Nos compatriotes devraient connaître les véritables enjeux du Projet de Barrage Grand Inga, enjeux que nous avons largement décrits dans nos différentes analyses sur le site www.desc-wondo et wwww.assomar.org. Nous conseillons à ces ONG de les lire avant de faire des déclarations suicidaires. Tout patriote devrait soutenir dans toutes les tribunes le développement de tout le «Trigone de la Puissance Énergétique du Congo» qui fournira une puissance installée de 46 000 MW ! Toute autre attitude pourrait être taxée de haute trahison.

Malgré la désastreuse situation politique de notre pays, il ne faut jamais demander l’arrêt des investissements pour la mise en valeur du site d’Inga. Le faire, c’est contribuer au projet de destruction de notre peuple, c’est manquer de vision pour notre pays. Il y va de notre survie, de notre développement et du développement de toute l’Afrique noire. Nos analyses stratégiques mettent en évidence des corrélations fatales pour la R.D. Congo. Nous vous invitons à faire comme nous l’exercice suivant : Écrivez sur un tableau noir ou une carte géographique de notre pays les 10 éléments suivants :

  1. Le Projet Transaqua ;
  2. Le Projet Oubangui ;
  3. Les différents mouvements d’extermination et déplacements des groupes ethniques à l’intérieur du Congo (à l’Est et maintenant au Centre-Sud) avec la complicité de nos dirigeants actuels ;
  4. La pollution de l’environnement (y compris les nappes phréatiques et les rivières) ;
  5. Le pillage des ressources naturelles ;
  6. Les campagnes des activistes-opposants au Projet de Barrage Grand Inga ;
  7. Le découpage du territoire national en provincettes ;
  8. Le projet de balkanisation du Congo ;
  9. La désorganisation du système éducatif ;
  10. L’infiltration des services de sécurité du pays.

Ensuite, faites ressortir les liens qui existent entre ces dix éléments à la lumière du silence assourdissant de l’ONU et de toute la «nébuleuse communauté internationale», de certaines ONG et institutions scientifiques occidentales, africaines et congolaises. Si vous réussissez cet exercice, vous comprendrez que le Congo, notre pays, est vraiment menacé en tant que nation souveraine. Et qu’il ne faut pas jouer la carte des activistes-opposants au Projet de Barrage Grand Inga. 

Conclusion

Les 103 ONG congolaises se sont trompées de cible. On ne peut pas soigner les symptômes sans s’attaquer à la cause. Dans l’état actuel de notre pays, toutes les organisations devraient s’unir et se mettre derrière les groupes qui militent pour une alternance au pouvoir. L’équipe en place n’a plus de légitimité, donc lui adresser des demandes, c’est lui reconnaitre cette légitimité qu’elle n’a plus. Nous ne cesserons jamais de le dire, le Barrage Grand Inga doit être construit. Si le dictateur Mobutu avait cédé aux critiques sur la construction d’Inga 1 et 2, une grande partie du Congo et des pays voisins seraient encore dans l’obscurité.

Chers compatriotes, ne vous laissez pas séduire et corrompre par les discours alléchants de ceux qui creusent la tombe de la R.D. Congo parmi lesquels les activistes-opposants au Projet de Barrage Grand Inga. Qui connait mieux vos besoins que vous-mêmes ? Qui connait mieux votre pays que vous-mêmes ? A-t-on vraiment besoin qu’un économiste étranger (tel ce M. Tim Jones, auteur de l’enquête économique de l’ONG «International Rivers» citée ci-dessus, lui qui vit dans une ville éclairée jour et nuit) vienne nous dire que mettre en valeur le site d’Inga n’est pas bon pour nous ?

Le régime politique changera tôt ou tard, le pays sera entre les mains des visionnaires et d’excellents gestionnaires, alors, et alors seulement, nous pourrons tous lui appliquer des critères d’analyse et les exigences d’un État moderne. Les mauvais gestionnaires d’aujourd’hui rendront compte demain, sans exception.

Sinaseli TSHIBWABWA

Biodiversité des Poissons d’Eau douce d’Afrique & Écologie des Eaux Continentales

sinaseli@hotmail.com ou longeshas2014@gmail.com

Références

[1] Lire à ce sujet de nombreuses analyses produites par J.B. Kongolo, J.J. Wondo, B. Musavuli, etc. sur ww.afridesk.org.

[2] (Écoutez à ce sujet l’interview par Radiookapi du Prof. Mutambwe Shango de l’Unikin sur le lien suivant : www.radiookapi.net/2016/05/26/emissions/…/limportance-de-la-pisciculture-en-rdc).

[3] https://afridesk.org/fr/barrage-grand-inga-son-avenir-est-il-compromis-sinaseli-tshibwabwa/

[4] Sanyanga, R., Kirk Herbertson, J.D. et Lien De Brouckere, BA. Les barrages africains, les fleuves et vos droits. Guide pour les communautés affectées par le barrage Inga 3. Programme international de développement durable de la faculté de droit, Université de Washington. Ed. International Rivers. People-Water-Life

[5] Nsomue, Dorcas : Inga III : risque d’endettement de 22 à 70 milliards Usd pour la RDC. In Le Phare du 10 Juil. 2017

[6] https://www.internationalrivers.org/sites/default/files/attached-files/in_debt_and_in_the_dark_french_0.pdf

[7] Tshibwabwa, Sinaseli, 2016. Les Scientifiques congolais et la Remise en question : Base de la décolonisation mentale de Mabika Kalanda (1965). In Tshisungu wa Tshisungu, J., (eds) ; 2016. De la décolonisation mentale. Mabika Kalanda et le XXIe siècle congolais. Ed. Glopro, Toronto/Canada ; 301 p.

 

 

0

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 04:13:53| 1190 0
L’ombre structurante de Heritage Foundation sur la RDC : Une paix minée par des intérêts stratégiques et personnels
Résumé: Cet article examine l’accord tripartite signé le 27 juin 2025 entre les États-Unis, la République démocratique du Congo (RDC)… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 04:13:53| 649 0
Un hommage poignant de JJ WONDO à sa fille MAZARINE WONDO en ce jour d’anniversaire, malgré l’injustice de son incarcération
"Joyeux Anniversaire à la très inspirée et exceptionnelle MAZARINE WONDO. Je t'envoie plein de Bisous,d'Amour et de Bénédictions. Nous sommes… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 04:13:53| 1530 0
RDC : Dossier Jean-Jacques Wondo, la défense contre-attaque et démonte toute l’accusation
Le dossier de la téléphonie sur lequel repose l’accusation apparaît comme un enorme montage pour accuser l’expert belge. Le procès… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK