Une nouvelle rébellion des éléments de la GR en gestation au Katanga ?

 Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Une source militaire de la Garde républicaine à Lubumbashi vient de nous signaler qu’une compagnie d’environ 250 soldats du 4^ème bataillon du 16^ème régiment de la 11^ème brigade de la Garde républicaine (GR) a déserté dans la nuit du 1^er au 2 octobre 2015 du camp Kimbembe à Lubumbashi où elle était casernée GR. D’après la source, la compagnie en cavale est sous les ordres d’un certain Commandant Kilo, nom de code non autrement identifié. Le Camp Kimbembe est situé non loin de la ferme présidentielle de Manika à 30 km à l’ouest de Lubumbashi.

Ce qui est inquiétant est que le groupe des fugitifs s’est enfuie avec armes lourdes, munitions et surtout des missiles sol-air portatifs SAM-14 et SAM-16[1] Gimlet. Il s’agit de missiles portatifs à très courtes portées de fabrication russe ou soviétique pour assurer la protection rapprochée des sites sensibles et des positions des troupes et des personnalités. Les missiles SAM utilisés sont majoritairement de type Igla. Ils peuvent être utilisés à l’épaule ou sur des supports fixes ou mobiles (4X4). 

D’après une autre source des renseignements militaires, le vol de ces missiles mettrait en danger les dispositifs de décollage et d’atterrissage des avions et des hélicoptères présidentiels.

Selon une autre source de la 22^ème région militaire à Lubumbashi, les généraux Gaston Ilunga Kampete, le Commandant de la GR et Jean Claude Yav, le responsable des renseignements militaires des FARDC, l’armée congolaise, se trouvent actuellement à Lubumbashi depuis le vendredi 2 octobre à 23 heures. Ils sont accompagnés d’un régiment commandos de la GR, d’environ 1500 hommes. Ils ont pour mission de rechercher les déserteurs et de boucler la frontière zambienne, mais pas le poste frontalier de Kasumbalesa pour ne pas attirer la curiosité de la population, afin de les empêcher d’atteindre la Zambie. Leur deuxième mission consiste à « arrêter et liquider  les mutins ».

Il semblerait que cette compagnie en désertion aurait des complices au Camp Tshatshi et même au casernement des GR à Kibomango. Ce sont les jeunes soldats des autres compagnies stationnées au Camp Kimbembe qui « ont vendu la mèche » au commandant de la 11^ème brigade GR, le général Etienne Monga. Il semble qu’ils ont également été contactés mais qu’ils ont refusé de suivre le mouvement.

Depuis une dizaine de jours, les renseignements militaires congolais, aidés par les FSB, les services secrets russes, ont reçu des rumeurs d’une action contre le président Joseph Kabila. L’analyse et l’évaluation de la menace opérées par les FSB ont conseillé à Kabila de ne pas sortir du pays, et surtout de ne pas se rendre à New-York.

Concernant le vol des Manpads (4 lanceurs et les missiles SA-14/16), on nous signale qu’il a été perpétré ont était voler bien avant la défection de la compagnie de la GR de Kimbembe. Les vérifications sont en cours pour identifier où se trouvent ces armes, notamment à Kinshasa.

La sérénité n’est plus la même dans le pré-carré militaire de Kabila

C’est ce qui nous revient d’une autre source militaire à Kinshasa qui signale un climat de peur dans l’entourage présidentiel. « Kabila a annulé tous ses rendez-vous prévus la semaine passée. Le président ne reçoit pas sauf si c’est lui qui décide de rencontrer une personne bien précise. Seuls les généraux ainsi que les chefs des services de sécurité ont accès à lui. Le président s’est muré dans un silence complet. Les récents évènements l’ont beaucoup perturbé, surtout la défection de Mwando Nsimba en qui il faisait beaucoup confiance ».

Et la source de nous confirmer : « Quand le patron ne réside plus au DPN (domaine présidentiel de la N’sele dans la banlieue de Kinshasa ou dans sa ferme de Kingakati-Buene dans la périphérie de la capitale, deux zones isolées, mais au GLM (L’ex concession du Groupe Litho Moboti, un parent de Mobutu) à Gombe, en plein centre-ville de Kinshasa, ça montre que le patron craint pour sa sécurité. Ici au sein du pré-carré présidentiel, on prévoit que 2016 sera une année très difficile pour le patron. C’est ainsi par exemple que dans chacun des six postes de garde qui entourent la résidence du GLM, on a déployé des blindés BMp-1. Il n’y a plus la même sérénité ni les mêmes assurances des mois passés ici et les événements du Burkina Faso sèment encore de plus en plus d’incertitudes dans nos murs, je suis honnête de vous l’avouer, cher Wondo ».

Ces derniers jours, des mesures drastiques supplémentaires de sécurité ont été prises pour assurer la sécurité du président. C’est le cas notamment de l’interdiction formelle de naviguer sur le fleuve Congo à partir de 19 heures jusqu’à 6 heures. On a également renforcé la sécurité dans tous les sites stratégiques (Présidence, RTNC, aéroports, etc.). Par ailleurs, toutes les autorisations de sortie des officiers doivent désormais être visées par le Chef de la maison militaire du Président de la république. Les mesures de surveillance des ambassades et missions diplomatiques occidentales en RDC ont également été renforcées en plus des dispositifs d’interception des communications.

D’autres mesures d’interdiction de sortie des officiers généraux et supérieurs vers les pays de l’Union européenne ont été prises par la maison militaire du Président. À l’exception de John Numbi qui se trouverait encore (ou du moins à été récemment) en vacances en Italie à Sacello où résident sa femme et ses enfants. Selon une source, il n’est pas exclu que Numbi soit le dauphin de Kabila. Selon cette source, « il existerai un pacte secret entre les deux hommes depuis la débâcle militaire des FAC, l’armée RD Congolaise sous Laurent-Désiré Kabila, à Pweto en 2000, face au RCD-Goma soutenu par l’armée Rwandaise ». L’épilogue du procès en appel de Chebeya pourrait être une étape vers sa réhabilitation. Selon ce pacte, John Numbi serait le dauphin de Joseph Kabila s’il arrivait que ce dernier s’éclipse du pouvoir.

Mais DESC estime que cette formule passera mal auprès de l’opinion nationale et internationale. L’affaire Chebeya a condamné le plan de l’alternative Numbi, surtout sur le plan international. Numbi renvoie la même image que le général Burkinabé Diendéré. Ils sont soupçonnés d’être impliqués dans des cas d’assassinats politiques dans leurs pays respectifs. Cette stratégie ne passera ni dans l’armée, ni au sein de la population, encore moins pour les ONG des droits de l’homme. D’autant que petit à petit, la page des généraux-présidents est en train de tourner en Afrique. Au sein de l’armée, ce choix divisera davantage le pré-carré militaire de Kabila, notamment le camp composé par les généraux Olenga, les frères Yav et Ilunga Kampete. Ces derniers mènent une guerre de tranchées à distance contre le général Numbi qu’ils considèrent comme un agent du Rwanda en RDC, pour avoir été mandaté par Kabila pour négocier en secret les modalités de l’opération militaire conjointe Umoja wetu en janvier 2009, entre les armées rwandaise et congolaise au Nord-Kivu[2].

Une vérité étouffée sous forme de rumeur pour banaliser et désamorcer cette patate chaude?

L’affaire de cette désertion est gérée en toute discrétion pour ne pas ameuter les gens. Jusqu’à présent les poursuivants ne sont pas encore parvenus à identifier les déserteurs. La menace sécuritaire depuis la rentrée politique du 15 septembre est telle que le patron n’est plus allé à l’assemblée générale de l’ONU, déconseillé à la fois par les FSB russes et la délégation du ministre des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda qui était partie en éclaireur pour tâter l’atmosphère diplomatique et mener en vain des actions de lobbying pro-Kabila à Washington et à New-York.

Par ailleurs, la source nous avoue que la Garde républicaine connait des clivages sérieux car la plupart de ces déserteurs sont des ethnies Lamba, Sanga et Bemba, proches de Moïse Katumbi qui sont opposés aux Lubakat et Rund ou Lunda.

Dans deux tweets publiés ce samedi 3 octobre, Moïse Katumbi a écrit « Rumeur de fausse rébellion armée pour me nuir ; pur montage, pas besoin d’armes quand le combat pacifique est juste » et « Mon combat est & restera pacifique. Même si certains voudraient le faire croire, je n’ai jamais utilisé d’armes & ne commencerai pas aujourd’hui ». Une façon pour Katumbi de couper court à ceux qui voudraient lui attribuer le parrainage de cette désertion que certaines sources qualifient de coup monté dans le seul objectif de lui chercher des ennuis judiciaires[3].

A Kinshasa, il semble que le général Christian Tshiwewe, le numéro 2 de la GR et un de ses adjoints ont tenu une causerie morale aux militaires GR de la capitale le vendredi 2 octobre 2015, en l’absence du commandant de division Ilunga qui préparait et planifiait sa descente pour Lubumbashi avec le régiment commandos. Dans leur message, « ils ont demandé aux soldats de se tenir à l’écart des affaires politiques et de faire leur job. Le conflit des politiciens n’est pas leur affaire ». Dans un échange avec un sous-officier de la GR de Kibomango, parlant de la position de la GR par rapport à la détérioration du climat politique en RDC, ce dernier nous a confié : « Nous, nous sommes apolitiques et en train d’observer… ».

Rappelons qu’en aout 2014, lors du déplacement du président Kabila au sommet Etats-Unis – Afrique, une centaine d’officiers GR, proches de John Numbi, l’ancien Commissaire général de la Police nationale congolaise sous suspension, avaient menacé d’opérer un putsch contre Kabila s’il ne réhabilitait pas Numbi comme il l’a fait pour Gabriel Amisi « Tango Four »[4], nommé commandant de la 1^ère zone de défense couvrant les anciennes provinces opposées de l’Equateur, Bas-Congo, Kinshasa, opposées à Kabila et la province du Bandundu.

Dans notre analyse intitulée : « Ma lecture 2 – RDC 2016 : Equations, les hommes en vue et mes craintes », nous avons relevé une grande probabilité de la survenance en RDC d’une situation similaire au Burkina Faso, dans toute sa latitude. Sur base des informations crédibles, nous avons particulièrement attiré l’attention sur la Garde républicaine qui peut opérer un coup d’état à la fois en faveur ou contre Kabila[5].

Cette éventualité a également été évoquée par l’ancien secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, Herman Cohen, qui a déclaré sur Al Jazeera que la Garde Républicaine était divisée et qu’une grande partie de ses troupes ne défendrait plus Kabila si ce dernier s’obstinait à se maintenir au pouvoir ou à « glisser »[6].

A notre niveau, on estime que cette désertion ne peut pas être le seul fait des troupes sans qu’il y ait des complicités au sein de la haute hiérarchie de la GR et des services de renseignement militaire. Il y a sûrement une main noire derrière cette défection. De même, s’il s’agit d’une simple rumeur, on suppose aussi qu’il y a quelqu’un qui tire les ficelles derrière tout cela, dans quel but ? Tout comme au Burkina Faso où une source militaire burkinabé nous à confié que la débâcle du RSP, l’ex-garde présidentielle burkinabé, face aux forces loyalistes des FAN (Forces armées nationales) burkinabé a été précipitée grâce au soutien de feu d’une puissance occidentale, non autrement identifiée, comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire où la garde de Laurent Gbagbo a été vaincue par les milices des pro Ouattara. De même, tout porte à croire que les événements en cours en RDC en général et au Katanga en particulier, pourraient suivre la même logique qu’au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire.

Enfin, au niveau de l’entourage de Kabila, il n’est pas exclu que ses collaborateurs fassent croire que ce sont eux qui ont diffusé les premiers l’information de la désertion de la compagnie des GR dans le but d’accabler Katumbi ou tout autre cadre du G7 plus tard. Il s’agit d’une technique de désinformation et d’intoxication bien rodée dans les milieux des renseignements. Mais compte tenu de la masse d’informations reçues par DESC, dont certaines non diffusées pour garantir la sécurité de nos sources, nous (JJW) sommes fermement persuadé qu’il y a vraiment un malaise et un souci majeurs suite à la disparition des missiles. Et la guerre d’information à laquelle nous assistons consiste en réalité à minimiser l’affaire et à détourner l’attention de l’opinion sur cette patate chaude qui donne effectivement des sueurs froides au pré-carré militaire.

Les prochains jours seront sans doute révélateurs et nous fixeront davantage s’il s’agit d’une simple rumeur ou d’une vérité étouffée dans le but de voiler la fragilité du dispositif militaire de Kabila. Une situation extrêmement préoccupante qui dérange le cercle sécuritaire présidentiel qui la prend très au sérieux, nous avoue notre source principale.

Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC

PS: Nous avons pris la mesure du risque de publier ces informations, malgré le fait que nos sources nous aient averti que leur sensibilité et le degré ultra secret de leur traitement pousseraient les renseignements militaires congolais de lancer une cyberattaque foudroyante contre DESC, comme ce fut le cas en juillet.

Références

[1] Ces missiles sont le Sa-7, le SA-14, le SA-16 et le SA-18. Les missile sol-air SA-14et SA- 16 peuvent atteindre une portée maximale de 6 000 mètres et une altitude maximale de 5 000 mètres. Il est muni d’une technologie de dernière génération de guidage, de suivi et de fixation de la cible, et de détecteur de proximité. Il est actuellement en service un peu partout dans le monde, notamment dans l’armée algérienne, en Syrie, en Ukraine ou en Lybie.

[2] http://afridesk.org/john-numbi-et-joseph-kabila-le-desamour-apres-la-lune-de-miel/#sthash.ca9PFPHE.dpuf

[3] J Kabila crée une rébellion à Kundelungu pour faire arrêter Moïse Katumbi : http://vacradio.com/2015/10/03/rdc-joseph-kabila-cree-une-rebellion-a-kundelungu-pour-faire-arreter-moise-katumbi/ … pic.twitter.com/5fXOEsZu5D.

[4] http://afridesk.org/alerte-desc-la-garde-republicaine-a-menace-de-renverser-joseph-kabila/.

[5] http://afridesk.org/ma-lecture-2-rdc-2016-equations-et-les-hommes-en-vue-jean-jacques-wondo/#sthash.cWFKW9qK.dpuf

[6] https://www.youtube.com/watch?v=qwJRIXFkpco&feature=youtu.be.